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Villes/Montluçon/sciences/La révolution française

De NuitDebout
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L'Histoire, dans un éternel recommencement, mêle chagrins et passions, = mur et violence. Témoin en est cette correspondance qui retrace, mois après nz:s, années après années, l'émouvante aventure d'un jeune couple. Emilie de =:svert, née en 1769, a juste vingt ans quand débutent les remous qui _=Lneront naissance à la Révolution Française. Hippolyte Lomont, baron de la =Lzuière, a vingt-cinq ans. Ils se sont rencontrés un an auparavant, lors bal où se rencontrait la jeunesse aristocratique.

Ces deux êtres qui s'aiment vont vivre tant bien que mal les événements de 1789 à 1795, marquent profondément la France. Souvent éloignés l'un de ire, Emilie et Hippolyte resteront cependant réunis par l'intermédiaire de lettres qui, au fil des ans, illustrent leur passion grandissante sans -_ s soient jamais indifférents à la réalité historique du moment.

Sommaire

EASTBOURNE, LE 5 JANVIER 1789[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte,

Je suis bien arrivée chez Lady Twilight, la tante de mon père. Depuis son veuvage, elle a quitté Londres pour se retirer dans le Sussex. Elle habite un =harmant cottage près d'Eastbourne. Elle m'a accueillie avec une extrême ~zentillesse. Je passerai en Angleterre quelques mois pour satisfaire au désir :-.i'a mon père de me voir perfectionner mon anglais. De nos jours, une Demoiselle comme il faut doit parler au moins une langue étrangère à la perfection. Cela est preuve d'une éducation distinguée.

Néanmoins, je soupçonne mon père de m'avoir éloignée momentanément de =rance pour une autre raison. En effet, depuis quelque temps, il souffle sur notre Royaume un vent de fièvre inquiétant. L'hiver est rude cette année et, à :aras déjà, le peuple murmure. Le blé est cher et la disette plane comme une ombre malfaisante sur notre pays. Necker, le ministre des Finances est pessimiste: de nombreuses dépenses ont été occasionnées par la guerre d'Amérique, et la banqueroute menace. Mais il y a pire... Depuis que notre roi Louis XVI s'est résolu à convoquer les Etats Généraux, une effervescence inhabituelle règne sur les esprits de ceux qui, épris de liberté, aimeraient suivre l'exemple donné par :es insurgents d'Amérique.

Ce sont ces nouvelles qui ont incité mon père à me faire quitter la =rance. Ma défunte mère aurait certainement approuvé cette sage décision!

Ici, je ne suis pas malheureuse, mais je ne puis m'empêcher de laisser vagabonder mes pensées vers un certain petit banc de la promenade des remparts _-~ nous nous rencontrâmes si souvent. Il m'est doux d'espérer revenir ,promptement en France pour vous dire combien je suis, à jamais, toute à vous, EMIL IE

PARIS, LE 20 JANVIER 1789[modifier | modifier le wikicode]

Ma chère Emilie,

Saurais-je vous décrire le trouble dans lequel votre absence me jette? Je _ _se plus passer devant votre hôtel aux volets clos de peur d'être :n nquablement empli de tristesse. Hier matin, nous avons appris la convocation pour les Etats Généraux des Utës des trois ordres: Noblesse Clergé Tiers Etat. Le Tiers Etat, auquel a =-é octroyé une représentation double de celle de la Noblesse et du Clergé,

=rait à deux contre un si un vote par ordre était décidé. Cette incertitude =s- à l'origine de tensions, A Paris les clubs, fermés depuis une dizaine .années, refleurissent et accueillent des hommes nouveaux et plein d'entrain. :n dit que, en province, une sourde agitation se développe également. Des =a sans ont refusé de livrer les grains versés ordinairement lors des _r=levements seigneuriaux. On parle même d'attaques ayant eu lieu contre les _hâteeux, pillés et brOlés. Hélas! Comme l'année 1789 augure mal du sort de notre amour! Au milieu de tous ces troubles naissants, qu'adviendra-t-il de nous?

Si je languis de me sentir loin de vous, je me réjouis de vous savoir en sécurité en Angleterre. Bien à vous, 1-I I F'PQL YT'.E

EASTBOURNE, LE 10 FEVRIER 1789[modifier | modifier le wikicode]

Mon cher Hippolyte,

Voilà plus d'un mois que j'ai quitté Paris. De jour en jour, je m'accommode de la vie oisive et calme que je mène en Angleterre. Que vous dire de mes journées? La matinée se passe souvent en promenades au bras de ma tante, sur les petits chemins verglacés entourant le cottage. Le mauvais temps nous interdit, hélas, de sortir plus loin ou d'emprunter le cabriolet pour poursuivre la promenade vers la côte, là oü se dressent les rochers abrupts d'où le regard plonge sur la Manche qui me sépare de vous. .

L'après-midi, nous consacrons notre temps à la broderie. Je me retire ensuite dans ma chambre ou dans le petit salon, et là, je lis des ouvrages français. Dieu merci, ces lectures me rapprochent de notre pays! J'ai lu avec enchantement les "Rêveries du promeneur solitaire" de Jean-Jacques Rousseau. J'admire son goit pour la méditation au milieu de la nature, et son éloignement des hommes. Dans les longues journées que je vis loin de vous, mon âme tend elle aussi à la méditation. Cher Hippolyte, je vous supplie de penser à moi autant que je pense à vous. Dans l'épreuve que Dieu a infligée à notre amour, je vous suis fidèle à jamais,

fl'MILIE

PARIS, LE 24 FEVRIER 1789[modifier | modifier le wikicode]

Ma bien-aimée,

Ce que vous dites de vos lectures m'a comblé de joie. Avez-vous déjà lu le "Contrat social"? C'est l'oeuvre de Rousseau qui me bouleverse le plus. Il y décrit un pacte qui consisterait, pour chacun, à abdiquer tous ses droits naturels au profit de la communauté qui, en retour, garantirait la personne et les biens de chacun.

Justement la France, en ce moment, se passionne d'idées nouvelles. Depuis quelques semaines nous avons assisté à la réouverture de la Société des Trente. C'est un endroit que les gazetiers appellent le rendez-vous de la noblesse libérale. J'y ai fait la connaissance du comte de Mirabeau, homme de quarante ans, corpulent, à la voix forte et méridionale. Malgré un physique peu flatteur, cet homme possède un charme irrésistible. C'est un grand rassembleur, doué d'une éloquence remarquable. A sa façon de défendre la cause du Tiers Etat, il aura rapidement des adeptes. N'a t-il pas lancé l'autre jour -ne violente déclaration de guerre aux privilégiés en s'écriant: "Malheur aux ordres privilégiés... Les privilèges finiront, mais le peuple est éternel." Emilie, pardonnez cet engouement pour un homme que je connais encore fort peu. Dans l'agitation politique qui secoue la France, il est bon qu'un esprit courageux et passionné puisse nous montrer la voie à suivre. Quand vous reverrai-je, ma tendre amie? Armez-vous de patience et croyez en la force de notre amour, votre 1~_> -ED CD _T_ Y, -I,-E7

EASTBOURNE, LE 10 MARS 1789[modifier | modifier le wikicode]

Hippolyte bien-aimé,

Je me sens étrangère à tout ce que vous vivez en France! Vous me pariez avec une telle fougue du comte de Mirabeau et des phrases qu'il prononce en faveur du peuple, que Je m'interroge: si j'étais à vos côtés, aurais-je les mêmes idées que vous, les même grandeurs d'âme?

Savez-vous que je porte constamment sur moi cette jolie boîte ronde contenant votre portrait, que vous m'offrîtes naguère? Ma pensée veille sans cesse, cherchant votre présence, mais je languis loin de vous, Lady Twilight, comme si elle eût compris que mon ennui était source de mélancolie, cherche à me ditraire: nous sortons davantage, nous recevons les visites de quelques jeunes filles du voisinage qui parlent un peu français. Nous passons des heures à jouer, principalement aux dominos, et à échanger des propos sur la littérature et les arts.

Mais, malgré cela, comme le temps passe lentement! Quand pourrais-je enfin vous revoir, et partager le destin que vous vous serez choisi? v o t r e EM I L I E

PARIS, LE 28 MARS 1789[modifier | modifier le wikicode]

Très chère Emilie,

A la Société des Trente, nous préparons activement les élections. Nous examinons les candidatures. Mirabeau a besoin d'argent pour sa campagne électorale en Provence. Là-bas, il y a guerre au couteau entre le Tiers Etat et les privilégiés. Mirabeau n'a pas été accepté comme représentant de la noblesse, car il n'est pas possesseur d'un fief, et ses idées sur le peuple ont fait frémir les privilégiés. Il en est contraint à se présenter comme député du Tiers Etat.

La Fayette, cet officier qui combattit aux côtés des insurgents d'Amérique, est lui aussi un membre influent de notre club. Il espère être élu député de la Noblesse.

Le terrible hiver que nous sommes en train de vivre n'est pas encore fini, et déjà le gel a fait des ravages. Partout, le prix de la viande et celui du pain sont élevés, les impôts sont trop lourds. Des émeutes ont été provoquées dans le sud, de Manosque à Marseille. Des patrouilles de la milice citoyenne ont été mises sur pied, et sont chargées de rétablir l'ordre. Mais le peuple gronde, devenant une force dont il faut tenir compte.

Chère Emilie, dans le climat d'incertitude qui règne ici, je pense souvent à vous. Je vous embrasse tendrement,

f~ i i r ~ mie lrMi

EASTBOURNE, LE 8 AVRIL 1789[modifier | modifier le wikicode]

Très cher Hippolyte,

Depuis que vous m'en avez parlé, je me suis imprégnée davantage des oeuvres de Rousseau, de son idée de souveraineté indivisible et inaliénable du peuple. La volonté générale visant au bien de tous est une défense formidable de la liberté.

Je me suis efforcée aussi de me tenir au courant des affaires politiques. J'ai lu des journaux dans lesquels il est question de l'agitation qui anime Paris et les provinces françaises à la veille des Etats Généraux. En Angleterre, le ministre William Pitt manifeste une bienveillante neutralité face à l'agitation française, ne voyant pas là un péril immédiat pour son pays. Cependant, j'ai entendu dire autour de moi: "Il faudrait que votre Roi sache s'adapter aux désirs du peuple, sinon..." Je ne sais pas ce que signifie ce "sinon", mais cela me fait bien peur... Hippolyte bien aimé, je m'efforce, dans mon exil, de trouver le meilleur en tout et de ne pas céder à la mélancolie. Grâce à vos lettres, je me sens plus proche de vous et je demeure pour toujours votre

EMILii

PARIS, LE 25 AVRIL 1789[modifier | modifier le wikicode]

Ma chère Emilie,

Depuis que les assemblées électorales ont été instituées, elles se sont chargées de la mise en forme de "cahiers de doléances", sur lesquels chacun peut "faire parvenir ses voeux et ses réclamations". La France a bien des motifs de se plaindre. Dans les cahiers du Tiers Etat, les revendications sont variées: ici, une famille demande la libération d'un des siens, arrêté, chargé de fers et traîné en prison, pour avoir "fait une farandole" avec d'autres jeunes gens sur les terres du Seigneur. Là, les doléances concernent une grande route qui nécessite d'être pavée pour éviter la boue en hiver et la poussière en été. A Lyon, ce sont les maîtres ouvriers en étoffes qui déplorent l'accroissement du prix des soies d4 à la quantité de

mûriers qui ont péri en 1787. Ailleurs, on déplore la liberté des pigeons au temps des semences jusqu'à la récolte des grains, et l'on demande que les garde-chasses ne portent plus d'armes à feu mais des hallebardes. Ces cahiers de doléances seront apportés par les députés aux Etats Généraux, dont =»ouverture est fixée dans moins d'une semaine à Versailles.

Dans leur ensemble, les membres de la Noblesse sont hostiles à trop de réformes, et surtout à l'abolition de leurs privilèges. Pour ma part, j'ai préféré suivre la voie tracée par Mirabeau et rejoindre les assemblées du Tiers Etat. Une effervescence particulière remplit le coeur de chacun, et le mien aussi, qui pense à vous très tendrement,

H I P 'QI. YTE

PARIS, LE 8 MAI 1789[modifier | modifier le wikicode]

Très chère Emilie,

Les 27 et 28 avril derniers, peu de jours après que je vous eusse écrit, il y eut des émeutes Faubourg Saint-Antoine. Dans tout le pays, des troubles identiques ont éclaté. Dieu, comme j'ai remercié le ciel que vous ne fûtes plus là pour assister à ces manifestations de violence!

L'ouverture des Etats Généraux approche. Dès la fin avril sont arrivés à Versailles les députés d'origine modeste, parmi lesquels des avocats, des procureurs, des médecins, et les délégués des campagnes. Ils furent choqués par le luxe qu'affiche encore la cour alors que le peuple meure de faim.

Puis, le 4 Mai, eut lieu la procession d'ouverture, Les représentants de la Noblesse arboraient de beaux habits dorés et galonnés; le Clergé resplendissait dans ses habits de pourpre ou de rouge; quant aux députés du Tiers Etat, ils faisaient une tache noire et sombre sur cet ensemble coloré: ils n'avaient droit qu'à un manteau de lainage noir, uniforme de la tristesse et du marasme.

Le lendemain s'ouvrirent les Etats Généraux, dans une salle de l'hôtel des Menus Plaisirs à Versailles. J'avais quitté Paris la veille avec Mirabeau, et nous avions été hébergés par un de nos amis. Nous assistâmes à l'appel des députés des trois Ordres. Chaque députation était introduite par Monsieur de Dreux-Brézé, grand maître des cérémonies. J'étais parmi une foule bigarrée dans laquelle se tenaient des femmes et des gens du peuple. Nous étions installés dans des tribunes, sur les côtés de la salle. Le roi avait pris place dans le fond sur une estrade et il avait à ses côtés la reine Marie-Antoinette et les princes de sang. Il prononça un bref discours, dans lequel il ne dit rien des réformes sociales et politiques que nous attendions tous. Ensuite parla Necker, qui énuméra les difficultés actuelles du Trésor, mais sans en dire les causes, comme beaucoup d'entre nous l'auraient souhaité.

La question primordiale du vote par ordre ou par tête n'avait pas encore été abordée, lorsque Mirabeau se leva et, contre toute étiquette, s'adressa directement au roi. Il ne put achever le discours qu'il avait préparé, car le roi se leva, signifiant ainsi que tout était fini. L'Assemblée dut se séparer. La Noblesse et le Clergé se réfugièrent dans les salles préparées à leur intention. Les députés du Tiers Etat restèrent seuls dans la salle des Menus Plaisirs. Ils auraient voulu que le travail fût effectué en commun, mais les privilégiés refusèrent. Les nobles restèrent irréductiblement pour le vote par ordre alors que les membres du Clergé furent plus nombreux à accepter. La journée se termina sur un sentiment d'échec.

Voilà, chère Emilie, où nous en sommes actuellement, Nos députés parviendront-ils à un accord dans les meilleurs délais? C'est, en tous cas, ce que nous souhaitons tous ici, car nous avons tant d'idées de réformes qu'il devient insupportable de différer davantage les décisions importantes que toute la France attend!

Je vous enverrai bientôt, chère Emilie, d'autres nouvelles. Je conserve votre tendre image sur mon coeur,

vo -t r c-- H I F'.PC?I., YTE

EASTBOURNE, LE 29 MAI 1789[modifier | modifier le wikicode]

Mon cher Hippolyte,

J'ai tardé à vous écrire car nous sommes en pleins préparatifs de départ. Les beaux jours étant revenus, nous avons projeté un séjour à l'île de Wight, à environ vingt-cinq lieues d'Eastbourne. Pour nous y rendre, nous devons d'abord aller à Portsmouth puis, de là, emprunter un navire qui fait la navette entre la côte et l'île, Lady Twilight y est allée il y a vingt ans, et elle se déclare enchantée du séjour qu'elle y passa.

Une de mes amies, Pauline de Brossac, m'a écrit récemment. Elle n'a pas quitté la France, et demeure dans le château de son père près d'Angoulême. Elle me parle du cahier de doléances des "Femmes de la Charente", qui a fait grand bruit dans sa province. Celles-ci revendiquent certains droits politiques, tel que celui qui devrait permettre aux femmes et aux filles possédant des terres d'être électrices aux Etats Généraux. Les veuves et filles nobles, possédant fiefs, ont déjà ce droit. C' est là une revendication qui me semble justifiée. Ne croyez-vous pas en effet, cher Hipplolyte, que les femmes ont trop peu leur mot à dire dans les affaires qui touchent notre pays?

De nos jours, les femmes peuvent tenir salon, parler philosophie ou littérature, comme le fit Madame du Deffand pendant plus d'un demi-siècle. Mais qu'est-ce que la connaissance qui n'est pas mêlée à l'action? Quel destin choisir quand on est femme? Faut-il se consacrer à l'étude? Faut-il se contenter d'être bonne épouse et bonne mère?

Cher Hippolyte, dans la solitude qui est la mienne , je m'interroge sur mon avenir, J'espère pouvoir revenir bientôt auprès de vous et, qui sait, pouvoir combattre à vos côtés.

Votre bien-aimée,

ÉMI L I E

ILE DE WIGHT, LE 5 JUIN 1789[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte,

Je vous adresse un court billet depuis ce bout du monde ou je vis à l'abri de tout souci, comme dans un paradis terrestre où nulle contrariété ne saurait m'atteindre!

Lady Twilight et moi logeons dans une auberge, dans laquelle nous prenons aussi nos repas. Nous avons rencontré une vieille dame qui ;=-i ce régulièrement dans cette île. Elle nous parle de la sérénité qu'elle a acr:s à y goûter au jour le jour, comme un don du Ciel. Nous passons nos journées en promenades sur les étroits chemins sableux qui sillonnent les pâ ra_ verdoyants, et nous conduisent jusqu'au sommet des falaises abructe_ : _ surplombent la mer. Quelle beauté dans ce site grandiose! Le soir, passons volontiers quelques heures à bavarder avec les clients de l'auberce. Tout le monde s'assied autour du feu que l'hôtesse allume dans la cheminée. pour atténuer la fraîcheur des soirées du bord de mer.

Comment, cher Hippolyte, vous dire combien je serais heureuse de vous faire partager la vie calme et bienfaisante qui est la mienne en ce moment... Je suis à vous pour toujours,

.EMILI-E

PARIS, LE 23 JUIN 1789[modifier | modifier le wikicode]

Ma chère Emilie,

Il est tard, mais je tiens vous écrire tout de suite pour vous reia:er les événements de ces jours derniers. Le 17 Juin, l'abbé Sieyès proposa q-.~e e Tiers Etat se proclame Assemblée Nationale. Cet abbé Sieyès est un homme à l'esprit ingénieux, il possède l'art des formules frappantes, disant tout 'na-._ ce que beaucoup pensent tout bas. L'Assemblée a été proclamée "une et indivisible". Ce jour-là, la Noblesse s'opposa farouchement à la décision -_ Tiers Etat qu'elle dénonça comme une usurpation. Le Clergé, en revanche, se rallia au Tiers Etat, donnant ainsi à l'assemblée une majorité absolue.

Le 20 juin, le roi fit clore la salle des Menus Plaisirs, sous prétexte de rénovation. Les députés se rendirent alors dans une salle voisine déserte, la salle du Jeu de Paume, o, sous la présidence de Bailly, ils prêtèrent le serment de "ne pas se séparer et de se réunir partout où les circonstances l'exigeraient, jusqu'à ce que la constitution du royaume soit établie e- affermie sur des fondements solides". Cela se passait dans un enthouseias.: débordant. Tous les députés sauf un prêtèrent serment de façon très_ solennelle.

Le lendemain, la salle du Jeu de Paume étant fermée, le Clergé proposa de se rendre à l'église Saint-Louis. C'est alors que cent cinquante membres d_ Clergé, et même deux gentilshommes se joignirent à l'assemblée.

Le 23 juin eut lieu une séance royale à la salle des Menus Plaisirs. e roi cassa les décisions du Tiers en matière fiscale, il accepta l'éga'_é devant l'impôt mais apparût résolu à défendre les dîmes, cens, rentes e- devoirs féodaux. Puis il commanda aux trois Ordres de se séparer e- ;e délibérer dans leurs salles respectives. Le roi parti, la plupart ±e_ représentants des ordres privilégiés quittèrent la salle et les députés.

Tiers restèrent assis. Le marquis de Dreux-Brézé rappela aux assistants l'ordre du roi. Mirabeau, debout près de Sieyès et Bailly, s'avança e: s'écria: "Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par _a volonté du peuple et que nous ne quitterons nos places que par la force des_ baïonnettes." Quel soufflet adressé à un représentant du roi! Dreux-Brézé *__ bien obligé d'abandonner la partie, sortant presque à reculons. Après ___ éclat, le roi n'osa pas user de la force contre le Tiers assemblé, _- La séance se poursuivit selon les formes régulières. Sans doute la réunion :es trois ordres est-elle imminente!

