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Villes/Nice/Journal/CR/L'avenir appartient à ceux qui ne se couchent plus
« L’avenir appartient à ceux qui ne se couchent plus »
Où allons-nous ? Voilà la question qui me paraît la plus importante à se poser, alors
que nous sommes aujourd’hui le 44 mars. Le mouvement Nuit Debout, né à la suite de la
manifestation contre la loi El-Khomri, et catalysée par le succès du film « Merci patron ! »,
commence à s’inscrire dans la durée et doit désormais se demander vers quoi il veut tendre.
Selon moi, trois possibilités se dégagent pour que ce mouvement se traduise socialement et
politiquement, toutes trois pouvant être justifiées à égale mesure :
- L’institutionnalisation
- La contestation
- La révolution
Par institutionnalisation, j’entends le fait de suivre l’exemple de Podemos en Espagne et
d’investir le système politique pour le renouveler de l’intérieur. Ce n’est pas chose aisée et il
n’est pas dit que Podemos ne subissent pas les mêmes travers, sans doute propre à l’exercice
du pouvoir, que ceux de la classe politique qu’ils ont rabrouée sur les mêmes places que nous.
Cette solution est néanmoins intéressante parce qu’elle permet une reprise en main directe et
rapide de la conduite de nos politiques publiques. Elle redonne du sens à la démocratie en
permettant à des citoyens issus du peuple de prendre part au processus décisionnel, et pallie
au manque cruel de représentativité dans nos institutions politiques. Cette solution découle de
l’adage : « il faut prendre part à un système pour le changer ». L’élection présidentielle est
dans un an, et si le mouvement se consolide et s’étend, alors pourquoi ne pas présenter un
candidat issu du mouvement ? Certaines choses paraissent impossibles jusqu’à ce qu’elles
soient réalisées, et probablement que Podemos n’imaginaient pas participer à la direction des
deux plus grosses municipalités du pays, à savoir Madrid et Barcelone, en si peu de temps.
Par contestation, j’entends le fait de poursuivre le mouvement tel qu’il est aujourd’hui, c’est-
à-dire, d’obliger nos dirigeants à nous regarder, à nous écouter et à reprendre nos
propositions. La contestation lorsqu’elle est visible et organisée comme Nuit Debout peut
peser sur les décisions de nos gouvernants. Elle peut n’avoir aucun autre but que d’occuper
les places, se réapproprier l’espace public, et signifier son ras-le-bol général, tout en
réfléchissant sur le monde que l’on souhaite. Selon la légende, Franklin D. Roosevelt en 1932
après son élection, avait rencontré les leaders de certains mouvements pour les droits civiques
aux Etats-Unis et avait déclaré : « Je suis d’accord avec vos propositions. Maintenant allez
dans la rue et forcez-moi à les adopter. » Je crois encore au pouvoir de la rue, sur les
mobilisations qui aboutissent quand la cause est juste, même si pour l’instant, nos dirigeants
ne semblent pas encore avoir saisi à sa pleine mesure l’ampleur du mouvement. Qu’ils
veuillent le faire interdire est cependant un bon signe, car cela signifie qu’ils commencent à
avoir peur. De tous temps, les gouvernants ont toujours eu peur du peuple, cette masse
difforme, potentiellement incontrôlable à tout moment. La contestation, c’est la menace
perpétuelle de renversement qui permet d’obtenir des contreparties.
Par révolution, j’entends la plus radicale des solutions, peut-être pas la moins bonne mais
sûrement la plus difficile. Celle qui décide que ce système a assez duré, qu’il faut changer de
paradigme économique, politique et social et se mettre d’accord sur un nouveau modèle à
suivre. Sûrement le plus difficile car même si cela peut se faire sans couper la tête du roi,
chacun aura noté la complexité et la globalisation du monde dans lequel nous vivons et à
moins d’avoir un régime concret, fort et structuré à proposer derrière, j’ai bien peur que cette
solution soit vaine. Il faut pouvoir allier le pragmatisme à l’idéal sans être trop terre à terre.
Mais comment renverser un pouvoir sans violence, et sans y prendre part ? On a dit de Mai-68
que c’était une révolution manquée car les urnes n’avaient pas suivi la rue, mais que cela avait
été une révolution silencieuse. Il me semble qu’elle le fût surtout au niveau des mœurs. Si
révolution il doit y avoir, c’est une révolution politique, au sens systémique du terme, avec un
changement de constitution, une convergence avec d’autres pays européens pour mettre un
terme au néolibéralisme, voire capitalisme tout court.
Quoi qu’il advienne, je souhaite surtout qu’il sorte de tout ceci un mouvement unifié, pérenne
et prêt à rétablir le dialogue social. Je conclurai en citant Henry David Thoreau : « A une loi
injuste, nul n’est tenu d’obéir ». Même si un arrêté municipal vient interdire nos réunions
nocturnes, nous désobéirons et nous poursuivrons notre œuvre.