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Villes/Nice/Université populaire/CR/520 Mars - L'Ethique de Spinoza vue à travers Arne Naess (2) et la communication non violente

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L'Ethique de Spinoza vue à travers Arne Naess (2) et la communication non violente[modifier | modifier le wikicode]

520 mars (2 août 2017)

Son de l'atelier[modifier | modifier le wikicode]

https://www.youtube.com/watch?v=vco20EzcnoQ

Présentation[modifier | modifier le wikicode]

Suite de l'Ethique selon Arne Naess par Jean-Luc[modifier | modifier le wikicode]

Au dernier atelier on avait vu l'unicité de la substance qui est aussi Dieu, et les diverses lectures possibles des relations entre cette substance, et les modes changeants de cette substance qui constituent les animaux, les humains, les objets. Dans la lecture traditionnelle l'importance était la substance et les modes étaient secondaires, alors que Arne Naess dans sa lecture renversait les choses à partir de l'idée que "sans modes il n'y a pas de substance". On pouvait à travers lui voir Spinoza comme un critique de la pensée substantialiste, qui va dans le sens du reproche d'hérésie qui lui a été fait, puisque selon lui alors Dieu ne serait pas important.

Nature naturée et nature naturante[modifier | modifier le wikicode]

Il ne s'agit pas de deux parties de la nature, mais plutôt de deux types de regards sur la nature, c'est à dire sur Dieu.

Le simple emploi du participe passé et présent aide à comprendre ces notions : la nature naturée c'est la nature en tant qu'elle est donnée, c'est à dire les diverses entités qui la constituent. Exemple : le soleil, les étoiles, nous etc. La nature naturante a un aspect plus dynamique, c'est le principe d'organisation de ces choses, ce qui les active, les fait être. Par exemple si la nature naturée sont les planètes, la nature naturante c'est les forces d'attraction qu'il y a entre les planètes, les principes actifs qui font que les choses sont ce qu'elles sont.

Naess met l'accent sur la transformation quand il parle de nature naturante. Il en parle en tant que du principe de créativité à l’œuvre dans la nature. Les êtres humains créent des choses, les plantes aussi, les fleuves créent leur lit etc.

Naess : "Dieu en tant que nature naturante n'est rien d'autre qu'un mot pour exprimer la créativité manifestée par les êtres singuliers en interrelation".

Jean-Luc : imaginer un génie qui tirerait tout de sa tête est fantasmatique. Le génie n'est génie que parce qu'il interagit avec des non génies qui font de lui quelqu'un de génial.

3 types de connaissance[modifier | modifier le wikicode]

Il y a 3 genres de connaissance :

  • La connaissance du 1er genre c'est la connaissance par les choses directement ou par les signes. Ex : on voit une fleur, on lit la définition de fleur, et alors on la reconnait, on sait ce que c'est.
    C'est une connaissance inférieure. On peut facilement se tromper, en prenant un canard pour un ornithorynque.
  • La connaissance du 2ème genre est une connaissance rationnelle, c'est une connaissance supérieure.
  • La connaissance du 3ème genre est la science intuitive, une connaissance qu'on a par un accès direct aux choses dans leur profondeur. Ce type de connaissance naît du 2ème genre et elle est la vraie forme supérieure de la connaissance.

La connaissance du 2ème genre c'est typiquement celle d'un chercheur, d'un mathématicien qui connaît un peu son domaine. Quand il résout un problème il a une connaissance rationnelle, construite par une démarche rigoureuse.

La connaissance du 3ème genre est celle de la même personne qui a résolu son problème, et ne se contente pas de voir dans sa démarche une démarche étape par étape sans vue d'ensemble. Ayant fait la démonstration, la personne éprouve alors la nécessité de son raisonnement, elle ne perçoit plus ça comme une suite d'étapes déconnectées mais arrive à embrasser la démarche du début à l'arrivée. La démonstration s'impose à elle comme une évidence, une nécessité.