J'aimerais, chère Emilie, que vous partagiez la joie qui me remp_i- :e coeur ce soir. Je voudrais aussi que vous ne passiez pas un jour sans -.s souvenir que vous êtes aimée passionnément par un homme auquel l'amour pr:c-ire le plus parfait des bonheurs...

vo t z H I PPOL YTE

PARIS, LE 18 JUILLET 1789[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie,

Décidément, les événements se précipitent! Quelques jours après que je vous eusse écrit, une cinquantaine de représentants de la Noblesse rejoignirent l'Assemblée. Puis, le 27 Juin, le roi ordonna à la totalité des représentants des deux Ordres privilégiés de se joindre au Tiers Etat. Un comité de constitution fut créé, présidé par Mounier. Et, le 9 Juillet, l'Assemblée prit le nom d'Assemblée Nationale Constituante. Cependant, le roi était inquiet: craignant un coup d'état militaire préparé par le ministère, il avait fait venir des régiments autour de Paris. Mirabeau fit adresser au roi une requête demandant le renvoi des troupes. Le roi refusa. Le 11 Juillet, Necker fut renvoyé. De sombres rumeurs coururent dans Paris: on craignait que le roi ne fît arrêter des représentants du Tiers Etat, Mirabeau en tête! En peu de jours, les esprits s'échauffèrent. Le 12 Juillet, Camille Desmoulins, un jeune avocat journaliste monta sur une table dans le jardin du Palais-Royal et, un pistolet à la main s'écria: "Citoyens, j'arrive de Versailles: Necker est chassé. C'est le tocsin d'une Saint-Barthélëmy des patriotes. Ce soir même, tous les bataillons suisses et allemands sortiront du Champ-de-Mars pour nous égorger. Nous n'avons qu'une ressource, c'est de courir aux armes!..." J'étais présent, admirant la hardiesse de ces paroles, mais ne sachant que penser: l'agitation trop subite de la foule me faisait peur. Le peuple, manquant de pain, craignait un "complot aristocratique" qui affamerait la capitale. Un cortège, portant les bustes de Necker et du duc d'Orléans, dérobés au musée de cires, se lança dans les rues et arriva à la place Louis XV. Puis, au milieu de l'affolement des promeneurs, un régiment de dragons traversa les jardins des Tuileries et il s'ensuivit une émeute entre la foule et les soldats. Les promeneurs s'enfuyaient en poussant des cris. Toute la nuit, le tocsin sonna à l'Hôtel de Ville. Il y avait des feux dans les rues, et des boutiques furent forcées par la foule en délire. Je rentrai chez moi, tard dans la nuit, inquiet. Une telle agitation me faisait mal présager de l'avenir.

Je n'étais pas le seul à m'en inquiéter. Le lendemain, à 1' Hôtel de Ville, se forma la Commune de Paris et une milice de douze mille hommes destinée à défendre la ville. La foule parisienne, toujours aussi agitée, cherchait des armes. Le 14 au matin, elle se dirigea vers l'Arsenal qui fut pillé. Puis elle se porta aux Invalides, s'emparant de fusils et de canons. Elle marcha ensuite vers la Bastille où elle comptait trouver d'autres armes. Le gouverneur, Monsieur de Launay, ordonna de tirer, après deux sommations. La foule, aidée de quelques Gardes Françaises, répliqua en amenant deux canons pris à l'Hôtel de ville. Ce fut le début d'un affreux massacre. Une foule considérable était accourue pour voir la bataille depuis le boulevard Saint-Antoine. De Launay, trois officiers et des invalides furent tués et leurs têtes promenées à travers les rues au bout de piques. Les sept prisonniers de la Bastille furent libérés.

Dès le lendemain, la démolition de la forteresse commença. Une foule immense s'y rendit comme volontaire. La Commune de Paris se donna pour maire Bailly, et La Fayette fut nommé commandant en chef de la Garde nationale parisienne. Louis XVI donna ordre aux troupes d'évacuer la capitale, et il' rappela Necker. Tout le monde fut heureux de voir le roi faire machine arrière. Le 17 Juillet, il se rendit à l'Hôtel de Ville et reçut du nouveau maire les clefs de la ville.

Aujourd'hui, Paris est dans l'allégresse... Cependant, il m'est agréable .e penser que, du fond de votre exil, la vue des troubles passés vous ftt ï-argnëe. Ah! Puissiez-vous être toujours aussi heureuse que vous le fûtes =ertain soir de juin, lorsqu'il m'arriva de vous serrer dans mes bras, et que _=us nous juràmes un amour éternel...

Fi I PPJL, Y

PARIS, LE 21 JUILLET 1789[modifier | modifier le wikicode]

Ma chère amie,

Depuis quelques jours, je vais attendre à la poste l'arrivée du courrier afin de recevoir les nouvelles une heure plus tôt. Mais aucune lettre de vous _cur moi... Cependant, comme vos lettres me sont nécessaires! Dieu veuille que .a vie heureuse' que vous menez à l'île de Wight ne vous fasse pas oublier un =zeur qui est tout occupé de vous!

On raconte, à Paris, que de nombreuses émigrations se font. Il paraît que :e comte d'Artois, second frère du roi, s'est enfui avec ses fils. Le roi a autorisé ces départs et bien des membres de la Noblesse se demandent s'ils ne feraient pas bien de suivre l'exemple des grands. Pour ma part, je resterai, :uoiqu'il arrive, à Paris. J'ai rallié la cause du Tiers Etat, et je ferai de ~n mieux pour que les privilèges de toutes sortes disparaissent.

Oserais-je penser, cher amour, que je recevrai de vos nouvelles bientôt? :e veux croire que mes lettres vous apportent quelque consolation. Je vous embrasse tendrement,

H I F'PcJL. YTE

EASTBOURNE, LE 30 JUILLET 1789[modifier | modifier le wikicode]

Très cher Hippolyte,

Je n'ai pris connaissance de vos deux dernières lettres qu'une fois rentrée à Eastbourne, il y a quelques heures seulement. Je m'empresse de vous répondre afin d'apaiser vos craintes. Sachez, mon ami, que je suis capable de tout, sauf de renoncer à vous aimer. C'est avec la constante certitude de notre amour que j'ai vécu ces deux mois de repos et de bonheur à l'île de Wight. Le temps y était aussi clément que l'on inc l'avait promis et j'ai passé des jours agréables. L'air vif et sain que nous respirâmes là-bas m'a emplie d'un bien-être qui m'aidera, j'en suis persuadée, à vivre plus bonnement les mois d'exil à venir. Mais je ne suis pas aussi heureuse qu'il vous plaît de le supposer! Je sens bien que, loin de vous, mon bonheur est incomplet.

Je dois me rendre prochainement à Londres pour y rejoindre mon père, qui vient lui aussi de quitter la France. Je vous ferai savoir la date de mon départ. Qui sait, peut-être pourrez-vous m'y rejoindre ou y envoyer un de vos possible d'échanger plus que des souvenirs que je tiens à vous faire

Dus quitte et que je me repose des ne puissiez pas vivre un jour sans folie et que je suis à vous pour amis sûrs? Dans ce cas, il nous serait lettres: j'ai préparé pour vous quelques parvenir en gage de notre amour...

Minuit sonne. Il est temps que je v~ fatigues du voyage. J'aimerais que vous vous souvenir que vous êtes aimé à la toujours,

MI1., I E

PARIS, LE 15 AOUT 1789[modifier | modifier le wikicode]

Très chère et tendre Emilie,

Merci, mille fois merci pour la lettre si charmante que je reçus ce matin. Saurez-vous jamais le réconfort qu'elle m'apporta! Grâce à vous, tout le feu, tout le désordre de la passion règnent actuellement dans mon coeur. En ce jour de fête mariale, je voudrais remercier la Vierge de l'amour qui naquit entre nous, et prier pour que jamais il ne s'éteigne. Comme j'eusse aimé passer cette fête avec vous, marcher à vos côtés lors de la procession... Aujourd'hui, les parisiens sont nombreux à rendre gloire à la Vierge Marie, qui ne les abandonne jamais dans leurs luttes.

Dès la mi-juillet, des nouvelles nous sont parvenues d'Alsace, de Franche-Comté et du Berry. Là-bas, les paysans voulant détruire toute trace du régime féodal qui les assermentent, ont manisfesté leur mécontement par des émeutes. Ces troubles ont impressionné bon nombre de députés, et parmi eux certains nobles libéraux. Au soir du 4 Août, le vicomte de Noailles et le duc d'Aiguillon proposèrent à l'Assemblée la suppression des droits féodaux pesant sur les personnes. Cette proposition fut accueillie par un débordement de joie. Les députés prirent ensuite la parole à tour de rôle. La séance dura jusqu'à trois heures du matin. Malgré l'accueil réservé du roi, les droits féodaux sont maintement abolis.

Chère Emilie, j'eusse été si heureux de me rendre à Londres! Hélas, il m'est impossible d'allerer à l'étranger pour l'instant: si je le faisais, je craindrais de ne pouvoir revenir en France avant longtemps. Ainsi vais-je confier à mon ami Monsieur de la Feuillade quelques affaires pour vous. Il devrait se trouver à Londres dans trois mois. Il demeurera Kensington Street, au n°9. Je lui donnerai pour vous quelques livres dont nous avions parlé avant votre départ. Ce sont les trois volumes des "Etudes de la nature" de Bernardin de Saint-Pierre, et le quatrième volume intitulé "Paul et Virginie". C'est une belle histoire relatant un amour pur et peignant des aveux sincères. Puissiez-vous, en lisant cet ouvrage, vous souvenir qu'il n'y a pas un degré de passion par-delà celle que j'ai pour vous, et que je vous appartiens pour toujours, malgré les mers qui nous séparent...

.H I PPOL YTE

PARIS, le 26 Août 1789[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie,

Je vous envoie ce petit mot pour vous faire part d'un événement qui se tassa aujourd'hui. Depuis la nuit du 4 Août qui avait déchaîné bien des tassions, l'assemblée a travaillé à l'élaboration d'une "Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen", précédée d'un préambule conjointement écrit zar Mirabeau et xounier, président de l'assemblée. Dans ce texte, qui comprend .7 articles, sont défendues toutes les sortes de libertés: liberté Individuelle, liberté de pensée, de parole, de culte et de réunion. La liberté est définie comme "le droit de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui". Je remercie le Ciel que cette Déclaration ait été adoptée et votée, et je souhaite qu'elle puisse avoir une portée universelle.

Chère Emilie, je pense continuellement à vous et je vous embrasse,

13 I P.POL YT.E

LONDRES, LE 8 OCTOBRE 1789[modifier | modifier le wikicode]

Très cher Hippolyte,

Je suis bouleversée! Figurez-vous que, à peine arrivée à Londres où j'ai retrouvé mon père, j'apprends le retour forcé du Roi à Paris! Quelle humiliation il a subie! Etre ainsi ramené depuis Versailles par un troupeau de femmes en fureur! Mon Dieu, comme cela est vil, et comme cela me fait peur! sertes, on peut comprendre ces femmes qui, dit-on à Londres, étaient affamées. Craignaient-elles vraiment qu'un complot affamât davantage la capitale et que _e régiment des Flandres, nouvellement arrivé à Versailles, fût là pour briser :'élan populaire? Est-il vrai qu'elles criaient: "Allons chercher le "boulanger, la boulangère, et le petit mitron"? Cela me contrarie fort de penser que n'importe quel sujet du roi puisse ainsi lui être irrespectueux! -orsque les femmes sont arrivées à Versailles, elles ont demandé à parler au roi. Celui-ci a agi avec une grande noblesse d'âme en se prêtant à leurs embrassades et en promettant de veiller au ravitaillement. Alors, pourquoi les massacres de la nuit ont-ils eu lieu? Il paraît que la foule est entrée dans :es appartements royaux, et que notre pauvre reine, affolée, a dû courir se réfugier chez le roi. Mon Dieu, quel manque de respect pour la souveraine! .'en frisonne pour elle! On m'a raconté aussi le départ de la famille royale pour Paris, trajet de six longues heures, dans un cortège précédé d'une avant-garde portant au bout e piques les têtes des gardes du corps du roi! Quelle horreur! Comment la foule peut-elle se complaire dans de telles abominations, et comment peut-elle croire que c'est dans le sang qu'elle trouvera une solution aux problèmes qui la préoccupent?

Je ne peux vous écrire davantage aujourd'hui, tellement je suis outragée par ce que je viens d'apprendre... Que Dieu préserve notre Roi et la famille royale, et qu'il vous préserve aussi, cher Hippolyte, au milieu des tourmentes qui avilissent notre pays,

EMII I

PARIS, LE 22 OCTOBRE 1789[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie,

Je comprends l'émotion que vous avez ressentie en apprenant le retour forcé du roi à Paris. Cependant, je pense qu'il est nécesssaire d'accepter les excès du peuple car c'est lui qui est l'expression exacte de la Nation. C'est par lui et pour lui que nous sommes prêts à faire triompher la liberté. Face à notre Roi qui ne voulait pas accepter de sanctionner les ordonnances touchant les droits féodaux, le peuple a été le plus fort.

De plus, rassurez-vous: hier, une loi martiale a été votée par l'assemblée. Elle réprime les troubles et les attroupements, interdisant les émeutes populaires qui vous font si peur. Le roi est désormais installé aux Tuileries, et l'Assemblée a décidé de siéger dans la salle du Manège. On a annoncé que les séances pourront être suivies par un public plus ouvert qu'à Versailles.

Chère Emilie, j'aurais tant voulu que votre présence me réconfortât durant ces dernières semaines! Je vous aime,

H I F' Ft L YTE

LONDRES, le 15 Novembre 1789[modifier | modifier le wikicode]

Très cher Hippolyte,

Pardonnez l'emportement de ma dernière lettre. Je suis rassurée d'apprendre que les émeutes populaires ne recueillent pas non plus votre entière approbation.

Mais laissons cela... Parlons plutôt d'un sujet qui me tient à coeur, le rencontre que je fis, il y a quelques jours, à l'ambassade de France È Londres. Je brûle de vous faire part de cette visite. Je me rendis là-bas lE 10 Novembre, en compagnie de mon père. Nous voulions rendre nos hommages notre ambassadeur. Celui-ci, malheureusement, s'était absenté en province poux quelques jours. Nous fûmes reçus par Monsieur André de Chénier, jeunE secrétaire d'ambassade. Il ne fut pas long à nous raconter combien l'exi] qu'il vivait loin de sa patrie lui était pénible. Non qu'il fut très attaché la France, car il est né à Constantinople, d'un père diplomate et d'une mare grecque. Mais la vie à Londres ne l'intéresse pas, d'autant plus qu'il sait que de grandes choses se passent de l'autre côté de la Manche. Il possède lE même attachement que vous pour la liberté et pour les principes de 1é révolution, à tel point que je pense que vous pourriez sans contrainte devenir amis. De plus, ce jeune homme est poète. Il nous a laissé entendre qu'il avaiécrit des Idylles. Monsieur de Chénier s'ennuie tant qu'il a conçu une poésif scientifique, chargée de philosophie, qui chanterait un monde nouveau. Voyant intérêt qu'avaient suscité en nous les quelques vers qu'il nous avait lus, nous en laissa une plaquette. J'aimerais, cher Hippolyte, que vous lisiez :es vers, et que, autour de vous, vous fassiez aimer ce jeune poète.

N'est-il pas merveilleux de savoir que, au milieu des bouleversements :politiques, il existe une pensée poétique, pleine d'une ferveur nouvelle?

Cher Hippolyte, j'aimerais posséder le talent de Chénier pour vous dire =~mbien je vous aime, et combien je suis moins malheureuse quand je vous cris..

fl MAI I I., I .E

LONDRES, LE 25 NOVEMBRE 1789[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte,

J'ai, enfin, pu voir votre ami Monsieur de la Feuillade. Vraiment, je _zsespërais de le rencontrer, bien que j'eusse prolongé mon séjour à Londres ie plus d'une semaine. Enfin, hier, je me rendis une fois de plus à l'adresse :ue vous m'aviez indiquée. Là, tout paraissait aussi calme que de coutume. Néanmoins, la porte me fut ouverte, par un majordome anglais aux manières aussi froides que celles de ses compatriotes. Il me conduisit directement au second étage de l'hôtel où votre ami m'accueillit lui-même. Avant que j'eusse eu le temps de lui dire un mot, il me remercia cordialement pour la patience ;ue j'avais dû montrer pour attendre son arrivée. Il me dit ensuite quelques mots concernant notre terre d'exil, puis quelques mots de la situation en France après ce qu'il appela les "journées d'octobre". Je crus comprendre :u'il était bien aise d'avoir pu enfin quitter un pays où quelques individus taisaient trop cher payer à d'autres le prix qu'ils accordaient à la liberté. Enfin, il me tendit un petit paquet et un mot de vous. Nous ne pûmes nous entretenir plus longtemps car il me fit savoir qu'il craignait que la police ne le recherchât: on lui reprochait, me dit-il, d'avoir transporté frauduleusement certains papiers jugés dangereux par les ennemis du duc d'Orléans. Comprenant à demi-mot qu'il était un émissaire de ce prince du sang gui est soupçonné d'attiser des émeutes révolutionnaires jusqu'en Angleterre, je n'en demandai pas davantage et préférai partir. C'est ainsi que je rentrai dans mon hôtel, portant contre mon sein le mot charmant que vous me fîtes parvenir avec les livrets.

Je vous sais gré de m'avoir envoyé ces livres. Je vous remercie surtout pour "Paul et Virginie": je suis certaine que cet ouvrage, même si l'amour y connaît un destin tragique, me rapprochera davantage de vous.

EMIL.1F

PARIS, LE 10 DECEMBRE 1789[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie,

J'ai reçu votre dernière lettre avec un immense plaisir: je craignais en effet que vous n'eussiez pas pu rencontrer Monsieur de la Feuillade. Vous avez deviné juste: mon ami est à la charge du duc d'Orléans, qui est très mal vu à la cour en raison de ses idées démocrates. D'après les bruits qui courent, il est en ce moment-même à Londres. Il serait accompagné du capitaine Choderlos de Laclos, auteur des "Liaisons dangereuses", On m'a dit que c'était Laclos qui écrivait les articles du duc d'Orléans, dont il est, en quelque sorte, l'agent.

Ici, c'est le temps des compromissions: depuis la "trahison" de Mirabeau qui a pris le parti du roi, je ne sais plus très bien de quel côté me tourner. Il existe depuis peu à Paris la "Société des Amis de la Constitution", club installé dans la salle de la bibliothèque du couvent des Jacobins, rue Saint-Honoré. Les membres en sont des patriotes, décidés à combattre les anciennes bases de la société et à défendre le nouveau régime constitutionnel. Parmi eux, se distingue Maximilien Robespierre, jeune avocat dont les idées démocrates m'impressionnent. Ainsi vais-je régulièrement aux réunions de ce club au sein duquel je commence à me faire des amis. A Paris, en ce moment, peu de choses sont à signaler, si ce n'est que Marat, jeune médecin passionné par la cause populaire, fait entendre sa voix. Dans son journal "L'Ami du peuple", il défend avec violence les petites gens et les opprimés.

Il y a eu aussi le discours du docteur Guillotin, député du Tiers Etet, qui proposa à l'assemblée une "machine humanitaire", chargée de donner la mort de façon rapide. L'instantanéité de la mort se fait par la chute d'un couperet séparant la tête du tronc. Je ne sais quel avenir aura cette machine qui, pour l'heure, a occasionné quelques écrits satiriques.

Chère Emilie, comment allons-nous passer ces prochaines semaines, qui sont d'ordinaire des jours de fête? Voici presque un an que nous sommes séparés... Qu'adviendra-t-il de notre amour lors de l'année qui s'annonce? Aurons-nous toujours suffisamment de patience pour fortifier la passion qui nous porta naguère dans les bras l'un de l'autre? Chère, très chère amie, votre présence me manque terriblement, J'aimerais surprendre le bleu franc de votre regard et sentir sur ma joue la douceur de votre main...

H I FFOL YT'E

EASTBOURNE, LE 25 DECEMBRE 1789[modifier | modifier le wikicode]

Hippolyte adoré,

En ce jour de Noël, je pense à vous plus fort encore que d'ordinaire. Je me souviens du dernier Noël que nous passâmes ensemble, de la créche que Lisette avait arrangée avec art, y disposant l'image en cire du divin Enfant, étendu sur la paille. Plus encore, je me souviens des Noëls que, durant mon enfance, je passais au château de Boisvert. Avec quel empressement mon père faisait dresser dans le vestibule un immense sapin, que les domestiques agrémentaient de lanternes, de rubans, de jouets et de friandises! Avec quel émerveillement les enfants du village venaient se joindre à nous pour la veillée, et partager un goûter mémorable!

Hélas, tout ce temps est bien loin! Je vais vivre un triste Noël et mes pensées seront mélancoliques. Néanmoins, au milieu de cette tristesse, il y a pour moi la joie de me savoir aimée. Je sais que, à Paris, vous pensez aussi à moi et que nos deux coeurs sont tendrement réunis.

Je suis à vous, passionnément,

EMII Il

PARIS, LE ler JANVIER 1790[modifier | modifier le wikicode]

Ma bien-aimée,

J'aimerais tant que cette année fût celle de nos retrouvailles! Quelles étrennes pourrions-nous nous offrir, si ce n'est la promesse d'un amour toujours grandissant malgré l'éloignement?

A Paris, depuis la nationalisation des biens du Clergé, proposée par Talleyrand et votée par l'assemblée le 2 Novembre, la vie politique en France connaît une accalmie. Dans notre quartier, nous avons cependant des difficultés d'approvisionnement. Nous en sommes réduits à acheter des pommes de terre, ce "tubercule" dont le pharmacien Parmentier vante les mérites. Nous mangeons du hareng et de la morue séchée. A part cela, nous ne trouvons à Paris que des miches de pain noir. Quand nos amis ont l'occasion de quitter Paris pour se rendre à la campagne, ils nous ramènent des oeufs, des laitages, et surtout du bon pain blanc qui nous manque tant ici. Vous pensez bien quelle doit être la misère des petites gens, si nous-mêmes avons tout juste de quoi manger à notre faim!

Chère Emilie, quel tourment que l'absence! Je crains qu'il ne nous faille être courageux pour affronter les jours et les mois à venir. Je vous conjure de vous armer de patience. Que peut-il nous arriver, puisque notre amour nous protège? Je vous serre bien tendrement dans mes bras,

H I F'Fc i YT E'

EASTBOURNE, LE 15 JANVIER 1790[modifier | modifier le wikicode]

Mon cher Hippolyte,

En Angleterre, il court des bruits que nous ne pouvons pas ignorer. Les émigrés sont déjà nombreux et l'Assemblée craint qu'ils ne se liguent et ne forment une armée qui viendrait sauver le roi et reprendre le pouvoir, depuis l'extérieur. Tout cela est-il vrai? Pensez-vous que les émigrés soient si nombreux qu'on le dit?

