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Villes/Nice/Université populaire/CR/527 mars - L'anti-violence selon Etienne Balibar (2)

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L'anti-violence selon Étienne Balibar (2)[modifier | modifier le wikicode]

527 Mars (9 août 2017)

Son de l'atelier[modifier | modifier le wikicode]

https://www.youtube.com/watch?v=waIGzyi46gc

Présentation[modifier | modifier le wikicode]

Présentation par Roman, basée sur :

  • la conférence donnée par Etienne Balibar en 2014 intitulée "Violence, civility and politics revisited" :
  • le livre "Violence, civilité, révolution, autour d'Etienne Balibar" écrit suite à un colloque international à Istambul, par Etienne Balibar, Marie-Claire Caloz-Tschopp, Ahmet Insel et André Tosel.

Distinction entre violence et violence extrême ou cruauté[modifier | modifier le wikicode]

Étienne Balibar pense que la violence est inhérente à toute civilisation et toute politique. Dès qu'il y a un rapport de force il y a de la violence. Mais si la violence est partout, la politique elle n'est pas partout : la violence peut être politique ou non politique, convertible ou non convertible dans un processus politique. C'est quand la violence n'est plus convertible et que les gens sont dépossédés de leur action individuelle et collective qu'elle devient extrême, ou encore qu'elle devient de la cruauté (Balibar utilise régulièrement les termes "extrême violence" et "cruauté" pour parler de ça).

Il dit même que le non politique est au politique ce que l'inconscient est à la conscience, ou ce que le crime est à la légalité : à la fois son antithèse et sa condition de possibilité. Donc l'éradication totale du non politique (et donc de la violence non politique) constitue un fantasme mortifère. Le mieux qu'on puisse faire c'est la repousser constamment par une réinvention de nouvelles formes d'action politique qu'il appelle civilité.

Une dimension importante dans sa pensée c'est que les moyens d'action conditionnent les personnes qui les pratiquent, et ces moyens finissent souvent par devenir des fins en eux-mêmes. Et c'est pour ça que pour lui utiliser une violence extrême, même dans des buts révolutionnaires "nobles", est une mauvaise idée. La lutte de classe est pour lui toujours une lutte politique. Quand on sort de la politique, on entre dans la destruction irrationnelle, la violence extrême, et on ne maîtrise plus rien.

A propos des critères de l'extrême violence[modifier | modifier le wikicode]

D'abord il faut noter que les limites du franchissement de l'extrême violence ne peuvent être soulignées que rétrospectivement : On pourra dire après coup "Il y a eu de l'extrême violence" mais sur le moment on n'est jamais vraiment sûr et la plupart du temps on ne s'en rend tout simplement pas compte. Et la même chose s'applique à la civilité qu'on peut identifier comme telle qu'après coup.

Étienne Balibar avait avant même son livre Violence et Civilité formulé déjà trois critères qui sont trois aspects pour distinguer le passage dans l'extrême violence :

  • 1er critère : l'anéantissement des possibilités de résistance à la violence, à la coercition, à la domination etc. que ce soit individuellement ou collectivement (même si Balibar insiste sur le fait qu'il n'y a pas de résistance individuelle possible sans solidarité, compassion, donc sans le collectif).
  • 2ème critère : l'abandon du désir ou de l'instinct de conservation. Il s'agit de situations où le sujet va préférer la mort au sort qui lui est réservé dans la vie, par exemple dans le cas de torture.
  • 3ème critère : la désutilité radicale où les êtres humains deviennent superflus, où on passe de l'exploitation à la destruction. Il y a deux aspects à ce critère : l'organisation de l'élimination des êtres humains de manière industrielle, et le fait de considérer certains êtres humains comme totalement inutiles, même pas dignes d'être utilisés pour être exploités.

