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Villes/Nice/Université populaire/CR/70 mars - Les théories économiques

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Compte-rendu Université populaire du lundi 70 mars

Préambules :

Antoine, qui devait restituer un exposé sur Steve Keen n'a pas pu rester. Alessio nous annonce qu'il a invité deux penseurs contemporains pour intervenir lors des prochaines séances de l'Université debout :

- Pinar Selek, sociologue Turque qui travaille entre autres sur la question de la différence des sexes. Elle est en exil en France, et a été arrêtée en Turquie pour ne pas avoir voulu livrer à l'état l'identité des kurdes sur lesquels elle a écrit un livre.

- Paul Jorion, docteur en science sociale qui s’intéresse aux systèmes complexes en économie, tout en travaillant sur des questions philosophiques et psychologiques.

Maurice, qui travaille dans un musée, propose un atelier sur "l'art et l'engagement". Il veut apporter des outils pour approfondir la question, et aller au-delà de ce qui pourrai nous sembler des évidences: pour lui, le réalisme socialiste n'est pas le meilleur exemple illustrant l'engagement des artistes. Il voudrait réunir un corpus d'images, parmi lesquelles Guernica de Picasso apparaitrait. Il cite d'ailleurs Picasso, qui déclarait que "l'art n'est pas fait pour décorer les dessus de canapés".

Alessio propose ce soir de nous introduire à la pensée de Paul Jorion, qui remet en cause la plupart des modèles d'analyse des échanges économiques précédents.

Préalables : La valeur et le prix, des classiques aux néo-classiques

En économie, deux notions importantes sont à définir: le prix, et la valeur. Les théoriciens les articulent de différentes façons en fonction des écoles auxquelles ils appartiennent. La façon dont ces deux notions sont articulées se répercute de façon importante sur la théorie. Mais il est important de prendre aussi en compte que la théorie que l'on utilise pour décrire une réalité se répercute aussi sur la réalité qu'elle décrit.

Trois principales théories économiques ont vu le jour depuis le début du 19eme siècle:

La première a été la théorie libérale de Ricardo:

[Il considère que la valeur d'échange correspond à la quantité de travail nécessaire à sa production ("valeur travail"), qu'il faut corréler à la "rareté" s'il s'agit d'un bien non reproductible (ex: ressources naturelles fossiles), et à la valeur du "capital fixe" nécessaire à la production (ex: machines)]

La seconde théorie de la valeur a été celle de Marx:

[La valeur d'un bien dépend de la quantité de travail nécessaire à sa fabrication. Mais si Ricardo considère le travail comme une commodité ordinaire, Marx juge l'expression "valeur-travail" incorrecte partant du principe que le travail est à l'origine de toute valeur: même les machines ont nécessité du travail pour être produites. Les salaires ne représentent pas la valeur du travail mais la location de la force de travail du salarié. Il propose l'explication suivante à l'origine du profit : de la valeur nouvellement créée, le salaire du travailleur ne représente que la part nécessaire à sa propre survie, le reste constituant la "plus-value" créée par son travail.]

La troisième théorie est celle des néo-classiques, tels Walras et Pareto:

[Un bien n’a de valeur qu’en fonction de son contexte et de son utilité. Il n’a pas de valeur "objective", en tant que tel. Ce qui revient à dire, finalement, que rien n’a de valeur, que tout a seulement un prix. Et que l’étude de la valeur d’usage de quelque chose relève désormais de la psychologie, non de l’économie. Les théories subjectives de la valeur vont s’imposer et à partir de cette date, c'est a "loi de l'offre et la demande". ] Ces trois théories sont importantes, mais de nombreux économistes s'accordent à dire qu'aucune d'elles n'est satisfaisante à 100%

Pour résumer: implications philosophiques de ces trois pensées:

- Pour Ricardo, l'économie libérale n'entraine pas d'exploitation, le travail est une manière comme une autre de donner de la valeur à un produit brut. - Pour Marx, c'est le fait que la propriété du capital de production soit réservée à certains qui entraine l’aliénation des salariés par l'exploitation de leur force de travail..

- Pour les Néo-classiques, le prix dépend tout simplement du croisement de deux courbes: offres et demande.

La pensée de Paul Jorion

Anthropologue de formation, il a été élève de L. Strauss. Dans Les Pêcheurs de Houat : anthropologie économique, (1983), il étudie les processus de fixation des prix du poisson chez les pêcheurs bretons. Il renouvellera cette étude au Sénégal. Dans les deux cas, il observe que le prix se forme aussi en fonction de la "valeur sociale" ou "symbolique" que l'on donne au vendeur. Il fait entrer une nouvelle variable dans la fixation des prix: le rapport de force entre vendeurs, mais aussi entre acheteurs, et entre acheteurs et vendeurs. Ce qui a pour effet que les puissants entretiennent leur puissance. JB. remarque que ce rapport de force, s'il n'est qu'économique, on ne peut pas vraiment dire que la théorie de Jorion renverse vraiment celle de Marx.