J'ai lu récemment un rappel des dernières décisions de l'Assemblée. Le veto suspensif pour la durée de deux législatures a été accordé au roi, et la es el e Constitution, encore sous forme de projet, affirme que "le gouvernement français est monarchique". Mais notre roi a-t-il vraiment accepté, en son for intérieur, de devenir "Louis, par la grâce de Dieu et la Constitution de 1'Etat, roi des Français" au lieu de "Roi de France et de Navarre"?

Cher Hippolyte, comment vous dire l'angoisse qui me prend certain soir de savoir qu'il se prépare en France quelque événement politique dont la hardiesse me fait peur par avance! Comme j'aimerais être auprès de vous dans ces moments difficiles! Je vous embrasse,

EMIL ILS

PARIS, LE 2 FEVRIER 1790[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie,

En tant que membre du club des Jacobins, et parce que je proposais à l'Assemblée mes services comme secrétaire, je me suis vu confier une nouvelle charge. Il faut d'abord vous dire que, le 15 janvier dernier, l'Assemblée a pris la décision de diviser la France en quatre-vingt-trois départements. La plupart de ces départements correspondent aux limites des gouvernements. Le choix du chef-lieu a été souvent difficile. Par exemple, il y a rivalité entre Aix et Marseille, entre La Rochelle et Saintes. Or, le but de l'assemblée est d'instituer l'union des départements du royaume ainsi que leur égalité. Pour cela, elle a considéré comme nécessaire d'envoyer des émissaires dans toute la France, afin qu'ils informent les municipalités des décisions prises concernant les départements. C'est ainsi que je suis émissaire dans le département du Doubs. Je dois, là-bas, aider les maires des communes à l'appplication des lois. En chemin, je passerai par l'Ile de France et la Bourgogne. Je ne sais combien de temps me prendra ce périple, ni quelles difficultés je rencontrerai. Dans tous les cas, je pense faire mon possible pour me conduire en bon patriote.

A ce propos, savez-vous que j'ai dû troquer ma culotte de soie et mon habit de velours contre des habits de "patriote": pantalon de toile à rayures rouges, frac plus court, agrémenté de larges revers sur lesquels sont étalées les couleurs de la Nation. Je porte aussi un chapeau rond, orné de la cocarde bleue, blanche et rouge, d'après l'exemple que donna il y a quelques mois Camille Desmoulins. Sans doute ne me reconnaîtriez-vous pas sous cet accoutrement que tout le monde porte ici. Les femmes arborent quant à elles une robe blanche à rayures rouges, et portent une cocarde tricolore sur leurs bonnets...

Na tendre amie, je pars dès demain. J'espère pouvoir vous envoyer de temps en temps un petit mot. Je ne saurais trop vous conseiller de cesser de m'écrire durant quelques mois. S'il arrivait que votre lettre s'égarât et tombât entre de mauvaises mains, je ne me le pardonnerais pas. Nos vies seraient en danger. Vous savez que les émigrés sont mal considérés, et que l'on regarde d'un mauvais oeil ceux qui correspondent avec eux. Rassurez-vous: je sais que votre silence ne sera pas le signe d'un manque d'amour, mais la preuve de votre sagesse et de votre patience. Jamais vous ne m'avez été aussi chère, et, quelque chagrin que j'éprouve d'être séparé de vous, il n'y a pas de jour où je ne me félicite de vous savoir en sécurité en Angleterre.

Bien à vous, pour toujours,

III:PPc I YTJE

BESANCON, LE 7 MARS 1790[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Me voilà donc en province. J'ai quitté Paris quelques jours après vous avoir écrit. Le voyage fut long et pénible. Les routes étaient encore enneigées par endroits, et il faisait trop froid pour que le cocher pût faire avancer les chevaux à une vitesse satisfaisante. Nous sommes passés par Rozay-en-Brie où l'on se bat pour que la ville soit le chef-lieu de Seine-et-Marne, à la place de Melun. Ceux qui soutiennent Melun sont néanmoins les plus nombreux, et il ne serait guère étonnant que Melun l'emportât finalement. En début d'après-midi, j'arrivai à Besançon. La ville est située dans un méandre du Doubs qui enserre les maisons dans un cercle presque clos; elle est entourée de collines boisées qui la surplombent de tous côtés. Elle possède -une étonnante citadelle qui, placée au somment d'une muraille rocheuse, semble -.verrouiller complétement la boucle du Doubs. La diligence entra par la porte Rivotte, puis s'arrêta sur une grande place devant une cathédrale. Là, je fus accueilli par le maire et un de ses adjoints. Celui-ci, nommé Charles Perrin, m'apprit que nous serions désormais amenés à travailler ensemble, et il me conduisit dans une maison rue des Granges. Là, au premier étage, il me montra une anti-chambre et une chambre qui, situées sur la droite de l'escalier principal, m'étaient destinées. Je remerciai et passai le reste de la soirée à me reposer. Le soir, je descendis dans la salle du rez-de-chaussée, où je pris mon repas en compagnie du sieur Perrin. Les jours suivants, je me rendis régulièrement à l'Hôtel de Ville où il était question des affaires du département. Je fus mis au courant des luttes féroces qui, dans certaines villes des alentours, opposaient deux partis différents. Il semblait urgent qu'une personne de l'extérieur, venue sur ordre de l'Assemblée, vînt enfin mettre de l'ordre dans ces luttes intestines. De plus il fallait, dans l'ensemble du département, tenter de réduire l'agitation et les troubles nés de la crainte d'une nouvelle disette et de réactions contre-révolutionnaires. Durant la journée, je règle des problèmes précis concernant l'élection d'une municipalité démocratique, la création de comités de milice, ou les dissenssions politiques notoires qui nuisent à la bonne marche des affaires municipales. Le soir, il m'arrive de souper en compagnie du maire, homme jovial et accueillant. Cependant, la vie est bien monotone, loin de mes amis et de mes habitudes de parisien. Je me sens quelquefois bien seul. Malgré ma solitude, j'espère que vous m'avez pardonné le silence que je vous impose. Je vous en conjure, gardez courage. Je ne vous répéterai jamais assez combien vous me manquez et combien vous êtes, pour toujours, ma bien-aimée. ie H I PPD.L YTE le =_t es ue

EASTBOURNE, LE 15 JUIN 1790[modifier | modifier le wikicode]

ve us Très cher Hippolyte, Depuis que vous m'avez écrit pour m'annoncer votre mission en province, je n'ai pas vécu un jour sans que mon coeur ne fût plongé dans l'inquiétude. 109 J'essayai bien de me raisonner, en me disant que vous n'aviez rien à craindre. Mais que d'angoisses vécues lors de ces derniers mois qui me semblèrent interminables! Ce matin, je me suis résolue à vous écrire enfin, pensant que vous recevriez cette lettre vers le ler Juillet. A cette date, vous serez certainement rentré à Paris! Depuis Février, je suis retournée une fois à Londres, où j'ai séjourné trois semaines. Il y a là-bas une véritable cour d'émigrés. Les plus riches fréquentent le West End. De l'autre côté de la Tamise, à Southwork, ce sont les nobles moins aisés. Enfin, les plus pauvres des émigrés ont élu domicile dans le quartier de Soho. C'est là une société cosmopolite qui reproduit la même vie opulente et mondaine que l'on menait à Versailles il y a quelques années encore. Les nobles émigrés, n'ayant aucune occupation lucrative, n'en cherchent pas pour ne pas déroger. N'ayant plus la possibilité d'assiter à de grandes fêtes ou de grandes cérémonies à l'étranger, ils se rendent visite les uns aux autres. En ce qui nous concerne, le problème de l'argent va se poser. Lorsque mon père est venu me rejoindre, il avait pris avec lui une certaine somme qui sera bientôt épuisée. Il s'est entretenu par courrier avec son notaire afin de vendre certains terrains que nous possédons sur les côteaux de la Bourgogne, non loin de Vézelay. Si le notaire a pu s'arranger pour les vendre à bon prix, nous n'aurons pas de problèmes pour vivre ici de façon convenable. Nous pensons même pouvoir louer un appartement à Londres. Cher Hippolyte, voilà que je parle maintenant de mon séjour en Angleterre comme s'il devait encore durer des années! Cependant, comme j'aimerais vous revoir! Vous savez combien je vous aime, et combien je serais perdue s'il vous arrivait malheur. Je vis dans l'attente de votre prochaine lettre...

MIL if

PARIS, LE 30 JUIN 1790[modifier | modifier le wikicode]

Très chère Emilie, Je suis rentré à Paris hier soir, et j'y ai trouvé votre lettre. Actuellement, les émigrés se trouvent dans une situation bien délicate. Ils sont haïs par le peuple, qui voit en eux les détenteurs des richesses voulant garder leurs privilèges malgré les décrets de l'Assemblée. Alors, quelle peut être votre attitude dans tout cela? Ne pensez-vous pas qu'il serait plus sage que vous rentriez en France? Dans ce cas, une fois rentrée, il vous faudrait faire quelques concessions, mais vous n'auriez plus de raison d'être inquiétée. Nous pourrions alors nous marier et, en tant qu'épouse d'un émissaire du gouvernement, vous seriez en toute sécurité dans cette France tourmentée... Chère amie, pensez à ce que je vous dis, et considérez que c'est là une sage décision. Parlez-en à votre père qui, sans doute, m'approuvera, s'il veut toujours le bonheur de sa fille. Je vous aime, HIFFQI YTE 110

PARIS, LE 15 JUILLET 1790[modifier | modifier le wikicode]

Très chère Emilie, Quelle mémorable journée nous vécûmes hier! La "fête de la Fédération" marqua la victoire du patriotisme français! Dès le mois de Juillet de l'année dernière, presque toutes les villes avaient créé leur Garde Nationale, formée de citoyens de leur commune. Pour accroître leurs forces, ces Gardes Nationales avaient décidé de se fédérer. La première Fédération eut lieu près de Valence. Les délégués de vingt localités y prêtèrent serment d'union et d'entraide pour la défense de la Révolution. L'Assemblée Constituante décida d'organiser à Paris une fédération nationale qui devait être le couronnement de toutes les fédérations disséminées dans la France. La date du 14 Juillet 1790 a été retenue, pour fêter le premier anniversaire de la prise de la Bastille, Dès le début Juillet, des milliers de volontaires avaient aidé aux travaux de terrassements et de maçonneries sur le chantier du Champ de Mars, pour préparer cette grande fête. Chaque jour, les volontaires se rendaient, avec fifres et tambours, à l'Ecole Militaire et chacun piochait, bêchait avec ardeur. Il fallait aménager un vaste amphithéâtre avec des tribunes pouvant contenir deux cent mille personnes. Enfin, le grand jour est arrivé. Je n'étais à Paris que depuis peu, et j'avais remarqué qu'il y régnait une effervescence inhabituelle. Près de quatorze mille gardes nationaux, venus de tous les départements, avaient rejoint la capitale. Le 13, le roi avait passé en revue les fédérés des départements, au pied du grand escalier des Tuileries. Malgré la pluie qui n'avait pratiquement pas cessé, de nombreuses personnes passèrent la nuit au Champ de Mars, de peur de ne pas trouver de place le lendemain. La procession se mit en route dès six heures du matin. Deux compagnies de volontaires ouvraient la marche, suivies du corps municipal, des électeurs et des présidents de district. Ensuite les quarante deux premiers départements suivaient, par ordre alphabétique, puis les troupes de ligne, gardes du corps, hussards, artillerie et marine. Les quarante et un derniers départements venaient enfin et une compagnie de cavalerie fermait la marche. Vers midi, place Louis XV, l'Assemblée se joignit à la procession. Vers quatre heures, nous assistâmes à un service religieux célébré par Talleyrand. Puis ce fut le moment du serment fédératif prêté par La Fayette, au nom de tous les Gardes nationaux du royaume: "Je jure d'être à jamais fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi, de maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi". A l'instant, les sabres furent tirés et les mains levées, sous les acclamations de la foule. La Fayette engagea le roi à prêter serment. La reine éleva plusieurs fois entre ses bras Monseigneur le Dauphin. La cérémonie était finie, et les spectateurs se dispersèrent, sous la pluie toujours battante qui n'avait pas amoindri l'allégresse de chacun. On nous dit que les fédérés allaient dîner au Château de la Muette où les rejoindrait Monsieur de La Fayette. Quant à nous, nous rentrâmes à Paris. Nous débordions de joie fraternelle. Nous dînâmes gaiement dans la salle du cabaret de la rue des Pavés, à quelques pas de chez moi. Chère Emilie, voici un jour glorieux que j'aurais tant aimé vivre à vos côtés. Au milieu de la fête, le sentiment de votre absence ternissait le plaisir que j'avais de me retrouver parmi une foule en liesse. A tel point que, hier soir, je n'ai pas eu le coeur d'assister au bal qui fut organisé place de la Bastille, sur les lieux où s'était élevée la forteresse. Je suis rentré chez moi après le repas, et j'ai commencé à vous écrire. Il est cinq heures du matin et le sommeil me gagne maintenant. Je vous retrouverai, chère amie, dans mes rêves, en attendant de vous serrer réellement dans mes bras. H I JE' JE' CJL.. YT.E 111

EASTBOURNE, LE 1ER AOUT 1790[modifier | modifier le wikicode]

Très cher Hippolyte, Je ne saurais vous dire combien vos deux dernières lettre m'ont soulagée! Ainsi, vous êtes rentré à Paris, sain et sauf. J'ai dit à mon père que vous me conseilliez de rentrer sans plus tarder. Fiais il hésite encore, ne sachant quelle décision prendre. Peut-être serait-il mieux que vous lui écriviez, pour lui faire entendre raison? Cher Hippolyte, je vous avais écrit que je comptais m'installer â Londres. C'est ce que nous allons faire bientôt, dès que l'argent que mon père attend nous sera parvenu. Nous serons en possession d'environ 80.000 livres, de quoi vivre agréablement et m'acheter des toilettes nouvelles. En Angleterre, les journaux laissent entendre que notre roi céde aux revendications de l'Assemblée contre son gré, une fois qu'il est mis devant le fait accompli. Four ma part, je ne suis pas opposée aux contraintes qu'impose la Révolution. Parmi les émigrés que j'ai rencontrés à Londres, j'en ai vu qui défendaient différentes idées. Certains revendiquent le retour à la division en trois ordres, rejettant les concessions faites par Louis XVI jusqu'à présent. Je trouve cette attitude excessive. N'est-il pas juste de penser qu'un retour en arrière ne peut jamais donner rien de bon? D'autres émigrés ont une attitude modérée et constitutionnelle. Comme eux, j'accepte l'abolition des droits féodaux. J'accepterai aussi que les honneurs et les places fussent équitablement partagées entre la Noblesse et le Tiers-Etat. Il existe aussi des émigrés libéraux, partisans de réformes audacieuses. Ceux-là, peu nombreux autour de nous, sont considérés comme des espions, observateurs efficaces qui rendent compte de l'avancement des idées démocratiques au sein des réunions d'émigrés. Enfin, il y a les indifférents, ceux qui se sont absorbés dans la société londonnienne qui les accueille, et qui en ont pris toutes les habitudes, ayant oublié de quel pays ils sont issus. Sans doute ceux-là sont-ils les plus heureux... Voilà, cher Hippolyte, les réflexions que je me suis faites au fil des mois, dans mon exil britannique... Sachez que je ne supporterai plus longtemps cet exil dans lequel je languis. Répondez-moi bien vite, EMIL I-

PARIS, LE 14 AOUT 1790[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, La situation des émigrés s'aggrave. L'Assemblée craint un complot, venu de l'étranger. Il paraît que le comte d'Artois, émigré à Turin chez son beau-père le roi de Sardaigne, organise un réseau de correspondances pour fomenter des complots dans les provinces. Il voudrait organiser une fuite de la famille royale en direction de Metz ou de Rouen. Les rapports des émigrés avec la France ont donc toutes les raisons d'être tendus. Les émigrés sont considérés comme des fuyards et des voleurs! Tel n'est pas votre cas, puisque vous fûtes en Angleterre avant les événements 112 de juillet de l'année dernière. Cependant, il est urgent que vous rentriez en France sans tarder. Je joins à cette lettre un petit mot pour votre père qui, je l'espère, se décidera à rentrer en France avec vous. Chère Emilie, n'oubliez jamais à quel point je vous aime, f I F'POL YTE

PARIS, LE 6 SEPTEMBRE 1790[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Vous ne m'avez toujours pas répondu. J'ose croire que ce n'est pas votre père qui vous interdit de correspondre avec moi! A Paris nous venons d'apprendre la démission de Necker. Dès Octobre 1789, il avait dO convenir que la politique qu'il menait en matière fiscale était un échec. En décembre, il y eut la mise en vente de quatre cent millions de biens d'église, payables en assignats. Malheureusement, les assignats, bons du trésor remboursables en terres au lieu de l'être en argent, ne se placèrent pas. L'assemblée décida de donner cours de monnaie à l'assignat sous forme de papier-monnaie. Mais il semble difficile d'éteindre la dette publique de cette manière. Les assignats, émis en trop grande quantité, perdent de la valeur. Un autre sujet d'inquiétude bouleverse la France: il s'agit de la Constitution civile du Clergé, qui a été votée le 12 Juillet afin de réorganiser l'Eglise de France. Désormais, les évêques et curés seront élus par les assemblées de départements ou de district, sans que confirmation soit faite par le pape. Cette façon qu'a l'Assemblée de dégager l'église de France de la tutelle de Rome n'est pas du goOt de tout le monde. Beaucoup de prêtres refusent de prêter serment, on les appelle réfractaires. Dernièrement, Paris a été divisée en 48 sections. Les assemblées de citoyens des sections discutent avec fièvre des affaires publiques. Un nouveau club, celui des Cordeliers s'est ouvert, fondé par l'avocat Danton. Il compte dans ses rangs Camille Desmoulins et le poète Fabre d'Eglantine, ami de Danton. Je me rends plus souvent au club des Jacobins où il m'arrive d'écouter Barnave, mais surtout Robespierre, Brissot et Piéton, qui défendent avec fougue les causes révolutionnaires. Dans ces journées que nous vivons, nous sentons qu'il existe un équilibre précaire entre le roi et l'Assemblée. Le roi va-t-il accepter de bon gré toutes les réformes à venir? Les révolutionnaires ne vont-ils pas tenter de relancer le mouvement populaire qui sommeille pour l'instant' Voilà bien des questions que je me pose presque chaque jour, en me rendant à mon travail: en effet, depuis que je suis rentré de province, j'ai obtenu un poste de secrétaire dans une commission chargée de l'application de la vente des biens nationaux. C'est un travail fixe et sûr, grâce auquel nous pourrions sans crainte, cher ange, fonder un foyer et vivre heureux ensemble. N'oubliez jamais, chère Emilie, qu'il ne se passe pas une journée sans que je souhaite que nous nous retrouvions enfin. H I F' F'OL YTE 113

LONDRES, LE 20 SEPTEMBRE 1790[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte, J'ai donné votre mot à mon père. Mais je crains qu'il n'ait très mal pris la chose, arguant qu'il n'était pas de votre ressort de le conseiller. Je pense que le mieux est donc, pour l'instant, de nous armer d'encore un peu de patience, et d'attendre un moment plus favorable pour nous rejoindre. Je ne voudrais en aucun cas fâcher mon père. Nous nous sommes installés à Londres, dans un hôtel retiré, sur la rive gauche de la Tamise. Nous en habitons le second étage. Le premier est occupé' par un retraité, ancien capitaine d'artillerie, pensionné par la Grande-Bretagne en raison de services rendus. Dans l'ensemble, la vie ici est agréable, car je peux assister à quelques spectacles, ce qui ne m'était pas arrivé depuis un an et demi. A Londres, nous assistons chaque soir à des représentations théâtrales, retrouvant d'autres émigrés. Cependant la vie londonienne n'a rien à voir avec le luxe qu'affichent, paraît-il, certains princes émigrés à Coblence. C'est d'ailleurs dans cette ville que les frères du roi fomentent une contre-révolution. Cher Hippolyte, que vous dire encore, sinon que je ne voudrais pas que ma destinée vous entraîne et vous perde. Le plus sage est que je ne vous écrive plus pendant quelque temps. Je ne voudrais pas vous voir courir le risque d'être inquiété à cause de moi. Malgré tout ce que notre position a de pénible, et bien que je tremble que mon courage ne s'affaiblisse, je compte sur notre amour pour me donner la force d'endurer cette épreuve. EMILIE

PARIS, LE 21 OCTOBRE 1790[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Votre lettre m'a désarmé! Ainsi, vous pensez qu'il vaut mieux retarder encore votre retour... Je ne sais si c'est la plus sage des résolutions. Quoiqu'il en soit, profitez, cher ange, des moments de bonheur que vous vivez! Ici, les séances de l'Assemblée se suivent, apportant chaque jour leur lot de nouveautés. La Constituante a pris, au fil des mois, une orientation moins libérale. Elle a refusé le suffrage universel proposé par Robespierre. Elle a créé un corps électoral de citoyens actifs qui, par le suffrage censitaire, limite les électeurs à des contribuables aisés et de gros propriétaires. On remarque, au sein même de l'assemblée, des divergences d'opinion: à droite du président, les députés voudraient maintenir un pouvoir royal fort; à gauche, Robespierre ou Pétion défendent des idées démocrates appuyées. Chère Emilie, je voudrais vous dire tout simplement que je vous aime et oser espérer qu'il en est de même pour vous, H I FPOL Y I 114

PARIS, LE 20 NOVEMBRE 1790[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, L'hiver approche et, avec lui, la tristesse des jours plus courts. quotidiennement, je vais à mon travail. Je n'ai garde de négliger de me rendre A l'Assemblée pour écouter les discours. Mirabeau possède toujours la même verve qui fait de lui un tribun très écouté, même si les auditeurs ne sont pas toujours d'accord avec ses propositions. Il y a un mois, il défendit avec une ardeur toute révolutionnaire la proposition de substituer le drapeau tricolore au drapeau blanc sur la flotte nationale, Dans un autre discours, il s'est opposé à Barnave, à propos du droit de faire la paix ou la guerre. Finalement, l'assemblée n'accorda au roi que le droit de proposer la paix et la guerre au suffrage du corps législatif. Les discours des députés sont prometteurs de changements humanitaires. En les écoutant je suis rempli d'ardeur révolutionnaire. Dans ces moments de joie, comme dans mes moments de tristesse, vous êtes, mon cher ange, présente éternellement dans mon coeur. H I F' JE c I YTE

PARIS, LE 10 DECEMBRE 1790[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Il paraît que Louis XVI a envoyé, le 3 décembre, une lettre au roi de Prusse, dans laquelle il demande un congrès européen des puissances. Le roi a pour émissaire spécial monsieur de Breteuil, son ancien ministre. Il cherche par tous les moyens à s'échapper de l'emprise de l'Assemblée. Il se serait même écrié récemment: "J'aimerais mieux être roi de Metz que de demeurer roi de France dans une telle position, mais cela finira bientôt!". Qu'entend-t-il par là? 0I1 semble qu'il refuse désormais toute entente avec l'Assemblée! Mais alors, pourquoi s'obstine-t-il à cautionner officiellement ses actes? N'y a-t-il pas là-derrière quelque intention cachée, par laquelle le roi s'apprêterait à reconquérir le trône? Certains, autour de moi, tremblent à cette idée, et sont bien décidés à ne pas laisser faire le roi et ses alliés, J'espère que l'on pourra trouver un arrangement qui puisse satisfaire chacun... Adieu, mon amie. Je prie pour que que l'orage qui menace la France ne vous atteigne pas dans votre exil. Je vous embrasse tendrement, HIFFc)L,YYI 115

LONDRES, LE 24 DECENBRE 1790[modifier | modifier le wikicode]

Mon Hippolyte adoré,

En ce jour de Noël, je ne peux m'empêcher de vous écrire. Tout à l'heure, je me suis souvenue de la journée que nous passâmes ensemble dans la campagne enneigée, dans une grande turgotine qui nous avait emmenés sur les bords gelés de la Loire. Vous rappelez-vous comment, serrés l'un contre l'autre, nous avions ri à la vitesse que prenait la voiture malgré le froid, et au vent qui nous giclait au visage? Vous rappelez-vous également la petite auberge dans laquelle nous déjeunâmes, d'une soupe, d'une poule faisane et d'un pichet de vin rosé?

