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Villes/Paris/Droits de l'Homme et Démocratie/CR/21/05/2016

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le projet de réforme de la procédure pénale dit loi Urvoas est-il un danger pour la démocratie ?[modifier | modifier le wikicode]

21/05/2016

Informations[modifier | modifier le wikicode]

Ce projet, même amendé par le Parlement, me paraît dangereux car il remet en cause des garanties fondamentales protégeant la liberté individuelle. Sans analyser chaque dispositif (je n’ai notamment pas évoqué les assignations à résidence possibles sans juge, car cela demandait une analyse plus fine ; ni la nouvelle possibilité de tirer pour les policiers), j’ai voulu démontrer que ce projet de loi, dont le processus de vote est presque terminé, opère des modifications structurelles de la procédure pénale.

1. On observe un glissement des pouvoirs normalement dévolus au juge d’instruction vers l’enquête de police judiciaire[modifier | modifier le wikicode]

Ex. : sonorisations (micros chez vous ou dans votre voiture etc..) ; captations d’images chez vous ou captation de données informatiques… Conséquences :

  • perte du contrôle d’un juge du siège (le juge d’instruction), c’est-à-dire d’un juge qui présente certaines garanties statutaires d’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif au profit du parquet (procureur de la République), magistrat qui n’est pas indépendant à l’égard du pouvoir exécutif (cf. arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme).

Certes, le juge des libertés et de la détention (JLD) peut être amené à être saisi pour autoriser les mesures les plus intrusives dans la vie privée, mais il n’a pas le contrôle de l’enquête, du dossier (il n’est saisi que d’une seule mesure à la fois, par ex. d’écoutes téléphoniques). Et il n’est pas, pour l’instant, protégé par un statut de JLD, contrairement au juge d’instruction : s’il ne valide pas les demandes du parquet, le président du tribunal peut lui retirer la fonction de JLD. C’est arrivé. Les JLD valident les demandes du procureur à 95%.

  • Absence de droits de la défense : ce n’est qu’après les poursuites que l’avocat pourra demander l’annulation de mesures contraires à la loi. Lors de l’instruction, les statuts de témoin assisté ou de mis en examen permettent de faire des recours en annulation. Le mis en examen peut en outre, demander au juge d’instruction d’effectuer des actes d’investigation ou une expertise.


2ème glissement : du judiciaire à l’administratif[modifier | modifier le wikicode]

Rappel : l’administratif = prévention des troubles à l’ordre public, prévention d’une infraction ( = avant toute infraction). Juge compétent : le juge administratif

Pénal = répression, après une infraction. Juge compétent : le juge pénal.

Dans la loi Urvoas, Ex. de la rétention administrative de 4 heures prévue à la suite d’un contrôle d’identité : un policier peut amener au poste une personne et la retenir pendant 4h après avoir procédé à un contrôle d'identité, sans que le ministre de la justice Urvoas puisse expliquer pourquoi il faut créer cette nouvelle mesure administrative alors qu’il existe la procédure judiciaire de vérification d’identité et alors que la personne n’est pas censée avoir commis une infraction (puisque = administratif = prévention).

Conséquences : Risque d’arbitraire, de rétention « au faciès » (il existe déjà des contrôles d'identité discriminatoires cf. étude du CESDIP, en ligne ; cette rétention s'ajoutera au contrôle d'identité). . Car absence de contrôle d’un juge au moment où la mesure est prise (le procureur est seulement prévenu, sans aucun pouvoir sur la police administrative et sans contrôle effectif).

Le juge administratif ne pourrait intervenir qu’après coup : il n’existe donc pas de recours à un juge.

Pas d’avocat.

Risque alors de discrimination raciale, générant un sentiment de frustration et mettant à mal le « vivre ensemble ».

D’où les critiques des plus hauts magistrats judiciaires de France (le président de la Cour de cassation, les présidents de cour d'appel), du barreau de Paris (ayant lancé une pétition sur « change.org » contre ce projet), de la Conférence des bâtonniers, des avocats d’Europe (déclaration de Barcelone).

Le Procureur général de la Cour de cassation a demandé publiquement si ces mesures étaient vraiment utiles pour la protection de la sécurité de tous ? Mais aussi l’alerte donnée par les deux directeurs de la police du renseignement (DGSE et DGSI) lors de leur audition devant le Parlement : ces mesures sont-elles encore compatibles avec l’Etat de droit ? et n’y a-t-il pas un risque d’attiser la haine de ceux victimes de discrimination, qui pourraient alors dériver vers des formes de contestation violente, voire terroriste ?

== Résumé de mon intervention (Nathalie TEHIO) samedi 21 mai 2016 place de la République/ Nuit Debout ==

Note du 3 juin : la loi est désormais votée ; il faut se mobiliser pour demander au moins la saisine du Conseil constitutionnel. Au mieux; l'abrogation des dispositions les plus dangereuses signalées ci-dessus.