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Villes/Paris/Arts Visuels/CR/23 avril

De NuitDebout
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TITRE DU COMPTE RENDU[modifier | modifier le wikicode]

23 avril 2016

Informations[modifier | modifier le wikicode]

enregistrement du premier rdv

Pendant l’installation de la commission avant l'enregistrement, des passants réagissent aux panneaux "art contemporain debout", "artistes en grève", etc. Une dame nous dit que ses enfants travaillent dans le théâtre, que leur statut est très difficile et qu'elle nous soutient…

Interventions et échanges :

- Chaque fois qu’un homme rencontre un autre homme il y a des richesses qui arrivent, il y a des conflits, mais il y a des richesses… Rappeler que la richesse et l’humanité dérivent de l’échange que nous pouvons faire. Il faut aussi respecter la loi mais c’est important cette liberté. Proposition d’action : tout le monde peut faire un petit bateau avec un message et le poser au Louvre ou ailleurs aux Tuileries… Nous pouvons le faire une fois ou plusieurs fois. Il nous a donné une feuille avec la proposition tapée dessus et une histoire.

- Nous prenons en compte la proposition d’action. D’abord, nous allons faire un tour de parole de 2 à 3 minutes pour que tout le monde puisse dire pourquoi il est là, quels problèmes il se pose dans son métier, les problèmes dans l’art contemporain, etc.

- Je n’habite pas, loin du coup j’ai pu suivre la place de manière quotidienne… "Artistes debout" s’est créé très vite et dix jours après "Musées debout" sont arrivés. En tant qu’artiste j’ai plus passé mon temps à observer, à écouter, à lire, etc., et je ne me suis retrouvée ni dans l’un ni dans l’autre. J’ai pu constater une première fracture entre les artistes d’un côté et les institutions de l’autre. En attendant, tout le monde se demande où sont les artistes… mais j’en ai vu plusieurs sur la place à discuter. J’ai l’impression que c’est aux artistes de faire les liens…

Après, il y a le problème du statut des artistes, il y a des problèmes de diffusion. Il y a des artistes qui ne sont pas diffusés, on a des problèmes d’espace de travail, on a pas assez d’espace, on nous donne pas le temps… Il y a une pression du marché qui ne devrait pas exister dans notre travail d’artiste. Mais aussi le statut des commissaires et des critiques, etc., parce que nous ne sommes pas intermittents, nous n’avons même pas ça. Je n’ai pas l’impression d’être précaire, c’est plus l’impression d’être exploitée.

- Je suis une street artiste. Vous discutez de la place de l’artiste dans la société… Nous, les street artistes, ne sommes pas très bien vus…

- Mon métier est d’accompagner les artistes, donc je suis du côté des expositions et des institutions. Oui, le statut des artistes fait poser des questions, nous ne sommes pas parmi les créateurs, on sent que vous n’êtes pas les plus fédérés… Il y a la MDA que tout le monde critique et en même temps on sent qu’il n’y pas de contreproposition depuis des années. On partage beaucoup de constats de manière informelle. Qu’est-ce qu’on peut faire, dénoncer, proposer, etc.? Toute cette précarité des artistes où tous sont assez investis impliqués dans leur cité, espace public, il y a une réalité qui nourrit leur approche. Mais tout ça est vraiment invisible, difficilement décelable et diffus. C’est aussi une part du marché. Quand on pense art contemporain on pense aussi à cette majorité d’artistes bancables et ça en cache une autre grosse majorité qui est plus diverse que ça de la réalité économique de l’artiste. Quand on travaille dans l’institution il y a parfois une négation aussi de tout ca… On fabrique cette précarité des artistes, qui est assez douloureuse quand on doit proposer aux artistes une manière de travailler. Tout part dans la production. Il y a un problème de la valeur du travail de ces artistes qui sont en dehors de la masse du marché des artistes. La rémunération est quasi inexistante. Il y a aussi des artistes qui veulent tout mettre dans la production, même l’argent destiné aux honoraires… Mais non, c’est important d’être rémunéré. Nous-mêmes en parlons assez peu dans le milieu, ou ça reste un peu superficiel, chacun crée un peu ses moyens… Il y a aussi avec sa petite économie et son lieu. Il y a aussi des moyens au niveau de la DRAC mais que personne n’applique. On n’arrive pas à saisir vraiment.

- Quand Masaccio faisait des tableaux pour l’Eglise, tout le monde dans la ville allait regarder. Maintenant, dans les galeries, peut-être il y a 5 % de la population qui va voir. Le problème c’est ça, on parle de démocratie mais pour l’art c’est une question d’élite. Proposition d’action : tricoter des carrés de 25 cm et que tout le monde les apporte sur la place.

- Je suis d’accord sur toute la partie du travail. La précarité est généralisée. Mes amis commissaires ont une précarité aussi grande. Alors qu’il y a une hiérarchie bizarre qui est créée entre artistes et commissaires, il y a une précarité aussi grande. Et même certaines galeries sont en difficulté, comme des entrepreneurs mais en difficultés. Il y a des choses à faire sur les notions du régime même au niveau des régisseurs… Même par rapport aux conventions collectives… Par exemple, dans le théâtre il y a des conventions collectives. Dans l’art, il y en a pas, c’est des conventions du théâtre qui sont appliquées. Articuler ces critiques du travail avec ces combats hyper de base qu’on a même pas avec des discussions sur l’art. Par exemple, quand on regarde les galeries… Il y a eu des manifestations sauvages… et ils ne connaissent pas l’art contemporain, ils attaquent les boutiques de luxe, les banques, etc., et ils regardent la galerie, « Qu’est-ce que c’est ça ? » et ce n’est pas populaire.

- L’esthétique du mur blanc… Au début, c’était pas de l’esthétique. C’est l’esthétique de tout le monde aujourd’hui. C’est devenu une esthétique de riches.

- Il faut aussi une réflexion culturelle qui n’appartient pas qu’aux artistes mais aussi sur les lieux parce que même si on expose quelque chose de super intéressant, de révolutionnaire, dans ces lieux-là… c’est mort. Réfléchir sur les lieux qui nous accueillent, qui sont les lieux de travail, mais aussi qui ne sont pas bien esthétiquement et qu’on pourrait refaire évoluer et donc moment pour repenser l’art, les formes esthétiques et faire l’activisme, la théorie esthétique.

- J’ai étudié l’architecture, les arts plastiques et comme ça ne suffisait pas pour gagner de l’argent et vivre j’ai étudié pour être administrateur pour des projets culturels, et même avec ça je n’ai pas trouvé du boulot, ça n’a pas suffi et je travaille maintenant dans le domaine du commerce qui est assez éloigné. J’ai eu un épisode qui m’a fait réfléchir récemment au rôle de l’artiste, en préparant un événement on a dû créer une affiche. Nous avons travaillé ensemble pendant 12h, sur le texte, la com', etc., aussi l’effet visuel. Le résultat est sorti mais je n’étais pas très contente. Je n’avais pas le temps de réfléchir d’avoir de l’imagination. Après j’ai réfléchi, qu'est-ce que le rôle de l’artiste ? On donne le plaisir visuel aux gens. On a besoin de temps pour réfléchir, avoir le temps, avoir une respiration. Si nous sommes obligés de travailler pour manger… Nous avons besoin de temps pour penser, chercher, etc. Tout le monde ne peut pas être artiste, mais il faut réfléchir au rôle de l’artiste du point de vue horizontal… il faut changer de point de vue… Sans la hiérarchie. L’artiste du point de vue horizontal. Les commissaires suivent souvent les avis des autres, ils n’ont pas leur propre point de vue sur l’art.

- Je suis d’accord.

- Je suis à moitié d’accord, pour moi les artistes suivent encore plus que les commissaires.

- C’est la responsabilité de l’artiste. Il y a plein de moments où les artistes donnent les choses. C’est le don sans contre-don, etc. Donner dans la gratuité, précarité, il y a aussi un sens qui relève de la responsabilité. C’est la valeur d’échange. Il y a des artistes qui sont aussi pas très affirmés avec ça, il y a une telle boulimie, une urgence de montrer les choses qu’il y a une quantité d’artistes qui sont prêts à accepter n’importe quelles conditions. Il faut peut être moins fléchir. C’est une double responsabilité : de celui qui invite mais aussi aux artistes de ne pas fléchir.

