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HISTOIRE GÉNÉRALE DES TECHNIQUES PRÉFACE GÉNÉRALE I — Des origines au xve siècle II — Les premières étapes du machinisme : xve-xvlile siècle III — L'expansion du machinisme : I725-186o Iv — Les techniques de la civilisation industrielle : énergie et matériaux v — Les techniques de la civilisation industrielle : transformation, communication, facteur humain tsax 2 13 047861 t 2 13 047860 3 (éd. complète en 5 vol.) Issa 0291-0489 Dépôt légal — ire édition : 1962 i" édition « Quadrige n : 1996, octobre Q Presses Universitaires de France, 1962 Histoire générale des techniques, t. t io8, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris A L'HISTOIRE GÉNÉRALE DES TECHNIQUES IIIISTOIRE que cet ouvrage essaie de retracer nous est encore assez mal connue. J C'est celle des moyens que l'homme a découverts et utilisés pour améliorer les conditions de son existence. Il avait à sa disposition les matériaux naturels, merles ou vivants, qui se trouvent à la surface de la terre ou à une faible profondeur dans le sol. Comme tous les autres animaux il aurait pu, ses besoins essentiels étant ,ali.,faits, rester indifférent à la variété de ces matériaux et à leurs propriétés partioliires. Nous ne soupçonnons pas par exemple qu'un effort constant s'étendant sur quelques centaines de millénaires ait incité telle autre espèce animale à perfectionner techniques de chasse, sa façon d'aménager son abri. Il n'en fut pas ainsi pour l'homme. Peut-être le signe le plus caractéristique de , n apparition sur la terre fut-il la naissance de cet incessant besoin de progrès ne s'est jamais découragé depuis le début du Quaternaire. Si les civilisations ,ont mortelles, chacune d'elles, avant de succomber à son destin, a préparé un héritage qui n'a jamais été ignoré de celles qui lui ont succédé. Lorsque notre imagination nous entraîne vers ces âges enfouis que la Préhistoire nouv révèle peu à peu de façon fragmentaire, nous ne pouvons éviter de comparer les conditions de vie qui furent celles des premières races d'hommes et les nôtres. Alors nous mesurons la grandeur de cette aventure que fut celle des techniques. Il est permis d'employer le passé en parlant de cette aventure parce que les étapes les plus difficiles et les plus longues furent celles du début. Ce furent aussi les étapes ,l.;eisives et celles qu'il nous plairait le plus de connaître. Mais ce sont celles qui demeurent pour nous les plus obscures. Nous ne savons pas dire comment elles furent /:anchies. Tout ce que l'on a pu imaginer sur ce thème relève de la pure fantaisie. 4ucun témoignage ne peut nous apprendre si l'homme industrieux est né à lui- vt HISTOIRE GÉNÉRALE DES TECHNIQUES PRÉFACE GÉNÉRALE vn même en jetant une pierre, en cassant une branche, en reproduisant le feu. Chacun des essais d'explication ne découle que de l'imagination de son auteur qui s'est demandé comment il s'y serait pris s'il avait été le ((premier)) homme. Toutes les civilisations qui nous sont connues, même les Les techniques antérieures plus lointaines qui se manifestent aux fouilleurs par à l'histoire des traces épisodiques, se révèlent à nous déjà riches d'une expérience manuelle qui laisse soupçonner un très long passé. Chacune d'entre elles était déjà vieille à l'époque où elle réalisait les ouvrages dont les résidus témoignent aujourd'hui de son passage comme le fait d'une comète son sillage dans notre ciel. Lorsque débute l'Histoire proprement dite, l'utilisation et la transformation des matériaux naturels avaient déjà fait naître une industrie, c'est-à-dire que déjà certains hommes avaient acquis de leurs devanciers une certaine technique à laquelle ils consacraient toute leur adresse et une partie de leur temps ; ces fabricants devaient d'une façon ou d'une autre tirer pour une part leur subsistance du produit de leur travail. D'une manière plus précise, l'industrie, dans le sens même que nous lui donnons aujourd'hui, est attestée chez toutes les civilisations de la haute antiquité qui nous sont mieux connues que celles de la Préhistoire. Nous nous trouvons brusquement en présence de véritables fabrications industrielles dont les techniques ne varieront pas pendant plusieurs millénaires. L'apparition de ces activités échappe, elle aussi, à l'historien qui ne peut que constater leur présence. Il ne s'agit plus maintenant des industries « primitives qui ont peu à peu cédé devant des techniques plus raffinées, de celles, comme le façonnage des pierres en outils, qui n'ont permis qu'une première émancipation. Les fabrications industrielles des premiers âges de l'Histoire sont celles de l'avenir puisque de nos jours et pour longtemps encore on continue à filer et à tisser des fibres naturelles, à cuire des vases d'argile, à travailler les métaux. Nous ne saurons jamais quand et comment elles se sont formées. Nous ne savons pas non plus où elles ont pris naissance. Si l'on peut penser avec quelque exactitude que l'Asie centrale a probablement été, depuis la fin du IVe millénaire jusqu'au Ior millénaire, un foyer important de diffusion des techniques, bien d'autres régions, à la surface du globe ont joué dans le même temps, et plus tard, un rôle semblable. L'Europe du Sud-Est et l'Asie mineure ont transmis aux peuples méditerranéens les premières traditions métallurgiques ; en retour, la zone du Sud-Est méditerranéen exerça une influence décisive aussi bien vers l'Asie que vers l'Europe pendant les IIe et Ier millénaires. Mais dans combien d'autres régions comme I'A.+ie de l'Est et celle du Sud, l'Afrique du Sud, tout l'Ouest européen, l'industrie manifestait son activité dès l'aube de l'histoire sans que des filiations certaines puissent être établies. Lorsqu'on peut commencer à écrire l'histoire, on constate donc que les peuples lai plus divers non seulement possèdent des connaissances techniques à peu près équivalentes, mais qu'ils ont établi entre eux des relations pour échanger les procédés de ,fabrication, des produits élaborés et surtout des matières premières. L'industrie sait née sur le monde comme une moisissure dont les spores sont dispersées par le vont, ll est impossible d'affirmer, comme on l'a suggéré, qu'elle est issue d'un lieu lrrivilégié. Les faits que nous connaissons semblent au contraire montrer que l'invention s'est manifestée simultanément dans diverses régions. La simultanéité dans l'invention des procédés de la métallurgie 1.r. circonstances par exemple, ou dans ceux de la céramique, peut s'étendre de ils l'invention quelques millénaires à quelques siècles. De telles durées sont, toutes choses égales, comparables aux quarante à cinquante ans nécessaires à l'implantation d'une industrie nouvelle entre le XVIIe et le XIXe siècle, aux dix àl quinze ans de la fin du XIXe siècle, aux trois ou quatre années de la seconde moitié du XXe. Autre trait constant depuis les origines jusqu'à nos jours, l'invention n'est jamais le fait d'un homme seul. Elle est le produit d'une époque, d'un milieu. Elle prend jour dans des circonstances historiques déterminées. Ceci explique sa simulinnéité, les circonstances nécessaires pour rendre effective une invention donnée pnuvant être réalisées à un très petit intervalle de temps en différents lieux entre lesquels il n'existe aucun échange sur ce sujet. Il est rare que les précurseurs signalés aient réellement joué le rôle d'initiateur. Tout au long de l'Histoire, en effet, il est possible de découvrir des antériorités à la plupart des progrès techniques ; ce sont en général des malentendus. Par exemple, on peut prétendre que les mécaniciens grecs de l'époque alexandrine sont les précurseurs de l'automatisme. Dans leurs oeuvres, pour ce que nous en connaissons, il se trouve de nombreuses descriptions de procédés ingénieux pour animer des objets inertes sans l'intervention apparente de l'homme. Nous ne savons pas si ces procédés ont osé mis en pratique. Mais nous sommes certains que les dispositifs qui ont été réalisés, s'ils le furent, n'ont pu donner de résultats satisfaisants. Les artisans de cette époque rio disposaient ni des matériaux, ni des outils, ni des traditions professionnelles qui leur (eussent permis de construire sur ces principes des machines utilisables. Ce n'est que quinze siècles plus tard que certaines de ces machines furent réalisées par dan fabricants qui n'avaient pas lu les auteurs grecs. On pourrait en dire autant de vin HISTOIRE GÉNÉRALE DES TECHNIQUES PRÉFACE GÉNÉRALE rx tous les dispositifs que Léonard de Vinci a notés dans ses carnets et que l'on veut prendre aujourd'hui comme de géniales anticipations. Le désir de construire des machines, des véhicules, des agencements domestiques qui rendraient certains travaux moins fatigants, ou plus plaisantes les activités quotidiennes, a toujours donné lieu à des rêveries et des projets non exécutés. Pour que tel de ces projets prenne la forme d'une invention, il faut que l'ensemble des techniques qui le concernent ait atteint un stade de perfectionnement suffisant non seulement pour que le dispositif nouveau soit réalisable, mais encore pour que sa réalisation représente une acquisition profitable à un grand nombre d'individus. Il en va de même pour le perfectionnement des machines, ou leur application à des domaines différents de ceux pour lesquels elles ont été d'abord conçues. En effet, le progrès technique n'est pas seulement tributaire de l'invention, l'évolution continue des moyens acquis y a également contribué. Cette évolution a obéi aux mêmes contraintes. Ainsi certains outils traditionnels des métiers manuels n'ont pratiquement pas changé de forme pendant dix siècles et plus, parce qu'ils répondaient exactement aux besoins de ces métiers. Ce n'est que lorsqu'on a connu de nouveaux matériaux, et en particulier certaines qualités d'acier, qu'ils se sont modifiés. Dès la première moitié du XVIIe siècle, les horlogers ont créé à leur usage un outillage spécial fabriqué en fer et laiton. Certains de ces outils, comme les tours, auraient pu servir de modèles pour perfectionner les tours des menuisiers et des ébénistes, pour construire des tours permettant de travailler de grandes pièces de métal. Cependant, les premiers de ces artisans continuèrent pendant plusieurs siècles à fabriquer leurs tours en bois, qui était leur matériau propre. Quant aux tours de mécaniciens, ils n'entrèrent en usage qu'à la fin du X VIIIe siècle ; le plus ancien que nous connaissions, celui de Vaucanson, qui date environ de 1763, possède exactement la cage d'un tour d'horloger agrandie dans des proportions convenables. Jusqu'à cette époque, le fer, qui était encore relativement rare, n'entrait pas dans la construction des machines. Qu'il soit dû à l'évolution progressive ou à l'invention, le L'expérience collective développement des moyens techniques est le résultat d'une et sa transmission expérience collective sans cesse accumulée. Chaque génération continue à hériter l'expérience de toutes celles qui l'ont précédée; dans le domaine technique le progrès est une somme. Contrairement à ce que l'on constate dans l'histoire des sciences par exemple, les voies n'ont pas été hésitantes ; en tout cas elles l'ont été beaucoup moins. La technique semble, en effet, avoir suivi une courbe ascendante continue sans avoir à proposer des solutions incertaines. Il ne semble même pas qu'elle ait connu des périodes de stagnation ou de régression. Ceci s'entend naturel- liment si l'on envisage l'ensemble de l'humanité et non des groupes de populations limités. Certains de ceux-ci, s'ils ont connu des niveaux techniques stabilisés pendant des siècles ont toujours fini par profiter de l'expérience des autres, sans que le progrès technique de ces derniers s'en trouve retardé. Le XXe siècle nous l'apprend. Il y a un peu plus de deux siècles seulement que les connaissances techniques se transmettent autrement que par le geste et par la parole. Avant de bénéficier, dans la période contemporaine, de moyens de diffusion généraux, l'expérience acquise ne s'est transmise que par l'enseignement de l'homme par l'homme, depuis les plus lointaines origines jusqu'au siècle de Louis XIV environ. Certes, dès le X Vie siècle des traités et des encyclopédies ont été imprimés nombreux; ils sont restés longtemps des ouvrages de curiosité plutôt que d'enseignement, car le public qui pouvait les consulter était très restreint. D'ailleurs un siècle de plus ou de moins ne change rien à la proportion des temps, entre tous les millénaires qui ont précédé et la période si courte pendant laquelle le livre fut un facteur de progrès technique. Pendant toutes les époques où les contacts directs demeuraient indispensables, la rapidité du progrès est restée liée à la fréquence de ces contacts, c'est-à-dire au développement démographique de l'humanité. Nous ne possédons aucune notion sur la densité de peuplement des régions habitées pendant la Préhistoire. Nous supposons avec raison qu'elle a été très faible d'abord. Outre la difficulté de créer les premiers outils à partir de rien, la dissémination de l'homme suffit à nous faire comprendre la lenteur de ces premières étapes. Le miracle est qu'elles aient été franchies. Ensuite tout devenait possible. En suivant le cours de cet ouvrage, on verra d'abord que des anciens empires aux civilisations de la proche Antiquité l'évolution a déjà été très nette. On sent déjà que l'activité technique a bénéficié d'un nombre de participants beaucoup plus élevé. Pendant qu'à la suite des grandes invasions l'Europe maintenait à peine, plusieurs siècles durant, le niveau où elle était parvenue, le progrès technique suivait rapidement son cours en Extrême-Orient. Cette avance rapide de la Chine et des contrées avoisinantes a été pour une certaine part profitable à l'Occident. Mais on verra que finalement elle a tourné court. Elle n'est pas allée au delà d'une certaine civilisation, très raffinée dans tous les domaines et dont chacun de ceux-ci formait les parties d'un ensemble homogène. Arrivé là, l'Extrême-Orient pendant plusieurs siècles n'a pas senti le besoin de progresser. Ses techniques se sont stabilisées à un niveau que l'Occident a rattrapé et commencé à dépasser au cours du X VIIe siècle. L'aventure des techniques occidentales est bien différente en effet. La stagnation qui suivit l'écroulement de l'Empire romain ne semble pas avoir duré plus de deux ou trois siècles. L'influence du développement démographique sur le progrès technique x HISTOIRE GÉNÉRALE DES TECHNIQUES PRÉFACE GÉNÉRALE xi est indiscutable ici jusqu'au milieu du siècle dernier. Nous verrons en effet d'abord les métiers manuels se perfectionner et devenir plus nombreux, puis les premières machines apparaître, leur nombre augmenter, leur perfectionnement s'améliorer sans cesse à mesure que les besoins de consommation augmentent. Le Moyen Age a été une période de perfectionnement continu ; celle où apparurent et se développèrent ces grandes inventions collectives dont la genèse demeure encore bien obscure pour nous ; cela va des moulins à eau et à vent, à la fabrication du papier ou à celle des lunettes, du harnais d'attelage et la navigation hauturière jusqu'à l'exploitation minière. La pression des besoins n'était pas suffisante pour accélérer le progrès technique. Il y fallait aussi un accroissement constant du nombre des techniciens ; et celui-ci a été rendu possible par l'expansion démographique de l'Europe occidentale. Même pendant les époques où la transmission se faisait encore par les moyens traditionnels, le fait que les ouvriers et leurs « cadres » (pour employer ce terme dans son acception moderne) furent de plus en plus nombreux, détermina un rythme nouveau au développement des techniques. Si nous n'avons pas de données très précises sur l'allure de ce développement du Xe au XVIe siècle environ, nous pouvons le suivre avec plus d'exactitude pendant les trois siècles suivants. Nous constatons alors que l'activité et l'efficacité des Le nombre des techniciens « techniciens o ne cessent de croître comme leur nombre. et l'accélération du progrès Cette notion de l'influence numérique des protagonistes sur le rythme du progrès technique a toujours été négligée. Cependant c'est là seulement que se trouve peut-être la cause de réalisations spectaculaires de notre époque dont la succession rapide étonne nos contemporains et leur donne le sentiment d'une supériorité indiscutable sur les générations précédentes. En effet, chaque technicien moderne pris séparément ne possède pas plus de dons et de qualités professionnelles que ceux qui l'ont précédé, même aux époques les plus lointaines. Cent hommes étudiant un même problème en même temps obtiennent des résultats de beaucoup plus importants qu'un homme seul se consacrant au même travail pendant un temps cent fois plus long. En outre, le progrès des techniques a été à lui-même son propre stimulant. Autrefois, comme il n'a cessé de le faire aujourd'hui, il a créé continuellement des moyens plus perfectionnés favorables à son accélération. Ce sujet mériterait d'être longuement étudié, ce qui permettrait peut-être à nos contemporains de mieux comprendre que le degré de développement actuel de la civilisation industrielle n'est pas « monstrueux ». Naturellement beaucoup d'autres facteurs que ceux que nous avons notés sont intervenus pour favoriser le progrès technique. L'organisation commerciale etindustrielle, les activités financières ont évolué, en même temps que les techniques, et tous ces phénomènes ont toujours été étroitement solidaires d'une façon assez complexe. Ils ont fait l'objet de nombreuses études portant sur toutes les époques; souvent même l'histoire des techniques n'a été décrite qu'à travers eux. Il est incontestable que les événements politiques, militaires et sociaux qui ont constitué pendant longtemps l'Histoire traditionnelle ont aussi été liés aux autres tout au long des temps. Il convenait seulement de rappeler ces circonstances qui par ailleurs sont maintenant souvent étudiées. Pour plusieurs raisons, nous examinerons plus longuement Relations des sciences les effets du progrès scientifique sur le développement des et des techniques techniques. Il est en effet de tradition de subordonner le second au premier. Rien n'est moins exact. Il faut abandonner le schéma élémentaire suivant lequel la connaissance scientifique des phénomènes naturels a conduit d'époque en époque l'évolution des techniques. Il n'y a pas un siècle seulement que les sciences exercent une influence profonde sur les techniques, alors que probablement depuis les origines de la pensée les techniques ont suggéré aux savants les sujets de leurs recherches. Dans le sens qui nous intéresse ici, les rapports entre science et technique sont restés très fragmentaires pendant plus de vingt siècles. Ils ont commencé certainement par les apports élémentaires de l'astronomie et de l'arithmétique. La grande activité scientifique du siècle de Périclès ne s'est traduite par aucun gain appréciable de la technique. Si l'expansion de la pensée chinoise a été accompagnée d'une multiplication de techniques raffinées, celles-ci n'ont pratiquement rien reçu des spéculations scientifiques contemporaines. Les constructeurs de cathédrales médiévales n'ont apparemment rien emprunté aux mathématiciens à une époque où la navigation et la médecine commençaient il peine à se servir des découvertes de la science. Vers la fin du X Vie siècle, l'apport de la science se manifeste mieux ; l'exemple le plus démonstratif est l'application par Huygens de l'isochronisme des oscillations du pendule, découvertes par Galilée, à la régulation des horloges. Encore reste-t-il un exemple isolé. On construisait depuis longtemps des boussoles quand parut la première étude moderne sur le magnétisme, et le De Magnete de Gilbert ne fut d'aucune ressource pour les navigateurs. De même le problème du calcul de la longitude en haute mer suscita la création de l'observatoire de Greenwich, mais il ne fut véritablement résolu que lorsque vers le milieu du XVIIIe siècle les horlogers apprirent, avec les seules ressources de leur art, à construire des garde-temps satisfaisants. Ainsi allèrent les choses encore jusque vers le milieu du XIXe siècle. Les xti HISTOIRE GÉNÉRALE DES TECHNIQUES PRÉFACE GÉNÉRALE xtn machines à vapeur fonctionnaient depuis soixante-dix ans environ lorsqu'on tenta d'en faire la théorie, et celle-ci ne fut établie qu'un demi-siècle plus tard. De même la construction des machines-outils précéda les travaux théoriques des mécaniciens du XIXe siècle, la fabrication des acides minéraux en fit autant du système chimique de Lavoisier. Ce n'est qu'à ce stade que les échanges entre les deux domaines d'activité commencèrent à se compenser. L'industrie chimique fut rapidement la bénéficiaire des découvertes des organiciens de la première moitié du XIXe siècle, l'électrochimie et le télégraphe électrique apparurent rapidement après les travaux de Volta, Davy, Ampère et Faraday. Mais l'électrotechnique dut attendre, vers la fin du siècle, les inventions de Paccinotti et de Gramme. L'industrie dont l'expansion à partir de 1850 environ suscita l'apparition du rythme contemporain de la production industrielle, la métallurgie, ne reçut une stimulation importante de la recherche scientifique que vers la fin du siècle seulement. Les formes traditionnelles de fabrication ne disparurent d'ailleurs pas facilement sous la pression des techniques modernes. Le moulin à vent et le moulin à eau restèrent en activité presque jusqu'à nos jours; André Leroi-Gourhan rappelle plus loin qu'il y a bien peu de temps que les tailleurs de pierre à fusil ont disparu. Naturellement il n'est question ici que des multiples exemples de coexistence dans les groupes de population très industrialisés. Certes ces techniques anciennes ne sont plus depuis longtemps génératrices de progrès. Elles ont atteint elles-mêmes un stade de perfectionnement qu'elles ne peuvent plus dépasser, comme cela arriva pour l'ensemble des techniques chinoises il y a quatre ou cinq siècles. C'est donc maintenant par la création de techniques nouvelles, souvent inspirées par la science que le progrès suit son cours accéléré. Encore ne doit-on pas ignorer que souvent la technique est encore l'initiatrice. Les premiers moteurs à explosion ont fonctionné sans l'aide de la thermodynamique, les premiers avions ont volé sans celle de l'aérodynamique. La science de la radioélectricité est née après les premières émissions de télégraphie sans fil, et l'électroacoustique après les enregistrements de sons. Les premières matières plastiques ne devaient rien aux théories de la synthèse chimique. Ce qui précède n'enlève rien aux mérites de la recherche scientifique et à son pouvoir créateur. C'est au cours de la première moitié du XIXe siècle seulement que celui-ci a commencé à exercer son effet sur la technique, et seulement depuis le début du XXe que la science est devenue à son tour la principale initiatrice. Mais déjà son influence avait été décisive. Même dans tous les cas où elle n'a pas joué ce rôle, elle a été pour la technique un auxiliaire de plus en plus puissant; le domainedécouvert par l'invention n'aurait pu être exploité aussi rapidement et aussi effica- cement par ses seules ressources. En inversant les exemples cités au hasard quelques lignes plus haut on comprend quelle a été la nature exacte des relations entre la science et la technique. Cet aspect du progrès technique contemporain est tellement important que nous devrons l'examiner plus profondément dans un autre volume de cet ouvrage. Pour évoquer, même sommairement, les circonstances à L'histoire des techniques travers lesquelles s'est élaborée la civilisation qui est la discipline récente