Le passage de la violence dans l'extrême violence dépend de la manière dont les sujets humains vivent et ressentent la chose, et notamment de leur réaction : est-ce qu'ils apprécient la situation, est-ce qu'ils la prennent en compte ? etc. et donc le fait que les gens victimes de l'extrême violence sont conscients de celle-ci et se mettent à essayer de résister commence déjà à les faire sortir de l'état d'extrême violence, puisqu'ils commencent à redevenir des sujets politiques.

Il ajoute ensuite 3 autres critères en plus :

  • 1er critère : le fait que l'action et de l'inaction empirent tout autant la situation. Balibar pense notamment au moyen orient (Syrie, Irak etc.) où la politique a tellement été détruite qu'intervenir ou ne pas intervenir de l'extérieur ne change rien et les choses s'empirent de toute façon.
  • 2ème critère : immunisation menant à l'auto-immunité, c'est en référence au concept d'auto-immunité de Jacques Derrida, ça veut dire en gros qu'en voulant s'immuniser contre quelque chose d'étranger, on finit par vouloir se détruire soi-même parce qu'on est soi-même infecté par cette chose étrangère qu'on veut éliminer. Appliqué au cas de la violence/cruauté Balibar prend l'exemple de l'intervention au moyen orient suite aux attentats du 11 septembre, qui ont mené progressivement à la réduction des libertés et au recul de la politique dans les pays occidentaux.
    Et comme autre exemple il prend le cas du virus Ebola qui a touché plusieurs pays d'Afrique ces dernières années. La réaction de tous les pays du monde à l'exception de Cuba a été de mettre en place une isolation de la zone au lieu d'envoyer des aides médicales massives. Et les compagnies pharmaceutiques n'ont pas trouvé l'intérêt de développer un vaccin étant donné la pauvreté dans laquelle ces populations sont plongées depuis des années. Mais l'isolation ne peut pas être complète... et on retrouve les gens fuyant ces pays aux diverses frontières. Et donc l'immunisation contre ces étrangers pourrait bien mener à l'auto-immunité en s’autodétruisant à cause du virus qui va se répandre partout au lieu de l'avoir éradiqué tout de suite là où il se trouvait.
  • 3ème critère : le flou dans la distinction entre la paix et la guerre, inspirée par Orwell : "La guerre c'est la paix". La guerre n'est plus localisée avec un début et une fin, elle est partout avec différentes intensités. On a l'exemple de la Syrie, mais aussi bien d'autres où on parle de terreur, mais aussi de résolution de conflit, ou même parfois de processus de paix pour désigner la guerre généralisée.

Extrême violence ultra-subjective vs ultra-objective[modifier | modifier le wikicode]

Petit rappel sur la violence ultra-subjective et ultra-objective :

  • La violence ultra-subjective c'est quand on passe la ligne de l'extrême violence en identifiant des groupes comme ennemis à détruire absolument (plutôt que de simplement les combattre), dans une distorsion de la raison et de la morale, et dans une intensification de l'intensionnalité (c'est-à-dire que les gens ne sont clairement pas passifs mais très impliqués). C'est le cas de tous les génocides religieux, nationalistes etc.
  • La violence ultra-objective c'est quand on passe la ligne de l'extrême violence dans un processus impersonnel, anonyme, comme par exemple les conséquences environnementales désastreuses du capitalisme, ou encore le mode de consommation qui entraîne une immense pauvreté et fait sortir des millions de personnes du tiers monde du champ de la politique.

Concernant la violence ultra-subjective, elle est caractérisée par deux aspects :

  • une sorte de jouissance irrationnelle de l'appareil d’État abusant de son pouvoir (page 41 pour en savoir plus). C'est ce qui donne les États totalitaires.
  • et la recherche de pureté d'une communauté imaginaire que les sujets s'inventent. C'est ce qu'on a avec les guerres ethniques ou religieuses.

Mais ces aspects sont surdéterminés par le désastre dans lequel nous plonge le capitalisme.