- Je suis d’accord avec cela. La doxa habituelle c’est : la visibilité = non rémunération. Là où c’est compliqué c’est que l’art fonctionne par sélection. On choisit les œuvres les artistes aussi choisissent pas seulement les commissaires. C’est un travail qui procède par la sélection qui a une certaine difficulté à être égalitaire. La difficulté, comment introduire de la démocratie dans ce système-là ? Comme faire en sorte que les gens soient rémunérés correctement ? Sortir de ce système d’être visible sans être payé ? Les artistes doivent se prendre en main par rapport à ça. C’est à chacun de ne pas travailler sans élaborer un minimum de contrat, de mettre en place des normes démocratiques normales et de sortir des situations de pressions latentes dans lesquelles on n’ose pas parler d’argent sinon on va avoir l’air d’avoir trop la faim, etc.

- J’ai l’impression qu’aujourd’hui la production artistique, le milieu artistique, l’art arrive à un stade un peu particulier qui correspond quelque part à un stade du capitalisme qui arrive aussi à un stade particulier. Par exemple, il y a une partie des œuvres d’art qui sont faites pour ensuite pour être utilisées pour être un investissent financier, pour servir à mettre en valeur des projets des promoteurs immobiliers, des projets de pouvoirs publiques et de leur politiques qui servent ou pas la population qui habite sur le territoire ou pas. Il y a beaucoup de questions comme ça qui attendent d'être mises dans l’espace public et d'être débattues. Créer un espace-temps où l’on puisse se rencontrer, écouter, échanger.

- La place de l’artiste vu comme un pansement social ! Nombre d’appels à candidatures. Pour élargir la question de la place de l’artiste. Cela rejoint 15-20 ans d’histoire de la politique de la ville qui ont construit cette place-là mais qui a aussi échoué. Les artistes répondent à ces appels par besoin. Mais mettent ces artistes dans une position de sociologues, anthropologues, animateurs socioculturels, etc. Etrange et qui a pris beaucoup de place. J’ai travaillé à la Ville de Paris, il y avait des côtés assez horribles. Demander aux artistes de créer des pansements dans le quartier Saint-Blaise alors que la priorité était de changer de portes et de nettoyer… Alors qu’il y a des containers d’art contemporain dans des endroits un peu de mise en danger mais qui sont multipliés pour les artistes.

- Qui sont les artistes qui répondent à ça ? Ceux qui ont besoin mais aussi qui aiment, qui ont sens un peu social. Parce qu'ils aiment aussi cela a un sens dans leur travail sens pour eux. Un sens social. L’art qui se fait dans les réponses aux appels à projets un peu sociaux est différent de celui de la FIAC, Ils ne sont pas dans les galeries… aussi parce qu’ils n’ont pas le temps puisqu'ils répondaient aux appels à projets. Cet art moi je le préfère… Ce n’est pas l’art divinisé mais cet art-là est invisible dans les grandes institutions.

- C’est vrai en France, en Allemagne et en Angleterre c’est différent. Ils sont vraiment préoccupés par des questions sociales mais existent dans le marché de l’art. C’est moins vrai en France paradoxalement l’intervention de la puissance publique sur la culture est probablement plus forte qu’en toute l’Europe. Coté commanditaire. Juste pour nuancer.

- Je ne suis pas artiste. Moi, ce qui me choque c’est la spéculation sur les œuvres d’art. Je vois une Ferrari vielle qui vaut 30 millions alors que je peux en avoir 15 neuves avec le même prix. Où est le mal ? Parce que c’est un produit fiscal. Le travail, on peut diminuer le salaire en diminuant le coût de travail. Un coup de pinceau de Untel vaut 50 millions, mais on va rétribuer des salariés au Smic. Un ministre veut payer des droits de succession, il va prendre une œuvre à la cave et voilà. La Reine d’Angleterre, les biens personnels, sa richesse s’est constituée en quelques années à ne pas payer les droits de succession. La fiscalité qui me choque… Alors l'ISF, on fait payer l’ISF sur des actions en bourse alors que ça fait travailler des ouvriers Michelin, le travail on peut diminuer les salaires en diminuant le coût du travail. Il y a des moyens. On paye les autoroutes, personne ne se plaint…

- Après il y a la défiscalisation de l’art qui… C’est un peu le début de la conversation. Une voiture d’un artiste à 30 millions empêche de parler de la réalité des autres artistes...

- Je vois le Château de Chantilly qui a trois Raphael et ne peut pas changer les tuiles de ses toits. L’électricité on ne peut pas s’en priver, il y a une mutation. Qu’est-ce qu’on va foutre 23 milliards en Angleterre... On avait des ingénieurs qui maitrisaient, les bases… On était payés d’avance. Maintenant le nucléaire moderne est fichu… Un kilowatt coute aussi cher à transporter qu'à produire. Maintenant c’est des petites unités… L’EDF n’a pas de sous… Il faut savoir dans quel régime on est. Je vois ce qui se passe à Arcelor ces jours-ci. Sur le point de l’énergie il y a une mutation extraordinaire. Dans 10 ans il n’y a plus de pétrole. Les gens ne s’en rendent pas compte… C’est comme le charbon. C’étaient des privilégiés les mineurs… Maintenant il n’y a plus besoin de charbon.

- Après, il y a eu un rapport en 2014 disant que le PIB généré par la culture est 7 fois supérieur à celui généré par le secteur automobile, donc on parle du statut des artistes mais il y a aussi cette question qui revient de temps en temps… La culture génère de la billetterie, il y a des expositions qui font déplacer des gens, qui génèrent de l’emploi lié au tourisme, à des infrastructures pour accueillir les gens. Cela génère de l’emploi. Si on voit l’industrie automobile ici est toute petite en termes de l’emploi.

- Mais qu’ils s’en fichent les gens de la culture puisqu’ils produisent de la richesse… Qu’ils gèrent d’avantage d’autonomie. Leur caisse de sécurité… Qui gère la caisse de la sécurité sociale à eux ?

- Elle n’existe pas… Il n'y en a pas …

- Je vois qu’en Alsace, la sécurité sociale est équilibrée… Ici on paye la solidarité parce qu’on a creusé le trou. Il a des tas d’idées. Les artistes qui produisent des richesses, qu’ils fassent une compta carrée parce qu’on ne s’y retrouve pas.

- C’est l’enjeu, oui.

- Le petit salarié ne s’y retrouve pas. Il se dit : « Ces artistes ne travaillent pas ». Peut-être c’est parce que le public n’est pas informé de votre statut, de votre façon de produire.

- Oui, c’est une vraie question la séparation du milieu de l’art et du reste, que ce soit volontaire ou involontaire…

- Oui, parce que le commun des Français n’a pas conscience de ce que vaut la culture. Vous voyez, Bolloré arrive et menace de couper les vivres à la production de films…

- Parce que dans la culture on parle beaucoup des créateurs morts, de choses immuables. On parle beaucoup plus des œuvres plus que des situations de créateurs.

- Je ne connais pas votre milieu de la culture mais il faut peut-être structurer mieux votre milieu de la culture.

- Il faut faire passer le tour de parole.

- Il faudrait faire la révolution pour résoudre tous les problèmes. J’ai fait 68, tout le monde voulait faire la révolution. Il faudrait parler mieux de la culture de l’art… Qu’est-ce que ça veut dire l’art ? Le problème de l’art est qu’il est devenu commerce. Et c’est difficile de changer parce que l’argent est toujours quelques qui beaucoup d’appréhension… Je trouve révolutionnaire qu’il y ait l’art de rue, des graffiti, beaucoup de choses belles, etc., que chacun peut exprimer… La liberté d’expression. C’est ça le problème, il faut parler de ça. Parce que parler de révolution d’économie on arrive à rien. Il faut dire que l’art est plus important que le commerce. Que faire pour récupérer l’art ? Seulement 5% de la population vont voir les musées… Les autres 95%, qu’est ce qu’ils font ? Il faut récupérer ce rapport. Alors les artistes redeviennent au centre de la population. Dire que l’art est plus important.