nôtre, il était nécessaire dès l'abord de dissiper certaines

illusions que cultivent non seulement le grand public, mais la plupart des techniciens d'aujourd'hui. Nous avons noté plus haut combien l'importance et la qualité des apports du passé sont méconnues de la plupart d'entre eux. Cette attitude, cette méconnaissance sont à l'origine des sentiments complexes, où voisinent à la fois l'admiration et l'effroi, que nourrissent la plupart de nos contemporains à l'égard de leurs propres réalisations. Seule une bonne connaissance de l'histoire des techniques peut les réconcilier pleinement avec leur époque. Parmi les diverses disciplines historiques, l'histoire des techniques est une des plus jeunes. L'ensemble des faits qu'elle a réunis et qu'elle a vérifiés n'est pas encore considérable. Le lecteur remarquera sans doute que les collaborateurs de cet ouvrage mentionnent souvent les lacunes de nos connaissances. Nous avons préféré cette prudence à la fausse assurance qui veut affirmer comme établis des faits encore mal connus. S'il a été souvent traité de l'histoire des techniques, avons-nous dit, la plupart de ces études sont l'ceuvre d'économistes et parfois de sociologues. On n'enlèvera rien à la valeur de ces travaux en disant qu'ils n'ont pas beaucoup fait progresser l'histoire des techniques proprement dite. Ils empruntent en effet en général à un fonds de connaissances que l'on prend pour sûrement établi, alors qu'il n'en est rien. Ce fonds est constitué pour une certaine part d'anecdotes contestables ou de fausses interprétations que malheureusement les ouvrages récents reprennent en toute confiance. En fait il ne doit pas être présomptueux de constater qu'il n'existe pas encore en langue française un ouvrage d'ensemble qui, en faisant le point des faits certains, et en apportant les précisions techniques nécessaires pour faire comprendre la nature des perfectionnements et des inventions d'étapes en étapes, favoriserait l'histoire des techniques elle-même. En mettant à la disposition d'un public relativement étendu un moyen d'information générale de base, un tel ouvrage peut susciter un nouvel intérêt pour une discipline en pleine évolution. C'est cet ouvrage, dont nous avons entrepris la rédaction il y a Caractéristiques quelques années, que nous commençons à publier avec le présent de l'ouvrage volume qui sera suivi de trois autres. Le lecteur verra que la plupart xiv HISTOIRE GÉNLRALE DES TECHNIQUES PRÉFACE GÉNÉRALE xv des thèmes qui ont été évoqués dans les pages précédentes ne sont pas repris, ou ne le sont que très succinctement, dans les chapitres des différents volumes. Le sujet, on en conviendra, était très vaste, et il paraissait nécessaire, avant tout autre développement de réserver la place dont nous disposions à la description des techniques elles-mêmes et de leur évolution. Cet aspect de l'histoire des techniques a été le plus souvent négligé, or c'est sur lui que devraient s'appuyer toutes les études complémentaires, en particulier celles qui discutent l'influence des différents facteurs qui ont commandé le déroulement de cette histoire. Ainsi le contexte politique, social, économique du progrès technique n'est-il évoqué que dans la mesure où il était indispensable qu'il le fût. Notre discrimination s'est exercée également sur la définition du terme « techniques s. On sait quel sens général on donne à ce mot aujourd'hui. C'est celui qu'au XVIIIe siècle on accordait au mot « arts ». Pour rester dans notre rôle nous n'avons considéré comme techniques que les activités de l'homme qui ont pour objet de recueillir, d'adapter et de transformer les matériaux naturels afin d'améliorer les conditions de son existence. Ainsi restent en dehors de notre sujet par exemple des activités comme la comptabilité et les opérations bancaires, la conduite des opérations militaires. Nous ne traitons pas du langage, mais des moyens de le transmettre et de l'enregistrer, de l'écriture, mais du support, papier, et de la multiplication des textes écrits, etc. Enfin notre ouvrage ayant été conçu et préparé dans le même esprit que l'Histoire générale des sciences, dont la publication est dirigée, pour le même éditeur, par René Taton, nous n'avons pas repris ici des sujets qui se trouvaient à la limite des compétences de l'un et de l'autre et qui ont été traités avec l'histoire des sciences. En demeurant dans des limites de dimensions assez modestes, eu égard à l'ampleur du sujet, l'ensemble de l'ouvrage restera à la portée d'un plus grand nombre de lecteurs. Au delà nous atteignions l'ouvrage encyclopédique dans lequel les spécialistes vont vérifier les premiers éléments de leurs recherches ou contrôler la nouveauté de leurs résultats. Un ouvrage collectif récent, rédigé en langue anglaise, The History of Technology, publié sous la direction de Charles Singer, E. J. Holmyard, A. R. hall et Trevor I. Williams, répond parfaitement à ces besoins. Il était inutile de le refaire. Chronologiquement, la matière a été répartie de la façon suivante. Après l'exposé de ce que nous savons des époques qui ont précédé les premières civilisations historiques, nous avons tracé un tableau de celles-ci prises par zones géographiques, à peu près dans l'ordre où l'histoire nous les présente habituellement. Ainsi sont décrits les niveaux techniques auxquels ont atteint les peuples de l'Antiquité méditerranéenne, y compris les Romains, puis celui que connurent l'Empire byzantin et l'Islam. Ce premier volume est ainsi consacré aux Origines de la civilisationtechnique. Aux chapitres précédents ont été joints ceux concernant l'Asie de l'Extrême-Orient et du Sud ainsi que l'Amérique précolombienne groupant ainsi les civilisations qui n'ont pas débouché directement sur l'ère industrielle occidentale. Le Moyen Age, nous commençons à le savoir, fut une extraordinaire période de transition. Loin d'être improductif, il vit l'invention se développer d'une façon fructueuse, mettant un terme aux tâtonnements parfois divergents et toujours lents des premiers âges de la civilisation technique. La dernière partie de ce volume qui lui est consacrée, montrera camaient le rythme du progrès s'est alors établi sur un autre mode. Les débuts de l'ère industrielle moderne seront décrits dans le second volume sous le titre Les premières étapes da machinisme. Une division chronologique classique de l'histoire générale, la Renaissance, constitue la première partie de ce volume et présente dans son ensemble le niveau technique atteint par l'Europe occidentale au cours de cette époque. Les autres parties sont consacrées à la période allant de la fin du XVIe siècle au début du X VI ile siècle; on abandonne à partir de là les coupes géographiques ou chronologiques pour adopter un plan de subdivisions basé sur les grandes techniques ou groupes de techniques. Cette subdivision répond mieux en effet aux caractéristiques des deux derniers siècles dont l'histoire technique est retracée dans les volumes suivants. Sans négliger l'interdépendance des différents domaines techniques dans leur développement, elle permet de suivre la ligne d'évolution des plus importants d'entre eux, évolution qui reste de moins en moins l'apanage d'un pays et même d'un continent déterminé. L'expansion du machinisme, à laquelle sera consacré le troisième volume, sera étudiée, dans ce volume, entre le début du XVIIIe siècle et le milieu du XIXe. Cette période a vu d'abord le phénomène que dès le XVIIIe siècle et surtout après le milieu du XIXe siècle plusieurs auteurs ont commencé à appeler la « révolution industrielle ». Si le terme a une certaine signification en histoire économique, il n'en a aucune pour les historiens des techniques. En effet, par respect pour une idée acquise, on a été obligé d'introduire la notion d'une seconde révolution industrielle que certains placent dans la première moitié du XIXe siècle, d'autres dans la seconde. Il faudrait encore en situer trois au quatre dans les soixante premières années de notre siècle. En fait la grande rupture dans les procédés et le rythme de production industrielle semble se situer vers les années 1850-1860. C'est cette période que nous avons choisie pour séparer les deux derniers volumes. La civilisation industrielle, les fondements techniques sur laquelle elle a commencé à s'édifier et le rythme du développement des techniques depuis un siècle seront le sujet du quatrième volume. Cet ouvrage exige une telle diversité de connaissances qu'il ne pouvait être réalisé qu'en collaboration. C'est aux spécialistes les plus compétents que nous xvi HISTOIRE GÉNÉRALE DES TECHNIQUES avons demandé de rédiger chaque chapitre. Le lecteur pourra facilement le constater en consultant la longue liste des collaborateurs qui figure en tête de chaque volume et l'indication des chapitres dont nous leur sommes redevables. La tâche de chacun d'eux a été extrêmement difficile en raison du caractère nouveau de cette entreprise et de l'incertitude des connaissances sur laquelle nous avons déjà insisté. Les méthodes d'études vont de celles du préhistorien à celles de l'archéologue, de l'archiviste, du documentaliste, et dans tous les cas elles doivent être complétées par celles du technicien proprement dit. Selon le sujet et la période étudiée, l'historien des techniques est embarrassé soit par la médiocrité ou la rareté des sources, soit au contraire par leur abondance. Si la littérature technique devient d'une telle abondance à partir du milieu du siècle dernier qu'il est souvent impossible à l'historien d'effectuer un dépouillement exhaustif, l'ensemble des documents originaux connus sur des civilisations anciennes comme celles de la Mésopotamie, des Musulmans du Moyen Age, ou de l'Inde ancienne a été jusqu'à présent peu, et parfois pas du tout, étudié par les historiens des techniques. Ainsi n'est-il pas exagéré de dire que chacun des chapitres de ces volumes représente un travail original plutôt qu'une synthèse de travaux antérieurs. Je ne saurais terminer ces pages de présentation générale sans remercier tous les spécialistes qui ont accepté de donner leur collaboration aux quatre volumes de notre ouvrage. Chacun a compris l'intérêt que celui-ci pouvait présenter pour l'histoire des techniques autant que pour notre culture générale. Presque tous ont consenti à ajouter à des occupations déjà absorbantes cette tâche supplémentaire. A la rédaction du texte proprement dite s'est ajoutée encore l'obligation toujours peu séduisante d'adapter ce texte aux exigences d'un ouvrage collectif, et enfin celle de procurer à l'éditeur les documents iconographiques indispensables. On ne saurait en effet concevoir une histoire des techniques sans illustrations. Aussi souvent que possible nous avons tenu à montrer au lecteur l'objet dont une description sommaire ne peut donner qu'une idée inexacte. Même des techniciens ne discernent pas toujours de quoi ils entendent parler s'ils n'ont pas une figure sous les yeux. Nous avons pensé à tous les lecteurs de formations si diverses que nous voulions intéresser à cet ouvrage. L'éditeur a parfaitement compris cette nécessité et a mis à notre disposition les moyens indispensables pour réaliser une illustration abondante. Enfin il a eu assez confiance dans les auteurs et le directeur de l'ouvrage pour accepter, en cours de préparation, que le nombre des volumes soit doublé. Je tiens à lui exprimer mes remerciements pour une telle compréhension qui a été le meilleur des encouragements. Maurice DAumAs. PREMIÈRE PARTIE APPARITION ET PREMIER DÉVELOPPEMENT DES TECHNIQUES INTRODUCTION ABORDER le problème de l'apparition et du premier développement des techniques implique l'abandon des conventions propres à l'histoire et l'adoption d'un système de références où non seulement disparaissent la notion d'inventeur et celle de date mais où le fait d'invention lui-même devient directement tributaire de concepts biologiques. Aux rassurantes perspectives des vieux auteurs parlant du premier homme qui déroba le feu à un volcan, ou du chasseur génial qui confia une partie de sa provision de grains à la terre pour la faire fructifier, s'est substitué, sur le fond d'étapes géologiques, le déroulement impersonnel d'une évolution de l'outillage traversant, comme sans les connaître, plusieurs formes d'humanité différentes de la nôtre. Il apparaît bien à l'historien des techniques que l'inventeur est inséparable de son temps et de son contexte social et qu'il agit comme un prête-nom pour une civilisation mais, dans le champ historique, l'accent reste porté sur un nom, un lieu, une date, même apocryphes, alors que dans l'immensité des temps préhistoriques ce sont des populations de silex taillés, sur l'étendue de trois continents, qui jalonnent les routes interminables de l'ère quaternaire. On continue, par l'effet de la culture acquise, de parler d'un premier homme alors qu'on ne saisit que des Anthropiens aux marges de l'animalité et que l'idée de premier est en contradiction avec l'enchaînement insensible des formes. Malgré le caractère inhabituel de son système de Les techniques et la préhistoire de l'humanité référence, la Préhistoire est pourtant avant tout une histoire des techniques ; la succession dans le temps d'objets de plus en plus élaborés forme l'unique trame des centaines de milliers d'années de l'enfance des hommes, et c'est certainement, pour l'histoire des techniques, le titre le plus estimable que d'être, au delà des dernières traces de l'écriture, l'unique source de notre information historique. En effet, la Paléon- tologie est hors d'état de décider de l'humanité ou de l'animalité d'un crâne supposé humanoïde ; c'est la présence ou l'absence d'outils artificiels qui en décide. Depuis un siècle qu'on découvre à l'homme actuel des ancêtres de plus en plus éloignés, l'anatomie a hésité à voir des hommes dans les êtres au crâne bas et aux lourdes mâchoires qu'elle découvrait et c'est seulement parce qu'ils ont laissé un outillage de pierre taillée que les hommes de Néanderthal, les Sinanthropes, plus récemment les Atlanthropes, sont véritablement venus prendre 4 APPARITION DES TECHNIQUES INTRODUCTION 5 rang dans notre ascendance. Actuellement, le plus grand problème se pose au sujet des Australopithèques d'Afrique du Sud, créatures dont on sait par l'anatomie qu'elles se tenaient debout, avaient une main comme la nôtre, une face plus courte que celle des grands singes, un cerveau plus développé, mais dont on ignore encore tout récemment si elles étaient déjà capables de fabriquer des outils. Une découverte heureuse a fait, en 1960, rencontrer quelques cailloux sommairement taillés auprès des restes osseux d'un Australopithèque, ajoutant un chapitre, l'un des premiers à coup sûr, à l'histoire de l'humanité. 6 Les nombreux caractères anatomiques qui distinguent le groupe L a roure on sati i nman h ' d des Anthropiens, dont nous sommes les représentants actuels, des autres grands groupes zoologiques, forment un tout. L'importance de l'équipement cérébral, la station verticale, la liberté de la main, la réduction de la face et (les dents antérieures sont des caractères étroitement liés dans leur évolution et qui, à des degrés différents, sont propres à l'Homo sapiens de nos jours comme aux hommes de Néanderthal, aux Pithécanthropes ou aux Australopithèques. C'est pourquoi l'on réunit sous le terme général d'Anthropiens ces différents représentants de l'humanité, en distinguant des Archanthropiens, qui sont les plus anciens (Pithécanthropes, Sinanthropes, Atlanthropes), les Paléanthropiens (formes apparentées à l'homme de Néanderthal) et les Néanthropiens (hommes actuels depuis l'homme de Cro-Magnon). De tous ces Anthropiens on connaît l'outillage et l'on sait que l'évolution de cet outillage forme un tout continu et progressif. L'apparition de l'outillage est évidemment liée à un développement suffisant du cerveau ou du moins de certaines de ses parties, mais avant tout à la libération de la main par l'acquisition de la station verticale ; de sorte que le problème fondamental de notre évolution matérielle réside dans la recherche des modalités de libération de la main. Plus précisément encore, la e courbe d'humanisation » pourrait s'exprimer par le passage des formes animales où l'organe, le geste et l'outil se confondent, aux formes humaines où l'outil se sépare de l'organe et du geste, puis aux formes mécaniques où le geste lui-même est devenu amovible. LA MAIN Les Mammife.espréhensears L'histoire de la main humaine trouve ses sources dans l'histoire des premiers Vertébrés. L'activité technique élémentaire est liée à l'acquisition de la nourriture et dès les poissons primitifs de l'ère primaire on voit s'établir, dans la partie antérieure du corps, un « champ technique » dont les organes principaux sont les organes faciaux : lèvres et dents antérieures. Très tôt, dans certaines espèces, les nageoires antérieures se trouvent associées au champ technique et dès l'ère secondaire les Vertébrés se trouvent divisés en deux groupes fonctionnels : chez les uns l'action faciale reste pres- que exclusive et ses organes se spécialisent de plus en plus, chez les autres le champ technique antérieur se répartit entre le pôle facial et un pôle manuel où le membre antérieur s'oriente vers la préhension. A l'ère tertiaire, avec l'apparition et le développement des Mammifères, la coupure s'établit de plus en phis clairement entre des animaux comme les Ruminants dont la tête, avec ses cornes, ses lèvres préhensiles, ses incisives coupantes, rassemble tous les moyens d'action technique du champ antérieur et des animaux comme les Carnassiers ou les Rongeurs chez lesquels la main entre de manière de plus en plus active et variée dans l'acquisition de la nourriture et sa manipulation. La technicité, telle qu'elle existe chez l'homme, est donc présente, à l'état de bourgeon, dans la série des Mammifères préhenseurs. Chez plusieurs d'entre eux, en particulier chez les Rongeurs, La station assise la technicité manuelle est facilitée par l'adoption de la station assise, qui rend la main libre pendant le temps où l'animal est au repos. Certains, comme les castors, atteignent une grande finesse dans les opérations manuelles, la possibilité d'opposer l'un des doigts aux autres et d'user des mains séparément. Une étape de plus est franchie par les Singes, dont la main agit par préhension (le façon constante, en station assise comme pendant la marche dans les arbres. Chez les plus évolués, en particulier les grands Anthropoïdes, face et main s'équilibrent dans leurs opérations techniques, la station assise assurant un redressement complet et prolongé de la colonne vertébrale. Les centres moteurs de l'écorce cérébrale ont pris une importance en rapport avec la diversité des mouvements de la face et des mains et l'emploi transitoire de bâtons pour atteindre des objets éloignés réalise le dernier palier atteint par les Singes. On ne connaît pas encore très exactement les conditions La locomotion 6ipede du passage au palier humain, mais depuis quelques années on entrevoit l'existence, à la fin de l'ère tertiaire, de Primates chez lesquels la locomotion bipède devait jouer un rôle important et l'on connaît, en Afrique australe, des êtres, les Australopithèques, qui réalisent de manière presque idéale la première étape de l'hominisation. Ils marchaient debout comme des hommes, avaient une face courte aux canines petites et la main complètement libre pendant la marche, ce qui constitue des caractères spécifiquement humains; mais leur cerveau était très en deçà de ce qu'on attribue à un cerveau humain. Ils possédaient toutefois un développement notable des régions fronto-pariétales où se trouvent les centres de coordination des mouvements, et en particulier des mouvements de la main et de la face. Ces créatures sans canines offensives et libres des mouvements de leurs mains en station debout ne possédaient certainement pas une intelligence au sens actuel du terme, mais°ils avaient déjà certainement les aptitudes psycho-motrices qui leur permettaient de compléter par des objets tenus en main l'insuffisance de leur armement naturel. Corporellement, ils étaient en tout cas indiscutablement construits comme des hommes. C'est 6 APPARITION DES TECHNIQUES INTRODUCTION certainement un des points les plus inattendus des découvertes récentes que celui qui montre l'homme réalisé dans ses organes techniques bien avant le complet développement de son cerveau. Dès l'étape suivante la situation est établie dans des termes 'iint l elligence e èd éc r Lntell qui rendent inutiles de plus longues explications paléonto- précède : les outils existent, indiscutables, et il suffira de suivre leur évolution pour construire la première histoire technique de l'humanité. Quelques points pourtant intéressent directement la technologie. Il est assez paradoxal de voir la main précéder le cerveau ; il ne l'est pas moins de voir