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Villes/Nice/Journal/CR/Les nuits de la dignité

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À Nice, le premier numéro de l'hebdomadaire « Gari la Nuit » sort enfin ! On pourrait tout aussi bien dire « le premier numéro de « Gari la Nuit » sort DEJA » !! En effet, sept nuits à peine après le vendredi 39 mars1, date du début du mouvement dans cette ville réputée peu contestataire, une version papier d'un journal participatif est dans les bacs ! Cette efficacité et cette énergie créatrice sont à l'image de l'ensemble de ce qui se passe tous les soirs, à partir de 19h, sur la place Garibaldi. Des Agoras populaires, ouvertes à toutes et tous. Des Assemblées Générales avec débats collectifs et votes. Des témoignages poignants, de la musique, de la danse, de la poésie et énormément de partages. Tout le monde a sa place au micro. Tous le monde, ici à Garibaldi, peut faire de la politique, de la vrai ! Puis vient le moment où divers «ateliers» se composent. L'image est belle : entre les barnums installés d'un coté et de l'autre de la place, des groupes se forment et s'assoient en rond pour quoi faire ? Flâner, se plaindre et boire des coups serions-nous tenter de croire ? Et bien, non, pas du tout ! Dans chacun des cercles et « ateliers », on débat, on imagine, on échange, on travaille.

Contrairement aux images péjoratives ou condescendantes des Nuits Debout que la majorité des médias véhiculent, ce qui se passe à Garibaldi la nuit est extrêmement positif. À la télé, sur les ondes radio ou encore dans les journaux réputés sérieux, la diversité du champs lexical des « experts » pour nous rabâcher leurs analyses au mieux complaisantes reflète mal la pauvreté de l'unique discours qu'ils tiennent. On nous balance des économistes multi-diplômés sur des plateaux télé que l'on dit sérieux et impartial pour nous dire: « vous, la masse gentille mais inculte, vous ne pouvez pas comprendre pourquoi, mais, tout de même, faites nous confiance. Nous, qui connaissons, qui savons, allons vous sauver de cette terrible crise qui touche tout le monde en vous imposant d'accepter nos réformes « modernes ». Ces réformes nécessaires creuseront davantage les inégalités. Sachez que si les riches gagnent encore plus, c'est qu'ils l'auront mérité. Si vous, vous perdez en pouvoir d'achat, c'est qu'aussi vous l'aurez mérité. Mais ne vous inquiétez pas, lorsque vous serez tous en concurrence parfaite et déloyale pour trouver du travail, lorsque seuls les riches pourront payer des études à leurs enfants et lorsque nous auront plus aucun lopin de terre saine pour cultiver quelque chose de sain, alors tout ira bien ».

Voilà, finalement, ce qui se cache derrière tout le sérieux apparent des discours de nos « experts ». A eux, nous leur disons « Merci » ! Merci pour vos recommandations et votre condescendance mal placée. Merci de vous sacrifier pour le bien commun des riches et des puissants. Continuez, si vous le souhaitez, à faire les marioles dans les journaux et sur les plateaux. Mais désormais nous n'avons plus besoin de vous. Vous nous pensez désorganisés, incultes rêveurs et incapables ? Rêveuses, rêveurs, sûrement. Mais nous sommes surtout lucides et, contrairement à vous, nous sommes responsables.

Regardons, regardez ce qui se passe à La Bobine à Grenoble, sur l'Esplanade de Gaulle à Rennes, au Capitole à Toulouse, à Répu à Lille ou à Paris, sur la Mariannenplatz à Berlin. Observez la place Garibaldi, le soir et puis la nuit : les gens sont là, debout, réunis pour imaginer, travailler et créer. Écoutez les discours qui se tiennent par ces soi-disant « incapables » : n'est-ce pas des discours lucides, sérieux et responsables ? Sommes-nous tant déconnectés de la réalité du monde d'aujourd'hui ? Est-ce nous les « classiques » et vous les « modernes » ? Nous ne sommes peut-être pas à la mode pour vous. Travailler et réfléchir sont à contre-vent de votre néo-libéralisme violent et outrancier. Mais n'est-ce pas vous les « anciens » avec votre rhétorique idéologique ? N'est-ce pas nous les « modernes » qui prenons en pleine considération la réalité de l'environnement dans lequel l'humanité vit ? N'est-ce pas vous les nihilistes qui font passer la possibilité d'un futur décent et durable derrière votre impérieuse nécessité de faire du fric ?

Oui, le peuple de la place Garibaldi exprime son ras-le-bol, se plaint de la déliquescence du système de santé, de l'éducation, de l’appauvrissement de la culture, de la montée du racisme, de la bettonisation des sols, de l'exclusion totale de nos banlieues, de l'indécence des riches, etc. Oui, cela fait beaucoup de choses, et nous ne sommes pas un parti politique bien organisé avec un seul et même discours bien rationnel, bien cohérent, bien dans les clous qui dispose plus qu'il ne propose. Non, nous n'avons pas un programme clair et bien précis déjà prédéfini. Mais est-ce une raison pour ne pas nous prendre au sérieux ? Est-ce parce que Nuit Debout est un mouvement qui ne rentre pas dans les cases habituelles du système normal et bien pensant qu'il faudrait s'en méfier et le discréditer ? C'est sur les places, désormais, que la politique se passe. Le peuple, lui aussi, est en marche ! Bien que la spontanéité du mouvement lui donne naturellement une apparence désorganisée et hétéroclite, il suffit de venir voir, un soir, pour s'apercevoir de tout le potentiel d'un peuple réunit et unit.

Alors, oui, c'est cette fameuse réforme du code du travail, cette « loi El Khomri » qui est le point concret contre lequel le peuple de la nuit se bat. Oui, c'est une nouvelle fois cet affront néo-libéral du capitalisme totalitaire qui nous révolte. Nous souhaitons purement et simplement le retrait de cette réforme. Mais est-ce tout ce que nous voulons ? Bien sûrs que non. Nous exprimons notre indignation contre l'inhumanité grandissante, la compartimentation des mondes et des gens, la destruction de l'environnement et des générations futures. Nous dénonçons l'irresponsabilité la plus criminelle de ceux qui ont le pouvoir financier, économique et politique aujourd'hui. Au nom de la France, au nom de l'Europe, c'est-à-dire en notre nom à toutes et tous, ces puissants font de nous des collaborateurs de l'exploitation de l'Afrique, du travail des enfants en Asie, de l'érosion des sols sur toute la planète, du dérèglement climatique, de la disparition d'espèces animales et végétales, de l'inadmissible exploitation industrielle des animaux, de millions de transfuges par-delà le monde, de morts de faim en masse et de cruautés dépassant l'entendement... C'est le 39 mars qu'à Nice le peuple a commencé son mouvement. Ce mouvement par lequel, celles et ceux que le système ultra-capitaliste n'a pas encore affamé ou rendu totalement soumis s'assemblent. Ces gens c'est nous, c'est vous, peut-être vous aussi ce soir ou demain soir, c'est le peuple qui, au travers de ses débats, ses rassemblements, ses ateliers, son unité et ses contradictions aussi, à travers sa présence, la nuit, place Garibaldi, fait savoir ceci à toutes et tous: nous ne voulons plus collaborer à la destruction du monde. Ce ne sont ni la richesse matérielle et le pouvoir que nous visons. Nous voulons simplement mais de façon, soyez-en sûrs, déterminée, retrouver notre DIGNITÉ que vous, puissants, vous nous avez volé.