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Villes/Nice/Université populaire/CR/331 Mars - Dette, 5000 ans d'histoire, chapitre 4 et 5

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Dette, 5000 ans d'histoire, chapitre 4 et 5

331 Mars (25 janvier 2017)

Présentation

Chapitre 4 : Cruauté et rédemption

On avait vu dans les chapitres 2 et 3 deux récits d'origine de la monnaie : le mythe du troc qui dit que la monnaie aurait été inventée pour faciliter le troc entre voisins, et la théorie de la dette primordiale qui dit que la monnaie émise par l'Etat est la conséquence d'un rapport moral d'endettement des hommes envers l'univers, canalisé dans la société. On peut constater en fait que les deux ne sont pas si éloignés que ça l'un de l'autre... Graeber nous propose de jeter un oeil au livre "La généalogie de la modale" écrit par Nietzche en 1887. Nietzche part des mêmes prémisses qu'Adam Smith, c'est à dire le fait que le penchant pour les échanges a toujours existé chez les hommes, mais les pousse encore plus loin. Il affirme que c'est carrément l'achat et la vente qui ont précédé toutes les relations humaines. Tout système de comptabilité crée alors selon lui des débiteurs et créanciers et c'est de cette situation que nait la morale humaine. Et quand les hommes forment une tribu, la tribu leur apporte la paix et la sécurité, et ils ont donc aussi une dette à son égard. Ils la remboursent alors en obéissant à des lois, en faisant des sacrifices etc... pour rembourser les ancêtres à qui ils doivent toujours plus.

  • p 97 : Autrement dit, pour Nietzche...

Tout ça parait sensé mais le problème c'est que la prémisse de Nietzche est délirante (toutes les études anthropologiques montrent que l'achat et la vente ne précédent 'pas' toute organisation sociale). Mais Graeber pense que Nietzche savait qu'elle était délirante et a fait exprès de la pousser le plus loin possible. Il est parti d'un postulat bourgeois classiquement admis (le fait que les hommes sont par nature des machines calculatrices, cherchant leur intérêt personnel commercial), et l'a amené sur un terrain qui choque le même public bourgeois.

Mais son raisonnement reste ancré dans les limites de la pensée bourgeoise. Si on sort de ces limites, on peut par exemple aller chercher l'Inuit du Groenland rendu célèbre par l'auteur danois Peter Freuchen.

  • p 98 : Freuchen raconte qu'un jour...

Le chasseur affirme qu'on est véritablement humain non pas quand on fait des calculs économiques, mais quand on refuse de les faire. Et on retrouve ce raisonnement chez de nombreuses tribus de chassurs égalitaires à travers l'anthropologie. Nous avons divers penchants, celui de calculer en est irrémédiablement un, mais un parmi tant d'autres. Nous en avons bien d'autres et c'est à nous de choisir ceux que nous mettons à la base de notre civilisation.

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Ce que nous apporte l'analyse de Nietzche ici c'est que si on part du postulat que la pensée humaine est fondamentalement une question de calcul commercial, alors quand nous commençons à penser notre relation avec le cosmos, nous la concevons nécessairement en terme de dette. C'est en ça que la théorie de la dette primordiale est liée aux histoires imaginaires d'Adam Smith avec les primitifs jouant aux boutiquiers entre eux en troquant une flèche contre un peu de gibier.

Mais Nietzche facilite aussi la compréhension de la notion de rédemption qu'on retrouve à travers la plupart des grandes religions. La raison est en fait que ces religions sont nées au milieu d'intenses polémiques sur le rôle de la monnaie et du marché dans la vie humaine. Il est difficile re retrouver le contexte de ces polémiques et d'interpréter correctement les allusions des textes de l'époque. Dans la bible par exemple, les mots hébreux 'padah' et 'goal' sont traduits par rédemption, et ils pouvaient désigner le rachat de quelque chose qu'on a vendu, ou la récupération d'un objet détenu en gage par des créanciers. Il semblerait que ce soit surtout la rédemptiond des gages, et surtout des membres de la famille détenus en gage pour dettes qui ait été dans l'esprit des prophètes de l'époque. A l'époque les royaumes hébreux commençaient à développer des crises comme celles de mésopotamie où les paysans finissaient en péonage parce qu'ils ne pouvaient pas rembourser leurs dettes, leurs enfants devaient alors aller servir de domestiques chez les créanciers fortunés.

Le livre de Néhémie extrait de la bible nous l'explicite un peu (Néhémie était devenu gouverneur de sa Judée natale en 444 av JC):

  • p 101 : D'autres disaient : ...