l'outil précéder en quelque sorte l'intelligence. En effet, les découvertes répétées en Insulinde, en Chine, en Afrique du Nord, de créatures du groupe des Pithécanthropes, dans lesquelles naguère la Paléontologie voyait de frustes intermédiaires entre l'Homme et le Singe, ont montré un outillage de pierres taillées de très belle facture, incontestablement supérieure à tout ce que la seule considération de leurs crânes pouvait faire supposer. Ce paradoxe apparent tient à deux ordres de faits dont l'action est convergente. Nous tendons inévitablement à considérer notre activité technique comme étroitement solidaire des formes les plus élevées de notre intelligence, ce qui n'est vrai que pour nous et de manière d'ailleurs partielle. Une technicité, même réfléchie, est loin de mettre en cause la totalité des possibilités cérébrales dont jouit l'homme actuel, elle requiert par contre l'intervention de dispositifs neuro-moteurs dont l'existence est possible à un stade précoce de l'évolution humaine. Ce qui surprend dans la technicité des Pithécanthropes est d'un ordre comparable à ce qui surprend dans le comportement technique de certains Oiseaux ou Rongeurs et la distinction traditionnelle des philosophes entre un Homo fa ber et un Homo sapiens a quelque chance de correspondre à une réalité paléontologique. D'autre part, les créations techniques de l'homme tendent, par le fait qu'elles survivent au fabricant, à constituer une réalité douée d'une existence propre, dont la base n'est plus individuelle mais sociale et sur laquelle la collectivité humaine agit indépendamment des générations. Le capital d'outils, dont la facture est transmise d'une génération à l'autre, reçoit presque insensiblement, au cours des millénaires, de menues améliorations dont le cumul aboutit à des formes plus complexes que ne saurait en réaliser aucun des individus livré à ses propres ressources intellectuelles. En quelque mesure, on peut imaginer que les Pithécanthropes, déjà, étaient individuellement dépassés par leurs techniques. Cette question initiale du dépassement progressif des innovations dulu lana a e angg les unes par rapport aux autres lève un dernier problème, celui d e de l'apparition du langage, base indispensable chez lesAnthropiens, à la vie de groupe et à la transmission des techniques complexes. Si l'on possède des outils de pierre, on ne possédera probablement jamais de témoins directs de la transmission verbale, mais la coordination des documents anatomiques et des documents technologiques permet une approche hypothétique du sujet. En effet, l'équipement cérébral minimum des Primates assure une coordination des mouvements des organes faciaux et de la main : le singe prépare sa nourriture par des gestes finement coordonnés des dents, des lèvres, de la langue et des mains. Du singe à l'homme, les cellules de l'écorce cérébrale se multiplient et leur accroissement n'est pas plus faible pour les organes faciaux que pour la main, quoique la face régresse en volume. On peut penser que conjointement au remaniement des opérations manuelles, qui aboutit à la naissance de l'outil, un remaniement comparable des opérations faciales entraîne les lèvres, les dents et la langue dans l'aménagement des outils verbaux. Le lien primitif entre les deux pôles de la technicité, ininterrompu dans toute la série animale, conserve dans notre humanité une valeur tout aussi impérative et il existe de multiples raisons de penser que la technicité verbale des premiers hommes était de même mesure que les outils qu'ils créaient. Une telle supposition est d'ailleurs nécessaire pour restituer les conditions fondamentales du développement des techniques qui, à travers toute l'histoire de l'humanité, répondent au développement des structures sociales. Dès leur premier pas, les techniques vivent d'une vie indépendante de celle des individualités, à l'échelle de la durée des institutions sociales. ÉVOLUTION PRÉHISTORIQUE DES TECHNIQUES Le phénomène le plus frappant dans l'évolution des techniques est leur addition. Jusqu'à la disparition, il y a une génération à peine, des derniers tailleurs de pierres à fusil, toutes les acquisitions progressives de l'humanité étaient encore vivantes. Si l'on prend le seul domaine de la céramique, toutes les formes de fabrication, depuis les plus primitives, peuvent encore être observées dans le monde actuel. Le ramassage des moules sur les rochers coexiste avec les moissonneuses-batteuses et le catch se confronte avec les projectiles atomiques. Les coupures systématiques sont par conséquent difficiles entre les humanités successives. Une seule apparaît comme véritablement décisive, celle qui est marquée par l'apparition de l'agriculture : quelques centaines de milliers d'années conduisent les techniques du caillou hypothétique de l'Australopithèque aux réalisations des derniers chasseurs de rennes, cinq mille ans marquent le passage du premier blé semé au monde contemporain. Cette coupure fondamentale servira de plan pour séparer les sociétés primitives des sociétés proto-agricoles et agricoles élémentaires qui constituent la très courte préface à l'Histoire écrite. L'ordre d'exposition des différentes techniques, à l'intérieur de ces divisions fondamentales, ne peut être complètement chronologique puisque chaque technique poursuit son évolution, de son point d'apparition jusqu'à nos jours, en profitant des acquisitions de l'ensemble à chaque époque. Il ne peut être non plus complètement logique car les rapports entre fabrication, acquisition B APPARITION DES TECHNIQUES et consommation varient profondément des sociétés primitives aux sociétés agricoles. Le plan, tenant compte de ce double aspect, offrira les coupures suivantes Sociétés primitives. — Les techniques de fabrication ont une importance prépondérante puisque le pas décisif de l'humanisation n'est pas l'acquisition du gibier ou des plantes, ni l'utilisation d'un abri, possibilités déjà existantes au niveau animal, mais la fabrication de moyens d'action artificiels. Seront donc considérés successivement le feu, la pierre, le bois, les cuirs et peaux parmi les techniques de fabrication. Parmi les techniques d'acquisition, la chasse, la pêche et la cueillette. Attestées dans les sociétés primitives, ces techniques subsistent dans les sociétés agricoles, elles subissent l'effet du progrès technique général mais restent suffisamment semblables à elles-mêmes pour que leur survivance dans les sociétés agricoles soit traitée par la même occasion. Les techniques de consommation, alimentation, vêtement, habitation, seront traitées séparément pour les sociétés primitives et les sociétés agricoles, ce domaine offrant, entre les deux types de sociétés, des coupures particulièrement caractéristiques. Sociétés proto-agricoles et agricoles élémentaires. — L'agriculture d'une part, la métallurgie des peuples méditerranéens de la fin de la protohistoire d'autre part, sont traitées dans d'autres chapitres de cet ouvrage et il n'y sera fait que les références indispensables. Pourtant, étant donné que toute l'évolution des sociétés actuelles repose sur ces deux faits majeurs de l'agriculture et de la métallurgie, il sera indispensable de les aborder dans les sociétés qui ont préparé l'état historique. Les techniques d'acquisition rassemblent les faits les plus significatifs de l'évolution des sociétés agricoles : proto-agriculture et agriculture, proto-élevage et élevage seront donc traités d'abord. La sédentarisation et ses conséquences économiques et techniques sur les premières sociétés agricoles appellent ensuite l'examen des questions touchant l'habitation et la structure de l'habitat. C'est comme une conséquence de l'accession aux techniques agricoles et de la sédentarisation que se développent de nouvelles techniques de fabrication, vannerie, tissage, et, pour marquer l'entrée dans les sociétés actuelles, les arts du feu céramique et première métallurgie. CHAPITRE PREMIER SOCIÉTÉS PRIMITIVES LE FEU LE feu est toujours mis au rang des critères majeurs d'humanité, le mythe de la conquête du feu se retrouve dans la plupart des mythologies et dès que l'idée d'une très lointaine antiquité des origines de l'homme s'est imposée, les hypothèses sur la découverte et la domestication du feu ont eu leur place. Les volcans, la foudre et les incendies spontanés de forêts sont généralement considérés comme les sources où le premier feu a été capturé et l'on suppose qu'ensuite sa conservation a fait, pendant de longs millénaires, l'objet des soins jaloux de l'homme primitif. Encore qu'il soit impossible d'apporter des éléments propres à chezLles ho nfes contredire ce tableau qui trouve encore à l'heure actuelle sa place dans tous les ouvrages de vulgarisation, il est nécessaire de souligner que les faits positifs que l'on connaît sur l'origine du feu chez les hommes sont extrêmement minces. En effet, sauf pour des périodes assez récentes, on ne peut guère compter trouver de restes de foyers que dans les cavernes qui ont été habitées par les hommes, partout ailleurs les vestiges ont été emportés par l'eau et le vent. Or les cavernes sont un habitat géographiquement très exceptionnel et par surcroît elles n'ont été fréquentées par les hommes que dans les régions et aux époques où elles offraient un refuge préférable à tout autre. A ces difficultés s'ajoute le fait que l'on ne peut découvrir que des cendres ou des charbons, ou des pierres rougies au contact du foyer incandescent : les procédés qui permettaient de conserver ou d'obtenir le feu ont disparu et ce n'est que par les sources historiques ou l'exemple des primitifs actuels qu'on peut se représenter les méthodes variées par lesquelles le feu est tiré du frottement de deux bois. La production artificielle du feu est certainement très ancienne, mais faute de preuves on ne peut que considérer la présence ou l'absence de feu dans les quelques rares sites très anciens qui aient été favorables à sa conservation. Les circonstances géologiques veulent pourtant qu'on dispose de témoignages précieux. 10 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 11 Les Australopithèques, dont les restes sont découverts dans Le Sie le feh.ope des grottes et dont l'outillage est encore hypothétique, ne et le fixa paraissent pas avoir connu le feu car les traces de charbons n'ont pas été signalées dans le conglomérat où les vestiges osseux sont inclus. Parmi les quatre Archanthropiens connus, les Pithécanthropes de Java, les Atlanthropes d'Algérie et l'homme d'Heidelberg en Allemagne ont été trouvés sans les traces de leur habitat, mais le quatrième, le Sinanthrope de la région de Pékin, a été découvert dans une caverne. Les restes osseux de cet hominien très primitif, à cerveau encore très réduit dans sa partie frontale, ont été trouvés accompagnés d'un outillage de pierre abondant et des débris d'un gibier varié. Témoignage très important, la très longue occupation de la caverne de Choukoutien par les Sinanthropes est marquée, sur plusieurs mètres de hauteur, par la présence de foyers importants. II est donc certain qu'un des représentants, au moins, du plus ancien groupe qui montre un comportement technique humain, possédait le feu et en usait de manière régulière. Il n'est pas possible, avec les documents qu'on possède, de dire qu'il n'en usait que pour se chauffer et écarter les fauves ou s'il en faisait usage pour cuire ses aliments. Il est plus difficile encore de dire s'il savait le reproduire ; rien n'indique qu'il ait eu quelque volcan à proximité. D'autre part, les Sinanthropes ont occupé par périodes, pendant des milliers d'années, la caverne de Choukoutien : la conservation sans accident, la quête du feu perdu auprès de voisins à coup sûr éloignés et probablement hostiles posent de difficiles problèmes ; sa seule possession constitue déjà un témoignage que l'anatomie extraordinairement primitive du possesseur rend véritablement bouleversant. Du témoignage du Sinanthrope aux documents suivants, il faut L'homme de Néanderthal traverser une partie importante du Quaternaire car on ne retrouve de témoins dans les cavernes qu'aux temps presque récents de l'homme de Néanderthal, entre 100 000 et 40 000 ans de nous. Quoique encore très différent de l'homme actuel, le Néanderthalien, dont on possède les traces dans plusieurs centaines de gisements, menait une existence comparable à celle des derniers Fuégiens. Son outillage était assez varié et l'on sait avec certitude qu'il possédait une vie religieuse. Chaque fois que les circonstances géologiques sont favorables, on retrouve les traces de ses foyers. On s'est aperçu récemment qu'il lui arrivait de ronger le tissu spongieux imprégné de moelle de certains os, opération qui n'est possible que si ceux-ci ont été préalablement rôtis, ce qui apporte la certitude de l'utilisation culinaire du feu à cette époque. On ignore par contre si l'homme de Néandertal produisait son feu, ce qui, étant donné l'état d'avancement de ses autres techniques, est vraisemblable. Les plus anciens foyers C'est vers 30 000 qu'en Occident au moins apparaissent les premières cultures qui soient accompagnées d'hommes semblables à nous, hommes qu'il est commode de placer sous le patronage du premier connu d'entre eux : l'homme de Cro-Magnon. On verra plus loin que les vingt mille ans qu'ont duré les cultures des chasseurs de chevaux et de rennes d'Europe occidentale représentent une histoire complexe et qu'il est arbitraire de traiter en bloc les Chatelperroniens des débuts et les Magdaléniens de la période terminale, aussi différents entre eux que les Gaulois peuvent l'être des Français modernes. Néanmoins, les plus primitifs ont déjà un équipement technique sans mesure commune avec celui de l'homme de Néanderthal et, en ce qui concerne le feu, on peut grouper sur toute la durée de l'Age du Renne les documents encore trop pauvres qu'on possède. En effet, quoique des centaines de foyers aient été découverts dans les cavernes, l'insuffisance scientifique de la plupart des fouilles a fait négliger les détails de structure qui pouvaient renseigner sur la manière de conserver et d'utiliser ces foyers. De l'examen des dizaines de milliers de silex taillés qu'on a rencontrés pendant cette période, rien ne fait supposer que le silex ait été utilisé pour produire le feu : le briquet à silex exige l'intervention d'un bloc de fer ou au moins de pyrite de fer et, si l'on rencontre parfois cette dernière dans les gisements préhistoriques, il n'apparaît pas qu'elle ait servi dans l'usage présent. Le combustible employé ne se limitait pas au bois car les fragments d'os qui avaient été brisés pour en extraire la moelle et les os spongieux comme les vertèbres étaient consumés dans le foyer. La construction de ce dernier était le plus souvent très simple, comportant parfois une bordure de cailloux. Il n'a jamais jusqu'à présent été retrouvé de dispositif laissant supposer que des récipients avaient pu être placés sur le feu, ce qui est normal puisque ni céramique ni métal n'existaient encore. Il est possible par contre que les liquides aient été chauffés au moyen de pierres placées préalablement dans le foyer, comme le faisaient récemment encore plusieurs peuples d'Amérique, mais aucune preuve positive n'a été apportée de ce fait qui demanderait pour être prouvé l'étude attentive de nombreux foyers. Il semble que parfois ait existé un dispositif de tirage, retrouvé en Ukraine dans un emplacement de hutte construite sur le loess : deux petites fosses creusées dans la terre meuble apportaient l'air frais sous le foyer. L'usage culinaire des foyers de l'Age du Renne est suggéré par l'utilisation des débris osseux comme combustible, mais les preuves directes sont difficiles à apporter. A cet égard, les emplacements d'habitations découverts dans les loess d'Europe centrale et d'Ukraine apportent plus de précisions que le sol de nos cavernes où le mouvement de la pierraille efface rapidement les traces d'organisation du foyer. On a découvert en Ukraine à différentes reprises des foyers entourés d'excavations, de la taille d'une marmite, qui ont pu constituer des fours pour cuire à l'étouffée, en garnissant le fond de braises. Les Magdaléniens ont utilisé un moyen de chauffage assez remarquable qui consistait à recouvrir les braises incandescentes d'un tas de gros galets qui jouait le rôle de calorifère. Cette structure a été retrouvée intacte dans l'abri 12 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 13 sous roche de Mouthiers (Charente) et dans la grotte de Saint-Marcel (Indre). Enfin, dès le Chatelperronien, les hommes connaissaient le moyen de modifier la couleur des ocres ferrugineuses en les calcinant. On a découvert, dans la grotte du Renne, à Arcy-sur-Cure (Yonne), une série de petits foyers qui avaient uniquement servi à fabriquer de l'ocre violette par oxydation. LA PIERRE L'outillage taillé dans les roches siliceuses est normalement impérissable. L'extraction d'un éclat coupant sur un bloc de matière exige un choc violent et précis qui n'est que très rarement réalisé accidentellement dans la nature et l'examen d'un nombre suffisant de pièces permet de déceler la volonté de l'homme, même s'il s'agit d'objets très frustes. De sorte que, depuis les débuts, tout ce que l'homme a taillé dans le silex ou les roches dures a subsisté ; c'est probablement par centaines de milliards qu'il faudrait compter ces témoins qu'on rencontre dans toutes les parties du monde. Leur interprétation historique est fondée sur la géologie stratigraphique suivant le principe théorique très simple qui veut que les objets les plus anciens soient enfouis plus profondément que les plus récents. La chronologie stratigraphique, depuis plus d'un siècle, a démêlé les difficultés qui séparent la théorie de la réalité et l'on dispose, au moins pour certaines parties du monde, de séries d'outils bien situés chronologiquement. Il est inutile, pour le propos présent, d'ajouter que plusieurs sciences annexes comme la Zoologie, la Paléo-botanique ou l'étude des restes humains ont concouru à donner à ce texte formé par les outils de pierre un contexte climatique et une critique. Sur l'outillage de pierre, qui ne constituait évidemment qu'une partie des biens techniques des hommes de la Préhistoire, la documentation est abondante et précise ; elle constitue la base des travaux préhistoriques et, pour l'histoire des techniques, le seul témoignage qui nous relie sans discontinuité au Sinanthrope. Le fait le plus frappant, lorsqu'on examine des témoins Evoldeion des tioocédés disposés chronologiquement, depuis les origines jusqu'à de fabrication la vulgarisation de l'emploi des métaux, est la parfaite continuité de traditions techniques entre les différentes humanités qui se sont succédé pendant des centaines de millénaires, continuité qui rend l'homme actuel totalement solidaire des prédécesseurs du Pithécanthrope lui-même. Dans le monde actuel, il semble normal de séparer l'état d'évolution technique des questions raciales ou des langues, mais il est évidemment moins facile de projeter cette attitude dans le passé géologique et de séparer, en quelque sorte, l'évolution des techniques de celle des hommes. Il est évident que les deux lignes d'évolution sont parallèles et que les techniques des hommes les plus frustes sont les plus simples; mais ces lignes d'évolution sont réellement séparées, certaines décou- vertes essentielles ont été faites par les Néanderthaliens alors que, l'homme actuel réalisé sur le globe, il a fallu plus de trente mille ans pour qu'il atteigne la première agriculture. Pour la fabrication des outils de pierre, cette évolution des techniques de fabrication peut se diviser en cinq stades qui conduisent des plus anciens cailloux éclatés jusqu'aux outils qui, vers 3000 avant notre ère, copiaient les premiers outils métalliques. Premier stade. — Il correspond aux premières traces d'industrie humaine de l'ancien continent : culture des « outils sur galets », Chelléen (nommé aussi Abbevillien) et Clactonien qui occupent tout le premier tiers de l'ère quaternaire et ont duré par conséquent plus longtemps que celles des autres stades. Il est caractérisé par une seule opération de frappe qui consiste à percuter perpendiculairement le bord d'un galet ou d'un bloc pour créer un tranchant. C'est un geste semblable à celui qui est fait pour casser une amande et il reparaît naturellement lorsqu'on essaie, par jeu, de tailler un caillou. Les produits obtenus sont lourds et épais et leur tranchant est court et irrégulier (fig. 1). Second stade. — Jusqu'à présent, le second stade paraît s'être développé sur la partie occidentale de l'ancien continent : Afrique, Europe et Asie occidentale. Il correspond, pour l'Europe, aux différentes phases de l'Acheuléen et occupe la partie moyenne de l'ère quaternaire. L'outil qui le caractérise a la forme d'une amande plus ou moins aplatie,