Voilà comment ça se passe : Pour légitimer un pouvoir souverain, il faut forcément qu'il y ait régulièrement un abus de la part du souverain ou de son représentant. Mais aujourd'hui la plupart des pouvoirs souverains étatiques sont en crise... sauf qu'on a le système financier international qui est en train de s'ériger en une sorte de nouveau pouvoir souverain. Il crée donc une terreur, une panique chez les gens, qui réagissent :

  • en créant des identités imaginaires pour essayer de contrer ce pouvoir souverain extérieur en renforçant la nation, sa pureté, l'exclusion de tout ce qui est étranger... que ce soit le banquier ou le migrant.
  • Ou parfois ils réagissent en créant une communauté autour de règles ancestrales souvent religieuses, qui est censée être plus forte que l’État faiblard perdant sa souveraineté.

Et donc on a là rassemblés les nazis et les islamistes dans la même logique de résistance irrationnelle au néolibéralisme.

Mais si Étienne Balibar fait la distinction entre ultra-objectif et ultra-subjectif, c'est bien pour montrer que le premier est entièrement déterminé par les mécanismes destructeurs économiques du capitalisme, et le deuxième y est lié, mais est aussi lié à d'autres composantes irrationnelles qui selon Balibar ne servent pas bien les intérêts de l'économie, bien qu'il y ait de gros profits à faire aussi en de telles périodes.

[Petite remarque perso ici : Il existe un mécanisme très connu de Marx que sur lequel de nombreux intellectuels s'appuient, c'est la baisse tendancielle du taux de profit, qui fait que le capitalisme produit trop et arrive dans une situation où la seule manière de maximiser le profit quand tous les marchés possibles ont été conquis c'est de détruire les marchandises, ou alors de faire quelque chose de brutal comme une guerre, pour pouvoir créer d'autres marchés. Donc on pourrait dans une certaine mesure contester que les génocides ou les guerres ne soient pas économiquement profitables et donc des conséquences directes de l'économie. Balibar doit bien sûr savoir ça vu qu'une de ses premières œuvres a été la co-écriture de "Lire le Capital", et il serait intéressant de connaître sa réponse.]

Concernant maintenant la violence ultra-objective, Étienne Balibar dit qu'elle se décompose essentiellement en deux aspects :

  1. la violence du capitalisme telle qu'on l'a classiquement décrite depuis Marx et qui pourrait se résumer aux concepts marxistes de surexploitation (c'est-à-dire quand on l'exploitation n'a plus aucune limite et va jusqu'à provoquer la destruction de la santé physique et psychologique des travailleurs), et accumulation primitive (c'est-à-dire le fait d'exproprier les petits producteurs puis de réprimer les pauvres pour en faire, de force, des ouvriers), auquel Balibar ajoute l'adjectif permanente pour insister sur le fait qu'elle se produit régulièrement. Il suffit que les opprimés baissent leur garde pour que le capital regagne du terrain et nous ramène à la situation d'exploitation que subissent les gens dans les pays du tiers monde.
  2. celle issue de la mondialisation, et de l'économie-monde qu'est devenu le capital. Là aussi on a deux aspects :
    • l’extension de la "destruction créatrice" au monde entier (la destruction créatrice c'est un concept de l'économiste Joseph Schumpeter, et c'est le processus qui simultanément détruit des secteurs économiques et en crée d'autres pour les remplacer)
    • et puis ce que Marx avait appelé l'achèvement de la "Soumission réelle" du travail au capital :
      Citation de Balibar : "dans la forme d'une incorporation de la consommation, de la santé, de l'éducation, de la vie affective, et généralement des fonctions de "formation" et "d'individuation" de l'être humain, au circuit d'accumulation du capital financier - ce que les économistes néolibéraux appellent l'émergence du "capital humain""

On peut donc dire sur ces deux versants de la cruauté que d'une certaine manière, dans le capitalisme contemporain, le capital se déplace de zone en zone pour tirer tout le profit qu'il peut, avant de l'abandonner totalement dévastée. Il détruit tant les humains, les civilisations dans leur diversité, que l’écosystème. Et c'est notamment ça (cette violence extrême ultra-objective) qui cristallise ensuite les identités désespérées (à travers des mécanismes complexes) engendrant le versant ultra-subjectif de la violence extrême.