Si on lit les textes de grands mathématiciens sur leur pratique, ils parlent de la "beauté" d'une démonstration. Il s'agit de la connaissance du 3ème genre qui nous fait voir une nécessité, une harmonie de l'ensemble.

Selon Naess, cette connaissance du 3ème genre est une relation d'amour. Et donc avoir une connaissance du 3ème genre de la nature c'est aimer la nature, aimer Dieu.

Mais il ne suffit pas d'avoir ce 3ème genre de connaissance tout seul, parce qu'il est alors encore imparfait. Naess attire notre attention sur un passage de Spinoza dans le traité de la réforme de l'entendement : "Le souverain bien consiste à jouir de la connaissance de l'union de l'esprit avec la nature totale, avec d'autres individus si possible". La connaissance supérieure c'est donc la connaissance partagée avec un maximum d'autres personnes.

On a alors un aspect politique : on ne peut donc pas partager la connaissance du 3ème genre avec tous en utilisant la répression et la force, mais bien par la conviction, l'apprentissage. Et donc si on utilise l'imposition, on ne peut pas être dans la la forme supérieure du partage de connaissance du 3ème genre.

Lien entre activité et rationalité[modifier | modifier le wikicode]

Spinoza favorise le lien entre activité et rationalité. Être libre c'est pouvoir mener complètement son activité conformément à sa nature. On a là pour Spinoza une différence entre l'être humain et l'animal : la nature du scorpion c'est de piquer, donc la liberté du scorpion n'est pas du même niveau que la liberté de l'être humain.

Spinoza écrit : "Nous sommes actifs lorsque de notre nature, il suit en nous ou hors de nous quelque chose que l'on peut comprendre par elle seule."

Comme le propre de notre nature est la rationalité, nous sommes actifs et libres de notre activité quand nous agissons rationnellement. Dès lors il y a chez Spinoza une critique de toutes les passions, qui sont inférieures à la façon rationnelle d'agir. L'action rationnelle est celle qui nous permet le plus de déployer notre nature.

Ceci dit il peut y avoir des passions utiles qui augmentent notre activité rationnelle. Par exemple l'amour. Par contre les passions comme la haine, le ressentiment, sont des passions négatives qui nous diminuent. On ne peut ni partager notre rationalité grâce à ces passions négatives, ni agir dans le sens de notre être en ressassant des désirs de vengeance tristes.

Notes de l'Ethique :

  • Proposition 15 du livre V : "Celui qui se comprend lui même et comprend ses sentiments distinctement et clairement aime Dieu, et d'autant plus qu'il se comprend lui-même et comprend mieux ses sentiments."
  • Démonstration de la proposition 20 du livre V : "Cet amour envers Dieu est le souverain bien que nous pouvons désirer selon le commandement de la raison. Il est commun à tous les hommes et nous désirons que tous en jouissent."

Spinoza et la communication non-violente par Roman[modifier | modifier le wikicode]

Lien de l'article :

Dans son article, Jean-Pierre Vandeuren propose de trouver des fondements théoriques dans l’Éthique de Spinoza pour caractériser la communication non-violente décrite par Marshall Rosenberg.

On va définir des concepts spinosistes pour essayer de les appliquer à la CNV.

le conatus[modifier | modifier le wikicode]

Petite citation de l'Ethique : « Toute chose, autant qu’il est en elle, s’efforce de persévérer dans son être » (Eth III, 6) et une autre « L’effort par lequel toute chose tend à persévérer dans son être n’est rien de plus que l’essence actuelle de cette chose » (Eth III, 7).

C'est cet effort qui existe en toute chose de par son essence que les commentateurs ont fini par appeler "conatus". Pour les êtres humains Spinoza utilise régulièrement les termes d’appétit, et de désirs, les désirs étant les conatus dont on a conscience, alors que les appétits ceux dont on n'a pas conscience.