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a b Fm. t Fm. z a, Galet tronqué pour ménager un tranchant. Le biface acheuléen est façonné C'est l'outil volontaire le plus ancien (chopper, sur toute sa surface, régulier dans ses d'un mot anglais signifiant « hachoir >) ; il se contours et possède un tranchant rencontre, comme outil complémentaire, à Billé- rectiligne. Les grands éclats concen- rentes époques. triques de sa surface et la dissy- b, Les bifaces les plus anciens, encore irrégu- métrie de son profil annoncent le fiers, développent les caractéristiques du chopper nucleus levailoiso-moustérien, spé- primitif et se dégagent vers la pointe. cialisé pour l'extraction d'éclats de forme prédéterminée. 14 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 15 de la taille moyenne d'une main ouverte, à tranchant régulier, qui paraît avoir été essentiellement un couteau ; on le nomme biface ou coup-de-poing, cette seconde désignation étant plutôt désuète et techniquement erronée. La fabrication du 1 1 E r Fie. 3. -- Débitage de la pointe levalloiso-moustérienne A, Le bloc (le silex initial; B, Première série d'enlèvements à frappe perpendiculaire ; C, Deuxième série d'enlèvements à frappe oblique ; le nucleus a pris l'aspect d'un biface très épais ; D, Enlèvement de deux éclats de préparation ; ce stade servira de départ au débitage des lames de la période suivante ; E, Enlèvement d'un éclat d'amincissement du sommet de la future pointe ; F, Les arêtes de l'éclat d'amincissement permettent de centrer deux petits enlèvements sur le plan de frappe, le profil de la base de la pointe est acquis ; O, Une dernière frappe assure l'extraction du produit définitif.l i tre comporte deux séries d'opérations qui s'enchaînent. La première série est \,miment tirée du premier stade, elle consiste à dégrossir le noyau de matière ~ i cirière pour lui donner une forme à peu près régulière. La seconde série consiste ru contraire à utiliser les enlèvements de la première série comme plans de h plie pour attaquer la matière non plus perpendiculairement au grand plan J Li pièce, mais aussi obliquement que possible, ce qui détermine de longs éclats ~ suces qui permettent de peler littéralement le noyau et de le mettre en forme : veC beaucoup de précision (fig. 2). Troisième stade. — Les industries qui correspondent au troisième stade ont le foyer que les précédentes mais une plus grande extension dans le domaine r~galiiluc. On les désigne en Occident sous les termes de Moustérien et de Levai- !,,,sien, leur ensemble constituant un complexe levalloiso-moustérien homogène. Chronologiquement, elles s'engrènent dans la seconde partie du groupe acheuléen i Imur apogée se situe entre 100 000 et 40 000. Jusqu'à présent, les outils ren-,n i rés avec les restes d'hommes de Néanderthal appartiennent à ce stade, mais il •rai presque certain que l'étape importante que représente le troisième stade a i r"" franchie par les prédécesseurs des Néanderthaliens ou par les plus anciens 1 m"utre eux. l,a fabrication prend son départ dans un noyau ou nucleus de matière I~rcuillère, comme précédemment, et elle aboutit à la confection d'une sorte de I~~fjce dissymétrique en épaisseur, de la forme d'une carapace de tortue de jardin. l'unr obtenir cette dissymétrie deux séries de gestes sont successivement mises u- jeu : la série du premier stade qui donne la face la plus abrupte et la série du ,~u•rmuid stade qui conduit au profil de la face aplatie. A partir de ce point une t roisième série de gestes est destinée à traiter le biface, non comme un outil à Lironner, mais comme un nucleus dont on va extraire des éclats plats et larges qui xxr•rnnt eux-mêmes les outils. Les opérations suivantes d'amincissement préalable lui futur éclat, d'aménagement du plan de frappe et d'extraction d'un éclat de larme prédéterminée exigent un sens élevé de la matière première, une prévision ~1~•t résultats et un tour de main que l'examen du crâne de l'ouvrier est loin de laisser prévoir. Plusieurs types d'outils tranchants étaient obtenus et la prévision de leur forme intervenait dès les premières percussions. Ajoutons que les cailloux lui servaient de percuteurs répondaient à des caractéristiques de densité et de volume assez précises pour chaque temps des opérations (fig. 3). Le troisième stade représente dans l'histoire de l'humanité une étape majeure aussi importante que l'accession à l'agriculture ou aux forces motrices artificielles, ar c'est directement à partir de ce point que sont établies les conditions du développement des techniques jusqu'à l'apparition de la métallurgie. Quatrième stade. — La durée du quatrième stade est comparativement très courte puisqu'il débute entre 30 et 40 000 et prend fin vers 3 000 avant notre ère ~lins les régions les plus avancées où il est relayé par le métal. Par contre, il s1ADE; 1 2 3 4 5 1 l


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i L a b - r outil s r nucleus... Pebbl, - culture. Achealéen. Lev ai',eeu+térien. Le tolilh ique... esse-néolithique. D'obtention direct.. Façonn. o. IIII ®~ll b.L' Il Fie. 4. — Tableau nioutrant l'enrichissement progressif des techniques de la pierre de la s pebble-culture s au Néolithique En tuant, développement des séries de gestes dont les effets sur le nucleus s'additionnent du stade 1 an stade 3. Au centre, l'évolution du nucleus, d'abord lui-même outil, puis bloc d'extraction. En bas, l'éclat et la lame dérivés directement du nucleus au stade 3, puis source d outils façonnés au stade 4 (a) ; la lance peut enfin devenir elle-même masse d'extraction de segments géométriques façonnés en outils (b). SOCIÉTÉS PRIMITIVES 17 „,rrespond à de nombreuses divisions culturelles, incluses, pour l'Occident, dans Paléolithique supérieur, le Mésolithique et une partie du Néolithique. Son ,uI,ugI e se situe en Europe entre 30 000 et 10 000 avant notre ère, durant le I:helperronien, l'Aurignacien, le Gravettien, le Solutréen, le Magdalénien qui instituent l'Age du Renne. llu point de vue technique, le quatrième stade reprend les innovations du r i,sième stade. Le nucleus est traité suivant les procédés du troisième stade sur les trois séries de gestes de préparation et d'extraction. Le nucleus obtenu est t„ l •fois plus allongé que la a tortue n levalloiso-moustérienne. Des procédés unl,4ieurs, il n'est retenu qu'un type d'éclat de forme prédéterminée, celui qui insiste en bandes de silex à bords parallèles, longues et minces, connues sous le n,1'n de lames. Le nucleus en fournit un nombre bien plus élevé que d'éclats, 1 .. procédé d'obtention des outils reste par conséquent étroitement tributaire -Iu-a traditions antérieures, son originalité consiste à systématiser l'extraction de produits uniformément légers. Le plus important réside peut-être dans le fait W11. ces lames ne sont que le point de départ des outils véritables. Exactement , 1 mme le biface acheuléen était devenu le noyau dont les Levalloiso-Moustériens I ir:,ient leurs outils sur éclat, l'éclat en forme de lame devient la source des .,Mils proprement dits. En effet, la lame est ensuite façonnée finement en prnttoirs, en burins, en perçoirs, en minces couteaux. Cinquième stade. — Le cinquième stade est d'une durée brève et d'extension p,(ographique mondiale. Ses produits forment une frange étroite autour des I~ru-tniers temps métallurgiques et on les range sous la dénomination de néoliI biques. Une partie importante des outils prolonge simplement le quatrième stade, niais on voit apparaître l'emploi de pierres de structure non vitreuse comme les I: iléites, diorites, schistes, qui sont taillées par piquetage et polies sur le tranchant Onu toute leur surface. Ces outils nouveaux sont pour la plupart des haches ou lis herminettes à travailler le bois, et leur grande majorité a été confectionnée Linses régions qui entouraient les centres métallurgiques où l'on rencontre Iru premières haches de cuivre ou de bronze. Il est encore difficile de démêler lis rapports exacts qui existent entre les haches de pierre polie et les premiers produits métallurgiques, car la succession dans le temps est rapide, mais, sauf sut-être dans l'Est du Bassin méditerranéen, les objets de pierre polie sont postérieurs à l'apparition du métal d'Égypte en Mésopotamie ; ils semblent jouer Ii, rôle de produits de remplacement pendant la phase proto-métallurgique. Le mêmeait est établi en Extrême-Orient et semble défendable en Amérique. Pour l'Occident européen où les faits sont les plus nombreux, la période protomuétallurgique, entre 3000 et 1500 avant notre ère, montre, pour les produits du quatrième stade comme pour les outils de pierre polie, la recherche de dimensions plus grandes qu'aux époques précédentes. L'unité d'évolution des techniques de la pierre et l'enchaînement des 18 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 19 différentes étapes permettent de dégager un des faits les phis constants de l'histoire des techniques : les innovations apparaissent par addition d'opérations nouvelles sans que les séries anciennes qui servent de substrat soient abandonnées : jusqu'au dernier tailleur de silex les gestes du Pithécanthrope subsisteront dans la phase préparatoire de la matière (fig. 4). La signification même de cette évolution petit être saisie en considérant le rapport qui s'établit à chaque époque entre le processus de fabrication et l'efficacité technique de l'outil obtenu. Si l'on considère une série d'outils de pierre taillée disposés Évolution onsmigoe par ordre chronologique, on parvient aisément à cette des outils conclusion que pour la grande majorité d'entre eux l'effet technique recherché était l'obtention d'un tranchant longitudinal par rapport à la pièce. En d'autres termes, la fabrication la plus constante dans le temps et l'espace est celle des couteaux. Un autre fait apparaît dans une série chronologique : des débuts jusqu'au Néolithique, la dimension moyenne des outil diminue, aux lourds bifaces succèdent des bifaces de plus en plus petits et minces, puis des éclats, puis les lames et l'on voit se multiplier les microlithes, outils sur lamelles dont les dimensions descendent parfois au-dessous de 1 cm. L'allégement et la réduction des dimensions sont un fait reconnu depuis longtemps par les préhistoriens, fait qui n'exclut d'ailleurs pas la persistance, pour certains outils, de dimensions plus considérables (fig. 5). Fin. 5. — Représentation schématique de l'évolution économique du Paléolithique En haut, à longueur de tranchant égale, l'outil s'allège progressivement de l'Acheuléen (biface) au Levatloiso-Moustérien (pointe sur éclat) et au Leptolithique (lame). En bas, de l'Acheuléen au Mésolithique la taille des outils tranchants diminue. Un troisième fait est enfin sensible : la partie tranchante, utilisable de l'outil, pour des raisons géométriques évidentes, ne diminue pas dans les mêmes I-roportions que la surface et le volume, de sorte que l'efficacité relative est ~nvvrsement proportionnelle à la diminution de la taille. L'évolution du rapport entre l'efficacité et le volume de matière première i ~n mobilisé dans l'outil est rendue sensible en recherchant la longueur de tranchant sil ilisable obtenue avec 1 kg de silex aux différents stades de l'évolution technique. Premier stade : Abbevillien (bifaces) ............ 0,60 m Clactonien (éclats) .............. 0,85 - Second stade : Acheuléen (bifaces) ............. 1,20 Troisième stade : Moustérien (éclats) ............. 4 Quatrième stade : Aurignacien (lames) ............ 9 - Solutréen...................... 11 Magdalénien (lames) ............ 17