[remarque personnelle : De manière générale Etienne Balibar est très mesuré. A chaque fois qu'il dit quelque chose, il s'empresse de le tempérer en pointant que ce n'est pas le seul aspect, que ça ne s'applique pas entièrement, que ça n'explique pas tout non plus, que tirer les choses au clair est compliqué etc.]

La civilité face à la violence extrême[modifier | modifier le wikicode]

La civilité est constituée des moments où l'extrême violence est repoussée ou redirigée vers autre chose, où les sujets réussissent à se réinventer comme sujets politiques pour l'éviter. On ne peut vraiment repérer ces moments avec certitude que rétrospectivement en disant "Il y a eu là de la civilité, l'extrême violence aurait pu submerger les acteurs mais elle a été contenue" (oui parce que si tout se passe bien, on ne sait pas vraiment si c'est de la civilité ou si c'était le cours normal des choses sans risque de violence extrême à ce moment). Et du coup si on se trouve dans une période d'extrême violence ou de possible extrême violence qui arrive, il ne faut pas simplement chercher la paix ou la réconciliation. Il faut chercher des formes de politique nouvelles qui "auront permis" de dissiper l'extrême violence quand on regardera notre situation depuis le futur.
Il y a donc une sorte de cercle d'introspection et d'anticipation dans le fait de chercher des moments de civilité. Avec cette technique on peut plus facilement repérer des moments de civilité dans l'histoire comme par exemple les luttes de classe du 20ème siècle qui ont permis des conquêtes sociales, et dont on comprend mieux l'ampleur maintenant que les politiques néolibérales s'y attaquent.

Etienne Balibar esquisse un début de méthode pour engager des actions de civilité : il propose de s'attaquer au cœur de ce qui caractérise l'extrême violence :

  • Par exemple si le capitalisme crée un processus de désutilité des gens, il faut œuvrer pour que chacun retrouve son utilité, en trouvant des moyens pour que les gens délaissés par le capital puissent donner le meilleur d'eux-mêmes aux autres.
  • De la même manière on peut envisager des stratégies de civilité sur les grands axes comme l'écologie, ou encore la violence transnationale. Pour le cas de la violence transnationale on peut résister aux identités imaginaires d'où pourrait apparaître une violence ultra-subjective avec la recherche irrationnelle de la pureté. Il faut aussi faire attention avec les frontières parce qu'elles ont tendance à s'épaissir : on finit par traquer ceux qui passent avant la frontière mais aussi après, et on aboutit à une militarisation progressive de la société. Il propose de démocratiser les frontières pour s'opposer à leur militarisation. Il s'agirait de trouver des moyens d'étendre des droits égaux entre les citoyens des deux côtés de la frontière, de permettre le passage de ceux qui veulent passer mais sans détruire la frontière non plus, et dans la mesure du possible de chercher à être dans la réciprocité.
    Etienne Balibar propose de faire de cette cause de militance une cause classique de même que la régulation des banques, la conquête de la liberté religieuse, de la liberté sexuelle etc.

Exemples de civilité dans le présent qu'on peut essayer d'identifier comme tel :

  • les docteurs cubains et les membres de médecins sans frontières qui sont allés au Liberia, en Guinée, et au Sierra Leone pour aider dans la crise de l'ebola sont un exemple de civilité.
  • lors de son colloque en Turquie autour de la question de la violence, il avait rencontré des femmes turques et kurdes qui militaient pour un processus de paix entre les communautés kurdes et le gouvernement turc. Et là il a appris que ces mêmes femmes voyagent vers la frontière syrienne de la Turquie non pas pour réclamer la paix, mais pour placer le conflit sur le terrain de la négociation et légitimer les organismes internationaux. Pour Balibar elles essayent clairement d'inventer des stratégies de civilité. Et d'ailleurs le fait que les femmes participent est en soi un facteur qui aide, parce qu'il bouleverse l'habitude millénaire qui faisait qu'on ne leur donnait aucun droit politique.

