Bienvenue sur le wiki de Nuit debout, nous sommes le 3004 mars.




Villes/Nice/Université populaire/CR/520 Mars - L'Ethique de Spinoza vue à travers Arne Naess (2) et la communication non violente

De NuitDebout
Aller à : navigation, rechercher

L'Ethique de Spinoza vue à travers Arne Naess (2)

520 mars (2 août 2017)

Son de l'atelier

Arrivera après l'atelier.

Présentation

Suite de l'Ethique selon Arne Naess

A remplir par Jean-Luc ou après l'atelier.

Spinoza et la communication non-violente

Lien de l'article :

Dans son article, Jean-Pierre Vandeuren propose de trouver des fondements théoriques dans l’Éthique de Spinoza pour caractériser la communication non-violente décrite par Marshall Rosenberg.

On va définir des concepts spinosistes pour essayer de les appliquer à la CNV.

le conatus

Petite citation de l'Ethique : « Toute chose, autant qu’il est en elle, s’efforce de persévérer dans son être » (Eth III, 6) et une autre « L’effort par lequel toute chose tend à persévérer dans son être n’est rien de plus que l’essence actuelle de cette chose » (Eth III, 7).

C'est cet effort qui existe en toute chose de par son essence que les commentateurs ont fini par appeler "conatus". Pour les êtres humains Spinoza utilise régulièrement les termes d’appétit, et de désirs, les désirs étant les conatus dont on a conscience, alors que les appétits ceux dont on n'a pas conscience.

Petit point important : pour Spinoza le monde est entièrement déterministe et toute chose a une cause, y compris la moindre des volontés humaines. Et donc selon lui on peut au mieux être conscient de notre conatus en apprenant à nous connaître et à connaitre nos conditionnements, mais on ne peut pas en décider librement. Et même le fait de décider exprès de changer de comportement pour prouver que c'est faux participe du déterminisme en question et de notre conatus.

Citation de l'Ethique : « Les hommes se trompent quand ils se croient libres ; car cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes qui les déterminent. » (Eth II, 35, Scolie).

Pour revenir au conatus chez l'homme, « l’effort pour persévérer dans son être » se résume surtout à quelques mécanismes de base, dont le principal est un mécanisme de socialisation par imitation. L'homme imite ses congénères et acquiert des habitudes de sa famille, de l'école, etc. (on peut se rappeler ici de l'habitus de Bourdieu qui a été beaucoup inspiré par Spinoza).

le cycle génétique des passions de base

Pour Spinoza, la vraie connaissance de soi ne peut être que génétique, non pas au sens du code génétique, mais au sens philosophique du terme, où on remonte la chaîne d'étapes qui se déroule vraiment en nous. Pour expliquer les comportements humains, Spinoza développe une théorie des passions, sur ce mode génétique par étapes successives, et organisés en cycles.

Selon lui, le point de départ est toujours le conatus qui nous anime de par notre essence. Et en évoluant dans le monde, ce conatus va soit être conforté, donnant à l'individu un sentiment de puissance et de joie, soit être contrarié, donnant un sentiment de tristesse. Ensuite l'individu va se rendre compte que ce sentiment de joie ou de tristesse est lié à un objet extérieur qu'il a rencontré, et de là il va éprouver de l'amour ou de la haine pour cet objet.

En mettant ça sur un shéma ça sonne ça :

Conatus → Joie ou Tristesse → Amour ou Haine → désir particulier → …

Pour boucler sur le cycle, l'homme va alors désier l'objet qu'il aime, et en fonction du fait que ce désir soit satisfait ou non, on va avoir de nouveaux affects de joie ou de tristesse et ainsi de suite...

En n'analysant pas génétiquement ce qui lui arrive, l'individu fait en général l'erreur de penser que c'est l'objet qu'il aime qui est en soi la cause de son désir. Mais c'est une erreur : la cause du désir est en lui, dans son conatus qui a évolué et acquis des habitudes avec son l'environnement.

Et c'est là que se fait le premier rapprochement avec la méthode de la communication non violente de Rosenberg :
Citation de Rosenberg qui le dit lui-même : « La CNV nous aide à nous mettre dans un état d’esprit plus serein en nous encourageant à focaliser notre attention sur ce que nous voulons réellement plutôt que sur nos défaillances ou celles des autres. » (page 216).

On va donc avec la méthode de la CNV éviter l'aliénation qui consistait à considérer que l'objet était la cause de notre désir, mais chercher la cause de notre désir en sous-mêmes, et donc comprendre vraiment ce qui se passe en nous de la manière dont ça se passe, c'est à dire génétiquement selon le shéma qu'on vient de voir.

l'ingenium

Pour Spinoza nous sommes le résultat de notre essence et de son conatus, exposé en permanence à des affections des objets qui nous sont extérieurs, nous en sommes constamment affectés dans notre degré de puissance (c'est à dire la satisfaction de notre conatus). Et c'est donc pour ça qu'on appelle les sentiments qui résultent du conatus affecté par l'extérieur : "les affects".