—	(microlithes) .......	66	

Mésolithique (microlithes) ........ 100 - Cinquième stade : Néolithique (lames) ........... 7,50 — (tranchets) ......... 1 - - (haches) ............ 0,30 Le sens du passage d'une série d'opérations à l'autre apparaît dans cette mkiélioration des rapports entre l'outil et sa matière première. La recherche du ',ilex indispensable à la survie d'un groupe de chasseurs commandait son immobilisation dans les régions minéralogiquement favorables ou tout au moins n retour périodique aux sources de matière. Dès le quatrième stade, l'affranliinsement était considérable; quelques kilos de lames représentaient des mois m o des années de liberté sur les territoires où le silex était absent. La sédentarisation des agriculteurs du cinquième stade et l'introduction d'outils lourds pour le travail du bois montrent au contraire un retour provisoire ~t les formules de production dispendieuses en matière première. Le développement progressif des industries peut être saisi sous wo l uti on !'Pquipemeni un autre aspect qui est celui de l'enrichissement et de la diversification de l'outillage. L'outillage du premier stade est limité aux galets à tranchant sommairement ri ibli par un ou deux éclats (chopper) et dans certaines régions aux premiers hi faces, très lourds et à tranchant sinueux. L'outillage du second stade comporte le chopper de la période précédente, Ira bifaces allégés et à tranchant rectiligne et déjà quelques outils sur éclat : ~wliteau à tranchant incurvé (racloir), pointes constituant des couteaux plus effilés, hachereaux dont l'usage est encore inconnu. En outre, le travail du bois se manifeste par l'apparition d'outils façonnés en grattoirs. 20 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 21 L'outillage du troisième stade est constitué par les mêmes objets mais avec une profusion de formes sur éclats. Aux racloirs et aux pointes s'ajoutent des couteaux dont un bord a été abattu pour constituer un dos. Au grattoir s'ajoutent les premiers burins à travailler l'os ou les bois de cervidés, des raclettes qui servaient à raboter finement le bois. L'outillage du quatrième stade, considéré pour le seul Paléolithique supérieur (du Chatelperronien à la fin du Magdalénien), présente une grande quantité de formes nouvelles, obtenues sur éclats et sur lames. On peut compter une trentaine de formes principales intéressant les racloirs et les différents couteaux sur lames, une dizaine de formes pour les microlithes, vingt-cinq types de grattoirs, une vingtaine de types de burins. Aux raclettes s'ajoutent des perçoirs. Les premiers polissoirs de grès pour terminer les poinçons et aiguilles apparaissent, de sorte qu'en tout plus d'une centaine de formes d'outils de pierre marquent les industries de cette période. Il faut à cela ajouter que l'industrie sur os, ivoire, bois de cervidé conduit à la fabrication d'une trentaine de types d'outils ou d'armes nouveaux. A partir de là le niveau technique moyen des groupes antérieurs à l'agriculture est établi et l'inventaire du matériel des Esquimaux, par exemple, se tient dans des proportions à peu près équivalentes. L'OS ET LES MATIÈRES ANIMALES L'utilisation des os d'animaux, de l'ivoire des éléphants ou des mammouths, des bois de daim, de cerf, de renne ou d'élan paraît si naturelle qu'on pourrait s'attendre à en trouver des témoignages nombreux dès les débuts de l'industrie humaine. Une cause d'origine simplement physico-chimique réduit d'emblée ce témoignage : dans la plupart des gisements préhistoriques, les vestiges osseux ont disparu et il faut des conditions exceptionnelles d'équilibre chimique pour que le calcium des restes d'êtres vivants ne retourne pas à l'économie générale. Ce sont les argiles, en particulier celles des cavernes, qui répondent le plus souvent à ces conditions. Malgré la destruction massive des vestiges osseux les principales étapes sont connues et l'on possède des restes de faune abondants autour des Australopithèques, des Sinanthropes, des Atlanthropes, des restes très abondants accompagnent l'homme de Néanderthal, ceux qu'on retrouve avec les outils du Paléolithique supérieur sont encore plus nombreux. Les interprétations erronées Le sort des restes osseux dans un habitat préhistorique est soumis à d'importantes variations suivant l'origine de ces restes : le cadavre abandonné à la décomposition naturelle, du fait des corps chimiques libérés par les parties molles, laisse un squelette menacé de désagré- gation plus rapide que lorsqu'il s'agit de restes de repas, d'os débarrassés de leur chair. Les outils, soigneusement nettoyés, séchés au cours de leur usage, passent très facilement à la fossilisation. De sorte que les circonstances jouent en faveur I u préhistorien et que la meilleure sélection échoit aux produits de l'industrie I~umaine. Ces heureuses conditions ne rendent que plus sensible l'absence presque I it:ile d'outillage en matières animales pendant la plus grande partie des temps I~nitistoriques. Beaucoup de suppositions ont été faites sur l'utilisation de ,n,1choires d'ours des cavernes comme armes offensives, sur l'emploi d'éclats d'os 1...intus pour garnir les lances ou les épieux, sur les portions de crânes utilisées ~unme coupes; la plupart de ces vues théoriques ne résistent pas à l'épreuve .• x Ir ,rimentale : outre l'absence de traces décisives de leur emploi, ces instruments ,~iipposés aboutissent à des invraisemblances mécaniques dont il serait illé- tirne de charger les auteurs d'une industrie de pierre dont le bon sens a été I.r cédemment mis en évidence. Les interprétations les plus hasardeuses ont été faites au sujet des os brisés intentionnellement et au sujet des os présentant des traces de polissage. Le bris uutentionnel des os longs est un fait constant à travers toute la préhistoire : tous les os susceptibles de contenir une parcelle de moelle ont été écrasés à . oup de pierres et soigneusement nettoyés de leur contenu. Il a été montré que Ir choc violent, appliqué sur un os long dont la cavité est remplie de moelle et le sang, détermine la formation de larges esquilles de forme à peu près constante, ,•i~ aile de papillon ou en pointe triangulaire. Ce sont ces fragments assez réguliers lui ont parfois été pris pour des objets volontairement façonnés, alors que lrti traces de leur aménagement sont rarissimes ou inexistantes. Il n'est pas rare de rencontrer dans les cavernes des ossements brisés dont sine extrémité est en biseau paraissant soigneusement poli. Ce polissage, d'origine effectivement artificielle, est produit par le passage répété de l'homme ou des animaux sur les ossements, enchâssés dans l'argile, et dont une partie dépasse iii-dessus du sol. En choisissant parmi de nombreux échantillons, on peut trouver s exemples d'outils très satisfaisants, mais en jugeant sur l'ensemble on «'aperçoit que les zones polies suggèrent des lissoirs ou des outils à écharner les beaux absolument invraisemblables. Il est d'ailleurs facile, avec un peu de n oin, de retrouver en décapant les anciens sols foulés par les êtres vivants, de uurnbreux os qui sont encore en position pour être polis par le passage. Ces e artefacts s éliminés, il reste, avant le Paléolithique supérieur, très peu de cas réellement indiscutables. Les gisements d'Afrique du Sud où sont découverts t.e., plus anciennes traces les utili- ro 1 es Australo ithè ues ont soulevé le blème de d'utilisation P ~l P sation éventuelle des os par ces très vieux Anthropiens. Oui rencontre, parmi les débris de faune, des restes de babouins dont le crâne présente des enfoncements qui pourraient avoir été produits par le choc d'une orme maniée par les Australopithèques, dont les babouins auraient été les concurrents ou le gibier. On a pensé que cette arme pourrait avoir été un os long d'antilope, humérus ou fémur, tenu à plein poing par le corps. Cette hypo- 22 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 23 thèse n'est pas absolument convaincante ; par contre, il n'est pas exclu que des cornes d'antilopes aient été utilisées comme armes. Les Sinanthropes ou hommes de Pékin, proches parents des Pithécanthropes de Java et des Atlanthropes d'Algérie, ont laissé dans leur caverne de Choukoutien de nombreux restes de leur gibier. Ces restes sont brisés pour en extraire la moelle, comme dans toutes les périodes qui suivront, et il n'y a pas de fragments qui montrent des traces vraiment indiscutables d'aménagement systématique. Par contre, les bois de cervidés ont certainement été utilisés. On voit, en effet, de gros bois de cerf ébranchés de leurs andouillers par flexion ou par choc, des traces de sciage sommaire avec un outil de pierre sont parfois visibles. L'utilisation très précoce des bois de cervidés n'a rien de surprenant car ils apportent, avec un travail limité à quelques cassures, des massues, des pioches et des dagues qui sont précisément le complément nécessaire aux couteaux de silex. Aux stades les plus primitifs de l'humanité, ceux qui correspondent aux Australopithèques et à l'ensemble des Pithécanthropes, l'équipement minimum pour la survie devait nécessairement comporter, outre les outils tranchants qui ne pouvaient être d'aucun secours pour la défense ou la chasse, des outils vulnérants. Lorsqu'on voit, chez les primitifs actuels, ce que représente la confection d'une massue dans un bois suffisamment dense pour constituer véritablement une arme, il paraît tout à fait normal que le choix des premiers chasseurs se soit porté sur les ramures des grands cervidés, lourdes à souhait et n'exigeant qu'une préparation très sommaire. Au troisième stade des industries de la pierre (Levalloiso-Moustérien), le développement déjà considérable de l'outillage de silex laisse supposer un développement correspondant des industries osseuses. La réalité archéologique ne confirme pas cette vue : on retrouve les mêmes documents qu'au premier et au second stade, c'est-à-dire des bois de cervidés brisés ou sectionnés parfois avec soin. On a signalé des andouillers dont la pointe paraît avoir été polie par un usage prolongé, et qui auraient servi de « lissoirs s. Il est très difficile de l'affirmer car les cervidés eux-mêmes ont l'habitude de polir leurs bois en les frottant contre les arbres. On rencontre de temps à autre, dans les habitats de l'homme de Néanderthal, de gros fragments d'os qui ont été volontairement taillés à la manière du silex : il s'agissait d'une pratique peu courante que l'on ne peut considérer comme une véritable innovation technique. Dans leur ensemble, par conséquent, les trois premiers stades de l'évolution des industries humaines sont très pauvres en témoignages du travail des matières osseuses. C'est seulement tout à fait à la fin du Moustérien qu'apparaissent les premiers vrais outils d'os, encore sont-ils très rares. Ce sont quelques poinçons qui devaient intervenir dans le travail des peaux. La carence de l'industrie., use du troisième stade n'est pas absolument incompréhensible : l'utilisation iii, précoce des bois de cervidés tient à l'absence presque totale de préparation ils exigent pour être utilisables; la confection de véritables outils dans la ii.un matière représente au contraire un équipement de fabrication qui n'est atteint avant la fin du Moustérien, lorsque les burins de silex deviennent rapts. Le troisième stade représente par conséquent, pour les matières osseuses, longue période de stagnation, l'emploi des ramures ayant atteint du premier • son plafond. Le quatrième stade se distingue au contraire par l'explosion u,,'b,ppemen's soudaine de l'outillage en matières osseuses. Dès le Chatelperronien, !'millage d'os

on rencontre à profusion les dents percées, les

I~- Jcloques d'os, les sagaies d'ivoire de mammouth, de bois de renne ou d'os, I,lu, tard les harpons à minces barbelures et les fines aiguilles à chas. Des tronçons Jh bois de renne sont taillés en coins à fendre, des côtes de chevaux sont utilisées Liutcs comme piochons ou débitées en spatules. L'homme de Cro-Magnon, semblable à l'homme actuel, et ses successeurs apparaissent en possession I' n outillage beaucoup plus varié que celui de l'homme de Néanderthal; ils u~t environnés d'objets qui nous sont déjà presque familiers. I point principal pour l'histoire des techniques était de retrouver les outils qui servaient au travail des matières osseuses en cherchant parmi les outils ~I silex dont l'apparition se fait en même temps que celle de l'outillage d'os, qui pourraient répondre à sa fabrication. Il ne semble pas douteux que soit le burin et le grattoir. En effet, ces deux outils commencent timidement se multiplier dans le Moustérien, lorsqu'apparaissent les premiers poinçons J et prennent dès le Chatelperronien une importance telle qu'ils forment rois la majorité de l'outillage de pierre. Les raclettes, les lames ou les éclats i coches ou à denticules ont probablement joué aussi un rôle dans la fabrication, mais comme ils étaient déjà nombreux au Moustérien et semblent plus partis u fièrement s'appliquer au travail du bois, on ne peut leur attribuer qu'un —le complémentaire. Le travail de préparation des pièces était fondé sur l'usage du burin qui ~u;gissait comme un rabot très étroit pour tailler des rainures profondes. L'ouvrier .I t;ichait par des rainures convenablement placées un fragment de matière qui était ensuite façonné au grattoir, en râpant comme nous le ferions avec une lame de couteau tenue dans un plan transversal. Des burins très fins Iu~uuvaient intervenir pour les détails ou pour percer des trous, les outils à coches Iu~ rinettaient de donner le fini aux objets cylindriques comme les pointes de gaies ; des éclats de toute forme, ramassés sur le moment dans les déchets, pouvaient aussi permettre d'improviser un outil occasionnel. Mais l'outillage glu base est constitué par burin et grattoir et cela est si vrai qu'il est fréquent d~- rencontrer des lames de silex qui ont été façonnées en burin à une extrémité, 24 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 25 en grattoir à l'autre. Les coins taillés dans le bois de renne devaient servir à détacher les fragments délimités par les rainures au burin. L'apogée C'est au Magdalénien, de 12 à 8000 avant notre ère, que le travail des matières osseuses atteint son sommet avec les sagaies de l'épaisseur d'un crayon, longues de 30 centimètres, les aiguilles de couture, les harpons à longues barbelures. La fabrication des sagaies peut être reconstituée avec une assez grande certitude. L'ouvrier choisissait le fût légèrement courbe d'un bois de renne mâle tué pendant la saison où le bois est le plus compact. Il traçait au burin deux sillons parallèles qui traversaient en biais l'écorce dure du bois pour atteindre le tissu spongieux central. Il devenait alors possible de détacher avec précaution une longue baguette courbe, de section plus ou moins carrée. Cette baguette était chauffée et redressée à chaud au moyen d'un outil de bois fj k n•rnne percé d'un trou qu'on a longtemps considéré comme un « bâton de ~,utniandement n. Avant, ou plus vraisemblablement après, cette opération, Ii baguette était attaquée au grattoir et râpée en forme cylindrique avec une loti effilée et un talon taillé en double biseau. De telles sagaies devaient avoir i~ndance à reprendre peu à peu leur courbure, car on les retrouve fréquem- n l dans cet état, mais il suffisait de leur restituer à chaud la rectitude (fig. 6). I,es aiguilles étaient faites par le même procédé dans l'ivoire de mammouth „u l'os. Les rainures tracées, il semble que le chas était percé avant de détacher In fine baguette d'os. L'aiguille détachée était ensuite râpée et polie sur un petit In,liosoir de grès. Elle pouvait ne pas dépasser 1 millimètre de diamètre, ce iii fait imaginer la finesse des travaux de couture auxquels elle se prêtait. Après 8000, en Europe occidentale, la disparition de la grande 1 „ ,/};ression faune, en particulier des rennes, entraîne une régression dans 1 ravail des matières osseuses. Les traditions se maintiennent pourtant assez I, ngtcmps chez les chasseurs de cerfs de la culture maglemosienne, d'Angleterre ,n Scandinavie. Le burin reste en usage et les longues baguettes découpées Tans les bois de cerf suivant la même technique que celle du bois de renne ntugdalénien servaient à fabriquer de longues sagaies barbelées. L'apparition de l'agriculture au Néolithique entraîne l'apparition d'emplois ,.,.niveaux des matières osseuses. Le bois de cerf trouve un emploi dans la „nfcction d'une gaine qui assurait l'emmanchement de la hache de pierre Italie dans un manche de bois (fig. 7). Les différentes parties du bois sont façonnées / e