Comme ce temps de bonheur est bien loin maintenant! Ce soir, j'étais invité à un grand dîner, oÙ l'on fit bombance: bisque d'écrevisses, canetons, truffes, asperges, pommes à la Charlotte, et puis compotes de poires et de cerneaux. Il semble que le temps de la Révolution n'atteigne pas de ses restrictions les hauts lieux de la société anglaise!

Hélas, j'ai du mal à participer sans arrière-pensée à ses festivités. Sans compter qu'un vague malaise règne tout de même dans la société londonienne où les émigrés s'inquiètent. Cher, très cher Hippolyte, sans cesse, je pense à vous et je voudrais vous dire combien je suis à vous pour toujours,

.EM I .L I .E

PARIS, LE 2 JANVIER 1791[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Je ne peux laisser passer le temps de la nouvelle année sans vous écrire. Je vous invite à oublier la tristesse de notre séparation. Je ne souffrirais pas que vous fussiez malheureuse. Mon bonheur sera d'autant plus grand que je vous saurai heureuse et rayonnante à Londres. Vous êtes, par votre jeunesse et votre beauté, la force qui me donne envie de vivre. Adieu, chère Emilie. Je vous aime, .HI F' F'OLY~E

LONDRES, LE 18 JANVIER 1791[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte, Vous avez raison: il me faut vaincre la tristesse et la mélancolie. Cependant, je ne prends guère de plaisir dans les fêtes et les grands dîners qui sont donnés ici. Je préfère les soirées entre amis. Hier, je me trouvai en compagnie d'une vielle dame qui me parla littérature. Elle m'a donné à lire "Le château d'Otrante", d'Horace Walpole. Il fut, vous le savez certainement, l'ami de Madame du Deffand, avec laquelle il échangea de nombreuses lettres à la fin de sa vie. Son roman m'a fait frémir. Il traduit des sentiments funèbres et macabres, mais qui correspondent au courant de pensée qui règne sur notre société agonisante, épuisée et lasse. Cher ami, en vous écrivant, je gofte la satisfaction de vous dire bonheur que j'ai de vous aimer, pour toujours, EM I L in 117

PARIS, LE 30 FEVRIER 1791[modifier | modifier le wikicode]

Emilie bien-aimée, Le 20 de ce mois, une nouvelle a bouleversé l'Assemblée: "Mesdames sont parties!". En effet, les tantes du Roi, Mesdames Adélaïde et Victoire, quittèrent Paris pour Rome. A Paris, on eut peur d'une invasion de la France par les soldats autrichiens et piémontais, prévenus par Mesdames. On eut peur aussi d'un projet de fuite du roi, et on décida d'empêcher les départs d'autres membres de la famille royale. Le 24, Mesdames ont été arrêtées à Arnay-le-Duc. L'Assemblée a eu, dans cette affaire, plus de peur que de mal, mais cela a contribué à notifier l'urgence de décisions à prendre en ce qui concerne l'émigration. Le débat a commencé le 28. Le Chapelier devait faire lecture de son projet de loi sur les émigrations, au nom du comité de constitution dont il est rapporteur. Mais il n'en a rien fait. Tous les députés semblent reculer. Robespierre parle de "l'impossibilité et des dangers d'une telle loi", qui apparaît dangereuse pour la liberté. Mirabeau considère "qu'aucune loi sur les émigrants ne lui paraît pouvoir se concilier avec les principes de la Constitution". Le projet de loi contient trois articles punissant les rebelles de la déchéance de la citoyenneté française et de la confiscation de leurs biens. Comment accepter cette loi comparable à une "inquisition dictatoriale", selon le mot de Mirabeau? Finalement, le projet ne fut pas enterré definitivement, mais ajourné. Chère Emilie, ces nouvelles m'ont effrayé! Vous ne pouvez plus vous permettre de rester à l'étranger! Trop de conséquences pour votre avenir en dépendent! La confiscation de vos biens, par exemple, entraînera la ruine immédiate de votre père, et par conséquent, votre malheur aussi. Emilie, je vous en supplie, essayez de faire entendre raison à votre père! Je crains que le projet de loi ne soit bientôt remis à l'ordre du jour, puis adopté par l'Assemblée. Revenez vite en France: je vous y accueillerai les bras ouverts, nous nous marierons, et vous ne craindrez plus rien des violences populaires contre les aristocrates. Revenez, cher ange, notre bonheur en dépend. votre IiIPPJL,YT.E

LONDRES, LE 20 MARS 1791[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte,

Merci, merci de m'avoir mise au courant de la situation dans laquelle ne manqueront pas de se trouver les émigrés. Je vous remercie doublement, car mon père fut, cette fois-ci, sensible à votre argument. De plus, il sait combien nous nous aimons. Ainsi, les choses s'arrangent. J'espère que nous pourrons rentrer en France sans être inquiétés. Nous pensons rejoindre directement La Flèche, o nous avons toujours notre résidence d'été. Nous nous y reposerons un peu, le temps de voir si les événements tournent ou non en notre faveur. Je retrouverai avec plaisir notre vieille demeure familiale, au bord du Loir. Elle est tellement enfouie dans la végétation qu'on peut y vYvre à l'abri des indsicrétions et que l'on pourrait, le cas échéant, s'y cacher quelque temps.

Cher Hippolyte, je suis contente que mon retour soit enfin si proche. :utile de vous demander de ne plus m'écrire pour l'instant. Attendez d'avoir mes nouvelles. J'espère que, la prochaine fois que je vous écrirai, ce sera gour vous annoncer ma venue à Paris où je pourrai enfin, cher amour, me serrer ±ans vos bras.

EMII I.E

LA FLECHE, LE 18 AVRIL 1791[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte,

Nous venons, enfin, d'arriver à La Flèche. Malheureusement, nous n'avons plus qu'un domestique, et nous n'espérons pas en trouver d'autres. Par les temps qui courent, plus personne ne veut servir les aristocrates. Il faudra donc que, mon père et moi, nous nous contentions de l'aide de notre fidèle Lisette. Cette solitude que nous allons vivre à la résidence est, sommes toutes, bienvenue. C'est un gage de discrétion.

Cher Hippolyte, la première nouvelle que j'ai lue dans les journaux français en rentrant est celle de la mort de Mirabeau. Comme vous devez être triste d'avoir perdu celui qui était votre ami, même si vous ne partagiez pas toujours ses opinions!

Je vous annonce mon retour à Paris pour le 7 mai, c'est-à-dire dans un mois. J'aimerais faire tout mon possible pour vous revoir le jour de votre anniversaire. Notre rencontre serait pour vous le plus beau des présents. Le voyage en diligence prenant presque trois jours, je pense que nous partirons le 4 mai. Nous devrions arriver le 6 après midi.

A bientôt donc, à très bientôt mon tendre ami,

EMIL IE

LA FLECHE, LE 25 JUIN 1791[modifier | modifier le wikicode]

Mon cher amour,

Comme mon père avait raison d'être inquiet, et de penser que la place des aristocrates n'était plus dans cette France qui les rejette! Aujourd'hui, me revoilà à La Flèche, oü nous sommes tout de même plus en sécurité qu'à Paris, surtout après ce qui vient de se passer. Ainsi, les rumeurs étaient fondées, qui craignaient la fuite du roi vers l'étranger. Nous sommes partis si vite l'autre jour en apprenant la nouvelle que nous n'en avons su les détails qu'en arrivant ici. La famille royale s'est donc enfuie des Tuileries dans la nuit du 20 au 21, par une porte non gardée. Les souverains pensaient, parait-il, gagner la frontière, en direction des Pays-Bas autrichiens. Or, c'est à Sainte-Ménehould que le roi, cependant déguisé, a été reconnu par le fils du maître de poste. La famille royale fut ensuite arrêtée à Varennes-en-Argonne, et ramenée en cortège à Paris par trois émissaires de la Constituante, au milieu d'un peuple silencieux aux regards chargés de haine. Mon dieu, comme cette fuite du roi fut maladroite! Je ne sais ce qui serait advenu si elle eût réussi! En cas d'échec, comme cela fut le cas, elle ne pouvait qu'attirer sur le souverain la foudre et la colère de tous les partis. Le peuple a eu peur qu'une invasion militaire suive cette tentative de fuite. Nous craignions, de notre côté, un armement massif des gardes nationaux dont nous vîmes déjà les premiers mouvements à Chartres, Bellême et Le Mans, villes que nous traversâmes pour rentrer. D'après les journaux, nombreux !sont maintenant les partisans qui demandent la déchéance du roi. Crois-tu, mon cher amour, que cela soit possible dans un proche avenir?

Quoiqu'il en soit, nous avons passé à Paris deux mois si merveilleux que leur souvenir nous fera supporter avec plus d'indulgence les prochaines semaines. Te dirai-je jamais assez combien je fus heureuse de me serrer dans tes bras, le 7 Mai dernier, lorsque nous nous revîmes enfin? Saurai-je t'exprimer la joie que j'eus de te revoir chaque soir, puis celle de voir grandir entre mon père et toi un sentiment de bonne entente qui me réchauffa le coeur? Enfin, je me souviendrai toujours de ce soir du 20 Mai, lorsque tu m'annonças que tu avais tout préparé pour que notre mariage pût être célébré dans les plus brefs délais. Evidemment, nous n'eûmes pas la joie d'un mariage somptueux, à la vue de tous. Notre mariage fut secret, bien que très officiel. Je pense aujourd'hui que tu étais raisonnable lorsque tu me fis comprendre que devenir baronne en un pareil moment n'était pas un avantage. Cest donc pour toi que j'ai accepté de devenir tout simplement, Emilie Lomont, faisant fi de la "baronne de La Jonquière", qui n'existera sans doute jamais! Nos enfants ont perdu le droit de s'enorgueillir un jour d'un titre de noblesse! Mais l'essentiel n'est-il pas que nous soyons unis à jamais"?

Mon cher époux promets-moi de venir me rejoindre à La Flèche dès que tes occupations professionnelles pourront te laisser quelque temps libre? Je t'aime et je t'embrasse,

E14IIL,IE

LE 10 JUILLET 1791[modifier | modifier le wikicode]

Ma chère femme, Tu as bien fait de retourner à La Flèche après la fuite et l'arrestation du roi.. Cet événement a fait naître dans les coeurs une haine de la monarchie qu'il sera difficile de faire taire maintenant. Dans la rue comme à l'Assemblée, les idées républicaines se multiplient, défendues principalement par les Cordeliers. La république fait peur aux bourgeois qui craignent de voir les idées démocratiques prendre de l'ampleur. A l'Assemblée, la loi sur l'émigration a été votée. Elle soumet à une triple imposition "tout Français hors du royaume qui ne rentrera pas dans le délai d'un mois à compter de la publication du décret". Je me félicite de t'avoir fait revenir en France à temps. Je t'enverrai d'autres nouvelles prochainement. Et puis j'essayerai, dès que possible, de te rejoindre à La Flèche. Je ne passe pas un jour, pas une heure sans penser à toi, à tes grands yeux bleus qui savent si bien me parler d' amour, H 11'FOL YTE 120

PARIS, LE 20 JUILLET 1791[modifier | modifier le wikicode]

Ma très chère Emilie, Plus le temps passe, plus je suis aise de te savoir à l'abri, loin de Paris. En effet, il s'est passé hier des événements dont l'horreur n'a pas d'égal. Je vais t'en conter l'essentiel, en taisant les détails sordides qui bouleverseraient ton coeur sensible. Depuis l'arrestation du roi, beaucoup de mouvements se sont faits à l'Assemblée. Certains députés, révoltés par son attitude, demandent sa déchéance et l'instauration d'une République. D'autres redoutent une dictature populaire, et veulent s'appuyer sur la constitution. Dans leur ensemble, les révolutionnaires demandent le jugement du roi, qu'ils considèrent comme "traître à la Nation". Un groupe, composé en partie de Cordeliers, est venu déposer sur l'autel du Champ de Mars une pétition, demandant l'organisation d'un nouveau pouvoir exécutif. Alors ont eu lieu des événements graves et violents, contraires aux idées défendues par la Déclaration des droits de l'homme: deux vagabonds, découverts endormis sous l'autel, ont été assassinés par la foule. Apprenant cet incident, les députés firent aussitôt décréter la loi martiale, interdisant tout attroupement. Un détachement de la Garde Nationale se chargea de disperser la foule. Malheureusement, une bagarre s'ensuivit. D'après ce que je sais, une cinquantaine d'émeutiers en auraient été les victimes. J'ose à peine te dire la consternation qui s'est peinte sur les visages quand cette scène atroce a été éventée. Depuis, Danton s'est réfugié en Angleterre et Marat se cache. Ces deux-là ont peur d'être considérés comme les meneurs du massacre du Champ de Mars. Quand je vois de telles horreurs se passer presque sous mes yeux, je crains que cela ne dégénère en un massacre général, en une suite d'actions violentes et incontrôlables. Pourquoi fallait-il que tout cela arrivât? Je t'aime, cher ange et j'aurais souhaité que la vie amoureuse que nous menâmes en mai et juin dernier à Paris durât pour nous l'éternité! Pour l'instant, ne t'inquiète pas pour moi, ma vie n'est pas en danger. Je t'embrasse, t c ri H 1 F' F'CI)L YTE

LA FLECHE, LE 28 JUILLET 1791[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte, Ce que tu m'apprends sur les événements du 17 Juillet est bien inquiétant en effet. J'en ai lu les détails dans "L'Ami du Roi". Connais-tu ce journal? Mon père le reçoit depuis notre retour en France. C'est un journal de quatre pages, sous-titré: "L'ami du Roi, des français, de l'ordre et surtout de la Vérité". En épigraphe, on peut lire une phrase qui fait référence à Louis XVi: "Je l'aimai tout-puissant, malheureux je l'adore". C'est là l'opinion actuelle de mon père, qui est toujours profondément royaliste. Il n'est pas prêt d'oublier les insultes reçues par la famille royale le 20 juin dernier. Quart à moi, je ne sais plus au juste ce que je dois croire. L'attitude de notre roi 123 laisse à penser qu'il n'est pas assez fort pour gouverner de concert avec l'Assemblée! Il doit espérer quelque événement qui, venu de l'étranger, lui permettrait de reprendre le pouvoir... Je crois savoir ce que tu penses: les informations données par "L'ami du Roi" ne suffisent pas à nous tenir informés, car les articles y sont nécessairement royalistes. L'abbé Royou, qui en est le rédacteur principal, met constamment en garde ses lecteurs contre le danger de la "glèbe de la :société", dans les mains de laquelle risque de tomber le pouvoir. D'après ce qu'on dit, il existe beaucoup de journaux à Paris. Peut-être pourras-tu m'en apporter d'autres, lorsque tu viendras? Ici, il fait très chaud, et j'apprécie le calme des grandes pièces froides, presque vides, dans lesquelles je cherche un peu de fraîcheur. Cependant, je m'ennuie, n'ayant pas d'amie pour me distraire et n'osant sortir en ville, de peur d'y faire des rencontres fâcheuses. Seule Lisette se rend à La Flèche pour faire quelques courses, car nous continuons à être prudents. Cher époux, je t'attends avec impatience, en te vouant tout mon amour, EMI.L, I E

PARIS, LE 6 AOUT 1791[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Tu as raison de penser que je ne lis pas "L'Ami du Roi": j'afficherais ainsi des idées monarchistes qui ne s'accorderaient pas avec la charge que j'occupe. Cependant, comme les journaux ne manquent pas à Paris, j'en lis régulièrement quelques uns. Il m'arrive d'en écouter la lecture chez les cafetiers qui ont l'habitude de lire, devant les clients attablés, la feuille du jour qui vient d'arriver. Dans ces lieux publics se trouvent surtout "Le patriote français", gazette libre, et "Les révolutions de Paris" qui proclame: "Les grands ne nous paraissent grands que parce que nous sommes à genoux... Levons-nous!". Je lis aussi "L'ami de la Constitution" duquel je suis souscripteur. Je n'apprécie guère le journal de Marat, dont les textes sont imprégnés d'une violence qui me répugne. Je n'aime pas non plus "Le père Duchesne", journal d'Hébert, où la vulgarité qui veut flatter le peuple m' agace profondément. Beaucoup de ces journaux ont des réseaux d'informateurs à l'étranger qui leur permettent d'avoir des nouvelles rapidement. En ce moment d'ailleurs, les nouvelles venues de l'étranger sont mauvaises. Les émigrés prépareraient un soulèvement, La révolte viendrait de Coblence et de Worms où le Prince de Condé a constitué une petite armée, gonflée dans ses effectifs par les officiers qui ont émigré. A Paris, l'Assemblée a peur de la guerre, qui devient l'objet de toutes les conversations. Le 4 aôut une première levée de volontaires a été décrétée. Les assemblées départementales choisissent dans leurs rangs de gardes nationaux des hommes de bonne volonté qui viendraient renforcer l'armée de ligne. Dans certaines communes, les levées de volontaires se sont faites spontanément. Cependant, il est à craindre que, dans d'autres endroits, les notables ne forcent la main des volontaires! Chère Emilie, je ne connais encore rien de mon sort pour l'instant. Si la situation s'aggrave, peut-être serai-je obligé de m'engager. Je t'écrirai dès que j'aurai d'autres nouvelles. Je t'embrrasse. Ii I FFc.L YTE 124

LA FLECHE, LE 31 AOUT 1791[modifier | modifier le wikicode]

Hippolyte bien-aimé, J'ai appris ce matin, toujours par les gazettes, qu'une déclaration avait =_ë faite par les princes étrangers réunis à Pillnitz. Le roi de Prusse, empereur d'Autriche et l'électeur de Saxe, rejoints par le comte d'Artois, :nt lancé une déclaration. La France est à leurs yeux "un objet d'intérêt :cmmun pour tous les souverains de l'Europe", Les princes étrangers affirment :u' ils vont agir promptement en faveur de Louis XVI. Mon amour, faut-il -'attendre à un grand conflit? D'après "l'Ami du Roi", il règne .à Paris un climat de stabilisation, mais cela n'est-il pas trompeur? Ne doit-on pas y -:cir l'apaisement avant la tempête? J'ai lu aussi que, depuis le 16 juillet, la presque totalité des députés 'acobins ont déserté le club, à l'exception de Robespierre, Pétion et quelques autres. Les députés qui s'en allaient se sont installés au couvent des Feuillants, où sont venus les rejoindre environ 1800 sociétaires parisiens. Tu ne m'as pas parlé de ce nouveau parti qui a pris le nom de "Feuillant". Qu'en menses-tu? N'es-tu pas d'accord avec la tendance conservatrice que ces gens-là féfendent? D'après eux, la révolution est finie. Plût au ciel qu'ils disent vrai! Quoi qu'il en soit, je suis bien aise d'apprendre que le club des :acobins a subi un échec en voyant ses adhérents se raréfier. Les idées trop révolutionnaires des Jacobins m'effrayent! Mon cher amour, je m'ennuie loin de toi! Je t'embrasse, en espérant ton zrcchain retour, EMILIE

