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Villes/Nice/Université populaire/CR/142 Mars - Le Salaire à Vie

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Le Salaire à Vie[modifier | modifier le wikicode]

142 mars 2016 (20 juillet)

Audio de l'atelier[modifier | modifier le wikicode]

https://www.youtube.com/watch?v=m8fyAUlVc5U

Exposé[modifier | modifier le wikicode]

Première partie : la réalité révolutionnaire de notre époque[modifier | modifier le wikicode]

Bernard Friot est un économiste aujourd'hui retraité ayant travaillé presque toute sa vie sur la sécurité sociale et son histoire. Il s'est plusieurs fois remis en question sur son interprétation de celle-ci et a fini par en donner une version révolutionnaire très intéressante avec un projet économique global qui a donné naissance à l'association Réseau Salariat.

D'abord une petite esquisse de sa vision de l'histoire du capitalisme : Il fait partie de l'école marxiste, donc adhérant à l'idée que l'histoire des sociétés humaines est essentiellement constituée par l'histoire de la lutte des classes et une révolution consiste en la modification de la manière de produire et la place que chaque acteur y a (du "rapport de production"). Pour lui dans le passé la prédation des dominants sur les dominés se faisait par l'inégalité des statuts, des droits (nobles, paysans etc.). Dans le capitalisme en revanche il y a égalité des droits, donc pour que la prédation persiste il faut qu'elle se fasse autrement, à travers 4 institutions fondamentales que nous avons entièrement intériorisé et qui se sont lentement instaurés au cours des 4/5 derniers siècles (d'ailleurs c'est seulement parce que nous avons intériorisé ses valeurs que la classe dominante domine, quand elle ne pourra plus nous imposer son récit du réel, sa domination ne sera plus). Donc ces quatre institutions du capitalisme sont :

  • le droit de propriété lucrative : c'est à dire tirer des ressources d'un patrimoine dont d'autres ont l'usage, du simple fait d'en être propriétaire
  • le marché du travail : chaque travailleur se vend sur un marché au jour le jour, et est payé seulement le temps de l'occupation du poste puis jeté
    ==> il doit se conformer aux exigences du marché du travail (on a là d'ailleurs dimension religieuse de cette institution qu'il faut absolument satisfaire et qui ne peut pas être questionnée)
  • la mesure de la valeur par le temps (construction qui a pris là aussi des siècles, indispensable pour faire fonctionner le marché et en faire le centre de l'économie)
  • le crédit, et en particulier le crédit pour financer l'investissement

Maintenant je vais présenter grossièrement la composition actuelle du PIB français (cf. image à droite).

PIB français

La situation historique et présente étant posée, passons au salaire à vie.

Tout d'abord un point fondamental à comprendre : le salaire à vie est révolutionnaire, mais il ne propose pas de recréer la société selon un modèle utopique, ni non plus à partir d'éco-villages qui remplaceraient peu à peu le régime existant. Au contraire il se base sur un "déjà là" macroéconomique, et c'est un des points majeurs qui rend cette théorie si séduisante, parce qu'elle est déjà en partie réalisée. Le "déjà-là" c'est :

  1. La fonction publique d'Etat qui permet de déconnecter le salaire du poste de travail. Quel que soit le poste qu'on occupe en tant que fonctionnaire on est payé en fonction d'un grade irrévocable attaché à notre personne. On subvertit alors l'institution "marché du travail" puisqu'on a jamais besoin d'aller sur ce marché pour se vendre au plus offrant.
  2. Le régime général de sécurité sociale qui s'est construit après la guerre, avec :
    - Le régime général de retraite qui a été pensé et construit comme la poursuite du meilleur salaire dès 1945 : on revendique 75% du brut(=100% du net) du meilleur salaire, finalement on obtient la moyenne des 10 meilleures années mais l'idée était là.
    Évidemment les réformateurs essayent depuis de transformer la retraite comme continuation du salaire en la contrepartie de cotisations passées avec le concept d'annuités, avec du "j'ai cotisé j'ai droit". Les capitalistes aimeraient en faire de la prévoyance plutôt qu'un salaire maintenu.
    Ils essayent aussi de remettre la propriété lucrative au gout du jour en faisant appel au marché des capitaux pour financer les retraites.
    - Le chômage et les allocations familiales sont aussi une forme de début de salaire à vie. Là aussi on est payé sans passer par le marché du travail, sans mettre en valeur aucun capital, sans que la valeur qu'on produit soit mesurée par le temps, et sans crédit (pas de marché des capitaux dans la sécurité sociale).
    Et d'ailleurs pour appuyer un peu ce point, historiquement quand les allocations familiales ont été instaurées en XX, leur montant représentait alors la moitié du revenu d'un ménage moyen. Le ménage était donc payé pour moitié pour son rôle de parents et pour moitié par le travail qu'ils effectuaient sur le marché du travail. Je dis ça pour montrer la volonté vraiment révolutionnaire des personnes qui ont instauré ces institutions.

