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Villes/Nice/Université populaire/CR/646 mars - L'abolition du travail de Bob Black

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L'abolition du travail de Bob Black

646 mars (6 décembre 2017)

Son de l'atelier

A venir.

Présentation par Roman

Il s'agit d'une présentation du livre "L'abolition du travail" de Bob Black disponible ici : https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Abolition_du_travail Le livre étant assez clair, il y a beaucoup de citations.

Le travail

Bob Black définit le travail dont il parle comme "le labeur forcé, c’est-à-dire la production obligatoire". Et il dit aussi : "Le travail est la production effectuée sous la contrainte de moyens économiques ou politiques, la carotte ou le bâton – la carotte n’est que la continuation du bâton par d’autres moyens." Donc il s'agit des activités qu'on est soit obligé de faire, par exemple obligé sinon on crève de faim, soit poussés à faire par des récompenses institutionnalisées, comme de l'argent ou des avantages.

C'est une définition qui n'est ni le travail concret producteur de valeur d'usage au sens marxiste, que Friot appelle activité pour plus de clarté, ni le travail abstrait (toujours au sens marxiste) qui est issu du statut du producteur, en tout cas pas dans sa composante communiste telle que définie par Friot. D'ailleurs à chaque fois que Bob Black parle de communisme c'est pour faire référence à l'URSS et au fait que l'Etat se substitue au marché pour décider des activités que les gens sont obligées de faire. Et de même à chaque fois qu'il parle des syndicats ou des luttes syndicales qui ont pu avoir lieu, il minimise leur portée en insistant sur le fait qu'on ne travaille pas vraiment moins qu'avant, que c'est des éléments plutôt cosmétiques etc. Il ne voit pas de révolution déjà là qui serait en train de transformer le travail depuis le 20ème siècle.
Parmi les définition qu'on a vues, sa définition se rapprocherait par exemple de celle d'Albert Jacquart, où le travail est constitué des choses qu'on n'a pas envie de faire mais qu'on doit faire quand même pour se conformer aux exigences institutionnelles. Bob Black le dit clairement : définir le travail c'est le mépriser.

Pour aller plus loin dans la description du travail, il parle de son organisation moderne, qui selon lui est la pire, et qui se fait dans le cadre de la subordination et de la surveillance, dans ce qu'il appelle la discipline.

"La discipline est constituée de la totalité des contrôles coercitifs qui s’exercent sur le lieu de travail: surveillance, exécution machinale des tâches, rythmes de travail imposés, quotas de production, pointeuses, etc. La discipline est ce que le magasin, l’usine et le bureau ont en commun avec la prison, l’école et l’hôpital psychiatrique.
Une telle horreur n’a pas d’exemple dans l’histoire préindustrielle. Elle dépasse les capacités de nuisance dont jouissaient des tyrans tels que Néron, Gengis Khan ou Ivan le Terrible. Aussi néfastes et malveillants qu’ils fussent, ces oppresseurs ne disposaient pas des moyens raffinés de domination dont profite le despotisme actuel."

Il dit par exemple :

"Selon le discours officiel, nous autres Occidentaux vivons dans des démocraties et jouissons de droits fondamentaux, alors que d’autres sont plus infortunés : privés de liberté, ils doivent subir le joug d’États policiers. Ces victimes obéissent, sous peine du pire, aux ordres, quel qu’en soit l’arbitraire. Les autorités les maintiennent sous une surveillance permanente. Les bureaucrates à la solde de l’État contrôlent jusqu’aux moindres détails de la vie quotidienne. Les dirigeants qui les harcèlent n’ont à répondre qu’à leurs propres supérieurs, dans le secteur public comme dans le privé. Dans les deux cas, la dissidence et la désobéissance sont punies. Des délateurs informent régulièrement les autorités. On nous présente tout cela comme étant le Mal.
Et en effet cette vision est effroyable, même si ce n'est rien d'autre qu'une description universelle de l'entreprise moderne."

D'ailleurs il compare le travail au sort qui est réservé aux enfants :

"Sans y trouver plus de vertu ni de raison, on peut noter que les enfants, en famille comme à l’école, subissent un traitement fort comparable, qu’on justifie dans leur cas par leur immaturité postulée. Cela en dit long sur leurs parents et leurs professeurs, ces pauvres employés..."

Donc nous serions dans une sorte de dictature pour une grande partie de notre temps, dans ce qu'il appelle "le fascisme d'usine, ou l'oligarchie de bureau", et le reste du temps ne serait consacré qu'à se remettre de cette intense torture pour être prêt à y aller à nouveau.