- Je suis d’accord… (les mains se lèvent) Juste au niveau de l’organisation, parce que la conversation est riche, nous avons abordé plein de sujets. Il faut structurer un peu. Il faut récapituler un peu pour les nouveaux arrivés aussi. Nous avons parlé de la précarité, voire de l’exploitation des artistes, etc. Pareil pour les commissaires et les critiques. La diffusion, les difficultés à exposer, le manque d’espace, le problème de l’esthétique culturelle, ce que le marché nous pousse à faire, ce que l’on n'a pas envie de faire… Il y a eu beaucoup de sujets … Difficile de les résumer, au fait.

- Si quelqu’un veut faire encore une ou deux interventions, on les écoute. Sinon on définit quelques thèmes et des questions. Puis nous pouvons refaire un tour de parole pour chacun des thèmes et pour les questions.

- Moi, la révolution, je n’y crois pas… Parce que j’ai fait Mai 68, je l’ai vécu à Strasbourg Saint-Denis.

- Non, mais là on ne veut pas faire la révolution. On veut un peu se réunir autour des questions qu’on retrouve dans nos expériences.

- Je comprends bien… Vous avez l’impression que vous êtes riches alors que vous êtes maltraités par les caisses, par exemple.

- C’est surtout que nous donnons l'impression d'être des gens très, très heureux dans notre milieu.

- On peut être heureux et très pauvre, par ailleurs.

- Le gars qui ne comprend pas le français il n’y arrive pas, il se suicide dans les campagnes, alors que la Joconde vaut des milliards. Voilà ! Le bas peuple ne comprend pas ça. Quand nos musées ont des richesses énormes alors qu’il y a le peuple, c’est Versailles et les choix… C’est ça le problème. Comme le musée du Louvre.

- On produit un tas de choses. Les formes changent mais la structure reste la même. C’est toujours les mêmes problèmes.

- On finance des films en langue anglaise pour Untel.

- Je pense qu’il n'y a pas la même réalité dans toutes les disciplines.

- Ouais, il faut coordonner ça.

- Je pense que l’économie des industries culturelles n’est pas la même que l’économie de l’art. Ca ne fonctionne pas de la même façon.

- Sauf que l’art contemporain est de plus en plus considéré comme une industrie culturelle.

- Y a-t-il d’autres personnes qui veulent dire quelque chose ? D’autres questions ? Alors essayons de ressortir les thèmes… On refait un tour. De quoi on a envie de parler plus précisément ? Pour avancer sur le thème de la responsabilité de l’artiste, vous en pensez quoi ?

- C’est le thème des Beaux-arts de Paris qui organisent un colloque prochainement.

- Non, justement c’est L’irResponsabilité de l’artiste. J’ai écouté Bustamante sur France Culture.

- La responsabilité de l’artiste est un bon thème… parce que ça parle de nous. Ce que l’on peut faire en tant qu’artiste sans attendre.

- Est-ce que les autres, vous êtes d’accord avec ce thème ?

- Justement, comme nous sommes partis du fait qu’il n’y a pas que des artistes, et nous sommes pas centrés seulement sur les artistes et moi ça m’intéresse aussi parce que je vois que dans le monde de l’art contemporain les commissaires des exposition ont un rôle énorme et … les critiques.

- Les critiques aussi sont tout aussi responsables.

- La responsabilité est partagée.

- Oui, quand je pense à la responsabilité des artistes je pense au fait à la responsabilité des acteurs.

- Voilà, oui, même les collectionneurs…

- Oui, mais ce n’est pas tout à fait la même…

- C’est plus la responsabilité des ACTEURS du monde de l’art.

- Responsabilité des ACTEURS, cela va à tout le monde ? On inscrit ça ? (On lève la main)

- Juste une précision. Si on parle des collectionneurs, pour moi ce n’est pas la même chose. C’est ceux qui produisent qui sont souvent dans les situations les plus précaires. C’est-à-dire, les artistes, les graphistes, les photographes, les critiques qui sont payés des brouettes pour écrire des textes. Les commissaires qui deux fois sur trois ne sont pas payés pour les expositions non plus, qui n’ont pas de statut, etc., ces acteurs-là… Je n’aime pas le terme de "produire" parce que cela voudrait dire une espèce d’équivalence de terme industriel.

- C’est un peu cela, c’est les ouvriers de base.

- Ce sont ceux qui créent la matière qui sont à l’origine de ce qui est au centre de l’art.

- Par exemple, je suis allée voir à Venise l’exposition de Pinault à la Douane et bien sûr lui il avait à peine touché l’exposition mais l’exposition parlait de lui comme si l’exposition exprimait son être. Comme un DJ qui aurai mixe les œuvres et qui nous faisait vivre ce qu’il ressentait. Pour moi c’était l’horreur. C’est comme un ado qui commence à écrire qu’il se sent mal qu’il a des pulsions sexuelles… Un collectionneur qui fait ça c’est un leucome, un DJ ou quelqu’un qui fait un blog en s’en foutant… Non, tu es un acteur… C’est une énorme responsabilité. Le collectionneur est un acteur. Quand on fait ça tu es comme un artiste ou un commissaire. Je n’ai entendu personne critiquer l’exposition de Pinault… C’était la cata ! Je pense que c’est une responsabilité qui n’est même pas commerciale… A la limite, il aurait pu faire la même merde avec des œuvres moins chères.

- C’est aussi pour rester du côté de la profession. C’est plus central d’interroger un statut professionnel. Le collectionneur n’est pas un professionnel, peut-être pour certains qui s’ennuient dans leur métier c’est un statut social à la limite mais pas professionnel.

- Oui, mais c’est quand même un acteur principal super important.

- Peut-être une manière d’aborder ça… Il faut partir de ce qui est problématique aujourd’hui. J’ai l’impression qu’aujourd’hui c’est les questions économiques pour les professionnels de l’art. Elles sont réelles, alors que pour les collectionneurs…

- Moi, je n’ai pas envie de parler de collectionneurs du tout. Je n’ai pas envie de leur accorder mon temps.

- Oui, oui. J’essaie de trouver une entrée logique.

- Est-ce que cela peut être deux questions dans ce cas-là ? Parce que la responsabilité, elle, est de tout le monde. Par contre la question économique, elle, est pour certains.

- C’est vrai que moi je dirais que l’urgence c’est de parler du statut. Il y a des choses qui se passent au niveau des statuts des intermittents. Ils ont parlé des précaires. Je n’étais pas là lundi à la discussion au Théâtre de la Ville. Les intermittents ont étendu leur statut aux autres ; les artistes pour rainer concernés aux discussions actuelles. J’ai l’impression qu’il n’y a aucun syndicat. Bon, toi tu fais partie du groupe Economie solidaire de l’art ?

- Oui, mais ce n’est pas un syndicat.

- Actuellement aux AG il n’y a pas de représentants des artistes, il n’y pas de Fraap, c’est grave ! Et ça se voit.

- Une chose qu’on remarque depuis qu’on a monté Economie solidaire de l’art. Toutes les organisation existantes comme le Fraap, les syndicats cet sont hyper réticents et c’est difficile de parler avec eux.

- Oui, et ils continuent d’envoyer des appels à projets. Il n’y pas de mentions de Nuit Debout. Je trouve ça fou, bizarre…

- En même temps, ça fait des années qu’ils font des trucs pas terribles… La Fraap n’a pas réussi à faire grand-chose.

- Mais la Maison des artistes… ne sont pas là.

- Personnellement, ça fait des années que je suis à la Maison des artistes et hormis payer mes cotisations je n’ai pas compris à quoi ça sert…

- Ca en sert qu’à ça. Ils ne s’occupent que de ça. Ils s’occupent de la sécu. J’ai déjà essayé de les faire sortir de la sécu… ils ne sortent pas de leur Sécu.