Quand il a été normmé gouverneur il s'est empressé d'annuler toutes les dettes pour que tous les tenus en gage puissent rentrer chez eux. Mais il a aussi remis en place des anciennes lois juives. L'une des plus célèbres est le Jubilé qui dit qu'on annule toutes les dettes dans l'année du Sabbath (c'est à dire au bout de 7 ans), et donc ceux qui sont en servage seraient relachés. En fait le mot liberté dans la bible comme en Mésopotamie, signifie avant tout "libération des effets de la dette". L'histoire même du peuple juif a été interprétée sous cet angle avec la libération de la servitude d'Egypte qui était la rédemption initiale, suivie de la rédemption finale avec l'arrivée du Messie qui effacerait définitivement toutes les dettes dans un Jubilé final, mais seulement après un repentir des Juifs pour leurs pêchés (pour s'être asservis entre eux).

On peut alors se poser la question de ce qui est possible dans l'intervalle entre les deux rédemptions. Jésus joue explicitement avec le problème dans l'une de ses paraboles :

  • p 103 : A ce propos...

On a ici le roi qui veut régler ses comptes avec ses serviteurs (ce qui en soi est absurde vu qu'ils ne sont pas sur un pied d'égalité), et ça devient encore plus absurde vu le montant. Dire en Judée de l'époque qu'on doit 10 000 talents c'est come dire aujourd'hui qu'on doit 100 milliards de dollars. Le serviteur répond "100 milliards ? Bien sûr je peux rembourser sans problème, laissez-moi juste un peu de temps.". Puis le seigneur efface la dette dans un élan de générosité, mais à la condition, inconnue du serviteur, que celui-ci en fasse de même. N'ayant pas fait de même, le serviteur est alors précipité dans l'enfer pour l'éternité. (ou jusqu'à ce qu'il ait remboursé, ce qui revient au même) La chose intéressante que cette parabole suggère c'est surtout l'idée qu'il n'est pas possible d'effacer les dettes en ce monde. Et avec ça on peut politiquement justifier à peu près tout ce qu'on veut comme domination...

Les chrétiens disent à chauque fois qu'ils récitent le Notre Père : "Remets-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs." et pourtant la plupart des chrétiens qui récitent ça savent bien qu'ils ne remettent pas leurs dettes à leurs débiteurs, alors pourquoi Dieu devrait leur pardonner leurs pêchés ? Les religions mondiales regorgent d'ambiguités de ce genre : d'un côté elles sont des cris de révolte contre la marché, de l'autre elles ont tendance à formuler leurs objections en termes commerciaux en comptabilisant les pêchés, mais avec l'idée sous-jascente que si on rentre dans ce jeu de la comptabilisation c'est qu'au fond on n'est de toute façon pas dignes de pardon.

En fait quand on parlait de monnaie dans les époques antiques, c'est certainement pas aux relations de voisinage qu'on pensait. A la limite on pouvait penser aux ardoises de dettes des commerces locaux, mais surtout on pensait à la vente des esclaves, à la rançon des prisonniers, la corruption des fermiers généraux, au prêt à intérêt, au vol et à l'extorsion, à la vengeance et au chatiment, et surtout la tension entre la nécessité de la monnaie pour créer les familles (acquérir une épouse, avoir des enfants), et l'usage de cette même monnaie pour détruire des familles (créer des dettes qui finissent par vous enlever cette épouse et ces enfants).

"Il en est parmi nos filles qui sont asservies ! Nous n'y pouvons rien.", écrivait Néhémie. Pour un père dans une société patriarcale où la capacité à protéger sa famille est tout, avoir sa fille asservie à son créancier c'était comme être dans la situation du le serviteur de la métaphore de Jésus : plongé en enfer pour tout le restant de sa vie. Et c'est pourtant ce qu'ont vécu des millions de personnes à travers des centaines d'années. On pourrait objecter que c'était une situation qui étiait perçue comme normle, au même titre que l'esclavage ou le système de caste où les dominés depuis toujours avaient accepté leur sort. Mais il semblerait que la situation découlant des dettes aient reçu l'oreille attentive des prophètes qui rédigeaient leurs livres, contrairement à celle des esclaves ou celle des castes inférieures dominées, qui souffraient pourtant tout autant.

La raison principale est probablement que la relation débiteur/créancier a lieu entre personnes de statit égal. D'un côté le débiteur qui ne peut pas rembourser manque à sa parole en ne respectant pas le contrat, et donc se sent d'autant plus responsable de la situation quand ses enfants sont saisis, mais d'un autre côté il peut reprocher au créancier des fautes morales du à leur égalité présumée : "Nous avons la même chair que nos frères, nos enfants valent les leurs." Dans le cas de l'ancien testament les débiteurs avaient un argumentaire très puissant en rappelant que les Juifs avaient tous été eslcaves en Egypte, et rachetés par Dieu. Et si ils avaient tous reçu la terre promise, était-il juste que certains se l'accaparent. Dans une population d'esclaves libérés, était-il juste que certains réduisent les autres en esclavage ? On retrouve le même type d'arguments à travers le monde antique à Athènes, à Rome, et même en Chine.

  • p 108 : Pendant l'essentiel...

Chapitre 5 : Bref traité sur les fondements moraux des relations économiques

Ca arrive...

Discussion

Ca arrive aussi :D