Il relativise le temps libre qu'on a et nous dit qu' :

"À cause du travail, nous ne cessons de regarder nos montres, quelle que soit notre activité. Le « temps libre » n’est rien d’autre que du temps qui ne coûte rien aux patrons."
"Le temps libre est un euphémisme qui désigne la manière dont la main d’oeuvre se transporte à ses propres frais pour se rendre au labeur et assume l’essentiel de sa propre maintenance et de ses réparations."

C'est d'ailleurs aussi pour ça qu'il n'est pas pour le loisir tel que nous l'entendons pour remplacer le travail, il dit au sujet des loisirs :

"Les loisirs ne produisent que du non-travail au nom du travail. Les loisirs sont composés du temps passé à se reposer des fatigues du boulot et à essayer frénétiquement, mais en vain, d’en oublier l’existence. De nombreuses personnes reviennent de vacances avec un air si abattu que l’on dirait qu’elles retournent bosser pour se reposer. La principale différence entre le travail et les loisirs est la suivante : au boulot, au moins, l’avachissement et l’aliénation sont rémunérés."

Un point aussi sur lequel il insiste c'est le problème de la division stricte du travail :

"Les gens ne se contentent pas de travailler ; ils ont des « jobs », des pseudo-métiers, et accomplissent continuellement une seule tâche productive. Même si cette dernière recèle une dimension intéressante (ce qui est le cas d’un nombre décroissant de ces jobs), la monotonie induite par son exclusivité obligatoire phagocyte tout son potentiel ludique. Un job qui pourrait engager l’énergie de quelques personnes, durant un temps raisonnable, pour le plaisir, devient un fardeau pour ceux qui doivent s’y astreindre quarante heures par semaine, sans avoir leur mot à dire sur la manière de le faire, pour le seul profit d’actionnaires qui ne contribuent en rien au projet – et sans la moindre possibilité de partager les tâches parmi ceux qui doivent vraiment s’y frotter."

Il cite à ce propos Adam Smith pour appuyer sa critique de la division du travail :

« L’intelligence de la majeure partie des hommes est nécessairement formée par leur emploi habituel. L’homme dont la vie se passe à effectuer quelques gestes simples n’a guère l’occasion d’exercer son intelligence. Il devient généralement aussi stupide et ignorant qu’il est possible à une créature humaine de l’être... »

Et enfin pour tous ceux qui ne sont pas sensibles aux arguments sur la liberté et qui sont satisfaits de l'aliénation, Bob Black met en avant les détails du désastre écologique et humain du travail, qu'on pourrait résumer par :

"Nous tuons des gens par millions dans le but de vendre des Big Mac et des Cadillac aux survivants".

L'esclavage volontaire

Bob Black nous décrit comme conditionnés à accepter l'autorité, la discipline, et donc le travail depuis tous petits. Au sujet de notre aliénation il dit :

"Les employés, enrégimentés toute leur vie, happés par le travail au sortir de l’école et mis entre parenthèses par leur famille à l’âge préscolaire puis à celui de l’hospice, sont accoutumés à la hiérarchie et psychologiquement réduits en esclavage. Leur aptitude à l’autonomie est si atrophiée que leur peur de la liberté est la moins irrationnelle de leurs nombreuses phobies. L’art de l’obéissance, qu’ils pratiquent avec tant de zèle au travail, ils le transmettent dans les familles qu’ils fondent, reproduisant ainsi le système en toutes façons et propagent sous toutes ses formes le conformisme culturel, politique et moral. Dès lors qu’on a vidé, par le travail, les êtres humains de toute vitalité, ils se soumettent volontiers et en tout à la hiérarchie et aux décisions des experts. Ils ont pris le pli."

Il ne cite pas l'exemple mais ça me fait penser un peu à ce qu'on dit de la Corée du Nord, où la population a tellement été aliénée qu'une grande partie des gens aiment sincèrement leur dictateur.

Et d'ailleurs il nous dit que :

"Nous sommes si liés au monde du travail que nous ne voyons guère le mal qui nous est fait. Il nous faut compter sur des observateurs venus d’autres âges ou d’autres cultures pour apprécier l’extrême gravité pathologique de notre situation présente."