Petit point important : pour Spinoza le monde est entièrement déterministe et toute chose a une cause, y compris la moindre des volontés humaines. Et donc selon lui on peut au mieux être conscient de notre conatus en apprenant à nous connaître et à connaitre nos conditionnements, mais on ne peut pas en décider librement. Et même le fait de décider exprès de changer de comportement pour prouver que c'est faux participe du déterminisme en question et de notre conatus.

Citation de l'Ethique : « Les hommes se trompent quand ils se croient libres ; car cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes qui les déterminent. » (Eth II, 35, Scolie).

Pour revenir au conatus chez l'homme, « l’effort pour persévérer dans son être » se résume surtout à quelques mécanismes de base, dont le principal est un mécanisme de socialisation par imitation. L'homme imite ses congénères et acquiert des habitudes de sa famille, de l'école, etc. (on peut se rappeler ici de l'habitus de Bourdieu qui a été beaucoup inspiré par Spinoza).

le cycle génétique des passions de base[modifier | modifier le wikicode]

Pour Spinoza, la vraie connaissance de soi ne peut être que génétique, non pas au sens du code génétique, mais au sens philosophique du terme, où on remonte la chaîne d'étapes qui se déroule vraiment en nous. Pour expliquer les comportements humains, Spinoza développe une théorie des passions, sur ce mode génétique par étapes successives, et organisés en cycles.

Selon lui, le point de départ est toujours le conatus qui nous anime de par notre essence. Et en évoluant dans le monde, ce conatus va soit être conforté, donnant à l'individu un sentiment de puissance et de joie, soit être contrarié, donnant un sentiment de tristesse. Ensuite l'individu va se rendre compte que ce sentiment de joie ou de tristesse est lié à un objet extérieur qu'il a rencontré, et de là il va éprouver de l'amour ou de la haine pour cet objet.

En mettant ça sur un shéma ça sonne ça :

Conatus → Joie ou Tristesse → Amour ou Haine → désir particulier → …

Pour boucler sur le cycle, l'homme va alors désier l'objet qu'il aime, et en fonction du fait que ce désir soit satisfait ou non, on va avoir de nouveaux affects de joie ou de tristesse et ainsi de suite...

En n'analysant pas génétiquement ce qui lui arrive, l'individu fait en général l'erreur de penser que c'est l'objet qu'il aime qui est en soi la cause de son désir. Mais c'est une erreur : la cause du désir est en lui, dans son conatus qui a évolué et acquis des habitudes avec son l'environnement.

Et c'est là que se fait le premier rapprochement avec la méthode de la communication non violente de Rosenberg :
Citation de Rosenberg qui le dit lui-même : « La CNV nous aide à nous mettre dans un état d’esprit plus serein en nous encourageant à focaliser notre attention sur ce que nous voulons réellement plutôt que sur nos défaillances ou celles des autres. » (page 216).

On va donc avec la méthode de la CNV éviter l'aliénation qui consistait à considérer que l'objet était la cause de notre désir, mais chercher la cause de notre désir en sous-mêmes, et donc comprendre vraiment ce qui se passe en nous de la manière dont ça se passe, c'est à dire génétiquement selon le shéma qu'on vient de voir.

l'ingenium[modifier | modifier le wikicode]

Pour Spinoza nous sommes le résultat de notre essence et de son conatus, exposé en permanence à des affections des objets qui nous sont extérieurs, nous en sommes constamment affectés dans notre degré de puissance (c'est à dire la satisfaction de notre conatus). Et c'est donc pour ça qu'on appelle les sentiments qui résultent du conatus affecté par l'extérieur : "les affects".

La manière dont nous sommes affectés dépend d'un filtre que Spinoza appelle l'ingenium, et qu'on peut résumer par "la personnalité". C'est l'ensemble des institutions qui nous ont formé, de nos expériences acquises, et de nos caractéristiques innées.