Etienne Balibar fait par ailleurs remarquer que la plupart de ces exemples de civilité viennent de la société civile, constituée d'ONG, de mouvements de type Occupy ou Nuit Debout etc. alors que les États se cantonnent plus à des mini actions humanitaires, souvent liés à la militarisation.

Parcours d'Etienne Balibar et questionnements[modifier | modifier le wikicode]

Etienne Balibar fait partie de la génération d'intellectuels marxistes et léninistes, qui militaient pour une révolution sous forme de dictature du prolétariat, mais avec un regard en partie critique envers le régime soviétique qu'il aurait voulu plus démocratique, et plus tard aussi critique envers le PCF qu'il jugeait pas assez favorable aux migrants (d'ailleurs il en a été exclu pour ça).

Après la chute de l'URSS, la pression intellectuelle des nouveaux philosophes a conduit la plupart des marxistes à abandonner leur rêves de révolution communiste et à se convertir à d'autres idéologies. Sans totalement abandonner Marx chez qui il pioche encore beaucoup de concepts, Balibar est allé chercher du côté des droits de l'homme, en s'inspirant pas mal d'Hannah Arendt avec sa notion de "droit d'avoir des droits" et quelques autres. Et en quittant peu à peu le champ du matérialisme historique de Marx, il est allé creuser du côté des divers totalitarismes identitaires, des racismes etc. pour essayer d'expliquer ces mécanismes et trouver une solution là dessus, en laissant de côté un peu le côté économique.

[Remarque personnelle : En voyant son parcours qui est typique des parcours de dizaines d'autres intellectuels, je suis choqué de voir à quel point les intellectuels, dans leur production idéologique et conceptuelle, sont dépendants des aléas de leur époque. Il suffit qu'il y ait l'URSS pour qu'une ribambelle d'intellectuels soient marxistes à fond, et il suffit qu'elle perde, même si c'est pour des raisons annexes, conjoncturelles, pour que tous les intellectuels se sentent obligés de retourner leur veste idéologique en allant chercher des idées ailleurs. On dit souvent que les gens sont tous des moutons qui suivent le mouvement etc. mais je trouve qu'on oublie souvent de dire que les intellectuels et universitaires le sont fondamentalement aussi dans leur majorité.]

Il a assez vite été critique envers le "sens de l'historie" de Marx, où le capitalisme devait laisser logiquement place au communisme comme le féodalisme a laissé place au capitalisme, de manière inéluctable. Au contraire pour Balibar de plus en plus, rien n'est certain. Le capitalisme peut dévaster telle zone, puis changer pour aller en dévaster une autre, pour revenir quand la première commence à repartir etc..
C'est tout le contraire d'un Bernard Friot par exemple qui pense dans l'idée de Marx que la révolution est en cours, et que malgré les reculs comme celui qu'on vit depuis 30 ans, globalement si on regarde sur plusieurs siècles on est sur une pente clairement ascendante, et un retour en arrière est inenvisageable. Balibar au contraire imagine très bien un retour en arrière total, qu'on puisse tout perdre y compris en europe retourner à l'état social des pays du tiers monde.

On peut aussi noter qu'Etienne Balibar a toujours soutenu une vision internationaliste, c'est ce qui l'intéressait principalement dans le communisme (d'ailleurs il préfère le mot cosmopolitisme à internationalisme). C'est pour cette raison qu'il a été un soutien à l'union européenne depuis longtemps, parce qu'il pense qu'il faut un cadre pour une citoyenneté européenne, et même mondiale, sans bien sûr aller jusqu'à remplacer le cadre national. (Cela dit il a commencé à changer d'avis récemment sur l'UE, vu sa nature néolibérale et de plus en plus autoritaire dans laquelle elle s'enfonce chaque jour un peu plus)


Ensuite André Tosel fait remarquer que si on reste dans la non violence à tout prix (comme c'était le cas pour Hannah Arendt selon lui), on peut se retrouver à défendre les oppresseurs, et à cautionner une violence extrême, donc hors de la civilité et de l'anti-violence. Pour être dans l'anti-violence, il faut parfois savoir être dans la contre-violence si elle est vraiment nécessaire, et si la non-violence menait à une situation de violence pire que la contre-violence.