Et là il donne des exemples d'autres civilisations aimant moins le travail que nous. Par exemple :

"Hérodite désigne le mépris du travail comme une vertu des Grecs classiques à leur apogée culturelle."
"Les Kapauku de l’ouest de la Nouvelle-Guinée ont, d’après Posposil, une conception de l’équilibre vital selon laquelle ils ne travaillent qu’un jour sur deux, la journée de repos étant destinée à « recouvrer la puissance et la santé perdues »."

Et autre exemple pendant le moyen âge :

"D’après Lafargue, un quart du calendrier des paysans français était constitué de dimanches et de jours de fêtes."

Il signale d'ailleurs que :

"Tout au long du XVIIIe siècle, des colons anglais firent défection pour aller vivre dans les tribus indiennes ou, captifs de ces dernières, refusèrent de retourner à la civilisation, tandis que les Indiens ne faisaient jamais défection pour aller vivre dans les colonies blanches – pas plus que les Allemands de l’Ouest n’escaladaient naguère le mur pour demander l’asile en RDA..."

Il développe ensuite un peu plus le cas des chasseurs-cueilleurs :

"Les chasseurs-cueilleurs travaillent beaucoup moins que nous et leur travail est difficile à distinguer de ce que nous considérons relever du jeu. Sahlins en conclut que « les chasseurs-cueilleurs travaillent moins que nous et que, plutôt que d’être une harassante besogne, la quête pour la nourriture est occasionnelle"
"Ils « travaillent » en moyenne quatre heures par jour, si toutefois on peut nommer « travail » leur activité. Leur « labeur », tel qu’il nous apparaît, est hautement qualifié et développe leurs capacités intellectuelles et physiques ; le travail non qualifié à grande échelle, observe Sahlins, n’est possible que dans le système industrialiste. L’activité des chasseurs-cueilleurs correspond ainsi à la définition du jeu selon Friedrich Schiller : la seule occasion qui permette à l’homme de réaliser sa pleine humanité en donnant libre cours aux deux aspects de sa double nature, la sensation et la pensée. Voici ce qu’en dit le grand poète : « L’animal travaille lorsque la privation est le ressort principal de son activité et il joue quand c’est la profusion de ses forces qui est ce ressort, quand la vie, par sa surabondance, stimule elle-même l’activité »."

L'abolition du travail et la révolution ludique

Pour remplacer le travail, Bob Black propose le jeu. Il s'agit de modifier profondément la nature de nos activités pour ne faire que des activités agréables en elles-mêmes.

Il dit :

"En vérité, les conséquences du jeu, lorsqu’il y en a, sont gratuites. Le jeu et le don sont étroitement liés. Ils participent, mentalement et socialement, de la même impulsion individuelle et générique : l’instinct ludique. Le jeu et le don partagent le même hautain dédain pour le résultat. Le joueur aime jouer, donc il joue. Dans l’activité ludique, la gratification principale réside dans l’activité elle-même, quelle qu’elle soit."

Quant à savoir comment on va réorganiser les tâches, il nous explique qu' :

"Il est à présent possible d’abolir le travail et de le remplacer, dans les cas où il remplit une fonction utile, par une multitude de libres activités d’un genre nouveau. L’abolition du travail exige de s’attaquer au problème d’un point de vue tant quantitatif que qualitatif. D’une part, il faut réduire considérablement la quantité de travail effectuée : dans ce monde, la majeure partie du travail est inutile, voire nuisible et il s’agit tout simplement de s’en débarrasser. D’autre part, et là se situent tant le point central que la possibilité d’un nouveau départ révolutionnaire, il nous faut transformer toute l’activité que requiert le travail réellement utile en un éventail varié de passe-temps agréables – si ce n’est qu’ils se trouvent aboutir à des produits utiles, sociaux. Voilà qui ne devrait sûrement pas les rendre moins attrayants, quand même !
Alors seulement, toutes les barrières artificielles que forment le pouvoir et la propriété privée devraient s’effondrer. La création doit devenir récréation. Et nous pourrions tous nous arrêter d’avoir peur les uns des autres."

Ca me fait un peu penser à ce qu'Engels écrivait dans l'Origine de la propriété, de la famille et de l'Etat :

"La société, qui réorganisera la production sur la base d'une association libre et égalitaire des producteurs, reléguera toute la machine de l'État là où sera dorénavant sa place: au musée des antiquités, à côté du rouet et de la hache de bronze."