l

Fin. 6. — Fabrication d'une tête de sagaie magdalénienne e, Burin ; b, Grattoir ; o, Outil double (burin-grattoir) ; d, L'ébauche de la sagaie est détachée du bois de renne par des incisions profondes au burin; e, L'ébauche est rectifiée et rabotée au grattoir; t, Elle est redressée à chaud à l'aide du bâton percé de bois de renne ; O, L'objet terminé. ~~ N t k Ftc. 8. —Fabrication de poinçons taillés dans un métacarpien de ruminant Ftu. 7 De gauche à droite, l'os entier, l'os tronçonné loche à lame de pierre polie montée et marqué de gorges longitudinales pour le fendre, le frag- d„ns une pièce intermédiaire de bois ment détaché qui est transformé en poinçon ; poinçon poli dr cri, dont le tenon est fixé sur un terminé ; poinçon obtenu en tronçonnant l'os par l'autre w,mche de bois. Néolithique, France. extrémité. 26 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 27 en pioches, en coins emmanchés ; les palmures de bois d'élan fournissent des lames de houes ; des coupes même sont taillées dans la base évidée des gros bois de cerf. Les poinçons d'os jouaient un rôle technique certainement important, car ils sont très fréquents et faisaient l'objet d'une fabrication très systématique. On choisissait l'os métacarpien ou métatarsien des cervidés, cerf ou chevreuil, dont le tissu est extrêmement compact. La tête d'une des extrémités était sciée par une rainure circulaire, puis le corps de l'os fendu par deux rainures longitudinales. La pièce ainsi obtenue, dont la poulie articulaire formait souvent la tête, était effilée au polissoir de grès (fig. 8). La technique du polissage de la pierre semble avoir influencé le travail de l'os au Néolithique, car nombre d'outils façonnés dans des côtes, des vertèbres ou des fragments d'os longs ont été mis en forme par abrasion sur une pierre rugueuse. LE BOIS L'étude des origines du travail du bois se présente dans les conditions les plus défavorables, car jusqu'à une époque tout à fait récente, pratiquement jusqu'au Néolithique, les témoignages directs sont pratiquement inexistants. La conservation du bois n'est possible que dans les tourbières ou les amas végétaux des fonds de lacs et, sauf une exception pour le Magdalénien d'Allemagne du Nord, aucun site de ce type n'est connu avant le Maglemosien et le Néolithique. C'est donc uniquement par des voies indirectes qu'on peut Les does tenter le problème, c'est-à-dire en partant de l'outillage ta technoutlogie tr d'aborder l Pblè ' àdi P d l' ill cRie de pierre qui pourrait avoir servi à tailler le bois ou qui aurait exigé un emmanchement dans le bois. Pour le premier et le second stade, des outils sur galets et des industries à bifaces, aucune hypothèse solide ne peut être formulée. On peut imaginer le Pithécanthrope brandissant une massue ou un épieu, mais il ne conviendrait pas de réclamer à la technologie la moindre démonstration étayée. On a parfois représenté des bifaces emmanchés en haches, en hallebardes, en piques : c'est une amusante projection dans le passé lointain de formes qui nous sont familières, mais tout semble indiquer que les bifaces étaient des couteaux de dépeçage et de boucherie ; leur emmanchement donne des résultats qui défient l'utilisation effective. Pierres tranchantes et ramures de cervidés aménagées sont tout ce que l'on connaît de certain pour ces périodes primitives. Le troisième stade, Levalloiso-Moustérien, apporte des Les prde ibrois armes documents un peu plus substantiels. L'existence d'armes de bois est démontrée de manière certaine par la découverte en Palestine d'un squelette néandertalien dont le bassin a été transpercé par une arme pointue. Le moulage de la cavité a révélé qu'il s'agissait de la pointe,l u. épieu ou d'une sagaie de bois. L'utilisation de sagaies de bois par les M .ustériens, établie par ce fait, est confirmée par l'examen de l'industrie de l.-x. En effet, pendant la seconde moitié du Moustérien surtout, on trouve ~se une grande abondance des éclats de toutes dimensions portant sur leur rtour des échancrures produites par un travail de raclage. Ces outils ont ii les noms de raclettes, coches, pièces à coches, pièces denticulées (fig. 9). Leur FG. 9 e, Eclat à coche et éclat à denticules du Moustérien b b, Lame à coche du Paléolithique supérieur l,,nrtion pour râper une matière comme l'os ou le bois est évidente, elle est •'ailleurs confirmée par l'expérience. La rareté ou l'absence d'objets d'os façonné laisse place qu'à la manufacture du bois. La dimension des raclettes et le profil de leur partie coupante correspondent expérimentalement à l'enlèvement ~l. copeaux longs et fins sur une longueur de plusieurs centimètres. Le rayon -lis coches semi-circulaires qui naissent peu à peu par écaillage du silex ou ~lui sont régularisées par de fines retouches montre, d'autre part, que les objets ~aufectionnés avaient un diamètre qui ne devait pas excéder couramment 2 cm. us ces éléments orientent vers l'emploi des sagaies dans la culture moustérienne, Diu tout au moins dans la plus évoluée. La forme même de ces armes est difficile à établir, quoique l'on connaisse, liez les Australiens en particulier et dans de nombreux groupes non métallurgistes d'Océanie et d'Amérique, d'excellentes sagaies de bois à pointe simplement ciblée. La seule question importante est celle de l'emmanchement éventuel il.- pointes de pierre. Le fait n'est pas exclu car certaines grandes pointes trianI~ulaires de silex, atteignant parfois plus de 20 cm et minces à la base, ont pu Ire fixées à l'extrémité d'un épieu ou d'une pique. Elles auraient été trop fragiles pour une arme de jet comme la sagaie. 28 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 29 Au quatrième stade, Paléolithique supérieur et Mésolithique, L'utilisation du bois divers usages l'ip pour m ortance du travail du bois ne laisse absolument aucun doute. Il est, par contre, difficile de deviner sur quels objets il portait. La quantité considérable de pointes de sagaies d'os, d'ivoire ou de bois de renne (de silex au Solutréen) implique la fabrication de hampes de bois fines et cylindriques pour lesquelles les raclettes et lames à coches étaient utilisées. Étant donné le niveau technique très élevé, on peut imaginer des récipients d'écorce, des plats de bois, des palissades, des claies pour le couchage ou pour le séchage des vêtements, mais il n'y a aucune preuve, même indirecte, jusqu'à présent. Quelques pieux de bois ont été trouvés dans le seul gisement magdalénien où des bois aient été conservés, en Allemagne du Nord, où l'on a retrouvé des emplacements de tentes circulaires qui devaient nécessairement comporter des mâts de bois. On peut aussi considérer comme très probable l'existence de propulseurs de bois, baguettes pourvues d'un crochet à une extrémité qui servaient à projeter les sagaies. On en connaît, en effet, en bois de renne, dans un secteur délimité du Magdalénien du Sud-Ouest de la France, en Suisse et en Allemagne du Sud. Leur nombre peu élevé et l'étendue des régions où l'on trouve les mêmes sagaies sans propulseurs de bois de renne laissent à penser que le plus souvent ces appareils étaient en bois. Un dernier problème reste commun au troisième et au quatrième stade, celui des moyens employés pour abattre et débiter des bois de dimensions importantes. La fabrication des sagaies exigeait des troncs d'au moins 10 cm de diamètre pour offrir un bois suffisamment dense et une longueur droite suffisante en les refendant. Au troisième stade, de lourds racloirs ou les hachereaux pourraient avoir rempli l'office de haches à main, mais au Paléolithique supérieur l'outillage de silex est uniformément léger et, même parmi les déchets du débitage, dont certains peuvent atteindre la taille du poing, il n'y a pas de formes assez constantes pour fonder une hypothèse. La carbonisation par un petit foyer placé contre le tronc et le grattage progressif de la partie brûlée sont les seuls éléments qu'on puisse fonder avec vraisemblance. La hache La situation change complètement au Mésolithique et dans les cultures proto- et para-métallurgiques d'Europe occidentale. On y voit apparaître un outil nouveau : la hache. Sa fabrication mobilise une quantité de matière relativement importante et elle suppose nécessairement un dispositif d'emmanchement. Le terme de hache est d'ailleurs partiellement impropre car la lame de pierre était emmanchée tantôt dans l'axe du manche, comme l'outil actuel que nous nommons hache, tantôt perpendiculairement comme l'outil nommé herminette. La découverte de manches de bois conservés permet d'établir l'existence des deux outils, mais le plus souvent le manche étant détruit il est impossible de décider de la nature primitive de la lame de pierre que l'on découvre. Dès le Maglemosien, aux environs de 7500 avant notre ère, on connaît, l'or les découvertes de tourbières, des arbres importants abattus à la hache . a l'herminette, la base patiemment taillée en forme de crayon. A partir de moment et surtout pour le Néolithique de Suisse et d'Allemagne du Sud ­ix environs de 2000 avant notre ère, les témoignages de débitage de charpeni, rir se multiplient (fig. 10). On connaît des traces de trous de poteaux dans I'Azilien, vers 7000, des plans de huttes marqués par de semblables trous presque Fmc. ll. — Mandibule de castor utilisée comme ciseau à bols Les angles de la mandibule sont abattus et l'incisive a été aiguisée. Néolithique. Suisse. [c. 10. — Hache néolithique à de pierre polie fixée par une e de bois de cerf dans un manche lois. Néolithique. Suisse. partout et du Danemark en Suisse, dans les tourbières, on rencontre les poteaux -ux-mêmes. C'est de cette période que datent les premiers témoignages de canots creusés dans des troncs d'arbres, les premiers récipients de bois. Le petit outillage pour le travail du bois, entre la fin du Paléolithique supérieur et l'Age du Bronze, n'est pas encore identifié de façon précise. La présence de nombreux grattoirs s'y rattache probablement, mais le seul outil dont on puisse assigner l'usage avec certitude est un burin constitué par une mâchoire inférieure de castor, brisée aux angles pour assurer la prise dans la main et dont la grande incisive était affûtée (fig. 11). Cet outil a été rencontré dans un bon nombre de sites néolithiques et jusqu'à l'Age du Fer. LES CUIRS ET PEAUX Les cuirs et peaux ont laissé encore moins de traces que le bois car ils sont détruits, même dans les tourbières et les lacs, tout au moins avant l'âge du Bronze. Ce n'est que très indirectement qu'on peut établir leur usage. Ces témoins indirects peuvent être soit des outils ayant certainement servi au travail 30 APPARITION DES TECHNIQUES 1 SOCIÉTÉS PRIMITIVES 31 des peaux, soit des objets impliquant l'usage des peaux, soit, enfin, les restes osseux d'animaux gardant la trace de l'emploi de leur fourrure ou de leur cuir. Le premier de ces témoignages, celui des outils ayant servi à la préparation, est jusqu'à présent très fragile. Tout outil tranchant a pu servir à dépouiller un animal ou à écharner sa peau. Les racloirs ont reçu ce nom précisément parce qu'on supposait qu'ils avaient servi à racler les dépouilles du gibier, mais il apparaît plutôt qu'ils constituaient un couteau à tous usages puisqu'ils disparaissent avec le Moustérien sans que, certainement, l'usage des peaux ait disparu. On a signalé aussi dans les cavernes de Suisse, parmi les ossements d'ours, des fragments aux cassures polies qui auraient eu un usage dans la préparation des fourrures de plantigrades, mais il a été indiqué plus haut qu'il s'agit d'un phénomène naturel et non d'outils. Il faut simplement reconnaître que si plusieurs des outils pré- historiques ont pu servir à la préparation des peaux, aucun n'est pour le moment confirmé dans cet usage. Le témoignage d'objets impliquant Les outils l'usa e des peaux est plus expressif. pour le travail des peaux g P P P Aucun n'est signalé entre les débuts de l'industrie humaine et la fin du Moustérien. A ce moment apparaissent les premiers poinçons d'os. A moins de supposer qu'ils aient servi pour confectionner de la vannerie, hypothèse difficile à étayer, ces poinçons étaient probablement en rapport avec l'usage des peaux. Il en est de même au Paléolithique supérieur où les poinçons se multiplient et deviennent minces comme des alènes (fig. 12). L'apparition ®., des aiguilles, vers le Solutréen, confirme ce point de vue en montrant l'existence de la couture. Il existe au Magdalénien des pièces de bois de renne, taillées à l'extrémité en forme de coin et polies par l'usage. Certaines d'entre elles paraissent par leur courbure ou leur Fia. 12. -- Pain- çon d'os an début peu d'épaisseur avoir été plutôt destinées à assouplir des dupPaléolithique peaux qu'à fendre du bois. Enfin, il faut signaler la décou- Péroné de car- verte de grands os de mammouth, en particulier de fémurs, nassier tronitué et ~ raboté ee pointu. portant de nombreuses incisions curvilignes entrecroisées qui Chatelperronien. b° q Arcy-sur-Cure. peuvent s'expliquer si l'on suppose qu'ils aient servi de table pour découper des pièces de vêtement ou des chaussures. L'outillage, pour la période suivante du Mésolithique et du Néolithique, est mal connu. Les aiguilles disparaissent mais les poinçons restent nombreux. Parmi les coins d'os ou de bois de cerf, il est difficile de distinguer ceux qui ont servi à fendre le bois et ceux qui auraient pu servir à écharner ou à assouplir les peaux. Le témoignage le plus suivi est celui que fournissent les 1.,, traces restes d d'animaux restes d'animaux à fourrures. En effet, le dépeçage des .,r les t anünaux animaux au couteau de silex laisse des traces sur les os oiis forme de fines entailles qu'on retrouve en les examinant avec soin. Un n entaire de ces marques disposées aux points d'articulation a permis de reconsiituer la manière dont le renne ou le cheval étaient dépecés par les Moustériens. lln s'est aperçu de la constance des opérations qui assuraient le partage des ou+mbres, les mêmes entailles se retrouvant aux mêmes points de différents Il 1(C. b c d Fin. 13. — Os portant des traces de dépeçage. Moustérien e, Phalange de cheval. Les traces du couteau de silex qui a tranché la peau autour de la patte sont I.ibles sur le pourtour de l'os ; b, Extrémité de canon de renne, les incisions de découpage de la peau `apparaissent sur la face antérieure de l'os ; c, Phalange de renne, incisions de désarticulation : les traces sont localisées à la face interne, à l'emplacement des tendons ; d, Phalange d'ours des cavernes, incisions i écoupage de la peau. Arcy-sur-Cure. animaux. Mieux encore, pour le renne en particulier, on est parvenu à distinguer, Itors des articulations, les marques des coupures faites sur les membres en vue du dépouillage (fig. 13). On est assuré par conséquent du fait que les Néandertaliens, déjà, séparaient soigneusement la peau de l'animal tué, opération qui n'est pas laite, à l'heure actuelle, par tous les peuples chasseurs. Les mêmes marques se trouvent au Paléolithique supérieur et pour certains animaux jusqu'au Néolithique. Le dépouillage d'un carnassier comme le lion, le loup, l'ours, le renard se fait généralement en abandonnant au bout des pattes les dernières phalanges et les griffes. La recherche statistique montre précisément que, pour ces animaux, ces parties du squelette se rencontrent, au Paléolithique supérieur, avec une fréquence ;Irlormale. Des incisions sont d'ailleurs fréquentes sur ces phalanges. On est ainsi assuré du fait que les peaux entières et avec leurs griffes étaient préparées et introduites dans l'habitat. Au Néolithique, on a retrouvé également des phalanges .l'ours isolées ou par patte entière qui provenaient de semblables dépouilles. 32 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 33 Des hypothèses ont été avancées sur la préparation et le tannage, en particulier à la moelle ou à la cervelle. Ces hypothèses, qui ne sont pas invraisemblables, sont toutefois encore insuffisamment fondées sur des faits indiscutables. TECHNIQUES D'ACQUISITION LA CHASSE ET LA PÊCHE C'est dans le domaine de la chasse et de la pêche que le «folklore scientifique» s'est peut-être le mieux développé, car si l'on connaît avec certitude le rôle important que ces techniques jouaient dans l'économie des sociétés préhistoriques on est très loin de pouvoir les décrire avec précision : quelques légendes spectaculaires se sont implantées, nées souvent d'une suggestion prudente de chercheur et transformées peu à peu en certitudes. Le plus ancien témoignage accessible est celui des Les chasseurs Australopithèques d'Afrique du Sud. On sait qu'il ne des débuts de l'humanité , à la fin de l'Acheuléen s agit pas d'hommes à proprement parler, mais de créatures ambiguës possédant les caractères humains de la station droite. Leurs dents antérieures ne sont guère plus développées que celles des hommes, leur main est conformée comme la nôtre et, au moins dans leurs caractères physiques, ils répondent à la définition de l'Homo nudus et inermis, la Nature les a démunis des moyens ordinaires dont disposent les mammifères pour l'attaque et la défense. Quoique aucune arme n'ait été encore trouvée avec leurs restes, il semble impossible, dans les conditions où ils vivaient, de leur refuser l'usage de quelque objet vulnérant. Leurs restes sont découverts dans plusieurs grottes d'Afrique du Sud, ce qui constitue le milieu le plus favorable pour l'étude des traces d'activité intellectuelle ou technique. Malheureusement, ces restes sont pris avec des milliers d'autres débris osseux dans les sols durcis à l'extrême et le dépouillement au laboratoire des blocs de roche extraits aux explosifs ne permet pas de retrouver les menus détails de disposition primitive des restes. De sorte qu'on ignore si ces cavernes sont l'habitat des Australopithèques, des repaires de fauves qui les auraient traînés là ou des ossuaires accidentels. Si l'on mise sur l'hypothèse de l'habitat qui n'est pas démontrée, les Australopithèques auraient vécu en groupe et auraient eu un régime au moins partiellement carnivore car ils sont environnés de restes d'animaux qui ne vivent pas normalement dans les cavernes : oiseaux, antilopes, babouins en particulier. Ce qui est plus singulier, c'est la présence de la panthère parmi ce gibier présumé. Les restes bien conservés d'un certain nombre de crânes de babouins ont fait l'objet d'une étude et l'on suppose que ces singes ont eu le crâne défoncé par choc comparable à celui d'une massue ou d'un poing armé d'un humérus de gazelle. Les Australopithèqnes auraientlue té capables de maîtriser les babouins, aux énormes canines, qui vivent . n boudes et sont actuellement considérés comme plus dangereux que la plupart r fauves. Ces faits sont actuellement encore insuffisamment établis, mais le fait que les Australopithèques aient pu être partiellement carnivores n'est pas u Moi très surprenant, car tous les documents qu'on possède sur les hommes In, hic toriques, même les plus primitifs, sont du même ordre. l'ourle premier et le second stade, les documents intéressent les Atlanthropes -le • Ternifine en Algérie et les Sinanthropes de Choukoutien près de Pékin, „wtt(ires voisines des Pithécanthropes qui, eux, n'ont pas été retrouvés dans leur halitat. les restes de l'Atlanthrope de Ternifine n'ont pas été trouvés dans une caverne mais dans les dépôts d'une source auprès de laquelle ils vivaient et dans la Iuuelle gisaient, avec leur outillage de pierre, les vestiges d'un grand nombre d'animaux, vestiges qui doivent rassembler le gibier des Atlanthropes et les rudnvres d'animaux morts naturellement au voisinage. Les Sinanthropes par ut.re sont dans leur habitat; on a vu plus haut qu'ils y ont laissé des foyers, on énorme outillage de pierre et des ramures de cervidés aménagées vraisemblablement en massues et en piochons rudimentaires. Les restes d'animaux haut brisés et il s'agit en toute certitude d'un gibier qui comprenait outre des cervidés, voisins du daim à bois géants qui vivait encore en Europe après l'âge du Renne, des chevaux, éléphants, rhinocéros, castors et plusieurs grands .,Itrnassiers. Aucune indication ne peut actuellement être donnée sur les procédés utilisés pour maîtriser ce gros gibier. La documentation sur les Moustériens qui peuplaient l.es chasseurs 1~ l'Euro e entre 60 et 40000 est extrêmement abondante. Irwdfoiso-moustériens On sait que la chasse tenait une place importante dans Pur activité d'acquisition puisqu'on possède les traces de leurs procédés de ukpeçage et que leur technique de fracture des os pour en extraire la moelle a pu être reconstituée avec précision. La liste du gibier des Moustériens est connue également. L'animal de fluasse par excellence était le cheval. En proportions variables suivant les rbgions et les variations du climat, venaient ensuite le boeuf, le bison, le renne, le cerf, le daim à bois géants, le sanglier. Le sort du mammouth n'est pas établi avec précision : on retrouve de temps à autre des défenses ou des fragments osseux, mais il n'est pas certain qu'il ne s'agit pas de prélèvements sur des carcasses de mammouths morts naturellement. Le volume de cet animal est peut-être la seule raison de l'absence de nombreux fragments osseux dans les e•avernes, car sa chasse ne devait pas présenter plus de difficulté que celle du lion ou de l'aurochs. Le rhinocéros était chassé, mais on retrouve, en général, plus de fragments de jeunes que d'adultes : les Moustériens devaient profiter .le la possibilité de séparer un jeune de sa mère, mais hésitaient probablement 34 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 35 à attaquer les adultes. L'hyène et le loup étaient chassés et consommés. Pour l'ours et le lion, dont les restes peuvent provenir d'animaux morts naturellement dans les cavernes, la situation est moins nette. La chasse de l'ours des cavernes a donné lieu à l'élaboration d'un véritable roman dont les épisodes paraissent encore dans les manuels les plus sérieux, roman qui pourrait avoir pour titre : La chasse et le culte de l'ours chez les Moustériens alpins. A la suite de fouilles dans les ossuaires naturels d'ours des cavernes des grottes suisses et autrichiennes, on a cru à une véritable « civilisation de l'ours des cavernes ». Les Moustériens, profitant du sommeil hivernal des ours, auraient tendu des filets dans la caverne pour capturer les monstres qui griffaient désespérément les parois à travers les mailles du réseau qui les emprisonnait. Les animaux tués et consommés, leur squelette aurait servi à confectionner divers outils pour travailler leur peau, outils de formes inattendues mais soigneusement polis sur certains angles. Les mâchoires auraient fait de redoutables matraques hérissées de canines. De plus, un culte aurait été rendu aux restes du dangereux gibier, les gros os rangés en tas le long des parois, les crânes enfermés dans des caissettes faites de pierres plates. Il a été montré depuis quelques années que cette reconstitution de la vie des chasseurs d'ours était entièrement fondée sur des erreurs d'interprétation au cours de fouilles conduites avec un contrôle scientifique insuffisant. Les moeurs hivernales de l'ours des cavernes ont été reconstituées depuis quelques années et leur connaissance permet d'expliquer comment la légende des chasseurs moustériens a pu se constituer. Les griffades sur les parois ne correspondent pas aux traces d'une lutte désespérée, car tous les animaux qui fréquentent les cavernes griffent les parois en explorant dans l'obscurité les recoins où ils cherchent une issue ou un asile. Des grands ours fossiles aux souris, chaque caverne contient d'innombrables traces de ce comportement. Les ours circulaient dans les couloirs et refoulaient inconsciemment vers les parois les grands ossements de leurs prédécesseurs qui formaient un cordon de fémurs ou de tibias paraissant alignés. Parvenus au point choisi pour l'hivernage, ils déblayaient le sol en creusant une couchette circulaire, ce qui provoquait l'accumulation d'un bourrelet circulaire de crânes et d'os importants. L'immense majorité des crânes se dissociait et était anéantie, mais quelques-uns roulaient dans les recoins protégés ou glissaient entre les plaques de pierre, ce sont les seuls qu'on retrouve actuellement intacts. Pour les outils, il a été dit plus haut que leur fabrication est uniquement due au frottement de la circulation des animaux ou de l'homme, pendant des millénaires. Sur les procédés de chasse des Moustériens, si l'on renonce à la légende des ours, les documents directs sont inexistants. L'utilisation des ramures de renne ou de cerf laisse supposer l'existence de massues, mais, comme il a été dit précédemment, les Moustériens fabriquaient certainement des sagaies et armaient peut-être des épieux avec de larges lames de silex. Ces deux armes, sagaie Ililée pour frapper à distance et épieux à lame large et coupante pour attaquer ~I,• près et pour achever les animaux blessés, constituent encore l'arsenal de ~ mibre de groupes chasseurs de lions, d'éléphants et d'autres gros gibiers en ri que. On ne sait rien sur l'existence de pièges au Moustérien. Dès le premier stade ~ .lustriel, on rencontre, en Afrique puis plus tard en Europe, des boules de erre taillées en sphéroïdes de la dimension moyenne du poing. Ces boules nt assez nombreuses dans le Moustérien d'Europe. Elles paraissent être en 1: ,port avec la chasse plutôt qu'avec toute autre technique et l'on a pensé -Ipuis longtemps qu'elles devaient correspondre aux « bolas » des Indiens -t \niérique du Sud, boules fixées par deux ou trois à des lanières de cuir et ruant comme des frondes pour arrêter le gibier en entravant ses mouvements. 1 .4 « bolas » moustériennes n'ont pas fait l'objet de beaucoup d'observations r sises. Elles ont été signalées tantôt par groupes de deux ou trois, tantôt e les, tantôt groupées au contraire en tas. Le Paléolithique supérieur nous mettant en présence L,e chasseurs d'hommes très voisins de nous et d'une culture beaucoup l',îgn. du Renne plus riche que celles précédentes, on peut attendre des -I ciments plus précis sur leur comportement de chasseurs et de pêcheurs. IM légendes scientifiques sur leurs méthodes de chasse intéressent surtout I, piégeage. Il n'existe aucun document matériel qui prouve que les hommes ~I l'âge du Renne aient pratiqué le piégeage. La connaissance des techniques ~h, piégeage est tout à fait probable, mais les fosses, éparpillées loin des habitats, les trappes, ont disparu sans laisser de traces. Le nombre souvent élevé ~I restes d'oiseaux, de marmottes, de renards bleus qu'on rencontre dans les I luitats implique presque nécessairement la capture au moyen de pièges ou ~I. lacets, mais les procédés eux-mêmes nous échappent encore. On a interprété -,nnme des représentations de pièges certains signes peints ou gravés sur quelques ligures d'animaux (fig. 14) laissées par les artistes dans les cavernes du Sud-Ouest -I la France et du Nord de l'Espagne, il n'est pas douteux qu'il s'agisse, en u alité, de représentations symboliques de caractère féminin. D'autres repré- ntations féminines dites « signes claviformes n ont passé également pour des te uumerangs. Si les Magdaléniens piégeaient, ils n'ont pas laissé d'images de l urs engins. Une très tenace explication est née de la découverte, à la fin du xixe siècle iii pied de l'escarpement de Solutré, des restes de plusieurs centaines de chevaux. I In a cru pouvoir attribuer aux Solutréens l'habitude de précipiter les troupeaux ~k chevaux sauvages dans le vide du haut de la roche. L'hypothèse de troupeaux In, cés par des rabatteurs vers des à-pics n'est pas à repousser, car on en connaît ~les exemples chez les peuples chasseurs récents, mais le cas de Solutré ne peut Ions être considéré comme une preuve : l'amas de chevaux est situé dans un SOCIÉTÉS PRIMITIVES 37 36 APPARITION DES TECHNIQUES emplacement de village, autour des foyers et les restes qu'on y trouve ne diffèrent pas de ceux des cavernes, ils ont été soigneusement brisés pour l'extraction de la moelle. A cela s'ajoute d'ailleurs le fait que les chevaux auraient eu un vol plané d'une centaine de mètres à effectuer avant d'atterrir à pied d'muvre. Si l'on réduit les techniques de chasse du Paléolithique supérieur à ce qu'on connaît de manière certaine, on aboutit au fait qu'on chassait à la sagaie et que les Magdaléniens de la dernière période ont utilisé une arme barbelée qui a reçu le nom de harpon. Une partie de ces armes a pu servir à la pêche Fin. 14. — Signe superposé à la représentation d'une biche, fréquemment considéré comme la représentation d'un piège. Il s'agit de la rencontre fortuite de deux sujets attestés isolément par plusieurs dizaines d'exemples. Grotte de la Pasiéga, province de Santander (d'après H. BREUIL). car on a retrouvé dans les débris alimentaires des restes de poissons et les oeuvres d'art figurent fréquemment des saumons et des brochets. Les sagaies étaient d'un type généralement léger et armées d'une tête d'os ou de bois de renne. Les plus anciennes sont soit cylindriques, soit en forme de feuille, pendant les périodes dites Chatelperronien, Aurignacien et Gravettien. Au Solutréen, certaines des pointes de matière osseuse sont remplacées par de très belles pointes de silex dites « feuilles de laurier ou feuilles de saule ». La série des sagaies de bois de renne reprend au début du Magdalénien, sans s'être d'ailleurs réellement interrompue pendant le Solutréen, et les formes deviennent de plus en plus cylindriques et de plus en plus longues et fines (fig. 15). Fréquemment, elles portent une ou deux rainures longitudinales profondes qui sont souvent considérées comme ayant contenu un poison de chasse. Cette hypothèse n'est pas à repousser, elle est difficile à étayer par des faits. Par contre, on a retrouvé récemment une sagaie de ce type dont la rainure était garnie de très fines esquilles de silex qui, probablement fixées par une résine, constituaient un bord tranchant finement barbelé. La propulsion des sagaies de l'Age du Renne pose des questions intéressantes. Étant donné leur diamètre, de l'ordre de 15 mm, on ne peut imaginer que des urines récupérant par leur vitesse le manque de masse dû à leur légèreté. Dans le monde actuel, ce problème de balistique est résolu par l'arc ou parle propulseur. ,n présence de l'arc au Paléolithique supérieur n'est pas à exclure, les témoignages directs manquent malheureusement de façon totale. Quelques dessins sur les parois des grottes ont été interprétés comme des flèches empennées, d'autres I j If Fin. 15. — Évolution des pointes de sagaies au Paléolithique supérieur a, Sagaie d'os de l'Aurignacien supérieur ; b, Pointe de silex du Solutréen (feuille de laurier) ; c, Pointe . I,• bois de renne du Magdalénien ancien ; d, fragment d'une pointe de proportions comparables à la figure 6 g, I. rainure est garnie de fines esquilles de silex, grotte de Saint-Marcel, Indre (fouilles du D' ALLAix). auteurs y ont vu des têtes de harpon et il semble qu'en définitive ce soient des signes de caractère abstrait. L'empennage n'exclurait d'ailleurs pas l'usage comme sagaies, car les armes actuelles dont la tête d'ivoire est le plus semblable à celle des armes magdaléniennes sont certains petits harpons empennés des Esquimaux du Sud de l'Alaska. Sans la repousser, l'hypothèse de l'arc reste indémontrée. La seconde solution, qui a été connue dans les siècles récente sur une grande partie de l'Amérique, de la Nouvelle-Guinée et de l'Australie, est celle du propulseur, constitué par une planchette ou une baguette d'un pied de long ou un peu plus, munie d'un crochet à son extrémité libre et souvent d'anneaux ou d'encoches pour être serrée dans la main par l'autre extrémité (fig. 16). La sagaie est couchée sur le propulseur, talon buté sur le crochet et le geste de lancer en relevant le propulseur à la verticale projette l'arme avec une vitesse et une précision 38 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 39