- C’est une association d’État. Je suis face à l’État, je dois payer mes cotisations, ce que je fais. Mais après, quand j’ai besoin d’aide pour quoi que ce soit en tant qu’artiste ils ne sont pas là.

- Et il y a une autre question que je voudrais aborder. C’est le problème de diffusion. Nous manquons de lieux. D’espaces. Il y a beaucoup de choses à Paris mais je ressens comme un manque… Il y a plein de galeries, centre d’art, etc., mais il manque des lieux « possibles »… d’autres possibilités.

- Oui, mais il y a des lieux aussi menés par les artistes, je pense à Pantin… les Docks… qui répondent aussi à ça. Je ne sais pas, je n’ai pas l’impression qu’il y a des lieux qui manquent c’est peut-être des réseaux qui sont en train de se faire…

- C’est peut-être plus l’accès à ces lieux. Il y a des réseaux et des tuyaux par lesquels tu rentres ou pas… Effectivement, il y a, je ne sais pas combien il y a de lieux… 300, 400…

- Mais c’est peut-être le nombre qui dissolue une certaine vision… La visibilité des uns et des autres est compliquée. Je ne sais pas si c’est la question du nombre. C’est peut-être les modes de sélection qui sont très opaques ou compliqués.

- Pour être plus précis, il y a des lieux de diffusion. Certains gérés par les artistes, mais ces lieux restent toujours entre nous… Cela me gêne. J’aimerais essayer quelque chose qui soit pour tout le monde. Les gens n’ont pas forcement accès. Les gens ne vont pas dans les galeries, dans les espaces alternatifs…

- Mais de quel genre de lieux tu parles ?

- Pour relier à ce que nous avons dit tout à l’heure. Tout est fait pour aller dans la direction du marché. On essaye toujours de se mettre dans une case… Tout est relié vers le marché. Par exemple, maintenant Jeune création expose chez Ropac. Le Salon de Montrouge est fait pour les galeries… Un ami artiste m’a raconté qu’à l’intérieur du Salon il y a un autre Salon et que malgré que les artistes soient toute la journée et tous les jours devant leur stand, il y avait des visites guidées dirigées expressément vers certains qui avaient déjà un pied dans le marché. C’est un grand défaut. On dirige tout directement vers le marché. Même au sein des espaces d’artistes indépendants, les choses sont faites même en arrière-pensée, "il faut que je rentre dans le marché". On sent cette finalité. C’est n’est pas être libre et ça tue la création. On se formate inconsciemment. Comme ont fait pour sortir de ce dilemme du marché ? Parce que moi par exemple je n’ai pas envie d’être sur le marché mais j’ai envie de diffuser.

- C’est aussi donner des modes de rémunération à des endroits justes… Enfin, en dehors du marché. Parce que beaucoup d’artistes à côté ont une autre fonction. Il y a très peu d’artistes qui vivent de ce qu’ils font. Ce n’est pas par la production qu'ils génèrent leur argent.

- Oui, toute les questions que je me pose, je me suis aperçue qu’elles tournent toujours autour de l’argent. C’est utopique ce que je vais dire mais j’aimerai éliminer le problème de l’argent dans l’art pour se concentrer sur son travail et sortir l’art de l’argent. On est bloqués ! Les espaces existants doivent rendre des comptes à la ville sur ce qu’ils font… Si ce n’est pas à leur goût ils coupent les subventions… Là j’ai lu un appel à projet pour une résidence… ça devient absurde. Nous sommes même pas obligés de produire maintenant. Il faut avoir déjà des œuvres prêtes et la résidence consiste juste à faire des ateliers pour enfants. Mais ce n’est pas mon travail. Ce n’est pas ça, l’artiste. La politique instrumentalise les artistes pour être quelque chose qu’ils ne sont pas et qui les sort de leur rôle initial. Pour moi, être artiste n’est pas lié à l’argent, nager dans l’argent comme veulent faire croire les médias, j’ai l’impression que notre rôle est de regarder ce qui se passe, d’avoir un œil sur la société et de rendre compte de ce qu’il y a autour de nous… D’avoir le temps suffisant pour développer une conscience dans la société. Un recul nécessaire.

- Pour parler de la responsabilité de l’artiste, il y a deux ans, j’ai refusé d’exposer. J’ai été invitée pour faire une exposition dans un FRAC à Rennes. Nous étions 27 artistes et les conditions étaient : on exposait, on devait laisser une œuvre et il n’y avait pas d’argent. Et c’est un artiste qui a monté ça. C’est quelqu’un qui était bien a priori. Il a monté une résidence et il voulait arrêter et il voulait tout donner à ce FRAC. Et il voulait tout donner. Je lui ai dit ce n’est pas possible, les FRAC ont de l’argent, il ne faut pas donner comme ça. J’ai refusé, et j’étais la seule. Il y a 27 artistes. Pourquoi je suis la seule à refuser ? Et c’est partout pareil. Je trouve que les artistes sont prêts à se vendre pour rien, coûte que coûte. Je m’aperçois que je ne vais plus voir d’expositions, et je vois que je peux vivre très bien. Je suis plus intéressée par l’activisme. Je m’éclate. Je m’aperçois par exemple que le Palais de Tokyo c’est le miroir aux alouettes. Je vais à la Cité des arts, j’ai des amis là bas, leur but c’est d’être au Palais de Tokyo, c’est une obsession. Tous les artistes, un million d’artistes qui veulent être au Palais de Tokyo. A un moment donné moi aussi je voulais, mais non il faut arrêter, tant pis.

- Sinon, je pense que la chance qu’on a est d’être dans le pire des milieux, c’est la pointe du capitalisme, c’est le pire du marché. Je le vois maintenant comme une mafia mondiale monstrueuse parce qu’on peut spéculer à mort. On peut prendre un artiste Iranien, je ne sais pas, selon la mode, on lui fait vendre ses dessins 200€ et puis dans six mois en achètent quelques curateurs et quelques musées et ça vaut 20 000€. Bref, jackpot ! Donc, moi je vois ça comme ça…

- C’est pour ça qu'il faut inventer d'autres formes. Que peut-être aussi les artistes se mettent aussi à faire du commissariat et monter dans des lieux dans des formes très différents des institutions.

- Oui, il faut reprendre le pouvoir.

- … Notre liberté, notre responsabilité aussi.

- Moi, la première fois que j’étais payée c’était par les artistes. Un artiste m’a payé 2000€ pour une exposition. Et grâce à ça, je peux dire au FRAC : "Lui, m’as payé !" Après ils ont eu honte.

- Qui?

- Le FRAC. Ils ont eu honte. C’est grâce aux artistes, la première fois que j’ai été payée. Je peux dire que c’est grâce à untel, etc. C’est encore la responsabilité des artistes. C’est eux qui prennent les initiatives.

- Normalement c’est un droit, les droits de monstration. Et je pense qu’il y a plein d’artistes qui ont fini par accepter une chose qui n’est pas appliquée. Il y a une circulaire, c’est chiant à lire, etc., mais aussi il y a un moment où on n'applique même pas les choses existantes. Nous devons déjà appliquer ce qui existe.

- Nous pouvons faire aussi une boite à idées. En plus de l’ordre du jour. Par exemple, tu as dit que nous pouvons faire une sorte de zone de désintoxication d’expositions. Nous pouvons faire une zone ici. Faire un cercle blanc et dire Zone de désintoxication d’expositions.

- Oui on n’arrête pas de me dire "Tu viens au vernissage ?" ou "Tu viens à Nuit Debout".

- Juste pour dire de faire une boite à idées, il faut commencer quelque part.

- Bonjour, je suis en fac d’arts plastiques. C’est juste pour dire qu’on nous prépare pas du tout au milieu de l’art contemporain, à nous protéger, savoir comment défendre le droit d’auteur. Donc, je suis très curieuse d’être ici. Et je suis très contente.

- Moi aussi, j’étais aussi en fac d’arts plastiques, j’ai appris beaucoup de choses en école d’administrateur. La faculté en arts plastiques n’enseigne pas ce qui est le vrai monde de l’art, elle n’enseigne que la philosophie de l’art.