Et maintenant ça va être la partie la plus difficile à comprendre parce qu'on se refuse à pouvoir la penser tellement on a intériorisé les institutions du capitalisme. Elle est pourtant simple à énoncer : La révolution du régime général de sécurité sociale c'est que les retraités produisent leur pension, les parents produisent l'allocation familiale, les soignants produisent leur salaire, les chômeurs produisent leur chômage. Tous ces gens travaillent. Il n'est pas plus difficile de dire "les retraités ou les chômeurs travaillent" que de dire "les retraités ou les chômeurs ne travaillent pas". Par contre il est bien plus difficile de le penser. La vision subversive défendue par réseau salariat c'est de dire qu'on a institué au cours du 20ème siècle une nouvelle définition anticapitaliste du travail pour plus de 30% du PIB aujourd'hui encore.

En fait le travail est une convention sociale qui attribue de la valeur économique à certaines activités et pas à d'autres. Que ces activités produisent de la valeur d'usage (c'est à dire de l'utilité pour la société) ou non n'a pas d'importance, la valeur économique qu'on leur attribut est toujours politique. On peut politiquement décider que seul le marché en a l'entière charge, ou décider qu'on l'attribue avec d'autres institutions.

Je vais prendre un exemple : Imaginons l'activité "tonte de jardin" :

  • si je tons mon jardin je ne produis rien. Je produis bien une valeur d'usage mais pas de valeur économique.
  • si un employé municipal tond mon jardin il dépense l'argent des autres, il ne produit pas non plus puisqu'il dépense l'argent du contribuable.
  • si en revanche une entreprise capitaliste emploie un employé qui tond mon jardin, alors elle produit de la valeur économique.

On a ici exactement la même activité produisant la même valeur d'usage, qui est considérée comme productive ou non productive en fonction de la mise en valeur ou non de capital. C'est comme si seul le capital pouvait produire de la valeur économique... il s'agit d'une intériorisation de l'hégémonie du capital.

Le but de réseau salariat sur cet exemple c'est de faire admettre qu'en fait l'employé municipal ne dépense pas plus que l'employé de l'entreprise privée : il produit, et son salaire reconnaît cette production de valeur économique. Et dans le cas où nous le faisons nous-mêmes, nous ne sommes pas encore payés pour donc non reconnus comme producteurs de valeur économique... mais nous devrions l'être. On a bien le déjà là et ce qui reste é conquérir.

Deuxième partie : le Salaire à Vie comme prolongement de la révolution[modifier | modifier le wikicode]

Donc comme vous l'avez compris, le projet du salaire à vie c'est en fait le prolongement d'une révolution dont le tiers a déjà été réalisé. C'était ça le plus important. En quoi consisteraient les deux tiers restants ?

Concrètement on aurait tous un salaire à vie irrévocable sur le modèle de la retraite, dès notre majorité économique. Bernard Friot propose qu'on ait tous dès 18 ans un salaire de base et que celui-ci puisse évoluer par paliers avec un jury de qualification qui déciderait si on monte de pallier ou non en fonction de ce qu'on a pu apporter/réaliser sur les 10/15 dernières années, par exemple dans une fourchette de 1 à 4 (par exemple donc 1500€ pour le salaire de base, et la possibilité d'aller jusqu'à 6000€ au cours de sa carrière). Il y a d'autres courants au sein de réseau salariat, avec par exemple Christine Jakse qui représente un peu l'aile gauche, et qui propose de donner le même salaire à tout le monde parce qu'elle ne voit pas l'intérêt de la différence de salaire et trouve qu'il y a déjà bien assez d'institutions pour canaliser la violence sociale au niveau des différentes caisses et leur rapports avec les collectifs de travail. Il est important de comprendre que ce salaire serait la seule source de revenu. Il n'y a pas de deuxième chèque venant d'une "activité complémentaire" ou issu d'un patrimoine qu'on fait fructifier comme avec le revenu de base. Notre salaire nous rémunère déjà pour la valeur qu'on est réputé produire au cours de notre vie en général. Pas d'autre source de revenu.