PARIS, LE 14 SEPTEMBRE 1791[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Le roi a sanctionné l'acte constitutionnel qui vient d'être achevé. Un texte définitif lui avait été porté dans les premiers jours de Septembre. Il l'a lu pendant huit jours, étudiant, à ce qu'on en a dit, tous les paragraphes avec soin. Aujourd'hui, le roi s'est rendu à la salle du Manège où un fauteuil lui avait été préparé à gauche de celui du président Thouret. Le trône royal avait disparu, ce qui déplut apparemment à Louis XVI. Dès le début de la lecture de son serment de fidélité, il s'aperçut que les députés s'étaient assis et avaient mis leurs chapeaux. Il parut indigné devant un tel manque d'étiquette, mais il sut garder contenance et s'assit, se coiffa également avant de poursuivre son discours. Il fut applaudi avec ferveur, mais je suis persuadé qu'il n'est pas près d'oublier l'insulte qu'il a subie. Après tout, Louis XVI est descendant d'Henri IV et de Louis XIV! Il possède une conception ancestrale de la France monarchique. De ce fait, certains décrets 125 révolutionnaires qui défendent l'égalité entre les personnes doivent lui paraître inadmissibles! Malgré cela, le roi est accalamé partout, ainsi que la reine à qui pareille ovation n'avait pas été faite depuis longtemps. Je crains malheureusement que cela ne dure pas! Louis XVI n'a accepté qu'à contre-coeur la nouvelle constitution. Elle comporte plus de deux cent articles. Elle est précédée de la Déclaration des Droits de l'Homme, de l'esprit de laquelle elle s'inspire largement. Désormais, les pouvoirs appartiennent à la Nation, qui les délèguent à une assemblée unique appelée Assemblée Législative, et au "roi des Français". Le roi gouverner avec six ministres, responsables devant lui seul, Je suis bien aise que le travail de l'Assemblée Constituante soit fini. Cela va me libérer de ma tâche de secrétaire, et je pourrai, enfin, te rejoindre. Les constituants ont décidé qu'aucun des députés sortant rie pourrait se faire réélire à la nouvelle assemblée. Quant à moi, je serai libre bientôt. Je dois cependant attendre la dernière séance du 30 Septembre. Après cela, si tout va bien, je serai en route pour La Flèche où je sais que tu m'attends avec impatience, £IFFCJLYYE

PARIS, LE 6 MAI 1792[modifier | modifier le wikicode]

Très chère Emilie, J'ai bien fait de retourner A Paris, après que nous ayons appris la nouvelle de la déclaration de guerre à l'Autriche. J'ai retrouvé Martin, mon officieux qui m'avait régulièrement fait suivre mon courrier. Durant les sept mois de mon absence, l'Assemblée Législative s'est mise en place. A droite siège le parti Feuillant dont les membres sont des modérés. A gauche siège le parti Jacobin, favorable à plus de réformes. Et, au centre, siège le parti Indépendant, Pétion de Villeneuve, avocat, membre du club des Jacobins, a été nommé Maire de Paris en juin 1792. Puis un ministère Feuillant e été instauré. Il est formé d'hommes aux opinions modérées, partisans de la paix. La. question de la paix et de la guerre est plus que jamais à l'ordre du jour. Robespierre désapprouve la guerre lui aussi, mais il semble bien qu'il soit l'un des seuls du club jacobin à défendre cette opinion. Il est persuadé que les chefs de l'armée ne peuvent que trahir la Révolution, et il craint une dictature militaire. Au contraire, beaucoup d'esprits en France pensent que, en étendant la Révolution à l'Europe, la guerre la consolidera définitivement. Cette opinion est défendue hardiment par Brissot, Celui-ci, ancien jacobin, s'oppose à Robespierre. Avec Vergniaud, Brissot est l'un des principaux membres du parti des Brissotins, aussi appelé parti Girondin. L'avenir dira qui a raison. Mais crois-tu que la guerre soit une solution souhaitable pour un pays qui a déjà des difficultés intérieures à règler, comme ce manque d'approvisionnement en sucre et en café qui s'est abattu sur Paris dès la fin de Janvier de cette année? Début mars, on apprit la mort soudaine de l'empereur d'Autriche Léopold, frère de la reine Marie-Antoinette, prince conciliant et brave. Son fils François, qui lui succède, est agressif. Il soutient les princes allemands d'Alsace, vassaux du roi de France, qui protestent contre l'abolition des droits féodaux. François II veut également la restitution d'Avignon au Saint-Siège, Il y a là deux bonnes raisons pour que la guerre devienne bien réelle, malgré les démarches pacifiques du ministre des affaires étrangères. Celui-ci a été accusé injustement par Brissot de trahison, ce qui a entraîné

126 __ démission du ministère feuillant. A partir de ce moment, un durcissemer.= s et opéré dans la manière de mener les affaires de la France. Un ministère girondin fut nommé: Roland est devenu ministre de l'Intérieur, Glavière _nistre des Finances, Dumouriez ministre des affaires étrangères. Ces n:stres-là veulent la guerre avant toutes choses. J'ai décidé de me .joindre à l'armée maintenant. J'accomplirai mon devoir patriote à l'occasion de la levée en masse de volontaires nationaux ~=crétée hier, Je me suis rendu au bureau de recrutement de ma section. Je me s_:s porté volontaire comme lieutenant de cavalerie. Je serai rapidement _nvzVé à la frontière du Nord. Emilie, la France a besoin d'hommes, et j'espère que tu comprends qu'il Serait malhonnête aujourd'hui de reculer, de ne penser qu'à notre bonheur. Le -_ps presse, car la situation à la frontière semble catastrophique. zassure-toi, je ferai un détour par La Flèche avant de monter vers la =='_gique. A bientôt donc, ma chère femme. Pensons à l'avenir de notre pays, que

us devons sauver des mains de l'ennemi.

LA FLECHE, LE 24 JUIN 1792[modifier | modifier le wikicode]

Mon cher et tendre époux, Depuis ton départ, je n'ai cessé d'hésiter entre deux attitudes: le ='agrin de te savoir loin de moi, affrontant des dangers qui me sont inconnus; e: puis la fierté de reconnaître en toi une âme noble qui décida de répondre à 'appel de la patrie. Dans mes moments de mélancolie, il m'arrive de penser :-'il est injuste que tu sois parti, puisque les hommes mariés sont dispensés ~e la levée en masse. Hippolyte bien-aimé, je tremble pour toi car je sais, depuis peu, que le sort d'une nouvelle vie est entre nos mains. Oui, mon cher époux, Dieu a bien ::ulu bénir notre union: je vais mettre au monde un enfant. Ce petit être =a~tra au début du mois de Février. Je souhaite que, d'ici là, le calme soit revenu en France et sur les frontières, et que notre petit naisse dans la paix et dans la joie de nos coeurs réunis. Cher Hippolyte, j'aimerais que, à l'idée de te savoir bientôt père, tu sais rempli d'une invincible volonté de vivre, EMILIE PS: J'envoie cette lettre sur le front de l'armée du Nord, en espèrar.t pue le courrier suivra.

LA FLEGME, LE 21 JUILLET 1792[modifier | modifier le wikicode]

Mon cher Hippolyte, Je n'ai pas eu de tes nouvelles depuis que tu es parti. J'espère cependant que tu as reçu la lettre dans laquelle je t'annonçais que nous allions avoir un enfant. Dans ce cas, cette nouvelle n'a pu te laisser indifférent, et cela me rapproche de toi, même si tu ne peux me répondre tout de suite. Ne sachant de quelle façon vous êtes informés, je vais te donner des nouvelles de France. Le 27 mai, l'Assemblée a décrété la déportation des prêtres réfractaires, et le 4 juin un projet de levée de vingt mille fédérés. Or, le roi opposa son veto à ces deux décrets dès le 11 juin. Le lendemain, le ministère girondin fut congédié. Toutes ces circonstances poussèrent le peuple parisien à envahir les Tuileries, le 20 juin, pour demander au roi le retrait de son veto. Les parisiens avaient choisi cette date pour fêter l'anniversaire de la séance du Jeu de Paume. Ils défilèrent aux Tuileries devant le roi en portant des piques, et en criant: "Point de veto! Rappelez les ministres!". Le roi accepta de coiffer le bonnet phrygien. On dit même qu'il but à la santé de la Nation. Malgré ces concessions, le roi refusa de céder aux menaces et il dit: "Je ferai ce que la Constitution m'ordonne de faire." Même la reine et le Dauphin furent humiliés ce jour-là, car les émeutiers défilèrent aussi dans les appartements royaux. Cette émeute eut d'abord des conséquences inattendues, amenant, dans les provinces, un retournement d'opinion populaire en faveur du roi. Cependant, le peuple des faubourgs parisiens ne décolérait pas. De partout, arrivaient des "sans-culottes", hommes du peuple, ayant remplacé la culotte par des pantalons de bure rayée, portant des piques et des bonnets rouges. Depuis le triste evénement des Tuileries, la plupart des nouvelles qui nous sont parvenues ont trait à la guerre, et je tremble chaque fois en les lisant. Nous avons appris que la Prusse, alliée de l'Autriche, concentrait des troupes en vue d'une prochaine invasion par le Nord. Le 11 Juillet, voyant croître les périls, l'Assemblée a proclamé "la Patrie en Danger". J'ai, à cette occasion, beaucoup pensé à toi. Je me disais que, même si tu n'étais pas parti lors de la levée de volontaires du 5 Mai, tu n'aurais pas pu résister au besoin de répondre au dernier appel de l'assemblée. En une semaine, quinze mille soldats ont afflué de tous côtés pour se faire enrôler. Un ami de mon père, venu récemment nous voir depuis Paris, raconte qu'on a dressé sur les places publiques des estrades improvisées drapées des trois couleurs. Les maires et les officiers municipaux y prennent place au son du tambour. Les volontaires défilent pour s'engager. Tout le monde est débordant d'élan patriotique. On trouve, parmi ces volontaires, non seulement des citoyens aisés et actifs, mais aussi des citoyens passifs mêlés aux bourgeois. Tu dois savoir mieux que moi comment l'armée de la révolution est bigarrée! Enfin, je voulais te parler de l'arrivée des fédérés à Paris. Malgré le veto du roi, l'assemblée a en effet engagé les fédérés des provinces à gagner la capitale. Des contingents entiers sont arrivés, décidés à demander la déchéance du roi. On dit que les fédérés Marseillais sont les plus virulents et qu'ils sont montés en entonnant un certain "Chant de guerre pour l'armée du Rhin". Cette chanson, composée par le jeune capitaine Rouget de Lisle, est appelée depuis juillet "Xarseillaise", en l'honneur des fédérés marseillais qui la chantent sur toutes les routes. Je suppose que ce chant nouveau est également entonné par les soldats des armées du Nord! Mon cher Hippolyte, je te quitte en espérant recevoir de tes nouvelles. Je te confie tout mon amour, ainsi que celui de notre enfant à naître, EM I L I .E 128

MAUBEUGE, LE ler AOUT 1792[modifier | modifier le wikicode]

Ma très chère Emilie, J'ai bien reçu tes deux lettres, avec du retard bien entendu. L'essentiel est que le service des postes ne tienne pas les soldats éloignés du reste de .eur famille. Quelle joie m'as-tu faite en m'annonçant la naissance prochaine :e notre enfant! J'espère de tout mon coeur pouvoir rentrer à temps pour cet _ :ënement.. En mai dernier, lorsque je t'ai quitté, je suis monté, avec un régiment e cavalerie, dans le Nord de la France. Là, nous nous sommes trouvés aux environs de Lille, sur les traces du malheureux général Dillon. Non loin de notre cantonnement, il y avait le quartier général de La Fayette. C'est donc :ans le Nord que nous apprîmes les événements du 20 Juin. Cela suscita indignation de la majeure partie des soldats et des officiers. Les différents corps d'armée écrivirent des lettres de protestation et :'indignation, que La Fayette arrêta par respect pour la constitution. Il préféra quitter son poste et se rendre à l'Assemblée afin de demander le châtiment des fauteurs de troubles du 20 Juin. Malheureusement, on dit que la démarche de La Fayette ne fut pas appréciée par l'assemblée, ni par la Reine, _ui ne voulait pas lui être redevable de quoi que ce fût. Une autre nouvelle a récemment fait beaucoup de bruit dans les troupes: 4-1 s'agit du manifeste que le commandant en chef des armées ennemies, Brunswick, a lancé le 25 Juillet. Nous en avons pris connaissance aujourd'hui. C'est la menace de livrer Paris à une destruction totale si un nouvel outrage est fait au roi et à la famille royale. On dit, dans les rangs de l'armée, que ce manifeste ne fut pas écrit par Brunswick lui-même, mais par un émigré réfugié en Autriche. Je veux bien croire cette opinion qui tendrait à prouver que les émigrés, s'appuyant sur les troupes ennemies, sont plus que toujours actifs. Je ne sais quel retentissement aura ce manifeste dans les rues parisiennes et à l'assemblée, mais j'ai bien peur qu'il ne soulève un vent de colère qu'il sera difficile de maîtriser! Tu me parles aussi des fédérés marseillais entonnant le "Chant de guerre de l'armée du Rhin". Ici, nous en connaissons depuis peu les principales strophes. On dit que Rouget de Lisle le composa à Strasbourg, et les couplets se sont vite répandus dans l'est et dans le nord de la France, là où sont cantonnées les troupes. Les soldats, lorsqu'ils le chantent, espèrent davantage en la victoire. Plût au Ciel que, lors de notre prochaine bataille, cet air augmente le courage de nos troupes! Tu as raison de mentionner dans ta dernière lettre le projet ennemi de préparer une nouvelle attaque. D'après les renseignements que nos informateurs ont glanés, il semblerait que l'attaque soit prévue sur la frontière du Nord-Est. Certaines de nos troupes ont déjà commencé un déplacement en direction de l'Est de la France. C'est pourquoi je t'écris de Maubeuge, depuis laquelle je dois regagner bientôt Sedan, puis sans doute Metz. Nous sommes sous les ordres du commandant Dillon, frère de celui qui fut assassiné. Nous allons rejoindre les troupes du général Dumouriez, cantonnées dans les défilés de l'Argonne. Chère, très chère Emilie, je pense sans cesse à toi et à notre enfant. J'espère que tu ne souffres pas trop de la chaleur des mois d'été. Quand le gros des troupes sera arrivé dans les Ardennes et dans l'Argonne, nous livrerons bataille. J'espère pouvoir t'écrire lorsque les affrontements seront terminés, Je t'embrasse, peut-être pour la dernière fois... MIF'POL.3rrM 129

LA FLECHE, LE 13 AOUT 1792[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte, Depuis que tu m'as annoncé ta prochaine bataille, je ne cesse de trembler. Tu avais raison de supposer que le manifeste de Brunswick aurait de regrettables répercussions à Paris. Nous avons appris que, le 3 Août, le maire Pétion, aux noms des sections parisiennes, a demandé à l'Assemblée la déchéance du roi. Les députés semblèrent hésiter, et ne surent que répondre, tandis que, dans les rues, la rumeur montait et les populations semblaient prêtes à semer le désordre. Puis ce fut le terrible événement du 10 Août, que les journaux de ce matin relatent dans tous ses détails. Le 9 au soir, le tocsin s'était mis à sonner par toute la ville, Cela servait de signal pour les sections parisiennes. Celles ci s'apprêtaient à l'émeute, groupées autour de leur chef Santerre, brasseur nommé commmandant de la Garde Nationale, Des émissaires, envoyés à l'Hôtel de Ville, formèrent une Commune Insurrectionnelle. Puis, dès six heures du matin, des émeutiers assaillirent les Tuileries. Le roi ne pouvait pas compter sur la Garde Nationale, qui se refusait à tirer sur les émeutiers qu'elle appelait ses "frères". Le château des Tuileries n'allait être défendu que par les Suisses et quelques gendarmes. Le roi et sa famille trouvèrent refuge à l'Assemblée Nationale. Fendant ce temps, une bataille s'était engagée entre les émeutiers et les Suisses. Vers midi, les combats étaient devenus violents. Le roi, obéissant au voeu de l'assemblée, signa un billet qui ordonnait aux Suisses de cesser le feu. Ceux-ci obéirent et furent tués en grand nombre. Les émeutiers pénétrèrent dans le château et mirent tout à sac. L'assemblée déclara la déchéance du roi. Le pauvre homme! Avoir vécu déjà trois années de révolution pour en finir là, alors que tous les royalistes espéraient encore un secours venu de l'extérieur! Je pense avec tristesse au sort de la famille royale. N'aurait-il pas été possible d'élaborer des réformes sans que le sang fût versé? Mon cher amour, je suis dans un tel état d'inquiétude et de tristesse que je ne peux continuer cette lettre plus avant. J'aurais envie d'y écrire les pensées pessimistes qui me viennent concernant notre sort. Je vois noircir à l'horizon notre avenir incertain. Je crains tant pour ta vie! Aurais-je assez de force pour protéger notre enfant envers et contre tout, et pour le mettre au monde dans de telles conditions? Mon dieu, quel destin lui offrons-nous? Hippolyte bien-aimé, je ne cesse de prier pour toi, pour notre enfant et pour notre amour qui doit nous donner la force d'espérer. ÉMILIE

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LA FLECHE, LE 9 SEPTEMBRE 1792[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte, .;e ne sais si j'aurai la force de te raconter les horribles journées qui 7=_nnent, de nouveau, d'ensanglanter la capitale. Je n'eus d'ailleurs guère le __~ age de lire le récit de ces massacres dans les journaux. Est-il possible pousser l'horreur à ce point? Le 13 Aôut au soir, le roi et la famille -=raie furent emprisonnés à la Prison du Temple, Puis un ministère provisoire __- nommé avec Danton à la Justice. La Commune Insurrectionnelle ordonna -:--=leurs mesures que l'Assemblée, désormais impuissante, dut entériner: _r_ation d'un tribunal extraordinaire, suppression sans indemnité des droits :é=daux, séquestre des biens des émigrés, déportation des prêtres -é=ractaires, suppression des journaux d'opposition, dissolution des ordres oignants et hospitaliers. J'ose à peine écrire tout cela tant cette liste ne semble monstrueuse. Comment l'Assemblée, et puis le peuple, peuvent-ils a=çepter de telles mesures, qui sont contraires à toutes les libertés rzmulguées dans la Déclaration de 1789? Hélas, mon récit n'est pas fini! Il inc reste à dire le plus dramatique: véritable panique envahit Paris, principalement due aux bruits qui :_raient, répandant la nouvelle de l'invasion de la France par les troupes ennemies. Au début du mois, on apprit la capitulation de Verdun. Je me suis ±emandë où tu te trouvais, et si tu avais participé à cette bataille! Si tu savais à quel point j'ose encore espérer! Après le 10 Août, l'Assemblée avait autorisé les municipalités à des -::sites domiciliaires qui aboutirent à de nombreuses arrestations. Le soir du - septembre, se formèrent à Paris des tribunaux improvisés par les membres des _ctions qui vivaient avec la hantise d'un complot: ils étaient décidés à exécuter sans tarder les prêtres réfractaires et les aristocrates emprisonnés, :=gant en eux des complices de l'ennemi. Mon dieu, pourquoi ces hommmes n:nt-11s remplis de tant de haine? Pourquoi le peuple de la capitale a-t-il =juté les appels au meurtre collectif lancés par des extrémistes tels que x-,rat? Le plus horrible, mon ami, est ce qui va suivre: te souviens-tu de la _rincesse de Lamballe, à laquelle je rendis un jour visite? Elle était _i-intendante de la maison de la reine, et grande amie de cette dernière. Or, e fut arrêtée avec la famille royale au lendemain du 10 Août. Elle était =_enue depuis lors à la Prison de la Force. Le 3 Septembre, elle fut traduite Devant un des tribunaux populaires improvisés. On la força à jurer haine au r=i et à la reine. Avec un courage que j'admire, elle refusa tout net malgré .es menaces que lui faisaient ses bourreaux. Alors, Madame de Lamballe fut =rainée hors de sa cellule jusque dans la rue. Elle fut égorgée sauvagement nur une borne de la rue Pavée et sa tête, placée au bout d'une pique, fut c ntrée à Marie-Antoinette, sous les fenêtres du Temple. Imagines-tu 'effroyable malaise dans lequel se trouva la reine, voyant ainsi massacrer =cn amie? Les massacres qui ont suivi ont duré quatre jours. Comment, après de =elles horreurs, pourra-t-on encore croire que la révolution travaille à :instruire une société et des jours meilleurs? Il paraît que de semblables tueries ont eu lieu à Lyon et à Caen. OÙ cette violence s'arrêtera-t-elle? 'est dans cette atmosphère de crime et de sang que les électeurs ont dû nommer les représentants de la future assemblée. Depuis le 11 août 1792, le suffrage universel, si longtemps réclamé par Robespierre, a été établi. Tependant, je doute fort que, dans un pareil climat de terreur, il y eut beaucoup d'électeurs pour répondre à l'appel. Mon père lui-même jugea trop dangereux de se déplacer. Hippolyte chéri, je tremble, je tremble sans cesse pour nos vies. Je suis dans l'attente continuelle et angoissée de tes nouvelles, On parle de réquisitions et de taxes des grains pour l'armée. On parle aussi de l'entrée en France de l'armée du général Brunswick. Qu'en est-il exactement? Faut-il 131 croire les bruits qui courent concernant des défaites francaises? Nuit et jour, je prie pour que la paix revienne. Dans mes prières, je prie également pour notre enfant, qui commence à bouger dans mon sein. Fasse le Ciel que cette petite vie plus fragile encore que les autres soit à jamais préservée! Adieu! 1IILIE

VALMY, LE 21 SEPTEMBRE 1792[modifier | modifier le wikicode]