- A Paris 1, nous avons aussi de la pratique.

- J’ai fait les Beaux-arts de Paris et on nous prépare pas au monde de l’art non plus. Dans le sens, droits d’auteurs, qu’est-ce que c’est le marché, dans quoi on va rentrer ? On a 5 ans de privilèges, un peu coupés du monde. Maintenant ça a un peu changé, mais il y a 5 ans au moins… On nous garde dans un cocon.

- Oui, ils savent ça. Pour cela les artistes sont exploités. C’est un problème d’éducation.

- Oui, je suis absolument d’accord avec ça. Autant dans ma pratique d’artiste que des commissariats, je n’arrête pas de rencontrer des artistes qui ne sont pas du tout au courant de leurs droits, tout simplement. Il y a vraiment une boîte à outils à constituer, pour savoir à quoi les artistes ont le droit. Le nombre de gens qui m’appellent pour me dire "je suis en train de discuter avec un centre d’art ou un commissaire, je ne sais pas à quoi j’ai le droit", "est-ce que je peux demander des droits pour l’exposition de la pièce ?" Il y a plein de gens qui n’ont pas l'idée de leurs droits minimum.

- En général c’est plutôt dans les écoles qu’on a un travail EN art et dans les facs SUR l’art.

- Cela dépend de la pratique. En tout cas, à Paris 1 nous avons autant de la théorie que de la pratique. Et même il y a un cours de création personnelle. Mais, après, Paris 8 fonctionne différemment et d’autres facs de la France fonctionnent différemment.

- Alors, à minima dans les écoles d’art on devrait faire ça. Parce les gens qui sortent des écoles d’art deviennent artistes, peut-être pas forcement pour longtemps mais l’on devient artiste, et il n’y a aucune formation sur les droits, sur l’économie. Les gens sortent et sont complètement démunis. On les forme mais avec un arrière-plan qui est une espèce d’idéologie de l’artiste romantique du 19ème siècle. Et les gens sortent et dehors c’est la guerre. Ils mettent deux ans pour s’en rendre compte. C’est là où ça favorise les gens, le bon truc à la Bourdieu. Ceux qui s’en sortent c’est ceux qui ont un background favorisé et qui ne sont pas démunis face à la brutalité du marché et du contexte économique. Les artistes s’outillent eux-mêmes.

- Il s’agit de l’éducation.

- Oui, en économie, en droit… Qu’est-ce que c’est une cession de droits pour des œuvres, comment faire une facture, comment faire un contrat, qu’est-ce qu’on a le droit de demander quand on fait un contrat. Il n’y a pas longtemps j’ai fait une expo à l’étranger, j’en fais régulièrement. J’étais le seul à demander au centre d’art un contrat. On était 16. Et quand on se retrouve dans cette situation-là tu es vraiment le chieur de service !

- Et on te dit « n’en parle pas aux autres ».

- Oui, et on te dit « n’en parle pas aux autres ».

- Cela m’est arrivé plein de fois. Je rafle le budget et on me dit "n’en parle pas aux autres artistes !" C’est lamentable. Et je réponds « mais oui, je vais en parler ». Et pleins d’artistes à qui je l’ai dit me répondent « non, n’en parle pas parce que tu vas te nuire à toi-même, et ça ne va pas aider ».

- Oui, donc, l’histoire de la boîte à outils est une histoire de capacité de dispositions qui nous permettent de nous défendre. 

- Est-ce que ce n’est pas possible de faire un kit de survie minimum en art ? Autour de moi il y a des gens qui font des droits d’auteur. Comment commencer à aiguiller les gens? Par exemple, moi j’ai envie de m’y mettre mais je ne sais pas par où commencer. Il y a des bouquins.

- Justement, les outils sont beaucoup plus faciles à trouver maintenant. Il y a beaucoup de livres à Beaubourg. J’ai vu ça sur une grande table. J’ai été étonné parce que quand je suis sorti de l’école il n’y avait rien du tout. Par exemple, je ne savais pas du tout ce qui était un FRAC. J’ai vendu dans un FRAC. On est venu me parler et on m’a dit "C’est le directeur du FRAC". Personnellement, je pense au contraire que les écoles d’art remplissent de plus en plus cette mission. Maintenant, il faut faire une thèse, c'est absurde.

- Oui, c’est les bouquins qui disent comment « réussir » ! C’est sur un plan diffèrent… Il y a aussi "qu’est qu’une MDA" ?

- Oui, maintenant… Justement, les écoles préparent les artistes à s’insérer dans le marché. Artistiquement déjà.

- Mais il y a un formatage…

- Il ne me semble pas que ce soit si grave que ça. Est-ce que le rôle de l’artiste est de s’insérer dans ce système… et d’adhérer absolument ? Il apprend à y vivre déjà dans l’école. C’est dire c’est ça que vous allez faire, exposer dans une galerie, etc., alors qu’on est pas obligé de faire ça, ce n’est pas obligatoire.

Maintenant, ce qui est obligatoire pour être artiste il faut déjà être à la Maison des artistes, même pour obtenir un atelier. Ce que je trouve problématique par rapport à quand j’ai commencé. Pour faire quoi que ce soit la MDA est devenue instituante, c’est-à-dire maintenant on nous reconnaît comme artiste parce que nous sommes à la MDA et il faut être affilié même pour un stage, un stage de 3D.

- Il y a un contrat type sur le site de FRAAP qui offre librement des ressources comme ça sur internet.

- Ok, tout ça existe mais sur le terrain c’est diffèrent.

- Comment se défendre quand on est dans des situations contractuelles ? Le nombre de situations dans lesquelles les gens ne signent pas de contrat est encore la majorité. Les ressources, ok, mais s’il n’y a pas de contrat cela ne sert à rien.

- Mais c’est à double tranchant. Il me semble que les artistes nourrissent une honte du fait d’être payés comme n’importe quel autre métier. Ils restent dans l’image des artistes qui sont contents d’être visibles donc on se la ferme. Dans le cadre de "Hors pistes" on est payé 100€ pour exposer 3 semaines et on nous dit "Mais ce sera dans ton CV", avec cette idée que les artistes vivent d’amour et d’eau fraiche.

- Ils vivent soit en étant prof soit en ayant une famille derrière, ou les deux. C’est un milieu hyper bourgeois. J’étais à la Cité des arts, rue Norvins, les taxis attendaient devant avec les gens du pavillon.

- Est-ce que vous comptez planter des bâches avec une exposition ou c’est juste des réunions sur le marché de l’art ?

- Toutes les propositions sont les bienvenues, là c’est juste le début. C’est une proposition d'action. À mettre dans la boîte à idées.

- Nous pouvons parler des formes de travail qu’on veut mais il y a aussi les formes de l’art qu’on veut qui est intéressant… Enfin, les deux sont importants, j’aime cette situation-là parce qu’elle est les deux. Il y a la loi El Khomri sur la place mais il y aussi parler de choses plus générales C’est peut-être aussi l’occasion de parler de quel art on veut ? Par exemple, l’art contemporain est aussi une expression, liée à des vitesses, ce qui est visible et invisible, c’est quand même une expression. Si on parle de super luxueux, super technologisant, super pulsionnel… Le gens actuellement qui font la critique de ça, c’est une critique moralisante. C’est l’extrême droite, catholique, la critique sur la morale. "C’est porno, c’est dégueulasse…" Quand il y a eu le gode géant place Vendôme, c’était la critique morale. C’était aussi pour parler de la sexualité, c’était un sextoy, c’était aussi la marchandise. Ça ne me dérange pas de dire que c’est une bite géante ce truc, mais le dire avec un sextoy tu parles de la marchandise dans la sexualité et ça c’est une autre forme de critique de l’art contemporain et qu’on pourrait aussi assumer et construire un autre regard sur l’art contemporain sinon les gens qui ont la critique c’est toujours "il y a des enfants à poil", "ça parle de cul",… Construire la critique dans le monde.