Le salaire est une chose importante, mais il va de pair avec un deuxième pilier : la généralisation de la propriété d'usage (et donc la disparition de la propriété lucrative).

Petit point sur la différence de propriété d'usage versus propriété lucrative : la propriété d'usage c'est quand on est maître de ce qu'on utilise. Par exemple posséder la maison qu'on habite, ou co-décider dans l'entreprise où on produit c'est de la propriété d'usage. Alors que la propriété lucrative consiste à avoir la maîtrise sur quelque chose qu'on n'utilise pas forcément mais dont on tire un revenu alors que d'autres en ont l'usage sans la posséder. Par exemple louer une maison à quelqu'un, ou encore décider de ce qui est fait dans une entreprise dont on tire un revenu en tant que propriétaire, et où de d'autres personnes travaillent sans avoir de pouvoir de décision, c'est de la propriété lucrative. En généralisant la propriété d'usage, on supprime donc la propriété lucrative puisqu'il n'est pas possible de posséder un patrimoine qu'on fait fructifier, sans que quelqu'un d'autre en ait l'usage tout en ne le possédant pas.

Au niveau des finances ça donne ça : (cf. image à droite).

PIB français

Chaque entreprise (co-propriété d'usage des personnes qui y travaillent) cotiserait à hauteur de 100% de sa valeur ajoutée à différentes caisses gérées démocratiquement : - La caisse des salaires qui verse le salaire direct, le fameux salaire à vie. - Une caisse d'investissement qui va ensuite subventionner les entreprise et éviter qu'on en passe par le marché des capitaux qui n'existerait de toute façon plus - Une caisse de "gratuité" qui financerait les services publics totalement gratuits comme les transports de proximité, les premières consommations d'eau/électricité etc., l'école, la santé, le logement et ce qu'on estime nécessaire de mettre dans cette catégorie et qu'on souhaite sortir du secteur marchand.

Au final, qu'est-ce qui reste du capitalisme ?

Parmi les 4 piliers dont parlait Bernard Friot on a bien :

  • la propriété lucrative qui disparaît puisque la propriété d'usage est généralisée
  • le marché du travail qui disparaît puisque les salaires sont attachés à la personne
  • la mesure de la valeur par le temps qui disparaît puisque le salaire est attaché à la personne et indépendant de son activité réelle immédiate. Les gens pourront alors passer beaucoup de temps sur des choses qui ont une faible valeur sur le marché des biens et services, voir même n'avoir aucune activité marchande du tout, par exemple dans le cas du travail autour des structures subventionnées par les caisses de gratuité.
  • le crédit disparaît puisque l'investissement est assumé collectivement par les caisses d'investissement

Au final que reste-t-il ? Il reste juste le marché des biens et services, sur lequel certains pourrait éventuellement peser plus que d'autres parce qu'ils ont un salaire plus gros. Et la violence qui était précédemment concentrée dans le marché du travail qui se focalisera alors dans les conflits liés aux éventuels jurys de qualification et aux différentes caisses de subvention.

Et pour finir, par quoi on commence ? Il y a plusieurs pistes mais on pourrait continuer le travail fait par le régime général en créant une nouvelle cotisation pour payer un salaire aux jeunes de moins de 25 ans qui viendrait reconnaître leur statut de producteur jusqu'ici nié. Ou encore augmenter la cotisation pour partir à la retraite à 55 ou 50 ans. On pourrait aussi créer une sécurité sociale du logement comme on en a une pour la santé, qui rendrait le cout du logement dérisoire. Augmenter la sphère de la gratuité au niveau des transports par une nouvelle cotisation etc. Il faut penser aussi à limiter légalement la possibilité de propriété lucrative de manière progressive, en commençant par exemple par la bourse, et en attaquant peu à peu les autres secteurs...

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