Chère, très chère Emilie, Je m'empresse de te réconforter. Certes, les événements qui se déroulèrent au début de ce mois à Paris et dans certaines villes de province sont tristes et affligeants. Mais je pense qu'il faut considérer que ce ne sont que des parenthèses dans la lutte pour l'égalité que la Nation française cherche à mener. Je t'en prie, ne te laisse pas anéantir par le chagrin. Pense à notre enfant et préserve lui intact tout l'amour que tu devras lui donner lorsqu'il viendra au monde. Aujourd'hui, je suis dans la joie, car nous sommes au lendemain d'une grande victoire. La Fayette, excessivement indigné par la chute de la royauté, a vainement tenté de soulever son armée contre Paris. Trahissant la cause révolutionnaire, il a déserté et il est passé à l'ennemi. Il fut déclaré traître à la patrie, et il est actuellement incarcéré par les Autrichiens. Le même jour, 19 aoOt, l'armée de Brunswick entrait en France par l'est et la Lorraine. Les Autrichiens quant à eux arrivaient par le nord. Les prussiens prirent Longwy le 23 août, et mirent le siège devant Verdun qui capitula le 2 septembre. Ce sont, semble-t-il, ces nouvelles venues du front, qui alarmèrent les parisiens. Je n'assitais pas moi-même à ces attaques. On m'avait en effet ordonné de quitter l'armée de Dumouriez, cantonnée dans les Ardennes, pour rejoindre celle du général français Kellermann à Metz. Alors que les Prussiens avançaient, envahissant la Champagne, notre troupe avait marché depuis Metz pour tenter d'arrêter leur progression. Notre avance se faisait lentement, dans des chemins transformés en bourbiers par les pluies diluviennes qui s'abattaient depuis quelque temps sur le pays. L'armée de Dumouriez, venue de Sedan, se dirigeait sur le plateau de Valmy, à l'ouest de Sainte-Menehould, pour menacer le flanc des colonnes ennemies. Dumouriez y attendit l'attaque, ses arrières assurés par les troupes du général Dillon. Nous arrivâmes le 19 septembre à Valmy, face aux Prussiens postés au camp de la Lune. Brunswick avait vainement tenté de négocier. Ensuite, pressé par le roi de Prusse Frédéric-guillaume, il décida d'attaquer, le 20 à sept heures du matin. Nous tînmes bien dans nos lignes, appuyés au moulin de Valmy et au ruisseau de l'Auve. La canonnade fut violente et notre artillerie se révéla supérieure. Kellermann avait disposé en colonnes par bataillons ses jeunes recrues d'infanterie et quelques officiers de cavalerie parmi lesquels je me trouvais. Il se plaça à notre tête et, criant "Vive la Nation!", il nous entraîna contre l'ennemi. Stupéfiés, les Prussiens s'arrêtèrent. Kellermann fit redoubler le feu des canons et précipiter la marche. L'ennemi, qui croyait en une victoire facile, fut décontenancé. Les Prussiens battirent en retraite. Dans le même temps, les troupes autrichiennes étaient vaincues. A quatre heures du soir, la bataille était gagnée. Par cette victoire de Valmy, nous avons empêché les ennemis et les émigrés de rentrer en France pour instaurer une nouvelle fois la vieille monarchie. Nous sommes fourbus, mais fiers de cet exploit par lequel nous pensons avoir bien servi la Nation. Puisque les ennemis sont vaincus, puisque, à Paris, une nouvelle 132 assemblée prend place, tous les espoirs sont permis. Emilie, réjouis-tc:, crois en un proche avenir qui effacera nos séparations et nos chagrins pass. Je t'aime, H I FFQL YT 135

CHARLEROI, LE ler JANVIER 1793[modifier | modifier le wikicode]

Emilie chérie, Voici le troisième nouvel an que je passerai loin de toi. Mon coeur est cependant rempli de joie à l'idée que l'année qui s'annonce sera celle de la naissance de notre enfant. J'espère que ta santé est bonne et je souhaite que la venue au monde se passe bien. Depuis que le général Dumouriez a gagné Jemmapes et que nos troupes occupent la Belgique, aucune grande attaque n'a eu lieu. Nous sommes dans l'attente de nouvelles directives. Je t'embrasse, en te serrant tendrement sur mon coeur, Hl I F.F'CDL YTE PARIS, LE 22 JANVIER 1793 Hippolyte mon amour, notre fils est né cette nuit! Comme nous en avions convenu, il s'appelle Augustin. C'est un gros garçon, à la peau fripée. Je suis bien fatiguée, aussi ne t'écrirai-je pas plus longuement aujourd'hui. Je t'envoie mille baisers. Tore E1ŒIL, IE

PARIS, LE 31 JANVIER 1793[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte, Tu penseras sans doute que j'ai tardé à t'écrire depuis la naissance d'Augustin. C'est que les nouvelles que j'ai à t'apprendre sont si terribles que je n'osais prendre la plume. Je ne sais si mon père et moi avons bien fait de retourner nous installer à Paris. En septembre dernier, la Convention s'est mise en place. Elle siège aux Tuileries, et réunit 749 députés. La première mesure qu'elle prit fut l'abolition de la royauté, puis elle proclama la République. Depuis quelques mois, la Convention s'intéresse au sort du roi. 136 Tut a commencé par la découverte, dans "l'armoire de fer" des Tuileries, _- correspondance entre Mirabeau et Louis XVI, trahissant les relations du avec la contre-révolution et les souverains européens. Louis XVI se trouva.: -s lors dans une fâcheuse situation. Son procès débuta le 11 décembre, __ =_:ui que les conventionnels n'appelaient plus désormais que "Louis Capet" __nduit dans la salle du Manège. Il parait qu'il se défendit très .iadroitement. Son avocat Desèze eut beau invoquer l'inviolabilité royale e_ __er la trahison, rien n'y fit, Même l'idée d'un appel au peuple en cas de :_ndamnation à mort, proposée par les Girondins, fut rejetée par ce fameux __bespierre dont l'influence ne cesse de croître, La grande majorité de Assemblée déclara le roi coupable de conspiration contre la sûreté de Etat. Ensuite, un vote eut lieu, qui devait régler la question de la peine :rononcée contre le roi. L'appel se fit par département, et chaque député se ononça à voix haute à la tribune, Ce fut une séance houleuse, Ceux qui -:etaient la mort se considéraient entre eux comme de fervents révolutionnaires. Cela dura toute la nuit, puis le jour suivant. Je n'ai pas :sé assister à ces débats: mon état de femme grosse ne me la permettait pars = de toutes façons, j'avais bien trop peur d'entendre le verdict. Nous sûmes us tard que, sur 721 votes, on compta 387 voix pour la mort immédiate; parmi :elles-ci, il y avait la voix de Philippe-Egalité. La condamnation fut connue 3 Paris dans la journée du 20 Janvier. Aussitôt, je me trouvai mal, manquant mettre en danger la vie de notre enfant. Je vécus alors, dans mon âme et dans on corps, d'intolérables souffrances, pensant sans cesse à notre bon roi qui =tait si injustement condamné comme tyran. J'appris que, le 21 janvier au matin, il avait été conduit Place de la Révolution, nom de l'ancienne place _Quis XV. Il était monté au supplice avec un sang-froid qui impressionna la 'cule des curieux sévèrement gardés par près de vingt mille gardes nationaux. Le comble de l'horreur fut atteint lorsque le bourreau présenta au peuple la tète du roi guillotiné. Je mis au monde Augustin le lendemain de ce jour si tristement mémorable. Cher Hippolyte, comme j'aimerais que tu fusses en ce moment à mes côtés, :epuis la mort du roi, et malgré la naissance de notre enfant, je vois la vie _n gris, en noir quelquefois. Je rêve à cette "guillotine", engin de mort qui servit pour la première fois cette année, et dont la Commune décida qu'il resterait dressé désormais en permanence Place de la Révolution, D'autres :hoses m'effraient aussi: ce sont les destructions et les mutilations de tous es monuments et statues rappelant ce que les conventionnels appellent la "tyrannie monarchique". Il y a aussi les réquisitions des bronzes et des argenteries des églises pour fondre, dit-on, les canons et la monnaie. Paris est comme défigurée. Mon cher époux, je suis certaine de ne pouvoir vivre davantage au milieu de toutes ces bassesses, de toutes ces turpitudes qui avilissent notre pays. _rés que je serai rétablie, et dès que le temps permettra un voyage de quelques -ours sans danger pour la santé d'Augustin, je retournerai à La Flèche. J'y serai plus en sécurité, bien que, dans cette province qui est attachée à la contre-révolution, les révoltes des Vendéens deviennent de plus en plus :réquentes. Comme j'aimerais que notre fils fût épargné, et connût le bonheur! Envoie désormais tes lettres à La Flèche et ne m'en veux pas d'avoir fui une :cis encore la capitale. Je t'aime, et l'amour que J'ai pour toi me fait affronter avec plus de courage la difficile tâche que j'ai de préserver la vie de notre fils, .EM I L il? 139

CHARLEROI, le 24 FEVRIER 1793[modifier | modifier le wikicode]

Mon épouse adorée, Ta dernière lettre ne m'est parvenue que tout à l'heure. Je m'empresse d'y répondre pour apaiser tes tourments bien que, ici aussi, les nouvelles ne soient guère bonnes. Dès mon arrivée en Belgique, j'ai rejoint les troupes du général Dumouriez. Le ler de ce mois, nous avons appris que la France déclarait la guerre à l'Angleterre et à la Hollande. Ainsi est née une coalition contre laquelle il va falloir nous battre. Je te mentirais en te disant que le moral des troupes est aussi bon qu'à Valmy. Nous sommes surtout conscients de la petitesse de nos effectifs, et je ne serais pas étonné qu'une nouvelle levée en masse fût prochainement décrétée pour grossir nos troupes. Pour l'instant, nous préparons une marche vers le Nord, en direction de la Hollande. Notre sort étant plus que jamais incertain, je te supplie de trouver les forces de vivre, pour l'amour de moi et de notre petit. Je vous embrasse tous deux, H I PF'©L, 'TE'

LA FLECHE, LE 28 MARS 1793[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte, Je t'écris alors qu'Augustin s'est endormi. Il vient d'avoir deux mois et se porte bien, mais j'ai des difficultés à le nourrir: les nouvelles qui nous parviennent de Paris et des provinces sont si mauvaises que cela me rend nerveuse et risque de faire tarir mon lait. Nous avons appris que la France avait déclaré la guerre à l'Espagne. Allons-nous donc nous mettre à dos toutes les puissances européennes'? A Paris, tout va mal: la pénurie de vivres devient générale et les salaires ne peuvent suivre la montée des prix. La Convention, craignant des violences populaires pareilles aux massacres de septembre, a pris les devants en créant, le 10 de ce mois, un Tribunal révolutionnaire. Il juge sans appel tout attentat commis contre "la liberté, l'égalité, l'unité et l'indivisibilité de la République". Les accusés sont généralement arrêtés par un des vingt mille comités de surveillance instaurés dans toute la France. Dans ces comités, on délivre un certificat de civisme. Il arrive qu'on y procède à des arrestations. Mon dieu comme ces mesures me font peur et augurent mal de la liberté future de chaque Français! L'annonce de la levée des 300 000 conscrits a été mal accueillie en Vendée. Un mouvement de révolte a commencé au début de ce mois, à Saint-Florent-Le-Vieil où les hommes ont pris les armes, encouragés à la rébellion par les prêtres réfractaires. Des batailles se livrent dans les bocages et les chemins creux contre les soldats républicains, et le pays devient un foyer d'embuscades. Cher Hippolyte, penses-tu qu'Augustin et moi soyons en sécurité ici? Je crains à tout moment que la guerre de Vendée ne prenne de l'ampleur et que des soldats républicains ne viennent réquisitionner notre demeure... Ne pourrons-nous donc avoir la paix nulle part? Je ne sais que faire. Hâte-toi de rassurer, par tes conseils, mon coeur de mère et d'épouse qui ne cesse de trembler. .ÉMILIE 140 ne ^ G .1 e

DINANT, LE 18 AVRIL 1793[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Je réponds à ta question concernant ta présence en Vendée. A mon avis, tu risques gros en restant là-bas. La Flèche est en pleine zone de rébellion et e crains que la révolte vendéenne soit loin d'être réprimée. Aussi, je te Demande de partir pour Orléans, chez ma soeur qui demeure 9, rue de la Loire. :11e t'accueillera à bras ouverts, avec notre petit Augustin. Depuis quelques temps, les événements militaires ne tournent pas en notre laveur. Notre général voulait progresser en Hollande, mais nous dames nous replier devant les Autrichiens. Nous avons perdu Liège au début du mois puis nous avons subi une importante défaite à Neerwinden. Pendant ce temps, le général Custine subissait des revers sur le Rhin et les Prussiens assiégeaient X.ayence. Notre armée est surtout composée de volontaires qui n'ont guère d'instruction militaire. Nous 'vivons, la plupart du temps, dans l'incertitude du lendemain. Nous manquons d'argent, d'armes et de munitions. Bien souvent, les nouveaux arrivants n'ont pour toute arme qu'une pique emmanchée de bois. -'est pourquoi il n'est pas rare que des détachements de soldats français commettent des exactions, comme le pillage de Bruxelles dont tu as peut-être entendu parler dans les journaux... Je pense que je ne serai pas long à rentrer en France. Dumouriez, après sa défaite de Neerwinden, a dl abandonner la Belgique, et nous avons appris qu'il était passé à l'ennemi. Cette nouvelle m'a bouleversé, car j'étais profondément attaché à notre général. C'est pourquoi j'ai décidé de ne pas rester plus longtemps ici. Engagés comme volontaires pour une campagne, tous Ceux qui, comme moi, s'enrôlèrent en mai 92, peuvent rentrer dans leurs foyers maintenant. Je vais donc rejoindre Paris où, je l'espère, je trouverai un travail pour me rendre utile à la cause révolutionnaire, tout en me rapprochant de toi Je te donnerai de mes nouvelles dès mon retour. En attendant, rends-toi chez ma soeur, et ne t'inquiète pas davantage. H I P.F'c i ' r

ORLEANS, LE 8 MAI 1793[modifier | modifier le wikicode]

Mon chéri, je suis arrivée chez ta soeur hier soir. J'hésitai à faire ce voyage avec Augustin, mais j'ai pensé qu'il était finalement plus sage de suivre ton conseil. Ta soeur Julie nous a accueillis tous deux avec une extrême gentillesse. J'ai déposé Augustin endormi dans un petit lit que ta soeur lui avait préparé. Quant à moi, je ne fus pas longue à aller me coucher, tant le voyage m'avait fatiguée. Aujourd'hui, je vais faire plus ample connaissance avec ta soeur. Elle m'a déjà fait visiter la maison. Il me tarde que tu viennes nous y rejoindre. Je t'embrasse, E'MIL,IE 141

PARIS, LE 20 MAI 1793[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Me voici de retour à Paris, où j'ai dû m'installer dans un petit appartement Faubourg du Temple, notre hôtel ayant été pillé lors de récentes émeutes. Je suis d'ailleurs tout à fait disposé à mener désormais une vie plus simple. La Révolution aura au moins contribué à ce que chacun change de façon de vivre, en faisant fi du sens de la propriété et des titres de noblesse. A Paris, un Comité de Salut Public, composé de 9 membres, a été créé par la Convention le 5 avril dernier. Il siège au Pavillon de Flore. Il est composé de Montagnards comme Danton et de centristes comme Barère. Ce comité est chargé de faire face aux périls qui guettent la France, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Depuis la trahison de Dumouriez, qui fut longtemps un ami des Girondins, ceux-ci sont attaqués par la majorité des conventionnels. A cause de leur libéralisme que l'on rend responsable du marasme économique actuel, ils sont détestés par les sans-culottes, qui vénèrent plus que jamais le journaliste Marat. Les Girondins sont hostiles aux mesures d'exception que veulent instituer les Montagnards. Je me suis mis en rapport avec un membre de la Montagne employé à la direction générale des Finances, et il n'est pas impossible qu'il me trouve' prochainement une situation. Je pense que je pourrai venir à Orléans dans quelques jours. Il me tarde de voir la frimousse de notre petit, et de te serrer bien fort dans mes bras, Je t'embrasse, II I .F' F'aL Y7'E

PARIS, LE 15 JUILLET 1793[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Le mois de Juin que nous avons passé ensemble m'a rempli d'allégresse et m'a redonné la joie de vivre. Dieu comme Augustin est beau et sage! Ce petit bout d'homme était si charmant lorsqu'il m'agrippait le doigt dans sa petite main et me souriait tendrement... De tels moments de bonheur effacent les tristesses et la mélancolie passées! Quand je suis rentré, on parlait encore de la chute des Girondins. Depuis, Paris est sous la coupe d'un gouvernement révolutionnaire qui entend faire appliquer des mesures d'exception. Danton, qui faisait parti du Comité de Salut public depuis sa création, n'a pas été réélu. Robespierre, quant à lui, est entré au Comité le 27 Juillet. Le nouveau Comité comporte 12 membres, tous Montagnards: Carnot s'occupe de la guerre, Barère de la diplomatie, Lindet des subsistances. Quant à la politique générale, elle est aux mains de Robespierre, aidé par Couthon et Saint-Just. La Convention a également nommé dans chaque commune un 142 nctionnaire appelé "agent national", Pour contrôler l'action des autorités =ocales, elle a délégué dans les départements et les armées quelques uns de =es membres sous le nom de "représentants en mission". Ces représentants ont ses pouvoirs illimités, et leur rôle est d'insuffler à tous l'esprit inflexibilité du gouvernement actuel. Je pense que je serai à même de :rouver un nouveau poste prochainement, car on ne refuse pas les bonnes olontés! De son côté, l'Assemblée a travaillé d'arrache-pied et, le 24 Juin, la onstitution de l'an I a été votée. L'accent y est mis sur l'égalité des =itoyens. La nouvelle constitution confère tous les pouvoirs à une assemblée -.:nique, élue pour un an au suffrage universel. Le peuple pourra exercer un :ontrôle législatif par referendum pour les décisions importantes comme celles de la guerre ou des finances. Cette constitution donne à chaque citoyen le iroit à la subsistance, au travail et à l'instruction. Il y a deux jours un événement fit scandale: Marat fut sauvagement assassiné par une jeune fille nommée Charlotte Corday. Arrivée à Paris au début du mois, elle avait obtenu une entrevue avec lui et l'a poignardé. Elle considérait Marat comme le principal instigateur du gouvernement révolutionnaire. La nouvelle de la mort de Marat a provoqué une véritable folie du peuple, et il est certain que Charlotte Corday va être guillotinée dans les prochains jours. Ma chérie, je pense retourner' à Orléans durant le mois d'Août. Je laisserai notre adresse à cet homme dont je t'ai parlé, qui fait son possible pour me trouver un nouveau poste. Je t'embrasse et te dis donc à bientôt, H I FF'cJL YYE'

PARIS, LE 30 SEPTEMBRE 1793[modifier | modifier le wikicode]

Ma chérie, Je suis toujours mélancolique lorsque je rentre à Paris sans toi, et que j'y retrouve les difficultés de la vie quotidienne. Je suis néanmoins content d'avoir goûté en famille les derniers jours d'été et le début d'un automne qui s'annoncerait si beau, s'il n'y avait cette Terreur mise à l'ordre du jour. Le 17 septembre a été votée une loi qui aura sans doute de terribles conséquences: c'est la loi des suspects. Sont considérés comme suspects les émigrés rentrés, les rebelles pris les armes à la main, les fauteurs de troubles, les conspirateurs, les fédéralistes, les accapareurs de grains. Peut être dénonçé aussi quiconque aurait tenu des propos considérés comme inciviques. Quant aux nobles et aux prêtres, leur sort n'est pas nettement fixé, mais ils peuvent être consignés à leur domicile sur simple dénonciation, emprisonnés ou traduits devant les tribunaux. Je te laisse à penser le désordre que cette loi va occasionner si tout le monde se met à suspecter tout le monde. C'est pour cela qu'il me tarde d'obtenir le poste qu'on me promet depuis trois mois. Un Commissariat aux subsistances sera créé prochainement. Je pourrai obtenir un poste d'adjoint ou de secrétaire, dans l'une des sections de Paris. Dans ce cas, je serai rassuré, car un tel poste, réclamant la confiance des autorités, me mettra à l'abri de tous soupçons. Quant à toi, je pense qu'il est préférable que tu restes encore éloignée de Paris. Néanmmoins, comme la loi des suspects touche la France entière, conduis-toi comme une honnête citoyenne. Applique-toi à ne pas dire Monsieur ni Madame mais Citoyen. N'utilise pas le vouvoyement. Il faudrait aussi que tu portes la cocarde tricolore, rendue récemment obligatoire pour les femmes. 143 Tous ces détails ne t'engagent certes pas à être révolutionnaire dans l'âme, mais te permettront de vivre sans attirer l'attention. Prends bien soin de toi et de notre petit. Je vous embrasse tous deux, 11IFFOLYTE

ORLEANS, LE 10 OCTOBRE 1793[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte, Chaque fois que je sors, je m'applique à agir comme tu me l'as demandé, et â ne prononcer aucune parole suspecte. J'essaye de vivre le plus civilement du monde, ne me cachant pas de la vue des voisins pour ne pas éveiller en eux la méfiance. Je connais d'ailleurs maintenant certains d'entre eux et je vois bien que, comme moi, ces gens traversent la période de troubles actuels avec une grande lassitude et bien peu d'espérance! Augustin, grincheux depuis quelques jours, a percé deux dents cette nuit. Aujourd'hui, il est moins agité, et fait des sourires à tout moment, malgré sa mine encore toute chiffonnée. Je ne remercierai jamais suffisamment le Ciel d'être venue ici grâce à toi. Ta soeur nous entoure d'affection et de sollicitude. Elle est si gentille que les enfants du voisinage viennent mendier chez elle du pain qu'elle ne peut leur refuser. Que Dieu bénisse cette femme! Je pense à toi et t'embrasse tendrement, Mir. IE