7) b d Fus. 16. — e, Objet de bois de renne ayant très vraisemblablement servi de propulseur de sagaies. Les nombreux propulseurs préhistoriques sont décorés de manière assez variée, mais possèdent de façon constante les mêmes caractères fonctionnels : crochet ou butée à une extrémité et perforation à l'autre. Le rôle du crochet est illustré en o et d. La perforation (parfois triple) pouvait retenir soit une barrette de butée pour la main Ion dispositif analogue est attesté dans différents peuples plus récents) soit une lanière qui retenait le propulseur au poignet et libérait la main droite après le lancer. En b, objet peint auprès de l'image d'un homme, dans la grotte de Lascaux, paraissant représenter un propulseur décoré d'un oiseau (on en possède un exemple réel au Magdalénien), muni d'un dispositif de retenue. «urikrstbles. De telles baguettes à crochet, taillées dans le bois de renne, ont été lusse fréquemment dans les habitats magdaléniens et attribuées depuis i i.l zups, avec beaucoup de vraisemblance, à des propulseurs. I,s•u harpons taillés dans le bois de renne ont été en usage dans la seconde ......in" glu Magdalénien. Constitués par un axe cylindrique d'abord barbelé d'un ~ I ~ ~,t ~~, pourvus à la base d'un renflement pour fixer une lanière, portant parfois „ e n • un anneau, ils semblent identiques aux nombreux harpons barbelés de type Il

r

a b c d i. I;. - -- a et 6, s Harpons t magdaléniens, en bois de renne, à un et deux rangs de barbelures o, Pointe de trait maglemosiesme, en bois de cerf ; d, Harpon azilien, en bois de cerf mn~lh, qui existent encore en plusieurs régions du monde pour la capture des gros .louons. On peut donc considérer, que, pour une partie d'entre eux, les harpons ma ,daléniens sont effectivement des harpons et vraisemblablement destinés à la pêche des saumons ou brochets. Il est curieux toutefois que ceux du Magdalénien 1-al acquièrent des barbelures anguleuses et énormes, peu en rapport avec leur Ianction supposée et que souvent la pointe terminale soit émoussée ou que parfois même les barbelures soient à l'envers, montant vers la pointe. Il n'est pas impossible que de tels objets aient garni, en bouquet de deux ou trois, l'extrémité d'une foëne (fig. 17). Les Maglemosiens avaient de longues sagaies de bois de cerf, L,,.. chasseurs barbelées sur un côté et remarquablement profilées. Leur Ju Mésolithique d„ Néolithique type uniforme a pu correspondre à plusieurs emplois, comme têtes de sagaies, de harpon ou de foéne. Les Aziliens possédaient „ harpon plat à oeillet pour la fixation de la courroie, dérivé des harpons 40 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 41 magdaléniens à oeillet de l'Espagne du Nord. On ne possède guère d'autres documents sur les chasseurs du Mésolithique. En effet, l'industrie osseuse subit une régression considérable durant cette période et l'industrie de silex est composée en partie de microlithes de formes géométriques qui peuvent indifféremment avoir armé des flèches, des sagaies, des faucilles pour la récolte des graines. Les procédés de chasse des premiers agriculteurs font intervenir sans discussion possible l'arc, puisqu'on retrouve à partir du Néolithique de nombreuses pointes de flèches et que des arcs, même, ont été découverts dans les établissements lacustres. D'autre part, des fragments de filets de pêche ont été trouvés dans les mêmes conditions. Les animaux sauvages représentent encore environ 20 % des restes osseux alimentaires chez les agriculteurs suisses des environs de 2000 avant notre ère. LA CUEILLETTE Le fait que seuls les débris osseux du gibier aient été conservés dans les gisements préhistoriques ne doit pas faire sous-estimer l'importance des produits végétaux dans l'alimentation des primitifs. Les Esquimaux eux-mêmes, pourtant très défavorisés du point de vue botanique, tirent le meilleur parti possible des baies, des pousses tendres, des algues marines, des lichens prédigérés extraits de la panse des rennes. Dans les groupes de chasseurs des régions plus clémentes, Australiens, Boschimans, Pygmées, la cueillette prend une importance considérable et l'économie vitale se maintient dans un équilibre constamment remis en question entre les produits de la chasse masculine et les ramassages de végétaux ou d'insectes qui reviennent aux femmes. Malheureusement, les produits de la cueillette sont éminemment périssables et aucune trace ne nous en est parvenue pour la Préhistoire proprement dite. Il faut parvenir au Néolithique pour en retrouver des indications dans les établissements lacustres, ou à l'Age du Bronze où l'analyse du contenu de l'estomac des cadavres momifiés retrouvés dans les tourbes du Danemark a permis de se rendre compte du rôle encore très important que jouaient les graines sauvages. Ce sont par conséquent des voies très indirectes qui permettent d'attribuer une activité de cueillette aux chasseurs de la Préhistoire. La première de ces voies est de caractère paléontologique. La denture de tout le groupe des Primates est adaptée depuis ses origines à la consommation d'aliments charnus variés. Suivant les espèces, elle se rapproche fonctionnellement de celle des insectivores, des rongeurs à régime frugivore et granivore, des blaireaux ou des ours à régime mixte carnivore et végétarien et elle reste aussi éloignée de celle des mangeurs d'herbes ou de feuilles que de celle des mangeurs de chair ou d'os exclusifs. L'ensemble des Anthropiens reste dans ces caractéristiques depuisl' rnlopithèque jusqu'à l'homme actuel et, par constitution anatomique, 16..nrnre est voué à un régime mixte. Ce régime, dans le monde actuel, subit de L. k.s ruodifications dans un sens ou dans l'autre, mais il est plus facile d'imaginer, .Inn„ I. passé, des groupes totalement voués à la cueillette des végétaux et au r~.ut. isesge des insectes et des coquillages qu'à la chasse exclusive. r ..., ration des tâches Depuis quand chasse et cueillette sont-elles partagées „ entre les hommes et les femmes ? Il est impossible de le .I. i-rio irier par des faits, mais on constate sur les exemples actuels ou récents que . • I.nriage correspond à un dispositif fonctionnel lié directement à l'économie I ~ i iii i i ive. Même si la pratique de la cueillette exige de longues randonnées et des .Il.rris considérables, son rythme reste compatible avec la mobilité du groupe 1. tiroir. dont les enfants font partie jusqu'à l'adolescence. Pour diverses raisons I.I Biologiques et psychologiques, le partage d'activité trouve son équilibre --i urel dans l'attribution de la chasse aux hommes et de la cueillette aux femmes. h. Irelit donc penser, quoique sans preuves matérielles, que, dès qu'un groupe 1r..„.,iin s'établit dans une économie mixte de type primitif, la séparation tend à n. uiimifester. Il existe une dernière voie de recherche, encore peu explorée, I ...f r ,i1 végétaux qui consiste à établir la liste des plantes dont l'usage alimen- /b.crilisés taire était possible à chaque période climatique. L'identificain des charbons retrouvés dans les foyers préhistoriques permet parfois d'éclaircir r petite partie du problème : la présence de charbon de bois de châtaignier ou .I.• ri risetier constitue un indice de l'usage possible des fruits correspondants. La herche des charbons est assez aléatoire pour deux raisons : tout d'abord parce qur les charbons de bois ne se conservent que dans des conditions d'isolement . bionique assez rarement réalisées et surtout parce qu'un grand nombre de plantes oI.uu•utaires n'ont aucune valeur combustible. Des informations beaucoup plus n,iboiantielles sont tirées de l'étude des pollens fossilisés. La conservation proI.„.gr'e des pollens et des spores est plus fréquente encore que celle des ossements il J apparaît peu à peu que dans la grande majorité des sites préhistoriques .hot l'industrie et la faune permettent de restituer une partie du comportement •I,•s habitants préhistoriques, il est possible d'établir, souvent avec une grande pr!•eision, l'état de la flore contemporaine. 1. aliments végétaux En comparant les listes ainsi établies avec les usages ail- mentaires connus des différents peuples des temps histo- t plues, on s'aperçoit que le nombre de plantes qui ont pu fournir un appoint ~,liumentaire aux Paléolithiques est considérable. Outre les fruits comme les ~rincettes, les glands, les châtaignes, les baies, dont la consommation peut n iRibler évidente, les écorces internes des conifères, les pousses du saule et du bouleau pouvaient être consommées. Les plantes herbacées fournissent de très - rerbreuses ressources : dryas, anémones, ortie. Les petites graines de cheno- 42 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 43 podium, de violette, de stellaire, les graines de nénuphar et de macre, les racines charnues du sceau de Salomon, de la potentille ansérine sont de consommation connue historiquement ou durant la Preto-histoire. Les fougères et les champignons le sont également. Les quelques espèces mentionnées ici ne concernent encore que les régions tempérées d'Europe, défavorisées par rapport aux régions plus chaudes où les graminées, les plantes à tubercules et les fruitiers fournissent un apport bien plus considérable. Il n'a pas été possible jusqu'à présent de distinguer dans l'outillage préhistorique ce qui pourrait se rapporter à la cueillette. Les meules ou broyeurs du Paléolithique supérieur se rattachent à la préparation des colorants comme l'ocre ou le manganèse et il faut aborder le Mésolithique pour supposer l'existence de couteaux destinés à la moisson des graminées. Cette question sera reprise plus loin, au sujet de la proto-agriculture. PRÉPARATION ET CONSOMMATION ALIMENTAIRES Jusque vers 4000 avant notre ère, c'est-à-dire jusqu'à l'apparition de la première céramique, les documents sur la préparation et la cuisson des aliments sont presque nuls. Les quelques éléments connus, comme le fait que les Néanderthaliens rôtissaient parfois les extrémités des gros os pour pouvoir consommer le tissu spongieux imbibé de moelle, la probabilité d'un système de ventilation dans quelques foyers du Paléolithique supérieur, l'existence probable de petits fours creusés dans le sol, où les aliments cuisaient à l'étouffée, ont été mentionnés et discutés au sujet du feu. L'existence d'outres, de récipients d'écorce ou de bois est très vraisemblable, au moins au Paléolithique supérieur. Il est possible aussi que des pierres chauffées aient servi, dans ces récipients, à la cuisson des aliments, des observations précises au cours des fouilles pourraient, dans certains habitats où les objets n'ont pas été déplacés, apporter des éléments de solution à ce problème. La comparaison avec les groupes primitifs actuels, dont le mode de vie est comparable à celui des chasseurs de la Préhistoire, ne fournit d'indications que sur ce qui a été possible et ces documents montrent qu'il n'y a pas un type de comportement suffisamment uniforme pour être projeté avec certitude dans le passé. Les Australiens et les Fuégiens ne connaissaient pas la cuisson dans des récipients, les aliments animaux ou végétaux étaient rôtis à la flamme ou sous les cendres. A partir du Moustérien tout au moins, les mêmes pratiques peuvent être prêtées à l'homme préhistorique. Les Boschimans usent des mêmes procédés, mais, en outre, utilisent des récipients d'importation pour confectionner des ragoûts et pilent la viande dans des mortiers de bois. Les pâtes de viande préparées au mortier de pierre ou de bois sont assez courantes, en particulier en Amérique du Nord. C'est une pratique nécessairepour consommer intégralement les bêtes coriaces; elle est vraisemblable pour la I~r,,histoire mais impossible à démontrer, car les galets utilisés comme percuteurs iunrt légion dans les habitats, leurs usages étaient multiples et le broyage de la s iajide est de tous celui qui laisse le moins de traces visibles. Le crâne célèbre du N~'anderthalien de La Chapelle-aux-Saints montre que lorsque son possesseur ~• si mort, il était depuis longtemps pratiquement édenté. Iln peut supposer que, comme les primitifs qui se i rouvent actuellement dans la même situation, il broyait à la main, avec un percuteur, sa nourriture. Les Esquimaux connaissent les deux modes de urusommation les plus opposés. Une partie imporiante de leur alimentation carnée et la presque totalité ~lus végétaux sont absorbées crues, la viande étant I raîche ou faisandée. L'autre partie consiste en ragoûts • onfectionnés dans des récipients de poterie ou de pierre, ragoûts dans lesquels le sang des animaux peut u tre utilisé. Ils ignorent par contre la viande rôtie, ceci ~p par le fait que le bois étant presque inexistant dans Illlljm(~(I~ III tir habitat, la nourriture chaude est préparée sur des lampes à graisse. Frc. 18.—Plandel'em- placement d'un foyer dans Au Magdalénien, on connaît de nombreuses lampes une habitation du paléoli- thique supérieur d' Ukraine. .i graisse, mais rien ne donne à penser qu'elles aient été Le foyer principal (ha- utilisées pour autre chose que l'éclaira e. Si l'on rête chues horizontales) de p q g p entouré par une série de aux Magdaléniens une cuisine autre que le rôti, on ne petites fossm qui en forme de peut guère imaginer que le four dit « polynésien », blement servi de fours. constitué par une fosse dans laquelle ils auraient déposé des braises recouvertes d'une couche de cendres, puis des aliments placés dans ~lus feuilles ou des récipients de cuir ou d'écorce, recouverts eux-mêmes d'une couche de terre. Une découverte dans les loess d'Ukraine paraît établir l'existence ale ce procédé (fig. 18). Le petit mobilier alimentaire est très réduit. Les poinçons ont pu servir à i irer la moelle des os. On connaît, dans le Magdalénien, des spatules plates, en os, I rès soigneusement décorées et souvent polies par un long usage, rien ne prouve leur usage dans la consommation alimentaire. Il existe à la même époque, et paraissant proches de ces spatules, de véritables cuillères à concavité très peu marquée. Leur rareté (on en connaît trois ou quatre) n'est pas en faveur d'un usage domestique courant. Pourtant des objets de même type se retrouvent dans la première partie du Mésolithique, au Maglemosien. A partir du Néolithique, de véritables cuillères apparaissent, en liaison avec la diffusion des récipients de céramique. 44 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÈTÉS PRIMITIVES 45 LE VÊTEMENT C'est un des sujets sur lesquels la fiction scientifique a le plus porté. Les hommes-singes tantôt velus par grâce de la nature, tantôt drapés dans des peaux sommairement nouées sur l'épaule peuplent l'illustration des ouvrages de vulgarisation. Notre connaissance réelle est extrêmement mince et il serait bien embarrassant d'avoir à prouver aux artistes en reconstitutions que le Néanderthalien ne nouait pas la peau de loup par les pattes autour de la taille. Une première considération de caractère indirect peut toutefois être proposée. Le pelage des Primates n'est pas inférieur en qualités protectrices à celui des autres animaux à fourrure. Seuls les grands Anthropoïdes et surtout le chimpanzé et l'orang-outan ont une fourrure clairsemée et dénuée de duvet, mais ce sont des singes tropicaux qui n'ont aucun rapport avec notre ascendance. On s'imagine les Australopithèques, les Pithécanthropes ou les Sinanthropes avec une pilosité déjà très diminuée, assez proche de celle de l'orang-outan ; c'est vraisemblable mais non démontrable. Le seul fait certain est que l'homme de Néanderthal dépouillait soigneusement les loups ou les rennes, ce qui prouve que, par des hivers comparables aux nôtres, il éprouvait le besoin d'une protection supplémentaire. L'homme de Néanderthal est le tout dernier venu de la série des ancêtres de l'homme actuel et il est raisonnable de penser que son système pileux tendait déjà à ressembler au nôtre. Ce qu'étaient en réalité ses vêtements peut, vaguement, être imaginé car son mobilier ne contient rien qui puisse avoir constitué un matériel de couture. C'est à la fin du Moustérien seulement qu'apparaissent les premiers poinçons d'os qui peuvent laisser supposer qu'on perçait le bord des peaux pour les assembler. Il n'est peut-être pas besoin de prêter aux Moustériens un vêtement très différent de celui des Fuégiens qui vivaient pratiquement nus hiver comme été, protégés seulement du vent lorsqu'il était besoin par une cape de fourrure assemblée par des tendons passés à l'aide d'un poinçon d'os, ou s'abritant simplement derrière une peau de phoque tournée de manière à couper le vent. La situation paraît s'être profondément modifiée au Paléolithique supérieur, surtout à partir du Solutréen, lorsque apparaissent les aiguilles à chas. Le climat paraît avoir été plus rigoureux qu'au Moustérien et la survie des chasseurs, en hiver, n'est guère concevable sans la protection de vêtements qui rappellent ceux des peuples arctiques actuels, des Lapons aux Esquimaux. Quelques plaquettes gravées et surtout un bas-relief du début du Magdalénien représentant un buste d'homme, montrent les chasseurs portant un vêtement à manches qui rappelle, sans le capuchon, la parka des Sibériens ou l'anorak esquimau. Les informations sur les autres pièces du vêtement qui pouvait comporter des jambières et des mocassins font actuellement totalement défaut. La même déficience règne malheureusement sur les périodes qui ont suivi;:. & I. Mésolithique aile Néolithique n'ont fourni le moindre document. L'existence lit iiHHage au Néolithique a dû transformer le vêtement et le faire ressembler IJo- ,étroitement à celui des peuples agriculteurs actuels. Les découvertes des ,rl ii res d'Europe du Nord montrent, au début de la période métallurgique, I. M ft•mmes vêtues de longues chemises à manches et de jupes serrées à la taille uns ceinture, les hommes portant des tuniques, des capes, des mocassins d i phi• montante et une calotte de cuir, costume qui est resté jusqu'au temps ooi>Jl•rue celui d'une partie de l'Europe du Nord. L'HABITATION Communément, la caverne est considérée comme l'habitat de I ,i'. rnvernes ele l'homme primitif qui disputait constamment à l'ours et au lion cette retraite sombre et généralement humide. Rien n'est ,,i ,ur,s exact, car les cavernes n'ont servi d'habitation qu'à une très petite minorité ,I'I ,,urnes qu'on n'oserait pas dans tous les cas considérer comme des privilégiés. nos cavernes sont un accident géologique exceptionnel, limité à des terrains .1,11 n'occupent qu'une superficie assez réduite sur la carte du globe. Leur intérêt 'tir moins dans leur habitabilité que dans le fait que les traces des hommes qui il vécu se sont trouvé conservées comme dans des flacons hermétiques. ..•. argiles neutres ont permis la fossilisation des restes osseux et l'on y retrouve, l int tics conditions parfois miraculeuses, à leur place d'abandon, les objets qui mettent de reconstituer l'existence de nos ancêtres. Lorsque le sol meuble de plein air a permis un enfouissement rapide des il,.I,r,s, comme dans les loess d'Europe centrale, on retrouve, bien plus parlants • -ire, les restes de cabanes ou de tentes. La caverne n'est donc qu'un accident pair rapport aux cultures préhistoriques, comme les habitations troglodytiques ils• quelques régions calcaires sont un aspect tout à fait mineur de l'architecture I,auiçaise contemporaine. Les circonstances archéologiques obligent pourtant à enir le plus grand compte, puisque la majorité de nos informations en provient. 1 --aime de nos jours, les conditions normales d'existence de l'homme ont été, ~titx temps préhistoriques, la construction d'abris dont l'élaboration a dû varier touvant les époques et les climats, mais les cavernes n'ont joué que le rôle .l'heureuse occasion. Pour toute la partie ancienne du Quaternaire, on ne possède d'autre irnioin que la caverne de Choukoutien, si l'on fait abstraction des grottes à trtralopithèques dans lesquelles les conditions d'habitat ne paraissent pas Io,voir être reconstituées. En effet, les Pithécanthropes ont été retrouvés dans -I~•H couches remaniées par les eaux, les Atlanthropes se trouvent dans les sables .l'une source, l'homme de Heidelberg était dans des graviers fluviatiles : si l'on poppose (sans tenir compte du fait qu'ils ont pu être apportés parles eaux d'une 46 APPARITION DES TECHNIQUES a SOCIÉTÉS PRIMITIVES 47 certaine distance) qu'ils vivaient sur les berges, aucune trace de leur habitat n'a pu résister. L'habitat des Sinanthropes dans la caverne de Choukoutien n'a pas livré de structures caractéristiques, mais seulement des nappes de débris osseux provenant des repas des habitants (ou des fauves qui ont pu alterner l'occupation avec eux) et des foyers. Ce qu'on sait des habitats moustériens qui sont très postérieurs ne porte d'ailleurs pas à imaginer chez les Archanthropiens une organisation domestique très poussée. Pour la période correspondant au troisième stade et carac- La trace des habitats de plein air terisee dans une partie importante de l'Eurasie et d'Afrique par les industries levalloiso-moustériennes, les documents sont abondants mais d'utilisabilité très inégale. Le premier témoignage est celui de l'énorme diffusion des habitats de plein air : l'immense majorité des documents ne provient pas des grottes mais est découverte dans les couches de loess, les alluvions ou sur les terres déblayées par la pluie ou le vent. Dans ces conditions, il est difficile, même lorsque les vestiges d'industrie n'ont pas été déplacés, de mettre en évidence autre chose que des taches où la fréquence des témoins dénote une occupation concentrée pendant un temps plus ou moins long. De tels points d'habitat sont connus par centaines en Europe comme au Sahara ou dans le Proche-Orient. La destruction de tout ce qui n'est pas de la pierre, l'élimination des traces de foyers rendent illusoire toute reconstitution des habitations. Il est certain que pour les régions chaudes, celles-ci pouvaient se réduire à peu de chose, les abris très sommaires des Australiens, faits de quelques pans d'écorce soutenus par des baguettes, les huttes circulaires à armature de baguettes recouvertes de feuillage ou d'herbes des Boschimans, des Pygmées d'Afrique, des Fuégiens, de certains Australiens ne laissent, après leur abandon, presque aucune trace sinon la marque d'un foyer et quelques débris épars. Les seuls documents cohérents sont fournis par les cavernes. Les des cavernes documents d cavernes Pour les interpréter, il faut tenir compte de certains faits, valables d'ailleurs pour les époques qui suivent. La grotte fournissant un toit naturel, les superstructures de l'habitation font défaut ou sont inhabituelles : l'installation dans une grotte prend normalement un caractère plus « primitif » que ne l'implique le niveau technique atteint par l'occupant. La configuration très variable des cavités, la présence ou l'absence de courants d'air, l'existence d'écoulement d'eau en certains points, l'exposition au soleil de certaines portions, les possibilités d'aménagement ou de protection contre les animaux donnent à chaque cas un caractère particulier. Enfin, le sol de la grotte, tantôt d'argile, de sable, de poussière, tantôt de pierraille plus ou moins mobile, modifie les conditions d'aménagement et de conservation des infrastructures de l'habitat. Le foyer, bordé de pierres dans un cas, pourra être simplement creusé dans l'autre ; les traces de poteaux disparaîtront dans la pierraille alors qu'elles subsisteront dans un sol argileux. Dans les cavernes ~I'Iurope occidentale, qui sut les seules sur lesquelles quelques données aient été rassemblées, le ,o! d'habitat est constitué ru général par de la pierraille plus ou moins main-roue par de l'argile qui (orme un fond imper-iii able. Cette surface, purement naturelle, est "novent fortement marquée par l'usure due au passage de l'homme et des louves. Le sol est jonché di • débris osseux de toute porte, les traces charbon-lieuses des foyers ont le plus souvent disparu, mais on retrouve par places de petites aires où les cailloux ont pris une coloration rouge caractéristique. Un seul groupe d'habitat a été étudié en dé-t ail, celui d'Arcy-sur-Cure, plans l'Yonne, et son étude permet de reconstituer approximativement l'installation de deux groupes ale Moustériens, sensible-tuent de même époque, l'un dans une salle assez large éclairée par le jour, l'autre au contraire, dans une étroite galerie, reliée par un boyau à une cavité ouvrant sur le jour. Dans les deux cas, la hauteur sous plafond n'atteignait Fin. 19. — Plan d'un habitat moustérien de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne) Les ossements brisés jonchent le sol en désordre, les plus gros repoussés vers les parois. 48 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 49 pas 1,50 m, aucun aménagement n'est apparent mais l'aire centrale, de 3 ou 4 m de diamètre dans la première grotte, a été relativement déblayée, les débris d'os encombrants étant repoussés vers les parois (fig. 19). De petits foyers ont été allumés, ils ne témoignent nulle part d'une utilisation intense et prolongée. Dans la galerie, où l'obscurité est complète, les pierres rougies sont plus abondantes. Une petite défense de mammouth placée dans un recoin, un amoncellement de boules de calcaires et de gros fragments d'os débités sont les seules indications d'un arrangement mobilier. La présence de signes mentionnés plus haut, témoignant de l'emploi des peaux de rennes ou de loup, laisse supposer l'utilisation de ces peaux comme couchettes. Des pollens de joncs et des spores de fougères, d'origine peut-être naturelle, laissent entrevoir l'éventualité de jonchées de ces végétaux pour isoler les fourrures du sol inégal et humide. Le Paléolithique supérieur Comme au stade précédent, les habitations en plein air étaient la forme normale de l'habitat, mais, alors que les Moustériens n'ont laissé aucun témoignage de leurs constructions, les hommes de l'Age du Renne ont livré à plusieurs reprises les infrastructures de leurs huttes et de leurs tentes. Les plus remarquables de ces vestiges d'habitations ont été rencontrés en Europe centrale et orientale, dans les couches de loess où les ossements se sont conservés et où les moindres détails d'aménagement du sol d'origine sont restés visibles. Les travaux russes révèlent chaque année de nouveaux exemples de constructions qui ne doivent pas avoir été différentes, dans leur ensemble, de celles qui s'élevaient en Europe occidentale à la même époque. Un premier type est constitué par une base circulaire d'un peu plus de 2 m de diamètre, formée par des crânes de mammouths ou de gros ossements qui devaient assurer la stabilité d'un petit édifice en coupole. De grandes défenses dépassant 2 m, plantées dans le sol, constituaient la coupole elle-même, qui pouvait être recouverte soit de peaux ou d'écorces, soit de mottes de terre. Des omoplates ou des bassins, posés sur la couverture, semblent avoir assuré la stabilité contre le vent (fig. 20). Dans certains cas, l'intérieur était en contre-bas, creusé en fosse, et il semble que de grands os aient parfois servi à soutenir les côtés de l'ouverture. L'ensemble devait évoquer l'aspect d'un igloo ou plus encore des habitations en côtes et mâchoires de baleines que les Esquimaux édifiaient il y a plusieurs siècles. Autour des habitations, des fosses ont été creusées dans lesquelles étaient amoncelés les ossements du gibier, pratique dont le caractère utilitaire n'apparaît pas nettement, mais que peuvent expliquer des raisons de caractère religieux, car on connaît des exemples récents d'accumulations de ce genre. Les foyers dans certains cas ont été placés hors des habitations, dans d'autres cas à l'intérieur. Les foyers sont souvent disposés en petite fosse, pourvue parfois de conduits de tirage. Différents types d'habitations ont existé au cours du Paléolithique supérieur, sur les loess d'Europe orientale. L'un des plus curieux i une longue habitation, pouvant atteindre 30 m de long, vraisemblablement 44 ouverte de peaux de mammouths, à l'intérieur de laquelle une dizaine de foyers alignés paraissent avoir correspondu à un cloisonnement familial. Le détail de 1111 jEEI'i a .