Puis Bob Black va un peu plus dans le détail pour montrer des exemples de ce que peut être la transformations du travail en jeu :

"il existe des activités que les gens aiment pratiquer de temps en temps mais à petites doses, et certainement pas en permanence. On peut aimer faire du baby-sitting pendant quelques heures pour le plaisir de partager la compagnie d’enfants, mais pas autant que leurs propres parents. En revanche, les parents apprécient profondément le temps ainsi rendu disponible, même si cela les angoisserait d’être séparés trop longtemps de leur progéniture. Ces différences entre individus fondent la possibilité d’une vie de libre jeu. Le même principe s’applique à bien d’autres domaines d’activités, en particulier les plus primordiaux. C’est ainsi que de nombreuses personnes aiment cuisiner lorsqu’il s’agit de le faire à leur gré et non lorsqu’il s’agit de ravitailler des carcasses humaines afin qu’elles soient aptes à bosser."
"Fourier était passé maître dans l’art d’imaginer comment les penchants les plus pervers et les plus aberrants pouvaient être employés utilement dans la société post-civilisée, qu’il appelait Harmonie. Il pensait que l’empereur Néron n’aurait pas fait une si sanglante carrière s’il avait pu, enfant, satisfaire son goût pour le sang en travaillant dans un abattoir. Ceux des petits enfants qui aiment notoirement se rouler dans la boue étaient appelés par Fourier à se constituer en « petites hordes », chargées de nettoyer les toilettes et de ramasser les ordures ménagères – les plus méritants se voyant attribuer des médailles. Je ne défends pas ces exemples précis, mais le principe qu’ils contiennent, dont je pense qu’il est parfaitement censé et constitue l’indispensable condition d’une transformation révolutionnaire générale."

A propos du patriarcat et de la famille il nous dit :

"Pour se débarrasser définitivement du patriarcat, il faut en finir avec la famille nucléaire, lieu de ce « travail de l’ombre », non payé, lequel rend possible le système de production fondé sur le travail qui, par lui-même, a rendu nécessaire la forme moderne et adoucie du patriarcat. Le corollaire de cette stratégie « antinucléaire » est l’abolition de l’enfance et la fermeture des écoles. Il y a plus d’élèves que de travailleurs à plein temps dans ce pays. Nous avons besoin des enfants comme professeurs, et non comme élèves. Leur contribution à la révolution ludique sera immense parce qu’ils sont mieux exercés dans l’art de jouer que ne le sont les adultes. Les adultes et les enfants ne sont pas identiques, mais ils deviendront égaux grâce à l’interdépendance. Seul le jeu peut combler le fossé des générations."

Et à propos de l'art :

"L’art serait ôté des mains des snobs et des collectionneurs, aboli en tant que bibelot du passé destiné à un public d’élite. Ses qualités esthétiques et créatives se verraient rendues à la vie intégrale à laquelle le travail l’a dérobé."

Enfin j'ajouterais qu'il est un peu méfiant à l'égard de la technologie. Il nous dit :

"Le bilan historique et préhistorique de la technologie n’incite guère à l’optimisme. Depuis le passage de la chasse et de la cueillette à l’agriculture puis à l’industrie, la quantité de travail n’a cessé de s’accroître tandis que déclinaient les talents et l’autonomie individuelle de l’être humain."
"Les technophiles les plus enthousiastes – Saint-Simon, Comte, Lénine, B.-F. Skinner – ont toujours été de fieffés autoritaristes, c’est-à-dire des technocrates. Nous devrions être plus que sceptiques à l’égard des promesses de la mystique informatique. Les ordinateurs et les informaticiens travaillent comme des chiens ; il y a de fortes chances pour que, si on les laisse faire, ils nous fassent travailler comme des chiens. Mais s’ils ont d’autres projets, plus susceptibles d’être subordonnés aux désirs humains que ne l’est la prolifération des techniques de pointe, alors prêtons-leur l’oreille."

Et j'aimerais ouvrir sur un point qui me paraît intéressant, et qui distingue Bob Black de ceux qui espèrent que le communisme permettra une plus grande productivité que le capitalisme, à commencer par les marxistes.

Bob Black nous dit :

"Je n’ai pas encore mentionné la possibilité d’abolir presque tout le travail restant par l’automatisation et la cybernétique. Tous les scientifiques, les ingénieurs et les techniciens, libérés des soucis de la recherche militaire ou de l’obsolescence calculée auront tout loisir d’imaginer en s’amusant des moyens d’éliminer la fatigue, l’ennui ou le danger dans des activités comme l’exploitation minière, par exemple. Il ne fait aucun doute qu’ils se lanceront dans bien d’autres projets pour se distraire et se faire plaisir. Peut-être établiront-ils des systèmes de communication multimédia à l’échelle de la planète. Peut-être iront-ils fonder des colonies dans l’espace. Peut-être. Je ne suis pas moi-même un fana du gadget. Je n’aimerais guère vivre dans un paradis entièrement automatisé. Je ne veux pas de robots-esclaves faisant tout à ma place. Je veux faire et créer moi-même. Il y a, je pense, une place pour les techniques substitutives au travail humain, mais je la souhaiterais modeste."