- Mais il y a aussi une critique qui est basée sur le travail et ça parle d’un constat qui est souvent une "absence" de travail. C’est surtout ce constat-là que j’entends le plus souvent. Le « moi aussi j’aurai pu le faire », c’est une critique généralisée sur l’art contemporain et qui parle de l’absence du travail. Donc qui doit se nourrir aussi d’une réflexion sur le travail de l’artiste. Oui, on doit réfléchir sur l’art qu’on veut et la critique de l’art contemporain mais moi c’est vraiment le lieu du travail. C’est bien d’avoir cette réflexion-là dans le cadre de Nuit debout. Moi je viens de l’histoire de l’art et en France on parle pas de l’aspect du travail dans les milieux universitaires. Ce n’est pas un truc "intéressant". Ce n’est pas axé sur des questions esthétiques pour que ce soit accepté dans les milieux universitaires et critiques. C’est une énorme lacune.

- En ce moment, il y a une énorme production de dessins… Nous sommes dans un marché de luxe et au faite finalement il y a des heures passées à faire des dessins très chiadés : des heures de travail ont un prix. La qualité un peu laborieuse, ils reconnaissent du travail dedans. La valeur. La question de la virtuosité… c’est très régressif. C’est l’idée d’une non profession. Il n’y a pas de travail.

- Pour rompre avec cette critique-là. Connaissez-vous Schtroumph émergeant? C’est un blog de critiques de l’art contemporain un peu pour catégoriser. Eux il y a ça : le fait de dire "mon enfant de 5 ans peut faire la même chose". C’est à nous de sortir aussi les arguments. Sinon, même les gens de l’art contemporain qui n’ont pas trop les arguments, viennent à faire ce truc un peu laborieux un peu pour s’excuser de dire "mais non, on est comme ça mais au fait on l’est pas". Alors que pour revenir sur l’histoire du travail… Les gens qui font les vitrines des Galeries Lafayette, ils réutilisent ces gestes-là. Donc, les artistes là font un travail énorme qui est de créer les formes pour la société. Même si c’est un caca, ce caca-là va être regardé par tous les gens en com', en design, en architecture et après ils vont faire la même chose. Si cela on ne peut pas l’expliquer, les gens ne voient même pas la valeur concrète. C’est aussi à nous de l’expliquer et du coup même un caca. Ce n’est pas parce que tu fais un geste qui est très faible, on ne crée pas de valeur. Et même les artistes ils se la font voler. Parce que à Montreuil j’ai vu. Ils ont fait une affiche municipale dans la tongue, et il y avait une ville dans la tongue et au faite j’ouvre un bouquin dessin de la collection Beaubourg et il y avait un artiste cubain qui avait fait ça 4-5 ans avant. Donc, le graphiste a juste ouvert et il a fait tac ! Il n’y a pas de problème mais ce qu’il y a c’est que cette valeur-là n’est pas reconnue à l’artiste. Parce que si je montre à ma mère l’artiste qui a fait la tongue : « bof, c’est un peu une connerie ». Et en plus l’artiste même n’a pas d’argent pour son travail.

- J’ai l’impression qu’il y a deux choses qui se croisent. La structuration de plus en plus forte du marché, les écoles accompagnent ça aussi dans le sens d’une professionnalisation, inadaptée. L’écho sur presque tout le monde dit sur l’idéologie de l’employabilité qui se retrouve aussi dans les écoles d’art. Qu’on forme les gens de plus en plus adaptés aux lois du marché. Je vois des gens qui n’ont même pas passé leur diplôme qui sont déjà dans des logiques d’insertion du marché. Cela a un côté bien pour les artistes mais aussi cela fige très vite les productions. Des effets pervers qui sont assez dangereux. C’est une chose. Puis, d’un autre côté, ce que s’est constitué pendant 30-40 ans en France sur les lieux publiques qui ont beaucoup accueilli et financé des centres d’art, etc., c’est un tissu qui commence à se dissoudre. Puisqu’il n’y a plus d’argent. Les pouvoirs publiques suivent moins. Il y a beaucoup de centres d’art qui ont fermé ces dernières années pour des raisons politiques et/ou des raisons financières et/ ou pour des raisons qu’on a dit tout à l’heure, la demande d’utilité sociale de l’art qui parfois vient détourner des projets. Entre ces deux choses là, il y a une nécessité d’encapacitation qui va davantage dans le sens des artists-run spaces ou des économies alternatives où on arrive à faire des choses qui ne sont pas prisonniers de la demande du marché et qui en même temps arrivent à trouver une émancipation aussi vis-à-vis du secteur public qui s’est affaibli.

Il y a une troisième voie à trouver là-dedans. Les artistes sont à la fois plus conscients de leurs droits, qu’ils soient mieux outillés, qu’ils soient plus capables de monter des choses par eux-mêmes, donc avoir un peu plus de notions sur ce que c’est que la production, comment on construit les choses, comment on trouve de l’argent autrement, voilà c’est une impression que j’ai.

- Je ne suis pas sûre d’avoir bien compris mais c’est intéressant, vous avez parlé longtemps. Je dirai que c’est une proposition.

- Je résume : d’un côté, il y a une structuration de plus en plus forte du marché. Il devient très très fort, va très très vite avec de durées de vie de carrière très courtes, une pression très forte sur les artistes, de plus en plus tôt, de plus en plus jeunes. Deuxièmement, le secteur public s’affaiblit parce qu’il y moins d’argent et parce que les municipales sont passées par là avec plein de municipalités qui sont passées à droite avec des centres d’art qui ont fermé et ça continue. Entre ces deux choses, il y aurait une troisième voie à trouver par les artistes eux-mêmes : trouvant des économies alternatives qui puissent échapper un peu à ces deux secteurs-là.

- Les institutions les obligent à chercher des financements privés du coup ça rejoint le monde des galeries. C’est parfois les mêmes financeurs qui sont dans les deux à 50 % des deux côtes. Et donc finalement je vois un amalgame des deux catégories.

- Oui, c’est souvent le cas par exemple avec des expositions, même dans des grandes institutions.

- Du coup il n’y a qu’un seul système.

- Pour qu’un lieu soit libre, il faut qu’il puisse se dégager des enjeux. Ça c’est mon avis. Je viens de passer 8 ans dans un lieu qui était alternatif et donc c’était assez intéressant de voir que la liberté notamment par rapport à la production artistique. Se demander ce qu’on veut comme art, justement c’est de s’apercevoir que c’est quelque chose qui prend longtemps… Parce que au départ il y beaucoup d’artistes qui viennent et qui produisent les mêmes choses que ce que l’on peut voir en galerie et ça c’est pour une raison bien particulière, c’est qu’on a fait de l’art une marchandise. À partir du moment où c’est une marchandise elle perd sa fibre qui en faisait qu’elle devait être produite la plupart du temps. Et dans tous les cas, d’un point de vue purement esthétique, elle va venir s’insérer comme une marchandise dans l’espace. C’est un vrai problème parce qu’il n’y a plus d’espace de liberté où l’on peut produire un boulot. Ce qu’on avait était génial. On avait une salle d’exposition, on réservait et on exposait, on avait un public parce qu’on était un peu connus quand même, on faisait ce qu’on voulait et on avait un regard public et on avait pas de comptes à rendre. Il s’est produit quelque chose de l’ordre de la liberté. C’est ce qui manque. Je pense qu’il faudrait fermer les FRAC et ouvrir des Générales.

- Par rapport aux baisses des budgets : l’état a de l’argent pour faire des cadeaux aux entreprises, pour doubler le budget pour l'équipement des CRS, etc., pour ça il y a de l’argent, que ce soit utile ou pas.

- Tu parlais du fait qu’une œuvre d’art soit une marchandise… Sauf que ce n’est pas seulement une marchandise mais c’est aussi une marchandise défiscalisée. C’est un point important. Je ne comprends pas pourquoi on ne paye pas d’impôts sur les œuvres d’art, si on en venait à les défiscaliser c’est qu’il y a une institution qui décrète que telle oeuvre a tel prix. Je ne comprends pas pourquoi on ne paie pas d’impôts.