Si on veut remonter la chaîne de causalité de l'ingenium (c'est à dire de la personnalité), on va tomber sur ce que les psychologues appellent les schémas, qui sont des modèles permettant d'expliquer les réactions des personnes dans différentes situations. Ces schémas sont le résultat des expériences que nous avons vécus, et non pas de notre raison. En quittant la psychologie pour passer dans le monde de la sociologie, l'équivalent des schémas est ce que Bourdieu appelle les "illusio", c'est à dire le fait d'être pris par le jeu, de croire que le jeu en vaut la chandelle, que ça vaut la peine pour qu'on y participe. Cet illusio est acquis par la socialisation, donc bien de l'extérieur et non par la Raison. Si on remonte un peu la chaîne il est généré par le fameux habitus de Bourdieu, qui est l'ensemble des comportements acquis par la sphère familiale, scolaire, professionnelle qu'on reproduit inconsciemment à notre insu.

On en arrive donc au schéma suivant qui constitue le cycle génétique complet des passions de base :

                      Chose extérieure
                             ↓
Essence (Degré de puissance) → Affection → Affect (joie ou tristesse) → désir → action → …
                                         ↑
                         Ingenium (= manière d’être affecté = personnalité)
                                         ↑
                         Schémas (= visions passionnelles du monde = schémas = illusios)
                                         ↑
                                      Habitus
                                         ↑
                         Environnement familial et socio-culturel


Selon Rosenberg, le problème vient du fait que nous voyons chacun les choses différemment, et la communication aliénante consiste à admettre que les autres voient les choses de la même manière que nous, et d'utiliser alors des jugements moralisateurs, des comparaisons, des exigences et des punitions.

Spinoza de son côté dit lui aussi que ce qui nous rend violent c'est quand on essaye d'imposer nos visions passionnelles du monde (nos schémas) aux autres qui ne nous comprennent pas parce qu'ils sont affectés différemment.

L'ambition de gloire[modifier | modifier le wikicode]

Pour Spinoza, le véritable ciment de notre société est ce qu'il appelle l’ « ambition de gloire », ce « désir par lequel tous les sentiments sont favorisés et fortifiés » (Eth III, Définition Générale des Affects, 44, Explications). Ca veut dire qu'on a tous besoin de se faire approuver des autres, c'est une de nos caractéristiques fondamentales vis à vis des autres, et c'est ça le véritable objectif de notre comportement d'imitation initial.

Le problème c'est que si on n'a pas cette reconnaissance, on a tendance à vouloir réaliser notre ambition de gloire en l'imposant, en la transformant alors en domination. Et donc la reconnaissance immédiate et naturelle empêche la naissance de ce passage de l’ambition de gloire à l’ambition de domination et donc la naissance de la violence et de la haine. C'est ce que préconise Rosenberg dans le chapitre 13 où il conseille d'exprimer pleinement sa reconnaissance.

La CNV : un processus basé sur la Raison ?[modifier | modifier le wikicode]

Les 4 étapes proposés par Rosenberg :

  1. observer sans juger
  2. exprimer ses sentiments
  3. trouver le besoin sous-jacent
  4. et faire une demande concrète

procèdent bien d'une analyse rationnelle de ce qui se passe en soi, en remontant la chaîne des causalités génétiques. Mais Rosenberg insiste beaucoup sur l'empathie et les aspects affectifs, comme le fait de rester sincères, vulnérables, dans un lien du cœur etc. en s'identifiant à l'autre plus qu'en l'analysant avec raison.

Il diverge un peu par cet aspect de Spinoza pour qui seule la Raison peut permettre de régler vertueusement les problèmes.

« La vertu véritable n’est autre chose, en effet, qu’une vie réglée par la Raison ; et par conséquent l’impuissance consiste en ce seul point que l’homme se laisse gouverner par les objets du dehors et déterminer par eux à des actions qui sont en harmonie avec la constitution commune des choses extérieures, mais non avec sa propre nature, considérée en elle-même » (Eth 37, Scolie 1).