La manière dont nous sommes affectés dépend d'un filtre que Spinoza appelle l'ingenium, et qu'on peut résumer par "la personnalité". C'est l'ensemble des institutions qui nous ont formé, de nos expériences acquises, et de nos caractéristiques innées.

Si on veut remonter la chaîne de causalité de l'ingenium (c'est à dire de la personnalité), on va tomber sur ce que les psychologues appellent les schémas, qui sont des modèles permettant d'expliquer les réactions des personnes dans différentes situations. Ces schémas sont le résultat des expériences que nous avons vécus, et non pas de notre raison. En quittant la psychologie pour passer dans le monde de la sociologie, l'équivalent des schémas est ce que Bourdieu appelle les "illusio", c'est à dire le fait d'être pris par le jeu, de croire que le jeu en vaut la chandelle, que ça vaut la peine pour qu'on y participe. Cet illusio est acquis par la socialisation, donc bien de l'extérieur et non par la Raison. Si on remonte un peu la chaîne il est généré par le fameux habitus de Bourdieu, qui est l'ensemble des comportements acquis par la sphère familiale, scolaire, professionnelle qu'on reproduit inconsciemment à notre insu.

On en arrive donc au schéma suivant qui constitue le cycle génétique complet des passions de base :

                      Chose extérieure
                             ↓
Essence (Degré de puissance) → Affection → Affect (joie ou tristesse) → désir → action → …
                                         ↑
                         Ingenium (= manière d’être affecté = personnalité)
                                         ↑
                         Schémas (= visions passionnelles du monde = schémas = illusios)
                                         ↑
                                      Habitus
                                         ↑
                         Environnement familial et socio-culturel


Selon Rosenberg, le problème vient du fait que nous voyons chacun différemment les choses qui nous affectent, et la communication aliénante consiste à admettre que les autres voient les choses de la même manière que nous, et d'utiliser alors des jugements moralisateurs, des comparaisons, des exigences et des punitions.

Spinoza de son côté dit lui aussi que ce qui nous rend violent c'est quand on essaye d'imposer nos visions passionnelles du monde (nos schémas) aux autres qui ne nous comprennent pas parce qu'ils sont affectés différemment.

L'ambition de gloire

Pour Spinoza, le véritable ciment de notre société est ce qu'il appelle l’ « ambition de gloire », ce « désir par lequel tous les sentiments sont favorisés et fortifiés » (Eth III, Définition Générale des Affects, 44, Explications). Ca veut dire qu'on a tous besoin de se faire approuver des autres, c'est une de nos caractéristiques fondamentales vis à vis des autres, et c'est ça le véritable objectif de notre comportement d'imitation initial.

Le problème c'est que si on n'a pas cette reconnaissance, on a tendance à vouloir réaliser notre ambition de gloire en l'imposant, en la transformant alors en domination. Et donc la reconnaissance immédiate et naturelle empêche la naissance de ce passage de l’ambition de gloire à l’ambition de domination et donc la naissance de la violence et de la haine. C'est ce que préconise Rosenberg dans le chapitre 13 où il conseille d'exprimer pleinement sa reconnaissance.

La CNV : un processus basé sur la Raison ?

Les 4 étapes proposés par Rosenberg :

  1. observer sans juger
  2. exprimer ses sentiments
  3. trouver le besoin sous-jacent
  4. et faire une demande concrète

procèdent bien d'une analyse rationnelle de ce qui se passe en soi, en remontant la chaîne des causalités génétiques. Mais Rosenberg insiste beaucoup sur l'empathie et les aspects affectifs, comme le fait de rester sincères, vulnérables, dans un lien du cœur etc. en s'identifiant à l'autre plus qu'en l'analysant avec raison.

Il diverge par cet aspect de Spinoza pour qui seule la Raison peut permettre de régler vertueusement les problèmes.

« La vertu véritable n’est autre chose, en effet, qu’une vie réglée par la Raison ; et par conséquent l’impuissance consiste en ce seul point que l’homme se laisse gouverner par les objets du dehors et déterminer par eux à des actions qui sont en harmonie avec la constitution commune des choses extérieures, mais non avec sa propre nature, considérée en elle-même » (Eth 37, Scolie 1).

Jean-Pierre Vandeuren pense que c'est une faiblesse théorique de la part de Rosenberg de rester vague là-dessus.

Discussion

A venir après l'atelier.