- Pour favoriser le marché… Les entreprises défiscalisent si elles s’engagent à exposer…

- Il y a un problème dans l’économie de l’art.

- L’art c’est "hors taxe".

- L’art dégage 20 milliards d’euros autant que la chimie ou je ne sais quoi, mais ça ne revient pas aux artistes.

- Les chiffres sont sur le site du ministère mais l’argent ne leur revient pas. Ceux qui créent la richesse n’en profitent pas.

- Il y un problème d’espace. J’ai habité à Berlin pendant plusieurs années. J’avais de l’espace qui ne coûtait pas très cher et je partageais des choses avec les gens. C’est précieux. Ce qui nous manque à Paris, c’est l’espace, ce qui entraine chez les artistes un climat conflictuel dû à une logique de concurrence, les gens se tirent entre les pattes, personne n’est soudé. À Berlin l’argent ne circule pas, il y a des galeries mais ce n’est pas là où le marché se fait en Allemagne. Il y a beaucoup d’espaces autogérés, il y a beaucoup d’échanges entre les artistes. Il y a des idées d’ensemble. On expérimente tout le temps… On s’entraide.

C’est aussi une question de relations humaines, nous sommes affaiblis, nous sommes divisés par la concurrence. Ils sont en train de détruire nos forces créatrices. Je ne conçois pas la concurrence dans l’art. Nous sommes tous différents. Il n’y a pas de concurrence dans l’art c’est absurde. Et quand je dis ça les gens ne comprennent pas. Tout est concurrence, faire des dossiers, etc., faire du chiffre… On est pas à la bourse !

- C’est ce qu'on nous apprend dans les écoles, c’est qu’il y en a un qui va sortir vivant. Alors que chacun fait son chemin et chaque chemin en enrichit un autre. On ne peut pas être en concurrence les uns contre les autres.

- C’est nous maintenir en individus séparés…

- … parce que sinon on serait forts.

- On peut citer par exemple la Maladrerie à Aubervilliers. Là où se trouve le centre d’arts plastiques, il y a 50 ateliers. Il y a des groupes, on se rencontre. Et comme les vernissages sont à l’intérieur de la cité on fait des vernissages avec 300 artistes et on se rencontre. Il y moins d’individualisme et on s’aide, il y a une vrai force vive.

- Ca gêne le pouvoir, parce qu’on est libres.

- Paul Jorion, économiste, a dit : vous faites peur parce que vous vous réunissez.

- Oui, le fait de se réunir c’est déjà en soi subversif.

- C’est intéressant parce que la question des espaces ça change tout pour la liberté de travailler… Pour Paris c’est difficile, c’est l’enfer pour les artistes… Il faut sortir …

- Oui, j’ai envie de partir de Paris, mais tout est ici… Enfin, il y a plein de choses ailleurs mais j’ai quand même l’impression d’être moins visible et de sortir du cercle… Il faut décentraliser plus.

- Tu peux trouver plein de trucs ailleurs. C’est quand on est à Paris on pense ça, mais ce n’est pas vrai.

- Ici dans l’Yonne il y a beaucoup de centres d’art. Je travaille là bas, il se passe beaucoup de choses. J’ai le défaut de faire de la céramique, je suis dans un autre truc, qui est moins dans le marché de l’art. Il y a beaucoup de choses de grande qualité. Le prix des œuvres d’art c’est n’importe quoi. Je vends une ouvre à 1000€, je suis contente… Bon, peut-être un peu plus mais je n’habite pas à Paris. Nous voulons tous vendre comme le système économique dit à 10-15 000€. C’est terrifiant. Nous n’avons aucune réflexion là-dessus, on est pris là-dedans.

- On ne peut pas s’épanouir là-dedans…

- Essayer de voir une autre voie pour la liberté créative et loin du marché de l’art.

(Une dame écoute depuis longtemps… et décide d’intervenir)

- Excusez-moi, mais vous n’êtes pas intermittents ?

- C’est une bonne questions! C’est pire… Nous ne sommes pas intermittents.

- Nous n’avons pas de salaire, nous n’avons pas de chômage, parfois nous n’avons pas de sécurité sociale…

- Moi, je ne comprends pas… Mais pourquoi ?

- Il faut l’inventer…

- Il n’y a que les artistes qui sont intermittents ?

- Non les intermittents sont salariés dans des théâtres, par des structures de manière intermittente. Les artistes ne sont pas dans le champ des intermittents. Ils ne travaillent pas de cette manière-là.

- Vous n’avez pas les droits d’auteur non plus ?

- Mais ils nous les payent pas.

- Oui, droits d’auteur, honoraires, mais nous n’avons pas d’intermittence. C’est un régime de salariat.

- Il faut un régime universel à vie.

- Je connais plutôt la difficulté de définir la valeur des informations. Dans le système à venir, dans le monde à venir on n’arrive pas... On a les mêmes problèmes. Est-ce qu’on va mesurer une information d’après l’effort qu’on a fait pour l’écrire, l’arranger, la proposer, etc.? Nous, on compte beaucoup sur le revenu universel parce que la valeur de l’information on la découvre souvent avec du retard, surtout quand on compte sur le peuple à décider, c’est les gens et pas quelques marchands ou un marché… Si un jour on commence à compter sur les vrais utilisateurs et pas des investisseurs qui ont des visions bizarres sur un grand tableau ou petit, avec ou sans or. Ce que j’ai entendu ici c’est les intermittents et leur système. On m’a dit que c’est le meilleur système. Les intermittent peuvent baisser leurs revenus au cas où ils décident de prendre une année sabbatique. Ce n’est pas comme les fonctionnaires. Peuvent rester sans boulot et toucher le salaire. Ce qu’on critique ici parce qu’ils pèsent sur tout le monde.

- C’est plus débridé le marché de l’art. Il n’y a pas de règles. Quand on achète de l’essence, quand tu achètes du blé, etc., il y a une spéculation maintenant.

- Le marché de l’art n’est ni pire ni moins pire que les autres… Le rapport entre prix de production et de vente n’a plus de rapport. Il n’est pas vraiment diffèrent du marché de la mode ou de la bouffe.

- Avant tu n’avais pas le droit d’exploiter le pétrole. Les matières premières maintenant oui. Le marché de l’art était précurseur de ça.

(Il y a des désaccords)

- On revient toujours à la même question. Produire de la richesse et ne pas profiter de ce que l’on produit. Cela existe dans d’autres domaines. Les professionnels de l’art produisent énormément de richesse et il y a une économie monstrueuse qui se construit autour de ça. Et cette plus value-là ne revient jamais à ces professionnels.

- Il y a des répercussions sur le flux financier. Dans l’art il y a deux marchés. La vente directe d’une galerie à un client et après il y a un deuxième marché de la revente.

- La différence avec les autres marchés c’est qu’une œuvre d’art est le produit parfait pour blanchir de l’argent. C’est beaucoup plus simple de transporter un petit tableau que trois tonnes de blé.

- Et si on parlait de l’héroïne et des drogues ? Qui sont sans doute plus faciles à transformer que des tableaux même si c’est plus dangereux… (rires)

- On reprend. Il y a deux marchés, la vente et la revente. Les gens qui ont acheté à l’artiste ils vendent après à un intermédiaire, un courtier, un collectionneur, etc. Du point de vue de la quantité d’argent dans le premier marché il n’y a rien. C’est-à-dire, la masse d’argent qui circule dans le premier marché est très peu. Tout l’argent circule dans la revente des œuvres. Ils revendent à un prix deux fois, trois fois et plus, il y a des reventes et plus il y a de l’argent qui circule.

- Mettez-vous en grève !

- Merci Madame ! La question, c’est qu’ils ont fait une petite loi. À chaque fois qu’il y a une revente (les droits de suite), l’artiste touchait 1% ou 2%… Le problème c’est que cela ne concerne que les reventes publiques. Et cela est inappliqué.

Il y a 10 000 artistes ou 50 000 qui se partagent 1 million d'euros cela est le vrai problème. Mais les jeunes artistes qui ne vendent pas ne touchent rien.