Jean-Pierre Vandeuren pense que c'est une faiblesse théorique de la part de Rosenberg de rester vague là-dessus.

Discussion[modifier | modifier le wikicode]

Discussion suite à la partie sur Spinoza selon Naess (2)[modifier | modifier le wikicode]

  • Jean-Luc : Ce serait bien qu'Alessio revienne pour nous parler de Spinoza qu'il a du étudier pour sa thèse. N'étant pas spécialiste de Spinoza ma présentation est moins fouillée, ma compréhension de Spinoza est du 2ème niveau.
    • Betty : On sent chez toi l'envie de présenter aux autres, c'était très accessible.
    • Chantal : En plus tu es humble. Et par Spinoza on apprend que plus on est clair, plus on est compris, plus il y a de l'amour.
  • Pour arriver au 3ème niveau on passe par le rationnel. Mais il y a aussi un mode de connaissance plus poétique. Est-ce qu'on est donc obligé de toujours passer par la rationalité ou est-ce qu'on peut passer par autre chose, par exemple pour les populations qui pratiquent la médecine traditionnelle ?
    • Si la médecine traditionnelle a une pertinence, elle est passée par d'autres processus rationnels passés. Ca peut être le cas de l’acupuncture développée en chine, la médecine des plantes développée en occident par des femmes seules.
      Pour ce qui est de la possibilité de ne pas passer par la rationalité, Jean-Luc ne se souvient pas de ce que Spinoza ou Naess en disent. Naess estime être proche d'une connaissance du 3ème niveau de la nature, mais il est passé par les 3 stades de la connaissance, en passant par une étude scientifique des êtres vivants. Peut être que pour Spinoza on risquerait de se tromper si on ne passait pas par le 2ème genre de connaissance, en prenant alors une connaissance pour le 3ème genre alors qu'elle ne le serait pas. A vérifier.
    • Le terme rationalité mériterait d'être défini, on met peut être des choses différentes derrière chacun.
      • Il faudrait vérifier si Spinoza définit la rationalité dans ses ouvrages. A priori la rationalité c'est un ensemble de définitions, et ensuite un ensemble de déductions découlant de ça. Ce serait alors la logique qui serait la rationalité. A vérifier.
    • Il y a des personnes autistes qui ont une pratique obsessionnelle des chiffres, et qui finissent par les ressentir. Ils n'effectuent pas les calculs mais voient venir les résultats simplement dans leur tête. On pourrait penser qu'ils ont atteint le 3ème niveau pour les chiffres sans passer par le 2ème niveau.
      • Effectivement, on pourrait penser aussi aux grands joueurs d'échecs ou de Go. Le problème c'est que pour les échecs, le go ou les maths on peut vérifier que ces gens ont une connaissance du 3ème genre par la vérification des calculs, mais si quelqu'un fait un calcul trop compliqué qu'on ne peut pas vérifier, on ne peut pas savoir si la personne est bien dans la connaissance ou non. Avec l'accès direct à la vérité sans échange critique avec les autres, il devient difficile d'être sûr d'être toujours dans la vérité.