Et aussi :

"Nul ne peut prédire ce qu’il adviendrait si déferlait la puissance créatrice jusqu’à présent bridée par le travail. Tout peut arriver. La fastidieuse opposition rhétorique entre liberté et nécessité, avec son parfum de théologie, se résoudra d’elle-même dans la pratique dès lors que la production de valeurs d’usage se nourrira de délicieuses activités ludiques."

Ca m'a fait penser à un débat enregistré sur youtube entre Frédéric Lordon et Bernard Friot. Lordon était globalement sous le charme du salaire à vie au niveau du renversement intellectuel que ça opère, mais sa principale critique portait sur la problématique de la mise au travail : comment faire en sorte que nous gardions notre niveau de vie, avec notre confort, nos normes etc. (qui impliquent qu'il y ait des gens qui entretiennent les routes, les réseaux de télécommunication, des gens qui administrent telle ou telle chose...) si tout le monde a un salaire quoi qu'il fasse ?

Friot avait tout de suite validé l'importance de la critique, et répondu par plusieurs aspects, le plus important étant la hiérarchie des salaires, qui même si déconnectée du marché et de l'activité immédiate, resterait liée à l'activité réalisée sur le long terme pour inciter les gens à faire telle ou telle tâche. Puis d'autres arguments comme le fait que même les travailleurs qui font un travail pénible peuvent aimer leur travail et être conscient de son utilité, qu'on peut faire plusieurs travaux, dont certains pénibles qu'on se répartit entre nous etc.

Contrairement à Friot, Bob Black aurait tout simplement répondu qu'il n'en a rien à faire du confort de vie et de nos normes. Si nous ne sommes pas prêts à faire ces tâches librement parce qu'elles nous plaisent en elles-mêmes, alors ce confort et ce niveau de vie n'en valent pas la peine, parce qu'ils impliquent d'avoir un système de "mise au travail" qui nous fait souffrir et déshumanise bien plus que les avantages qu'il nous apporte dans la vie courante.

Il y a donc une grande différence entre ceux qui sont pour la libre activité communiste parce qu'ils sont convaincus que ça va booster l'activité, et ceux qui sont pour la libre activité communiste quelles qu'en soient les conséquences au niveau de l'avancement industriel et technologique, simplement par choix de société. Même si le projet défendu a l'air d'être le même, on ne le défend pas pour les mêmes raisons, et ça me paraît important. Et donc par exemple si on imaginait que les capitalistes arrivent à prouver que le communisme issu de la libre activité de chacun induirait une paraisse qui ralentirait considérablement la production sur le long terme, la plupart des marxistes abandonneraient le projet ou essayeraient de l'adapter pour en avoir un qui reste porté sur le progrès technique, de la production etc. alors que pour les partisans de l'abolition du travail comme Bob Black ça ne changerait rien.

Et pour finir quelques sources qui inspirent la pensée de Bob Black : "Outre Fourier et William Morris – et de temps à autre, une piste chez Marx –, citons les écrits de Kropotkine, ceux des syndicalistes Pataud et Pouget et ceux des anarcho-communistes à l’ancienne (Berckman) ou nouvelle version (Bookchin). La communitas des frères Goodman est exemplaire en ce qu’elle illustre quelles formes naissent des desseins humains. Il y a à glaner chez les hérauts parfois fumeux de la technologie alternative et conviviale, comme Schumacher ou Illitch, après déconnexion de leur machine à brouillard. La lucidité féroce des situationnistes – ce qu’on en connaît au travers de l’anthologie de la revue Internationale situationniste ou du Traité de savoir-vivre de Raoul Vaneigem est réjouissant, même s’ils ne sont jamais vraiment parvenus à concilier pouvoir des conseils ouvriers et abolition du travail. Mieux vaut une telle inconvenance mineure, pourtant, que n’importe quelle version du gauchisme, dont les séniles dévots semblent être les derniers thuriféraires du travail – s’il n’y avait pas de travail, il n’y aurait pas de travailleurs, et, sans travailleurs, que resterait-il à organiser ?"

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