Nous pouvons constituer une caisse commune pour gérer pour l’ensemble des artistes l’argent des reventes… Il faut une caisse commune.

Il y a beaucoup d’artistes pauvres et beaucoup d’intermédiaires qui spéculent. Qui profite ? Pas les artistes. Il y a une masse d’artistes qui ne travaillent pour rien. Premier point à réfléchir.

- Je fais partie d’un collectif qui s’appelle Economie solidaire de l’art. Nous avons créé un groupe sur Facebook. On travaille notamment sur l’idée d’un fonds de soutien qui permette de financer les opérations, projets, aides, ateliers.

- Il y a aussi de choses qui ne sont pas dans le marché. Les artistes qui ne touchent pas leurs droits d’exposition. Pourquoi tout le monde est payé sauf les artistes ?

- Il faudrait un organisme à qui se référer pour dénoncer.

- Nous voulons faire le contraire, faire une charte et valoriser les lieux qui payent plutôt que de dénoncer. C’est mieux de mettre en avant de manière positive un centre plutôt que de parler de ceux qui ne payent pas. Et mettre en arrière ceux qui ne payent pas.

- Il faut être beaucoup d’artistes pour se battre et faire valoir ses droits.

- Le second marché est international… C’est compliqué de défendre une idée comme ça… Cela est juste au niveau national. Ce qui va se passer c’est qu’il n'y aura plus de marché en France. Je vois plus comme une obligation de l’Etat de mettre l’argent dans la culture.

- Il y a plein de mouvements partout dans le monde qui travaillent dessus. Les premiers c’est les Canadiens. Il y a des mouvements en Angleterre, en Allemagne, en Suisse, en Espagne. Cela commence à réfléchir vraiment à une échelle internationale. Rien ne s’opposerait à ce que ce soit international. Il faut sortir de l’attente de l’Etat. Je pense que c’est derrière nous, c’est mon point de vue.

- Dans ce cas, c’est une défaite parce que l’Etat subventionne l’armement, le nucléaire… Il subventionne le boites qui font des missiles. Le gâteau est comme ça. Chacun prend sa part. Pourquoi nous ne prenons pas notre part ?

- Est-ce que vous ne pensez pas de favoriser plutôt le premier marché ? La vente directe. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui apprécient l’art mais qui n’en achètent pas parce que ce deuxième marché est intimidant. Sortir de la spéculation et du marché capitaliste. Arriver à impliquer les gens qui apprécient.

- Moi en tant que spectatrice, je n’ai même pas la place pour exposer vos œuvres chez moi. Mais vous ne pouvez pas les louez, les exposer…

- Oui, il y a déjà des artothèques.

- J’ai une question, parce que c’est écrit art contemporain, les œuvres ne sont pas forcement matérielles, ni de durée constante. Je suis réalisatrice mais je suis aussi danseuse et performeuse et je faisais des installations. Je ne peux pas vendre une installation de 100 mètres de long à un particulier. Donc, je dépends d’un certain marché de l’art.

- Mais ce n’est pas le marché… Cela concerne les institutions, les musées… Parce que ce qui se vend le plus ce n’est pas les installations.

- Dans ce cas-là, c’est parce qu’on obtient des aides, des fonds qui permettent de créer. Quand quelqu’un parle de vendre dans un premier marché, ce n’est pas le premier marché là… c’est un autre système. Selon les pratiques.

- Vous demandez des aides à des gens qui ne profiteraient jamais…

- Justement pour que ce soit accessible à tout le monde.

- Il y a aussi des lois qui défiscalisent des achats. Les lois permettent de soustraire une partie de l’argent des impôts. Il y a un autre aspect financier par rapport à comment les impôts de l’Etat fonctionnent ? C’est en relation à la conduite de l’Etat.

- Ca s’est intéressant. Le fait que ce soit défiscalisé c’est un désengagement de l’Etat pour moi. Les privés choisissent une œuvre d’art qu’ils vont acheter et c’est défiscalisé. L’Etat donne de l’argent par l’intermédiaire des privés à des artistes. En gros c’est ça. Au lieu de ça, ils pourraient ne pas défiscaliser, et garder l’argent imposable et le donner, le gérer lui-même…

- Mais, du coup ce sera encore des jurys.

- Le principe de revenu universel est intéressant. S’il est à hauteur intéressante… Pour l’instant ce n’est qu’un gros piège, celui de supprimer les aides sociales.

- Le risque c’est on balance tous les acquis sociaux et puis on baisse. Et là c’est la catastrophe.

- Cela va prendre énormément de temps ? Alors qu’élaborer une charte pour les artistes, alors que le fonds de soutien peut se faire de manière progressive. Mais qui le tient ce fonds de soutien ?

- Quelqu’un dit "mettez-vous en grève" mais on a pas de référent pour se mettre en grève. Quand je parle à des amis qui sont intermittents ils ont un espace de visibilité. Nous, artistes plasticiens, on manque de cet espace de visibilité, comment on peut le trouver. C’est super compliqué. On ne peut pas faire grève.

- Je pensais à Orlan qui faisait des bisous à 1€ au début de sa carrière qui avait un côté super revendicatif sur le statut des artistes. Après c’est tout de suite récupéré. Mais il y a des artistes qui bossent vraiment dessus.

- Pensez à des actions. Nous avons tourné le truc dans tous les sens, on n’a pas encore trouvé la bonne action. Mais nous avons décidé de nous assoir sur la place pour parler. Quelqu’un disait à Nuit debout … Je pensais suivre, m’inspirer de la Place comme matière de création, d’actions. Quelqu’un a dit de faire un cahier de doléances, sous-titré "cahier d’affirmations". Une sorte de boîte à idées au fait… Il disait en gros qu’il ne faut pas revendiquer mais affirmer. Il ne faut pas demander mais prendre. Il ne faut pas suivre leurs règles mais inventer les nôtres. C’est un départ de créativité pour moi. Il faut affirmer et exiger ! Ne pas demander, supplier… Il faut assembler plus de gens. Nous allons retranscrire en entier et mettre sur le wiki pour le rendre le plus accessible possible. Nous allons créer une page aussi… Art contemporain ?

- J’aimerai un terme plus large… Il y a des artistes qui ne se reconnaissent pas dans le terme "art contemporain"…

- Arts plastiques ?

- Je n’aime pas « plastiques »…

- Arts visuels ?

- Ok ! (tout le monde semble d’accord) 

- Faire un cahier avec page de doléances à droite et page d’affirmations/ propositions à gauche. Ou faire un cahier sur les questions argent, institutions, etc. C’est un moyen de mettre ensemble les idées positives d’actions, etc., d’avoir une vue d’ensemble.

- Le site de l’Economie solidaire de l’art va être complété pour proposer une charte à l’attention des lieux, un lien pourrait aussi être fait vers le wiki de Nuit Debout.

- Je suis pour construire une 3ème structure.

- Exemple de l’agriculture. La question du statut du paysan. Tu as de la terre… Le problème c’est qui est l’artiste ? Qui peut revendiquer le statut de l’artiste ? Là c’est un peu problématique. Tout le monde peut se déclarer artiste. Vrai problème.

- Il y a des milliers de gens payés pour nous juger.

- Là commence le vrai problème, tout le monde peut dire "je suis artiste". Toute question de demande de financement redevient floue et ça retombe dans le marché… Trouver des pistes de critères sans que ce soit discriminatoire.

- La question de l’éligibilité ? Parce que le CNC ou le CNL par exemple, fonctionnent au projet.

- C’est intéressant. Mais aujourd’hui aussi cela ne convient pas à tout le monde. Tout le monde ne fonctionne pas par projet, ne travaille pas forcement de cette façon.

- Nous pouvons dire sur projet ou sur dossier alors…

- J’en ai assez qu’on me juge…

- La question ce n’est pas le projet mais l’appel à projets qui est exaspérant… On répond à des appels à projets comme une agence d’architecture. La notion de projet est discutable et large.

- On réfléchit à ça pour la prochaine fois, parce que là on a froid ! Rendez-vous samedi prochain à 17h ?

- Ok !