  • Avec les nouvelles connaissance statistique, ou sur la physique quantique, on a de l'incertitude et ça devient difficile de comprendre rationnellement.
    • Pour la mécanique quantique ça heurte nos savoirs, mais il n'y a pas le moindre élément d'irrationnel. Ceux qui essayent d'y mettre de l'irrationnel se posent en gourou malhonnêtes.
    • Par rapport à la notion de distance pour l'électron, Etienne Klein disait dans une conférence que la distance n'est pas incertaine pour l'électron, elle 'a juste pas de sens pour lui.
  • Etant donné que la raison est la chose la plus importante pour Spinoza, est-ce que des machines qui n'auraient que de la raison seraient supérieurs aux humains ?
    • Jean-Luc : A son époque la question ne se posait pas, mais je pense que oui, aujourd'hui il considérerait sans doute que les machines ayant une intelligence artificielle réelle seraient supérieure aux humains.
    • Les êtres humains sont des êtres vivants, alors que les ordinateurs sont des machines à qui on aurait du mal à appliquer le concept de raisonnement, un peu comme des autistes. Les ordinateurs appliquent des calculs sans vraiment réfléchir.
  • Hervé : Sur l'analogie entre Dieu et la nature de Spinoza, est-ce qu'il se rattache à une conception qu'on pourrait qualifier de déiste, et est-ce qu'on pourrait le rattacher à la théorie du dessein intelligent ? Parce que j'ai l'impression que sa conception n'est pas matérialiste mais transcendantale.
    • Sur la question immanence / transcendance on l'avait un peu abordée au dernier atelier. La lecture de Naess c'est de voir ça comme immanent. Pour la théorie du dessein intelligent la vision de Spinoza ne s'y prête pas vraiment. Même dans une interprétation transcendante de Spinoza, les modes de la nature ne sont qu'une variation passagère et assez accidentelle, et on n'a pas la notion de dessein là dedans. Pour autant la nature pense en chacun de ses modes pour Spinoza. L'esprit du tout est constitué des diverses parties.
    • C'est quoi le dessein intelligent ?
      • C'est une théorie sur laquelle se sont rabattus les plus intelligents des créationnistes, elle est beaucoup moins débile que le créationnisme. Il s'agit d'admettre qu'il y a un projet de Dieu dans l'univers, qui se manifeste par un certain ordre présent dans le monde tel qu'il est. Ca pourrait devenir scientifique si on y appliquait la méthode de la science avec des conjectures, des expérimentations, des réfutations etc. Popper dit de la théorie évolutionniste darwinienne que ce n'est pas une théorie scientifique mais un cadre de travail métaphysique où des théories scientifiques se sont développées. On peut voir le dessein intelligent de la même manière, comme un cadre de travail métaphysique où des théories scientifiques pourraient se développer.