PARIS, 7 BRUMAIRE AN II[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, J'ai enfin obtenu un nouveau poste. La Commission des Subsistances a été créée le 1er Brumaire. Dans les sections, des services ont été instaurés, chargés d'appliquer les mesures prises par le gouvernement en ce qui concerne l'approvisionnement. C'est ainsi que je suis employé à la sous-commission des subsistances de la section du Faubourg du Temple. Notre tâche ,est lourde car il est excessivement difficile pour tout le monde de s'approvisionner. Il faut parfois sept heures d'attente avant de se procurer du pain. Paris, qui a épuisé ses réserves, ressemble à une ville assiégée et plusieurs boulangers ont été obligés de fermer boutique. On a placé des sentinelles pour surveiller les distributions. Dans certaines sections, on a même confectionné des cartes de rationnement. Au décret punissant de mort les accapareurs de denrées est venue s'ajouter la loi du "maximum" général des denrées et des salaires. La commission des subsistances s'est d'abord donné pour but de ravitailler l'armée, puis la capitale. Je fais partie du service qui s'occupe de la 144 ribution. Notre tâche est de combattre les accapareurs, la plupart du -_ s des marchands chez qui nous perquisitionnons pour saisir les denrées .~a__dentaires. Il nous faut aussi lutter contre le marché clandestin par e:uel les fraudeurs vendent leurs denrées au-dessus du maximum accordé. Nous 3:ns beaucoup à faire pour tout redistribuer équitablement. On se bat pour le „.a_n, les sabots, le bois de chauffage et le charbon. Dès quatre heures du aa:in, la Garde nationale, organisée par section, patrouille dans Paris pour ;a,__e régner l'ordre car les bouchers, qui débitent la nuit, fournissent de --érence leurs bons clients. Je ne manque pas de travail. Je prends ma tâche à coeur car il m'importe - e chacun mange à sa faim et que, autant que faire se peut, la misère soit r_~uite autour de moi. As-tu entendu parler du nouveau calendrier, que l'Assemblée a adopté le 5 z::obre, c'est-à-dire le 14 vendémiaire an II? Il a été conçu par un poète révolutionnaire nommé Fabre d'Eglantine. Sur l'exemplaire affiché à la porte _e notre section, j'y ai lu les noms qui remplacent les noms des saints. C'est usant de voir se succéder les noms de fleurs, de plantes, de légumes ou de fruits. Aujourd'hui, par exemple, nous sommes le jour de la figue, et hier :était celui de l'héliotrope. La seule chose qui sera, à mon avis, difficile 1 faire accepter, est le passsage de la semaine en une période de dix jours: temps de travail se déroule donc sur neuf jours, suivis du décadi qui :=rrespond à notre ancien dimanche. Mon amour, je pense souvent à toi et je t'embrasse très fort, I3 I F' F'QL YTE

ORLEANS, 22 BRUMAIRE AN II[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte, Dieu comme le temps est maussade! Il fait froid, un vent violent souffle ie l'ouest. La pluie tombe toute la nuit, alors que, dans la journée, de sourds nuages noirs s'amoncellent, menaçants. Sans doute le temps est-il aussi triste que les coeurs... Tu ne me parles pas, dans ta dernière lettre, de l'éxécution de notre reine, que les patriotes n'appelaient plus que Citoyenne Capet. Est-ce par :mur de m'affliger? Lorsque j'ai appris la nouvelle, je me suis sentie subitement très abattue, et, depuis ce temps, il ne se passe pas un jour sans sue je pense à tous ceux qui sont envoyés à l'échafaud. Le spectre de la guillotine hante mes journées et mes nuits. J'ai appris que les Girondins, arrêtés en juin, avaient eux aussi été guillotinés. Cette machine me fa_- peur. Je frémis en pensant qu'une foule importante se précipite pour assi.-__ aux exécutions. Au milieu des pensées noires qui m'assaillent, le seul rayon de est notre Augustin qui fait des progrès chaque jour. Maintenant, iï sa=- __ tenir assis, et il commence à babiller: son langage demeure, tu t'en incompréhensible, mais c'est charmant de l'entendre dans la mais_n. résonne ainsi toute la journée de ses gazouillis. Je suis contente que ta nouvelle charge te satisfasse. cependant encore le temps de penser à nous? Je t'embrasse tendrement, EMIL IE 145

PARIS, 16 FRIMAIRE AN II[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, J'aimerais que l'image de l'échafaud ne te hante plus! Je voudrais te rendre heureuse, en étant à tes côtés pour te rassurer, pour partager tes joies et tes peines. Je ferai tout mon possible pour passer Noël à Orléans. Depuis quelque temps je travaille, avec deux autres employés, dans un bureau des locaux de la section du Temple. A l'entrée principale se dresse une figure de la Liberté sous laquelle est inscrit: "Ici on entre dans un lieu où il faut penser en homme et se conduire en républicain". Notre bureau est situé entre celui du juge de paix et celuidu commissaire de police, auxquels il nous arrive d'emmener des fraudeurs. Plus loin, il y a les bureaux de la réquisition militaire et ceux des fournitures pour les soldats. Au-dessus de ma table de travail se dressent deux bustes: celui de Voltaire, qui fait face à celui de Rousseau. Je ne manque jamais de relever la tête vers celui-ci et de penser à toi, et à tous les propos que nous échangeâmes naguère au sujet de notre grand philosophe. Plat au ciel que les temps de calme reviennent et que nous puissions bientôt deviser librement de littérature et d'art, comme tu aimais tant à le faire... Je pense tendrement à toi et je te dis â bientôt. Nous passerons notre premier Noël en famille, avec notre petit Augustin qu'il me tarde de tenir dans mes bras. .H I FPCDL YTE

ORLEANS, 3 FRIMAIRE AN II[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte, La nouvelle année s'est annoncée à Orléans par la neige, qui tombe sans intermittence depuis deux jours. Cependant, le froid n'est pas aussi rude que les années précédentes et cela me réjouit. Que nous promet cette nouvelle année? En vérité, nous aimerions que cessent les restrictions! Ta soeur Julie et moi cherchons à faire des économies sur toutes choses. Sais-tu que la robe de lainage bleue à ramages que je porte habituellement en hiver est bien élimée! Nous avons cependant quelques joies, comme celle de nous être retrouvés ensemble à Noël, lorsque Augustin fut si émerveillé devant le navire de bois que tu lui avais fabriqué. Maintenant qu'il sait marcher, il emporte son jouet partout avec lui, ce qui le fait trébucher bien des fois, car il n'est pas encore très d'aplomb! Hier soir, Julie et moi sommes allées assister à la représentation d'un théâtre d'ombres à quelques pas de chez nous. Il y eut d'abord une farce qui s'intitulait "Le pont cassé". On voyait avec précision les silhouettes d'une bande de canards, et on les eut crus véritables: ils battaient si bien des 146 aies que l'on croyait voir l'eau jaillir et les roseaux se courber. =_ entracte, nous assistâmes à une série d' intermèdes, parmi lesquels "La i laisse manger ses tripes par le chat", qui fut un triomphe et qui fi~ r..= =_tits et grands. Augustin, assis sur mes genoux, ne perdit pas une miette _rectacle. Je me souviendrai longtemps de l'entrain de l'assistance. Cher Hippolyte, je t'embrasse et t'envoie mille baisers de la par- n: re petit bonhomme, EMIL IE

ORLEANS, 8 PLUVIOSE AN II[modifier | modifier le wikicode]

Cher Hippolyte, Augustin a un an aujourd'hui. Il marche bien maintenant, et ne tombe =resque plus. Il garde toujours avec lui le bateau en bois que tu lui a :ffert, avec lequel il joue à l'intérieur de la maison, car il fait encore trop mauvais dehors pour qu'il puisse sortir. Hier, j'ai vu, dans le cimetière qui jouxte l'église voisine, que les -_robes des familles aristocratiques avaient été saccagées. Toutes les croix s-.-aient été abattues. Par bonheur, l'église n'est pas encore fermée, et les _--'ets du culte n'ont pas été saisis! J'ai appris dans le journal que les événements se sont précipités en ï_ndée. A la fin de l'année dernière, il y eut l'échec des Blancs devant =anville, puis au 1tans, puis une nouvelle défaite vendéenne à Savenay. armée "catholique et royale" a été décimée. Pourtant, des échauffourées avaient toujours lieu, sous la conduite des chefs Charette et Stofflet. Et -;is, il y a dix jours, des colonnes républicaines obéissant aux ordres de la == vention, ont ravagé le pays. Toutes ces nouvelles me font mal. Comment la eradée, cette province qui est mienne, va-t-elle sortir de la guerre atroce _ans laquelle elle est engagée? Je prie pour les Vendéens, invoquant la :-ctection du Christ et sollicitant l'intervention du Sacré-Coeur qu'ils ont _-'_s pour insigne. Les chefs vendéens sont si courageux qu'ils méritent notre ==1me. J'aimerais tant que notre Augustin ne connaisse jamais ces troubles! En _-tendant ta prochaine venue, je t'embrasse, EMIL I-E

PARIS, 16 PLUVIOSE AN II[modifier | modifier le wikicode]

Emilie Chérie, Je compends ton désarroi quand tu parles de la Vendée, mais, je t'en rie, je t'en prie mille fois, n'écris plus de pareilles choses! Sais-tu qu'il _.:rait suffit de la moitié de ce que tu m'écrivis l'autre jour pour que tu ..sses immédiatement envoyée en prison et condamnée? On ne peut, ma chérie, 147 parler de cette façon. De nos jours, les actes et les paroles de chacun doivent être pesés... Je suis content d'apprendre que notre armée a connu des victoires, grâce aux soldats de l'an II, qui ont reçu des équipements et des armes. Tu as entendu parler des victoires de Jourdan à Wattignies, de Hoche au Geisberg, forçant les Prussiens à évacuer l'Alsace. La République tient les coalisés en échec. Par chance, les victoires républicaines n'ont pas lieu seulement à l'étranger. Toulon a été reprise des mains des Anglais et s'appelle désormais Port-de-la-Montagne. De même, Marseille est devenue Ville-sans-Nom. Comment ne pas soutenir de tout notre coeur nos vaillants vainqueurs? En revanche, la situation intérieure reste préoccupante: la misère s'installe partout. Le gouvernement craint que cela n'engendre la violence dans les rangs des sans-culottes, La Convention a octroyé un crédit de 10 millions pour secourir les indigents et porter secours aux malheureux. On parle de répartir entre les nécessiteux les biens consfisqués aux suspects. Tout cela nous donne du travail, et je rentre fourbu le soir. Ma chérie, il serait préférable que nous cessions de nous écrire pendant quelque temps. J'aurais trop peur que certains de nos propos fussent mal interprétés s'il arrivait que notre courrier fût contrôlé. Je suis certain que tu comprends la sagesse de cette décision. Je ferai tout mon possible pour me rendre plus souvent à Orléans. Je t'embrasse, ainsi qu'Augustin, très, très fort. Embrasse aussi pour moi cette chère Julie qui est si bonne, H I F F OL Y TE

PARIS, 12 GERMINAL AN II[modifier | modifier le wikicode]

Ma Chérie, Ne t'alarme pas de la nouvelle que je vais t'apprendre: hier, un détachement de gardes nationaux est venu m'arrêter, avec plusieurs des mes camarades de section que l'on juge trop modérés. Cela est sans doute le fruit d'une dénonciation anonyme. Je profite de la gentillesse du géôlier pour te faire passer ce mot. Depuis l'arrestation et l'exécution de Hébert et des Enragés, il régnait sur Paris un climat d'anxiété pire encore qu'à l'ordinaire. Quelques jours plus tard, ce fut l'arrestation de Danton et de ses amis les Indulgents. Je fus arrêté le lendemain. Ma Chérie, de te savoir en sécurité hors de Paris me rassure. Prends bien soin de toi et du petit. Tu es ma femme, à jamais, H I FFOL YT.E 148

SAINT-LAZARE, 17 GERMINAL AN II[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Il est des coïncidences qui réchauffent le coeur, même dans les situations les moins enviables. Ainsi ai-je rencontré, dans ma prison de Saint-Lazare, un homme qui fut arrêté quelques semaines avant moi. C'est André Thénier, ce jeune poète diplomate que tu avais rencontré à Londres. Je lui ai parlé de toi, et il s'est souvenu de ta visite. Il t'a décrite à moi comme une charmante femme dont les grands yeux bleus et la bouche fine l'avaient charmé. Four un peu, je serais jaloux! André, comme moi, ne sait pas exactement ce qu'on lui reproche. Il prend son mal en patience en écrivant des poésies satiriques et des vers vengeurs contre les "bourreaux barbouilleurs de lois de la Terreur". Lui aussi bénéficie de la complaisance de notre géôlier: il transmet à son père ses manuscrits cachés dans son linge. Nous avons appris l'exécution de Danton et de ses amis hier. Comme, de mon côté, je n'ai pas été inquiété, j'aimerais pouvoir me faire oublier, en attendant des jours meilleurs. Adieu, mon amie. Crois en la force de notre amour qui ne pourra jamais nous séparer totalement, H I p' p' Yiri

PARIS, LE 14 THERMIDOR AN II[modifier | modifier le wikicode]

Ma chérie, Je suis libre, depuis hier. Robespierre a été arrêté avec ses amis. On le rendait responsable de la Grande Terreur. On lui en voulait de certains excès, ,_om.me d'avoir instauré la fête de l'Etre Suprême le 20 Prairial. Il parlait s'épurer les deux Comités et la Convention elle-même, Chaque député se crut ïisé, et craignit pour sa vie. Parmi ceux qui décidèrent d'agir, il y a -allien, Fouché et Barras. A l'Assemblée, ils obtinrent l'appui de la Plaine pendant que Robespierre et ses amis comptaient sur la Commune et le Club des Jacobins. Le lendemain, Robespierre, Couthon et Saint-Just furent arrêtés à la =.onvention. La Commune les delivra et les mena à l'Hôtel de Ville, protégé par ;rois mille sans-culottes. Vers deux heures du matin, les troupes de la :onvention pénétrèrent à l'Hôtel de Ville et arrêtèrent de nouveau Robespierre. Il fut transféré aux Tuileries, dans l'antichambre du Comité de Salut public. Il avait, paraît-il, une blessure à la mâchoire, sans doute due à un coup de revolver qu'il aurait reçu lors de l'attaque de l'Hôtel de Ville. :1 perdait son sang et ne fut pansé qu'à cinq heures du matin. Puis il fut emmené à la Conciergerie o Fouquier-Tinville vérifia son identité. A sept heures du soir, il montait sur l'échafaud avec vingt et un de ses amis. Les jours suivants, toutes les prisons furent ouvertes. Pendant trois 'ours, les suspects et les proscrits, parmi lesquels j'étais, se sont éparpillés dans les rues, rejoignant leurs familles. Ma chérie, quelle joie de retrouver l'air de la liberté! Les Français sont las des massacres et des charrettes pleines de condamnés roulant vers a k_uillotine. Il semble que les députés de la Plaine soient désormais décidés à prendre `.• les choses en main. Sans doute est-ce là une bonne nouvelle, si l'on considère que les centristes se méfient autant des revendications de la gauche que de celles des royalistes. Au milieu de l'immense soulagement que j'ai ressenti depuis ma libération, je garde néanmoins une pensée triste pour notre ami André Chénier. Il eut moins de chance que moi. Le 7 thermidor, il figurait sur une liste de quatre-vingt-deux condamnés envoyés au Tribunal. A sept heures du matin, il fut emmené pour comparaître, et il fut guillotiné le soir même. Tout cela est si injuste, quand on pense que les prisons ouvrirent leurs portes le surlendemain! Ma chérie, je ne sais si nos malheurs sont terminés. Par précaution, je ne cherche pas à vous rejoindre tout de suite. Je te préviendrai de mon retour. Comment va notre petit bonhomme? Comme je ne peux pas vous serrer dans mes bras maintenant, je veux du moins goûter la satisfaction de vous faire partager en pensée tout mon amour. I1 I F F'OL YT'E

ORLEANS, 30 THERMIDOR AN II[modifier | modifier le wikicode]

Hippolyte chéri, Tu imagines ma joie lorsque je reçus ta dernière lettre! Moi qui eus si peur de te perdre! Dans ces moments d'angoisse que nous avons vécus, j'ai compris combien tu m'étais vraiment nécessaire. Je remercie le Ciel de l'heureuse issue de ton emprisonnement. Augustin rit et parle beaucoup. Je lui fais profiter des beaux jours, en le promenant du côté de la place Flore, où A été dréssé l'arbre de la Liberté. Il y a là des bancs et un tas de sable où il peut jouer. Cependant, nous n'osons pas encore sortir trop souvent. Nous attendons chaque jour des nouvelles de Paris qui seraient pour nous la promesse de lendemains meilleurs. Pour l'heure, nous vivons dans la joie de te savoir libre, et dans l'espoir de te voir bientôt parmi nous. Je t'embrasse très, très fort, EM I L 1H'

PARIS, 12 FRUCTIDOR AN II[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Quelle joie ce fut pour moi, ce matin, de recevoir ta lettre! Cela faisait si longtemps que j'étais sans nouvelle de toi! La Convention thermidorienne a renouvelé les Comités. Elle a fait procéder à l'arrestation de Fouquier-Tinville, l'accusateur public entre les mains duquel sont passés tant de dossiers. Et puis, le gouvernement a été réorganisé en seize comités. 150 La nouvelle assemblée, dans laquelle la Plaine domine, veut mettre :erreur et à la dictature. La loi des suspects a été supprimée, ainsi que pouvoirs de la Commune. Les Dantonistes et les Girondins encore vivants :ertainement reprendre place à l'Assemblée. En ce qui me concerne, je ne pense pas que je puisse travailler cc —e avant, car la Commission des subsistances a été réorganisée elle aussi. vais donc profiter de cette période d'oisiveté pour venir passer quelques ÿ.__- près de vous. Comme l'an passé, j'ai confié à un ami le soin de me retrc-_1e. un emploi. Il me contactera à Orléans dès qu'il aura obtenu quelque chose peur moi. En attendant, je vais goûter enfin la douceur de la vie familiale. A très bientôt donc, H I F ©L YTE

=PARIS, 1 PLUVIOSE AN III[modifier | modifier le wikicode]

Ma Chérie, Nous avons passés ensemble quatre mois merveilleux, qui m'ont permis_ d'oublier les mauvais moments que j'avais passés en prison. Je me rappellera, longtemps de la fête que me fit Augustin lorsque j'arrivai. Et puis, je suis si content d'avoir assisté, jours après jours, A ses progrès. Je fus amusé rasa volonté de manger tout seul. Je fus étonné par la multitude de mots qu'i= connaît maintenant, Je fus ému par sa façon d'ouvrir de grands yeux lorsque lui racontais des histoires. As-tu vu comme il préférait les récits de bataille aux contes de fées? Je lui enverrai pour son anniversaire une boy-e de soldats de plomb. Embrasse-le fort pour moi. J'ai commencé mes nouvelles fonctions de secrétaire à l'administrati:n des Postes, rue Montorgueil. Nous avons pour l'instant la tâche d'apprendre le code de télégraphie aérienne inventé par l'ingénieur Chappe en avril 1793. Ce système, utilisé d'abord par les services de police, se généralise aujourd'i.-.l_ pour les services publiques. C'est un code de transmission de messages aux moyen de signaux obtenus à l'aide de bras articulés établis sur des séries d_ tours. Depuis que la Convention thermidorienne s'est installée à la tête d_ gouvernement, tout va dans le sens d'un adoucissement des lois. Le Club de= Jacobins, ayant perdu toute influence, a été fermé. Les comités ie surveillance ont été supprimés. Paris semble se réveiller d'un cauchemar qui n'a que trop duré, et les gens osent sortir de chez eux. Je me rends chaque jour au bureau et j'ai retrouvé la plupart de mes amis parisiens. Chère Emilie, je vais chercher un nouveau logement dans lequel ncu pourrons vivre bientôt tous les trois. Je pense qu'il serait préférable de nous installer dans le quartier de Montmartre, qui est beaucoup plus proche de mon lieu de travail. Qu'en penses-tu"? Je vous embrasse tous les deux tendrement, HIFF JLYTE 151

ORLEANS, 25 PLUVIOSE AN III[modifier | modifier le wikicode]

Mon chéri, Je suis heureuse que ton nouveau poste te satisfasse. Quant à notre futur logement, fais comme bon te semblera. Je suis sûre que tu choisiras à merveille, car tu sais bien quels sont mes goûts. L'essentiel n'est-il pas d'être ensemble? En province, la situation reste difficile. La disette dû pain sévit de nouveau. A Orléans, il n'est pas rare de voir dans les rues une foule de gens en guenilles groupés autour du brasero d'une marchande ambulante, qui vend une maigre soupe cinquante sous l'assiette. Depuis que les contrôles des prix, des changes et de la monnaie ont été supprimés, les assignats circulent en trop grand nombre. Tu vois que le retour des jours heureux se fait attendre. Cependant, tous les espoirs sont permis, et il n'est pas un jour sans que je pense que nous allons bientôt nous retrouver pour toujours. Je t'aime. MIL, IE PS: Augustin a reçu tes soldats de plomb avec joie, et il passe des heures à s'amuser avec, mimant déjà des batailles.