Fm. 20. — Plans d'habitations du Paléolithique supérieur d'Ukraine En haut, ensemble de Dobranitchevski, comportant une cabane circulaire bordée de fragments de i:lnes de mammouths (la partie antérieure est détruite), un foyer placé à l'extérieur de la cabane et, en Trière, une fosse à ossements. En bas, plan d'une fosse à deux compartiments, de Kostienki. L'entrée, u bas à droite, semble avoir été soutenue par deux omoplates de mammouth; à l'intérieur de grandes d Ffenses soutenaient la couverture. l'ameublement n'est pas connu avec précision, il semble toutefois que pour les habitations plus ou moins circulaires, une couchette, faite probablement de peaux recouvrant un matelas végétal, ait garni le pourtour. 50 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 51 K v â o E â L, â ~ E o d sa bbb m~ b 'b b ô ô ga • E N C





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ti En Allemagne du Nord, on a retrouvé, dans le Magdalénien, des cercles de Inn ires qui marquaient l'emplacement de tentes comparables à celles de la plupart ~k.., peuples du Nord eurasiatique et américain. Dans les autres contrées d'Europe i . n particulier en France, aucune observation n'a encore été faite. Par contre, --ii possède, malgré le caractère souvent très sommaire des observations de t nicture qui sont faites parles chercheurs d'Europe occidentale, quelques docu~iu nts sur l'organisation de l'habitat dans les grottes, au cours de l'Age du Renne. 1 ',unénagement du sol Le fait général le plus frappant est l'aménagement du sol. Dès le Chatelperronien, les surfaces d'argile humide ont été F,; lisées et recouvertes de pierres plates disposées parfois avec une assez grande gnlarité, sans toutefois constituer un véritable dallage. La propreté de l'habitat 1 un autre caractère qui fait contraste avec l'habitat moustérien : les gros I bris osseux sont éliminés, sauf lorsqu'ils ont eu un usage comme source de uu,tière première ou comme établi. Les restes alimentaires, lorsqu'ils ne dispat niaient pas comme combustibles dans les foyers, étaient rejetés à l'extérieur. Malheureusement pour l'archéologue, on ne retrouve pas, comme en U.R.S.S., de Iosses à débris osseux et à détritus. Le sol offre une autre caractéristique assez ,ustante, la présence d'ocre rouge en quantité parfois extraordinaire. Même en .~~Iinettant que tous les objets, toutes les peaux et le corps de tous les habitants tint été copieusement enduits d'ocre, et en faisant durer la pratique pendant des elles, il est difficilement compréhensible que certains sols de 20 cm d'épaisseur rient presque uniquement faits de cendres et d'ocre. Il semble, sans qu'on ~•~~ puisse dégager les raisons, que de l'ocre ait été répandu à terre, probaI~I~•ment par petites quantités, mais aux cours de pratiques répétées. t,iménagement inférieur Les infrastructures découvertes sont peu nombreuses. On a signalé parfois, dans les abris sous roche ou à l'entrée des grottes, des blocs alignés pour former la base d'une clôture, mais ~tue une étude précise n'en a été faite. L'aménagement intérieur a dû comporter 1re'(iaemment des structures qui ont laissé des traces dans le sol. La seule obserr ation, faite à Arcy-sur-Cure, est celle de trous cylindriques creusés dans la I erre argileuse et ayant servi à enfoncer des défenses de mammouths qui formaient l'armature d'un écran ou d'une tente édifiée à l'entrée de la grotte (fig. 21). I •s niches des parois ou les fentes ont été utilisées comme étagères ou placards ri l'on a parfois retrouvé des objets à l'intérieur. Les découvertes de grottes I~•rmées après leur abandon ou qui n'ont pas été visitées depuis des millénaires nt relativement fréquentes. Leur découverte aboutit généralement à un ramassage désordonné des témoins irremplaçables qu'elles contiennent, comme dans les sanctuaires de Lascaux, du Gabillou, de Labastide. Des lampes de pierre, de petits foyers, des fragments d'ocre pour les peintures se trouvaient encore à leur place, et dans la dernière de ces grottes des plaquettes gravées e bisons ou de chevaux se trouvaient encore dans la position où elles avaient 52 APPARITION DES TECHNIQUES SOCIÉTÉS PRIMITIVES 53 été abandonnées il y a quinze mille ans. Le mieux étudié des habitats magdaléniens est celui de Saint-Marcel, dans l'Indre, constitué par deux grottes qui ont été occupées successivement et dont l'une a été retrouvée absolument intacte. Dans une alcôve de rocher on a retrouvé des bois de renne préparés pour la fabrication des sagaies et un paquet de sagaies, encore réunies en faisceau, mis en réserve. Les fentes de la grotte la plus basse contiennent encore des sagaies piquées à la file, des grattoirs de silex posés sur les rebords. Les foyers, recouverts d'un amoncellement de galets formant calorifères, ont été retrouvés tels qu'ils s'étaient éteints. Il semble, par surcroît, que les parois aient été décorées de massacres de boeufs sauvages, constituées par les cornes et une partie du crâne, car on a trouvé plusieurs de ces énormes dépouilles dans la position qu'elles auraient prise en se détachant. L'éclairage des hommes du Paléolithique supérieur est connu par de nombreuses lampes faites de pierres creuses ou creusées par l'homme ; on trouve parfois encore des traces de combustion sur leurs bords et elles devaient porter une mèche alimentée par du suif. Ce sont ces lampes, fournissant un éclairage très satisfaisant, qui ont permis aux Magdaléniens de parcourir les profondeurs des cavernes et d'y exécuter des dessins ou des gravures. Un dernier détail d'aménagement est encore l'objet de discussions. On rencontre parfois, dans la paroi des abris sous roche, des anneaux taillés à même la pierre. Ces anneaux semblent avoir été faits pour attacher des tentures et l'on a pensé qu'ils avaient pu servir à fermer le devant de l'abri avec des peaux. Toutefois, on ne les a rencontrés que dans des abris dont la paroi a été sculptée d'animaux en bas-relief et leur position ne correspond généralement pas avec l'usage le plus favorable pour une construction d'habitation. Il semble qu'il faille plutôt les considérer comme liés à des pratiques de caractère religieux. Les documents intéressant le Mésolithique sont peu abondants. L'habitat On connaît un site maglemosien dans le Yorkshire où les au Mésolithique Maglemosiens se sont installés au bord d'un marais, constituant un sol de branchages et de plaques d'écorces de bouleau pour s'isoler de l'humidité. Des arbres ont été abattus, mais aucun détail n'est encore connu sur l'habitation elle-même. Sur les Aziliens, l'ignorance est encore complète, le seul détail ayant trait à leur installation provient d'une caverne d'Espagne cantabrique où des trous de poteaux plantés verticalement à l'intérieur de la grotte laissent supposer que, comme les Paléolithiques, les Aziliens construisaient parfois des structures complémentaires à l'intérieur des cavités. Sauf pour les documents d'U.R.S.S., l'histoire de l'habitation primitive est encore presque entièrement fondée sur des suppositions. L'indigence de l'information tient pour une part à la destruction des structures fragiles des huttes ou tentes, mais pour une part encore plus large au fait que les fouilles, même bien faites, ont trop souvent, en France en particulier, pour but de recher- I-- r des objets caractéristiques de chaque époque et moins directement les f , m,s de l'existence réelle des hommes, traces dont la recherche et l'enregis1-m nient demandent beaucoup de temps et de soin dans la dissection du sol. BIBLIOGRAPHIE Il n'existe pas de manuel proprement consacré à la Préhistoire des techniques et la Irc se trouve dispersée dans une multitude d'articles de revues publiées depuis cent ans. Comme susceptibles d'orienter l'information, on peut citer „u ;N (H.), Atlas de préhistoire, Paris, Boubée, 1950. \ssnli,ouEG (C.), La genèse de l'humanité, Paris, Presses Universitaires de France, 1943, 156 p. (Que sais-je ?). 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