Discussion suite à la partie sur Spinoza et la communication non-violente[modifier | modifier le wikicode]

  • Par rapport à la critique de la rigueur de Rosenberg : la part d'irrationnel est énorme chez les êtres humains, et repérer ce qui se passe en nous quand c'est de l'ordre de l'irrationnel c'est très difficile. Parmi les révolutions du siècle dernier il y a Darwin, mais il y a aussi Freud qui a posé que l'homme n'est pas maître de sa demeure. Donc l'exigence de rationalité de Spinoza est difficile à suivre.
  • Formule célèbre de Spinoza : "Ni rire ni pleurer, mais comprendre", que Spinoza nous donne comme objectif. On a aussi là l'idée de ne aps porter de jugement de valeur, donc comme le dirait Rosenberg : "Observer sans juger".
  • On dirait que dans ces approches basées sur Spinoza on considère que l'homme n'a que de la culture, mais pas de nature. Les animaux seraient agressifs et violents par nature, mais les humains ne seraient que rationnels, alors que ce sont aussi des animaux.
    • Nous avons la nature en nous entre 0 et 3 ans, et ensuite on nous apprend les chemins à suivre, par la famille, la société etc.
    • La position de Spinoza ou de Rosenberg sont des propositions, personne ne nie la nature violente de l'être humain.
      • Il ne s'agit pas pour Spinoza de transformer l'humain mais de lui permettre d'être ce qu'il est vraiment. La nature profonde de l'être humain pour Spinoza c'est la rationalité, qui le place au plus près de Dieu. Les passions sont humaines mais elles viennent parasiter de l’extérieur les êtres humains en les empêchant d'accomplir pleinement leur humanité.
    • Sur le fait que les animaux soient violents et cruels plus que les humains ça se discute, sans doute sommes-nous, plus que les animaux soumis aux passions tristes.
      • Il y a eu une étude sur les neurones miroirs qui aurait révélé la capacité d'empathie chez les humains.
        • Il s'agit d'un chercheur italien qui s'appelle Damasio qui a travaillé sur les neurones miroirs. En France il y a Jean Michel Oughourlian qui a écrit des choses avec René Girard, qui fait le relai de cette théorie. Ca ne repose aps seulement sur l'empathie, mais aussi sur l'imitation voir la compétition.
    • Ce qui est spécifique chez l'homme par rapport aux animaux c'est l'aspect passionnel, celui des passions tristes, qui n'existe pas chez les animaux. On a tendance à représenter la rationalité de façon positive, mais elle peut aussi être au service de passions tristes. On a vu pendant tout le 20ème siècle des politiques mises en place suite à des passions très négatives, mais aussi utilisant de la raison au service de ces passions. Il serait une erreur de penser qu'il y a une antithèse entre raison et éléments négatifs.
      • Les événements d'extermination du 20ème siècle ont peut être été organisés rationnellement, mais ils étaient basés sur des fondements non rationnels, donc on n'est pas dans la Raison.
        • Il y a des théories très rationnelles, des scientifiques et philosophes qui ont rationalisé la solution finale, par des démonstrations très carrées etc.
          • Justement il s'agit de "rationalisation", c'est à dire mettre la raison au profit de quelque chose d'irrationnel. Penser que l'extermination nazie a été démontrée et rationalisée c'est céder à la propagande de ceux qui sont nostalgiques du nazisme. Tous les intellectuels qui l'ont pu ont quitté l'Allemagne nazie. Ce qui est à l'origine de cette idéologie c'est "Il faut écouter l'appel de notre sang, l'appel de notre race", ça n'a rien de rationnel. On peut mettre la rationalité au service d'un projet irrationnel, mais ça reste toujours profondément irrationnel.
            • Ces gens-là ne pensaient pas faire n'importe quoi, ils étaient bien dans un effort de rationalité. Il y a une collaboration de différentes sciences etc. Tout dépend en fait de ce qu'on appelle rationalité...
              • Il y a une erreur à assimiler la rationalité qui est quelque chose d'assez vaste à ce qu'Habermas appelle la "rationalité instrumentale", et c'est cette portion de rationalité là que les nazi ont utilisé.
                • Est-ce que la rationalité exclut l'erreur ?
                  • La rationalité n'interdit pas l'erreur, mais si on est véritablement rationnel on va procéder "dialectiquement", il faut faire des aller-retours des prémisses à la conclusion et de la conclusion aux prémisses, pour voir si notre raisonnement reste toujours bon.
                    • Donc l'idéologie est non rationnelle pour Spinoza.
                      • Le terme n'existait pas, mais oui bien sûr l'idéologie est alors non rationnelle.
        • Il y a bien eu des idéologies qui étaient déconnectées de tout élément irrationnel, et pourtant ça n'a pas empêché les massacres de masse. Donc la raison et la rationalité n'empêchent pas la mise en œuvre de résultats qui aboutissent à de la négativité.