PARIS, 13 VENTOSE AN III[modifier | modifier le wikicode]

Ma chérie, Ce que tu dis de la situation économique est exact. Bien que la tendance actuelle soit au libéralisme, les difficultés persistent. En septembre, la Convention a prorogé le maximum général et celui des grains, puis l'a supprimé un peu avant Noël, car l'idée se faisait dans les esprits que la taxation entraînait la disette. La liberté des transactions et des transports de grains étant de nouveau assurée, il faudra quelque temps avant que le marché français ne redevienne florissant. En ce moment, une forte spéculation sur les grains, les toiles et les chandelles sévit, entraînant une hausse des prix qu'il est difficile d'enrayer. De plus, la récolte de cet automne s'est avérée médiocre. Ceci est dû non seulement aux grêles de printemps et aux pluies d'été, mais aussi au manque de main d'oeuvre à cause de la levée en masse. Tout n'est qu'une question de patience. Les denrées vont, je l'éspère, être cle nouveau disponibles et la situation en sera améliorée dans les mois qui viennent. Je n'ai pas encore trouvé de logement à notre convenance. Mais cela ne saurait tarder, j'en suis sûr. En attendant, je te quitte avec l'espoir de te revoir bientôt. .H I F' F CJI Y 1F' 152

PARIS, 13 GERMINAL AN III[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Depuis quelques temps, on voit dans Paris des hommes et femmes qui affichent un luxe extravagant. Ce sont des acheteurs de biens nationaux, des fonctionnaires ou des fournisseurs de guerre qui ont acquis leur richesse grâce à la spéculation. A côté de cela, des milliers de parisiens meurent encore de faim. Hier, la population affamée a forçé les portes de la convention en réclamant du pain. Elle a été repoussée par les gendarmes aidés des muscadins. On appelle ainsi les jeunes royalistes excentriques, aux cheveux longs sur les épaules. Ils portent une redingote et une culotte collante. Ils sont armés de gourdins avec lesquels ils chassent les Jacobins. La "jeunesse dorée" de Paris ose ainsi afficher aujourd'hui ses sentiments anti-révolutionnaires. Nous assistons à la naissance d'une nouvelle mode: les aristocrates, se distinguant par leur langage affecté, le port d'une haute cravate et de bas de soie, sont appelés depuis peu les "incroyables". Quant aux femmes, ce sont des "merveilleuses": elles se vêtent de robes transparentes, à ceintures hautes, et portent sur la tête de grands chapeaux à brides. La plus connue de ces excentriques est Madame Tallien, appelée dans tout Paris "Notre-Dame de Thermidor". Elle fut emprisonnée sous la Terreur et libérée, comme moi, après Thermidor. Chère Emilie, je ne doute pas que la vie redevienne agréable bientôt, et que nous puissions enfin nous retrouver définitivement. Je t'embrasse, .H I .P F'CDL YYE

ORLEANS, 21 GERMINAL AN III[modifier | modifier le wikicode]

Mon Chéri, Ce que tu me dis sur la jeunesse dorée de Paris m'a étonnée. Saurai-je moi aussi retrouver une vie de plaisirs, où l'on ose aller au bal et sortir dans de belles toilettes? Je me sens quelque fois si vieille, après ces cinq années où nous fûmes si souvent séparés, oÙ je dus élever presque seule notre enfant... Combien faudra-t-il de temps pour oublier? Heureusement, notre fils est jeune, et sa mémoire rie sera pas, je l'espère, flétrie par les souvenirs de la Terreur. Il a plus de deux ans maintenant! Il s'est fait de petits camarades. C'est un enfant adorable. Avec ses boucles frisées et ses yeux noirs rieurs, il possède un charme dont il sait user pour obtenir quelque friandise ou quelque cadeau. Cependant, c'est un enfant agité, qui n'est jamais fatigué. Et, mon dieu, il m'arrive, à la fin de la journée, d'être plus fatiguée que lui! J'ai appris avec joie que la paix de Bâle avait été signée. Seules l'Angleterre et l'Autriche demeurent nos ennemies. J'espère cependant qu'elles signeront bientôt un traité d'alliance avec notre pays. Mon chéri, je t'aime et je languis loin de toi. As-tu des nouvelles du logement que tu cherches pour nous? J13'M I I I E 153

PARIS, 24 PRAIRIAL AN III[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, J'ai enfin trouvé le logement qu'il nous faut. Il est situé au premier étage d'une maison rue du Chat noir. Les fenêtres en sont grandes, donnant beaucoup de jour à l'intérieur. Nous aurons accès à une petite cour, située sur l'arrière de la maison, oû Augustin pourra venir jouer en toute tranquillité. La propriétaire occupe le logement en dessous du nôtre. C'est une vieille dame, veuve depuis longtemps. Son fils fut tué à Fleurus, lors de la victoire remportée par l'armée du Rhin, auprès de laquelle Saint-Just était représentant en mission. J'ai réglé avec elle les problèmes de la location. Nous pourrons emménager début thermidor. D'ici là, je me charge de trouver quelques meubles indispensables. Plus tard, tu te feras une joie de compléter le mobilier et d'arranger l'intérieur à ta façon. Le ler Prairial dernier, une nouvelle émeute préparée par les sans-culottes a été déclenchée. Des bandes armées venues des faubourgs ont envahi l'Assemblée. Un député a été tué, et sa tête a été placée au bout d'une pique. Les troupes sont arrivées à temps et ont jeté dehors les émeutiers. Après cela, la Convention a exclu de ses rangs soixante-deux députés montagnards, en condamnant six à mort. L'assemblée en a profité pour supprimer le Tribunal révolutionnaire. Te rends-tu compte que ce tribunal ordonna plus de vingt cinq mille exécutions à Paris? Sans compter les milliers de prisonniers qui, comme moi, étaient en sursis... Il y a quelques jours, nous avons appris la mort, dans sa prison, du jeune Louis XVII. On dit que c'était un enfant chétif au tein maladif. Les mauvaises langues disent qu'il a été empoisonné. D'autres bruits courent, racontant que l'enfant mort n'est pas le fils de Louis XVI et Marie-Antoinette mais un autre enfant lui ressemblant. Je ne sais quelle foi il faut accorder à ces racontars. Ce qui est sûr, c'est que les monarchistes modérés, qui espéraient une longue régence, sont consternés par la nouvelle. Quant au comte de Provence, qui se fait appeler désormais Louis XVIII, il est encore à Vérone, mais ne tardera sans doute pas à faire parler de lui. A bientôt ma chérie. Prends patience. Le temps de nos vraies retrouvailles est proche! Embrasse Augustin pour moi. III F'POL YTE

PARIS, LE 7 THERMIDOR AN III[modifier | modifier le wikicode]

Chère Emilie, Comme prévu, nous emménagerons le 12. J'arriverai à Orléans aprés-demain et nous retournerons à Paris tous ensemble. J'espère que nous n'aurons plus à nous écrire. Cette lettre devrait être la dernière dans laquelle je te donne 154 _es nouvelles. La France n'a pas encore retrouvé tempête. Appuyés par les Chouans, ces entre eux par le cri de la chouette, 4-bbarquement à Quiberon. Ils ont été staille se solda par la déroute des .quatre cents morts et plus de mille ro le calme qui règne d'ordinaire après la révoltés bretons qui se reconnaissent les émigrés ont tenté d'organiser un débarqués par des navires anglais. La royalistes. On parle d'environ mille yalistes auraient été faits prisonniers. A Paris, nos députés ont travaillé à la Constitution de l'An III, pour 3nner de nouvelles bases à notre société meurtrie. A bientôt ma chérie, je vous embrasse tous deux,

  • ==Epiloguie==

Quelques jours plus tard Emilie et Hippolyte emménageaient à Paris avec le petit Augustin.

Le texte constitutionnel, voté par la Convention, conservait la République. Le pouvoir législatif était partagé entre le Conseil des Cinq-Cents et le Conseil des Anciens. Le pouvoir exécutif était confié à cinq directeurs. Cette constitution ouvrait une nouvelle période de l'Histoire de France, annonçant le règne d'une république bourgeoise, foulant aux pieds les sans-culottes. Le 4 Brumaire an IV, la Convention se séparait et le 9 Brumaire marquait le début du Directoire. Chacun désirait chasser de son esprit les horreurs vécues durant la Révolution Française. Symboliquement, la Place de la Révolution prenait le nom de Place de la Concorde. Une vie nouvelle commençait, et on allait s'intéresser aux exploits du jeune Bonaparte. Chef de :'armée de l'intérieur après le 13 Vendémiaire an IV, il n'allait pas tarder à faire plus amplement parler de lui...

Liste des personnalités de la révolution française[modifier | modifier le wikicode]

A[modifier | modifier le wikicode]

  • AIGUILLON (Armand de Vignerot, duc d'): 1761-1800. Député de la Noblesse aux Etats Généraux. Emigra en Allemagne après le 10 Août 1792.
  • ARTOIS (Comte de); 1757-1836. Frère de Louis XVI. Emigra dès 1789. Prit part au débarquement de Quiberon. Futur Charles X.

B[modifier | modifier le wikicode]

  • BAILLY (Jean-Sylvain): 1736-1793, Maire de Paris en 1789, mourut

guillotiné.

  • BARERE (Bertrand): 1755-1841. Avocat, député du Tiers Etat aux Etats Généraux. Membre de la Constituante. Président de la Convention lors du procés de Louis XVI. Déporté en 1795.
  • BARNAVE (Antoine): 1761-1793. Avocat, député du Tiers Etat aux Etats Généraux, mourut guillotiné.
  • BARRAS (Paul): 1755-1829. Elu à la Convention, Directeur en 1795.
  • BILLAUD-VARENNE (Jean-Nicolas): 1756-1819. Elu à la Convention, membre du Comité de Salut public, déporté en Guyane après Thermidor.
  • BONAPARTE (Napoléon): 1769-1821. Reprit Toulon aux Anglais en 1793. Commandant en chef de l'armée de l'Intérieur en 1795. Dirigea les campagnes d'Italie et d'Egypte. Premier consul à vie en 1802 puis empereur des Français en 1804.
  • BRETEUIL (Louis Auguste Le Tonnelier, baron de): 1730-1807. Ministre des affaires étrangères de Louis XVI. Emigra apèrs la prise de la Bastille.
  • BRISSOT (Jacques-Pierre): 1754-1793. Publiciste, rédacteur du "Patriote français", chef du groupe des Brissotins (ou "Girondins"), mourut guillotiné.
  • BRUNSWICK (Charles Guillaume Ferdinand, duc de): 1735-1806. Chef des armées austro-prusiennes, vaincu à Valmy.

C[modifier | modifier le wikicode]

CARNOT (Lazare Hippolyte): 1753-1823. Officier, député à la Législative, élu à la Convention, membre du Comité de Salut public, Directeur en 1795. CHARETTE (François): 1763-1796. Chef de l'insurrection vendéenne, participa au débarquement de Quiberon, mourut fusillé. CHAUMETTE (Pierre Gaspard): 1763-1794, Membre du Club des Cordeliers, procureur-syndic de la Commune de Paris, mourut guillotiné avec les Hébertistes. 161 CLAVIERE (Etienne): 1735-1793, Ministre des Finances sous la Législative. Décrété d'accusation avec les Girondins, il se suicida. GRENIER (André de): 1762-1794. Poète français. S'indigna contre les excès de la Terreur, mourut guillotiné. COLLOT d'HERBOIS (Jean-Marie): 1750-1796. Elu à la Convention, membre du Comité de Salut public, fut déporté en Guyane après Thermidor. CORDE (Prince de): 1736-1818. Emigra peu après la prise de la Bastille. Créa l' "armée de Condé", formée d'émigrés. CORDAY (Charlotte): 1768-1793. Poignarda l'extrémiste Marat et mourut guillotinée. COUTHON (Georges): 1755-1794. Avocat, paralysé des jambes, député à la Législative, élu à la Convention, membre du Comité de Salut public, guillotiné avec Robespierre. CUSTINE (Adam Philippe, comte de): 1740-1793. Général français. Député de la Noblesse aux Etats Généraux. Commandant de l'armée du Rhin. Accusé de trahison et condamné à mort.

D[modifier | modifier le wikicode]

DANTON (Georges Jacques): 1759-1794. Avocat, fondateur du Club des Cordeliers, mourut guillotiné. DEFFAND (Marie, marquise du): 1697-1780. Femme de lettres française. DESEZE (Romain, comte): 1748-1828. Avocat de Louis XVI. Emprisonné jusqu'au 9 Thermidor puis libéré. DESIXOULINS (Camille): 1760-1794. Avocat, journaliste, élu à la Convention, ami de Danton, mourut guillotiné. DILLON (Théobald): 1745-1792. Général français. Rallié à la Révolution, il fut tué par ses soldats qui le soupçonnaient de trahison. DILLON (Arthur); 1750-1794, Frère du précédent. Général français rallié à la Révolution. Accusé de trahison et condamné à mort. DREUX-BREZE (Henri Evrard, marquis de): 1762-1829. Grand maître des cérémonies de Louis XVI. Emigré après le 10 Août 1792. DUNOURIEZ (Charles-François): 1739-1823. Commandant en chef de l'armée du Nord, vainqueur à Valmy. Après sa défaite de Neerwinden, il passa à l'ennemi et finit sa vie en exil.

F[modifier | modifier le wikicode]

FABRE (Philippe dit Fabre d'Eglantine): 1755-1794. Homme de lettres, élu à la Convention, travailla au calendrier révolutionnaire, mourut guillotiné avec Danton. FOUCHE (Joseph): 1759-1820. Elu à la Convention, organisa la Terreur à Lyon, arrêté lors de la Convention thermidorienne puis amnistié. Ministre de la Police en 1799. FOUQUIER-TINVILLE (Antoine Quentin): 1746-1795. Accusateur public au Tribunal révolutionnaire, mourut guillotiné. FRANCOIS II: 1768-1835. Dernier empereur du Saint Empire romain germanique. Fils de Léopold II et neveu de Marie-Antoinette. En guerre contre la France dès 1792. 162 FREDERIC-GUILLAUIŒ II; 1744-1797. Roi de Prusse. Ses armées étaies- :ommandées par le général Brunswick.

G[modifier | modifier le wikicode]

GUILLOTIN (Joseph Ignace): 1738-1814, Médecin, député du Tiers Etat aux Etats Généraux. Inventeur de la guillotine.

H[modifier | modifier le wikicode]

HEBERT (Jacques René): 1757-1794. Journaliste, fondateur du "Père Duchesne", Enragé, mourut guillotiné sur ordre de Robespierre. HOCHE (Louis Lazare): 1768-1797. Général en chef de l'armée de Moselle, vainqueur au Geisberg, dénoncé comme suspect et incarcéré. Libéré après Thermidor, il battit les émigrés à Quiberon,

J[modifier | modifier le wikicode]

JOURDAN (Jean-Baptiste, comte): 1762-1833. Général français, se distingua à la tête des armées du Nord, remporta la bataille de Fleurus. Membre du Conseil des Cinq-Cents,

K[modifier | modifier le wikicode]

SELLERAANH (François Etienne, duc de Valmy): 1735-1820, Général français, vainqueur avec Dumouriez à Vaimy. Fut envoyé ensuite à la tête de l'armée des Alpes.

L[modifier | modifier le wikicode]

LA FAYETTE <Gilbert Motier, marquis de): 1757-1834. Officier parti combattre aux côtés des insurgents d'Amérique. Député'de la Noblesse aux Etats Généraux, commandant de la Garde Nationale. Décrété d'accusation après la chute du trône, il passa la frontière. LAIBBALLE (princesse de): 1749-1792. Surintendante de la maison de la reine Marie-Antoinette. Fut tuée lors des massacres de septembre 1792. LAUNAY (Bernard Jordan de): 1740-1789, Gouverneur de la Bastille, il fut massacré par les émeutiers en 1789. LE CHAPELIER (Isaac René Guy): 1754-1794. Député du Tiers Etat aux Etats Généraux de 1789. Fonda le "club breton", émigré en 1792, il fut guillotiné à son retour. LINDET (Jean-Baptiste Robert): 1746-1825. Elu à l'Assemblée Législative puis à la Convention, membre du Comité de Salut Public, bénéficia de l'amnistie de l'an IV, LOUIS XVI: 1754-1793. Roi de France de 1774 à 1791 puis roi des Français. Emprisonné au Temple, il mourut guillotiné. LOUIS %VII (Louis Charles de France): 1785-1795. Second fils de Louis XVI et Marie-Antoinette. Enfermé au Temple, il y mourut, probablement en 1795.

M[modifier | modifier le wikicode]

NARAT (Jean-Paul): 1743-1793. Médecin et journaliste, fondateur de l'Ami du Peuple", mourut poignardé par Charlotte Corday. N.ARIE-ANTOINETTE: 1755-1793. Reine de France, épouse de Louis XVI, mourut guillotinée. 163 MIRABEAU (Honoré Gabriel Riqueti, comte de): 1749-1791. Député du Tiers Etat aux Etats Généraux. Membre de l'Assemblée Constituante, brillant orateur, mourut de maladie. KOUNIER (Jean-Joseph): 1758-1806. Député du Tiers Etat aux Etats Généraux, président de l'Assemblée Constituante, co-auteur du Préambule de la Déclaration des Droits de l'Homme, émigra en Suisse en 1790.

N[modifier | modifier le wikicode]

NECKER (Jacques): 1732-1804. Ministre des Finances de Louis XVI. NOAILLES (Vicomte de): 1756-1804. Député de la Noblesse aux Etats Généraux, se prononça en faveur de l'abolition des privilèges le 4 Août 1789, émigra en 1792. Cu] ORLEANS (Louis Philippe Joseph, duc d'): 1747-1793. Prince du sang, député aux Etats Généraux. Après la chute du trône, prit le nom de Philippe-Egalité. Vota la mort du roi, mourut guillotiné.

P[modifier | modifier le wikicode]

PARXENTIER (Antoine Augustin): 1737-1813. Pharmacien militaire et agronome. Répandit en France la culture de la pomme de terre. PETION de VILLENEUVE (Jérôme): 1756-1794. Avocat, député du Tiers Etat aux Etats Généraux, Jacobin, maire de la Commune de Paris, président de la Convention. Se rallia aux Girondins et, après leur chute, se suicida. PICHEGRU (Charles): 1761-1804. Général français. Membre du Conseil des Cinq-Cents. PROVENCE (Comte de): 1755-1824. Frère de Louis XVI, il émigra en 1791 à Coblence, puis à Vérone. Futur Louis XVIII

R[modifier | modifier le wikicode]

ROBESPIERRE (Maximilien de): 1758-1794. Député du Tiers Etat aux Etats Généraux, Jacobin puis Montagnard, membre du Comité de Salut Public, mourut guillotiné. ROLAND de La PLATIERE (Jean-Marie): 1734-1793. Un des chefs des Girondins, ministre de 1'Intérieur sous la Législative, se suicida après l'exécution de sa femme. ROLAND de La PLATIERE (Jeanne-Marie ou Manon Philipon): 1754-1793. Avec son mari, elle fut l'âme du ministère girondin, mourut guillotinée. ROUGET DE LISLE (Claude Joseph): 1760-1836. Capitaine en garnison à Strasbourg, composa le "Chant de guerre de l'armée du Rhin" qui devint la "Marseillaise". ROYOU (Thomas-Marie): 1741-1792, Prêtre et journaliste, fit paraître l' "Ami du Roi". Décrété d'accusation, il parvint à se cacher mais mourut peu après.

S[modifier | modifier le wikicode]

SAINT-JUST (Louis-Antoine de): 1767-1794. Montagnard, élu à la Convention, membre du Comité de Salut Public, mourut guillotiné avec Robespierre. 164 SIEYES <Emmanuel Joseph): 1748-1836. Vicaire général de Chartres, cérat` i Tiers Etat aux Etats Généraux. Jacobin, puis Feuillant. Elu s =invention, élu Directeur en 1795. STOFFLET <Jean Nicolas): 1751-1796. Chef vendéen, arrêté et exécuté A Angers.

T[modifier | modifier le wikicode]

TALLEYRAND <Charles Maurice, prince de): 1754-1838. Evêque d'Autun, député du Clergé aux Etats Généraux. Il approuva la Constitution civile du Vergé. Envoyé en mission à l'étranger, il ne rentra en France qu'après la Terreur. TALLIEN <Jean-Lambert): 1767-1820. Jacobin, élu à la Convention, membre du Comité de Sûreté générale, prit part à la Convention Thermidorienne, membre du Conseil des Cinq-Cents. TALLIEN <Thérésa Cabarrus): 1773-1835. Emprisonnée sous la Terreur, elle fut libérée après le 9 Thermidor et surnommée "Notre-Dame de Thermidor". THOURET (Jacques-Guillaume): 1746-1794, Avocat, député du Tiers Etat aux Etats Généraux. Se prononça contre les excès de la terreur et mouru-. guillotiné.

V[modifier | modifier le wikicode]

VERGNIAUD <Pierre Victurnien): 1753-1793. Avocat, un des chefs girondine. mourut guillotiné

W[modifier | modifier le wikicode]

  • WALPOLE (Horace): 1717-1797. Ecrivain anglais, inaugura le genre "roman noir" en Angleterre, ami de Madame du Deffand.

Chronologie de la révolution française[modifier | modifier le wikicode]

  • 5 MAI 1789 OUVERTURE DES ETATS GENERAUX
  • 20 JUIN 1789 SERMENT DU JEU DE PAUME
  • 9 JUIL 1789 ASSEMBLEE NATIONALE CONSTITUANTE
  • 14 JUIL 1789 PRISE DE LA BASTILLE
  • 4 AOUT 1789 ABOLITION DES PRIVILEGES
  • 26 AOUT 1789 DECLARATION DES DROITS DE L'HOMME
  • 6 OCT 1789 RETOUR FORCE DU ROI A PARIS
  • 15 JANV 1790 DIVISION DE LA FRANCE EN DEPARTEMENTS
  • 14 JUIL 1790 FETE DE LA FEDERATION
  • 20 JUIN 1791 FUITE DU ROI A VARENNES
  • 17 JUIL 1791 MASSACRE DU CHAMP DE MARS
  • 14 SEPT 1791 LOUIS XVI ACCEPTE LA CONSTITUTION
  • 1 OCT 1791 ASSEMBLEE NATIONALE LEGISLATIVE
  • 20 AVR 1792 DECLARATION DE GUERRE A L'AUTRICHE
  • 20 JUIN 1792 LA FOULE ENVAHIT LES TUILERIES
  • 11 JUIL 1792 L'ASSEMBLEE DECLARE LA PATRIE EN DANGER
  • 25 JUIL 1792 MANIFESTE DE BRUNSWICK
  • 10 AOUT 1792 CHUTE DE LA ROYAUTE
  • 20 SEPT 1792 VICTOIRE DE VALMY
  • 21 SEPT 1792 PROCLAMATION DE LA REPUBLIQUE
  • 21 JANV 1793 EXECUTION DE LOUIX XVI
  • 6 AVR 1793 CREATION DU COMITE DE SALUT PUBLIC
  • 2 JUIN 1793 CHUTE DES GIRONDINS
  • 24 JUIN 1793 CONSTITUTION DE L'AN I
  • 13 JUIL 1793 ASSASSINAT DE MARAT
  • 17 SEPT'1793 LOI DES SUSPECTS
  • 4 GERM AN II EXECUTION DES HEBERTISTES
  • 16 GERM AN II EXECUTION DE DANTON
  • 8 MESS AN II VICTOIRE DE FLEURUS
  • 9 THER AN II EXECUTION DE ROBESPIERRE
  • 12 PRAI AN III SUPPRESSION DU TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE
  • 4 THER AN III LES EMIGRES SONT VAINCUS A QUIBERON
  • 5 FRUC AN III CONSTITUTION DE L'AN III
  • 4 BRUN AN IV LA CONVENTION SE SEPARE