[Exemple de l'art contemporain: ce qui donne de la valeur a une œuvre n'est pas forcément le travail qu'elle a nécessité, ni même le coût des matériaux ou éventuellement des outils/ machines nécessaires à sa production, mais aussi (et surtout me semble-t-il) la valeur sociale, la reconnaissance que l'on donne à l'artiste/ au collectionneur d'art qui l'achète].

Une question s'est posée, à laquelle nous n'avons pas su répondre:

- Quels critères pourrait-on concevoir pour définir cette puissance sociale dont on parle?

Est-ce la richesse? La reconnaissance sociale? Médiatique?

Il résulte de cette analyse que la loi de l'offre et de la demande est une fiction statistique, qui ne fonctionnerait que si tous les acteurs avaient exactement la même puissance sociale.

Conclusion: la mécanisation (simplification) des théories économiques est inefficace, support d'une mafia, et de dépolitisation.

Si l'économie est une science molle, la façon dont cette science étudie son objet a un effet sur l'objet

Débat:

Est-ce que Marx n'oublie pas cette notion de pouvoir symbolique dans sa théorie? Si le pouvoir symbolique est un simple moyen pour atteindre le pouvoir économique, non.

Mais pourrait-on imaginer que l'inverse soit aussi possible?

Dans le divin marché, D.R. Dufour décrit que le marché serait une nouvelle forme de religion qui organise nos vies, nos habitudes, les rituels qui les ponctuent, mais aussi qui dirige nos désirs et nos attentes. Est-ce de nos possessions que nous attendons le salut?

L'idée d'Adam Smith de "main invisible" qui régulerait de façon magique le marché a elle aussi quelque chose de religieux.

Au moyen-âge, la structure économique des zones rurales s'organisait autour des abbayes. Autour de quel dispositif (concret ou abstrait) s'organise aujourd'hui le marché?

Contrairement au libéralisme, le capitalisme n'est pas une idéologie, c'est une pratique. Que peut-on contre l'argument du pragmatisme? Il semble en effet plus pragmatique pour une ville d'offrir à des privés le soin et la responsabilité d'organiser les infrastructures urbaines, comme IKEA l'a fait dans un certain quartier de Hambourg, en échange de l'autorisation de s'installer sur une place historique (cf. Docu arte "main mise sur nos villes", en accès libre sur Youtube).

JB propose un exposé sur la première bulle financière, qui est apparue en Hollande autour du commerce des tulipes.

Qu'est-qu'une bulle spéculative? Une bulle spéculative explose quand les banques ne peuvent plus tenir les promesses qu'elles ont fait à leurs clients. Elles ont trop spéculé, c'est-à-dire qu'elles ont fait des paris sur l'avenir, et qu'un imprévu leur a empêché de pouvoir gagner leurs paris. Évidemment, ce sont les clients qui paient leurs dettes. En échange de quelques pourcentages d’intérêts par an, nous acceptons tous de prendre ce risque.

Le capitalisme contemporain s'appuierait donc sur la distinction argent réel/argent virtuel.

Normalement, la loi devrait être là pour limiter les pouvoirs des plus puissants, et protéger les faibles, mais ne serait-elle pas parfois une façon pour les plus puissants de se légitimer dans leur propre pouvoir?

Ex: la loi qui oblige toutes les entreprises et institutions à "prévenir les risques psycho-sociaux". Passée suite à la vague de suicide à France télécoms. Depuis, certains ont droit une fois par trimestre à une journée de "formation antistress", pour apprendre à travailler dans des conditions détendues... Quand c'est le fonctionnement même de l'institution qui est stressant, proposer des formations pour pallier à cet effet institutionnel n'est-il pas simplement une manière de se couvrir en cas de problème?

L'un des mécanismes principaux du pouvoir est de promettre la sécurité à ces "sujets" contre un assujettissement accepté de leur part. La noblesse ponctionnait l’impôt de la "vulgate" sur ce discours-là. (Je suis capable de mobiliser une armée pour protéger le canton des envahisseurs, en échange, vous devez me rémunérer pour ce service).

Débat sur la sécurité : l'argument d'offrir la sécurité est-il u moyen d'aliénation du sujet au dispositif?