          • Il est tout à fait possible d'être dans la raison à un moment donné, puis d'en sortir. Le fait d'en sortir en faisant des massacres n'implique pas que les massacres et la raison sont la même chose, c'est simplement nous qui étions dans la raison et puis qui n'y sommes plus parce que nous en sommes sortis. Le fait d'y être ne garantit pas d'y rester tout le temps, c'est un effort permanent.
            • Le seul problème c'est qu'on peut sortir de la raison de manière involontaire, en pensant toujours y être.
              • Est-ce qu'on pourrait avoir une assurance "anti-déconnade" ?
                • Il faut justement se souvenir qu'on peut toujours se tromper et ne pas être dans l'assurance totale. C'est le plus gros défaut de la plus grande partie des rationaliste, comme Robespierre qui parlait de "La déesse Raison". Une raison qui n'est pas critique est profondément irrationnelle.
    • Spinoza nous dit que les êtres humains obéissent à l'"ambition de gloire" qui est le fait de chercher la reconnaissance des autres, mais si on ne l'a pas ça se transforme en ambition de domination, génératrice de violence et de haine. Donc selon Spinoza on a des éléments de nature chez nous mais ce n'est pas directement la violence. Il y a des mécanismes comme l'ambition de gloire qui, si on le gère correctement, ne génèrent pas de violence.
      • Mais si on est dans une optique de combat, qu'on dénonce, on peut faire naître en lui cette haine aussi... il y a peut être un équilibre à chercher dans le dialogue pour être suffisamment efficace pour dénoncer sans tomber dans la haine.
        • C'est là qu'on peut peut être utiliser la communication non-violente. Par contre si on est dans une forme de hiérarchie qu'on veut renverser (et non pas simplement négocier en la gardant), on n'obtiendra probablement pas ce qu'on veut par de l'empathie. C'est tout le problème de la révolution face à l'Etat, on ne peut pas utiliser la communication non violente, on est obligé de lutter frontalement (sans forcément qu'il y ait violence physique, mais au moins une violence de rapport de force) pour le faire plier.
          • Et la manière de Gandhi ?
            • Gandhi ce n'est pas la communication non violente. Il pratique bien la non-violence physique vis-à-vis de ses adversaires, mais il pratique le chantage en permanence : "Je mourrai de faim si vous ne réalisez pas mes désirs, et le peuple s'abattra sur vous (en plus de votre conscience) si je meurs à cause de vous". On est loin du lien du cœur, où tout le monde se comprend et personne n'est lésé, préconisé par Rosenberg.
              • Le problème de la communication non violente c'est que c'est une démarche culturelle. On peut en sortir sans faire exprès à tout moment... on peut s'interroger sur les capacités des êtres humains à se tenir à une démarche strictement culturelle et rationnelle comme celle-là, sous le coup de la passion. Il y a un cadre et on peut facilement en sortir.
                • Il suffit alors en permanence de redéfinir le cadre quand ça ne va plus...
                  • Ceux qui sortent volontairement est un problème bien sûr, mais il y a aussi ceux qui sortent involontairement du cadre et qui pourtant étaient d'accord pour le respecter. Exemple : Bertrand Cantat et Marie Trintignant : Bertrand était culturellement et idéologiquement pour respecter la loi, et pourtant il ne l'a pas respectée à un moment donné. Et donc comment remédier quand des gens qui sont d'accord pour respecter les conventions les violent quand même involontairement ? La plupart des gens qui commettent des violences ou des meurtres sont contre ces choses pour eux et pour les autres.
                    • Peut être que ces gens ne connaissent pas assez bien la CNV, la méthode génétique des passions etc. ou ne l'appliquent pas assez bien. Il faudrait par exemple faire des moments de pratique régulière de ces techniques.
                    • C'est le problème des passions qui nous font agir irrationnellement.
                    • Peut être qu'il faut prendre en compte qu'on peut de toute façon sortir du cadre de temps en temps et gérer ça au mieux.
                      • Le père d'Albert Camus disait "Un homme ça s'empêche". On dit parfois "Arrêtez-moi ou je fais un malheur", mais alors quelle est la part de responsabilité de celui qui fait le malheur, et quelle est la responsabilité de l'entourage ? La collectivité a aussi une part à jouer pour empêcher les gens de faire n'importe quoi. Mais dans quelle mesure limiter le rôle de la société pour que ce ne soit pas trop intrusif ?
                • Ca rejoint le cadre qu'on a à Nuit Debout, les conventions de prise de parole etc. C'est une réelle difficulté de comment faire quand certains ne respectent pas le cadre. La solution que nous avons trouvé c'est de leur dire qu'on accepte de remettre le cadre en question à nos AG, il suffit d'y venir et de nous proposer des changements.