Il faut bien distinguer ici le concept d'anti-violence (ou civilité) qui est le fait de repousser le plus possible la violence extrême, et l'opposition non-violence/contre-violence. L'anti-violence est la plupart du temps non-violente, mais elle peut être aussi une contre-violence si la situation l'exige. Par exemple quand un militant non violent avait voulu assassiner Hitler, il avait conscience que c'était de la contre-violence et non pas de la non-violence, mais il était bien dans une action anti-violente quand même, parce que ne pas assassiner Hitler donnait lieu à une violence extrême bien plus grande que l'assassiner.

Dans ce même ordre d'idée Ahmet Insel parle de groupes kurdes emprisonnés en Turquie, qui dans les années 2000 ont procédé à des suicides à tour de rôle en se privant de nourriture, pour obtenir des revendications victimaires pour les Kurdes. A chaque fois qu'un camarade mourrait dans sa cellule, un autre prisonnier allait le remplacer, sans jamais céder tant que leur cause ne serait pas entendue ou tant que tous les membres du groupe n'auraient pas donné leur vie. Plusieurs dizaines de personnes sont mortes comme ça tour à tour... Pour Ahmet Insel il s'agit là d'un comportement non-violent pour autrui certes puisqu'on ne fait du mal qu'à soi-même en ne mangeant pas (comme le faisait Gandhi dans son chantage à la grève de la faim), mais là on va encore un cran au delà puisqu'on est enrôlé dans un processus où on attend de nous qu'on donne notre vie pour un principe victimaire qui se retrouve sacralisé et jamais mis en discussion jusqu'à la victoire ou la mort. Comme nos camarades ont déjà donné leur vie on ne peut rembourser cette dette que par le don de notre propre vie, donc on est hors du champ de la réflexion, on n'est plus un sujet politique. On est dans l'extrême violence. Une extrême violence... qui s’inscrit dans le cadre d'une action non-violente !

On a donc les concepts opposés de non-violence vs contre-violence d'un côté, et anti-violence (ou civilité) vs extrême violence (ou cruauté) de l'autre. Et ces notions peuvent parfois se croiser. C'est en ça que l'anti-violence n'est pas la non-violence comme on l'entend classiquement en pensant à Gandhi.

Sujets qu'on peut aborder si on a le temps[modifier | modifier le wikicode]

Sur la question de la police[modifier | modifier le wikicode]

Une personne dans l'audience pose la question de la police, et du fait qu'elle soit toujours plus développée dans nos régimes, et toujours plus répressive :

Balibar trouve qu'il y a une idéalisation de la communauté citoyenne (la politi), que certains philosophes comme Jacques Rancière opposent à la police et à ses dérives, en considérant que la subjectivation est forcément bonne. Il pointe le fait que la subjectivation, avec son lot de solidarité, d'engagement, d'enthousiasme etc. peut aussi être faite pour le pire et pas seulement pour le meilleur (il s'agit ici du versant ultra-subjectif de la violence extrême).

Et donc il pense que la police est en un sens nécessaire. Même si il ne se fait pas d'illusion sur la capacité des citoyens à contrôler "démocratiquement" la police, il pense qu'ils ont quand même certains leviers d'action pour éviter les dérives. Pour lui la police est typiquement une institution issue du monde autoritaire qu'il faut en priorité lutter pour contrôler démocratiquement, de même que les frontières pour prendre un autre exemple.

Discussion[modifier | modifier le wikicode]

A remplir à partir de l'audio.