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Villes/Nice/Université populaire/CR/555 mars - Théorie de la violence de Georges Labica

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Théorie de la violence de Georges Labica[modifier | modifier le wikicode]

555 mars (6 septembre 2017)

Son de l'atelier[modifier | modifier le wikicode]

https://www.youtube.com/watch?v=cJ7e9mlA3LU

Présentations pour alimenter l'atelier[modifier | modifier le wikicode]

Présentation du livre par Roman[modifier | modifier le wikicode]

Georges Labica nous présente la violence comme un concept très diffus, qu'on commence à penser depuis à peine 50 ans, qui comprend le pain volé par un pauvre pour survivre, la fessée donnée à un enfant, autant que le meurtre de masse, en passant par la violence au travail, ou la violence colonisatrice. On arrive à décrire les formes de la violence, mais on n'arrive pas à donner une définition à ce mot pour pouvoir vraiment penser ce concept qui regroupe trop de choses, et qui pourtant est utilisé en permanence.

Ensuite il nous présente le cas de Job, le personnage biblique qui était un modèle de piété, mais comme Satan avait convaincu Dieu de lui infliger des souffrances, il était frappé par les maladies. Et alors Job ne se laissait pas faire, il interpellait Dieu en lui demandant pourquoi cette injustice alors qu'il essaye de faire au mieux pour être lui-même juste et bon avec les autres ? Les amis de Job lui ont dit qu'il était inconscient d'interpeller Dieu comme ça, qu'il était insignifiant. Et finalement Dieu lui-même intervient pour lui dire la même chose : qu'il est insignifiant de vouloir s'opposer à ce qui lui arrive, pour finalement le rendre heureux et prospère à nouveau quand Job avoue son insignifiance et son illégitimité à se plaindre de son destin injuste.
Cette histoire de Job a été largement commentée dans la littérature et l'art, et pour Georges Labica elle constitue une sorte de métaphore de la violence. Il fait aussi le lien avec l'histoire d'Abel et Caen : alors que Dieu acceptait les offres d'Abel, il refusait, pour on ne sait quelle raison, les offres de Caen. Et Caen a fini par tuer Abel...

Labica parcourt ensuite la mythologie antique, les pièces de théâtre du moyen âge, l'art iconographique etc. pour montrer toute la violence qu'on peut y trouver, entre les histoires d'inceste, de viol, de vengeance, de dépeçage etc. Puis il revient dans le présent pour montrer que cette représentation continue à l'époque moderne avec le cinéma et les médias modernes. Il nous dit alors que notre société n'a rien à envier au passé en terme de violence qui se retrouve maintenant dans tous les domaines : agressions, incivilités à l'école, harcèlement au travail, guerres permanentes, génocides etc. et que ce soit dans le passé ou le présent, on retrouve souvent l'idée qu'en dernier ressort c'est le destin immuable de l'homme, sa nature qui le plonge dans la violence.

Il en dégage 4 propriétés de la violence :

  • elle procède par enchaînement : une fois qu'on a un acte de violence, les autres suivent
  • elle est cumulative : une fois le premier acte de violence commis, les autres suscitent une certaine anesthésie morale
  • elle est compétitive : on cherche toujours à aller plus loin dans la violence dans un esprit de vengeance en allant plus loin que l'autre
  • elle est spécifiquement humaine : parce qu'elle est culturelle dans toute sa complexité (p97) quand on l'associe aux animaux ou aux phénomènes naturels on pense en fait plus à la force qu'à la violence.

Ensuite il essaye de chercher une définition à la violence. Étymologiquement elle renvoie non pas à une malédiction tombée du ciel mais plutôt au devenir d'une force qui croit en degrés, jusqu'à l'outrance, et se met à déranger l'ordre.
En cherchant chez les différents auteurs qui ont écrit sur le sujet, la plupart décrivent les formes de la violence en détail, mais soit n'essayent pas d'en donner une définition, soit déclarent qu'ils n'y arrivent pas et que ce mot recouvre trop de choses diverses.

Labica esquisse sa vision de la violence qui est un peu celle de Bertrand Ogilvie : le fait que la violence est "toujours un résultat, effet particulier du processus de contrainte et de résistance qui selon la conjoncture la font passer de l'insensible à l'intolérable". La violence n'est pas quelque chose en nous que certains ont plus que d'autres, mais elle est plutôt le résultat d'une mise en situation.

Il nous dit par ailleurs que selon les chercheurs en sciences humaines, l'association entre violence et souffrance ne fait aucun doute. Et il nous donne plusieurs shémas :

  • V/S/V : où on a une violence initiale qui provoque une souffrance, suivie d'une violence réactive, d'une contre-violence
  • V/S/P : où on a une violence, une souffrance, qui se transforme en plaisir, par exemple dans les rites initiatiques qui à la différence de la torture ne sont pas deststructeurs et déshonorants, les rites religieux tels que le jeune, ou même l'auto-flagellation. Et en allant encore plus loin on peut prendre le cas des martyrs qui cherchent une forme de bonheur dans le supplice.

Mais alors où chercher l'origine de la violence initiale ? Pour une grande partie on peut la trouver dans des violences subies au cours de la vie (alors on retombe dans le schéma V/S/V), y compris dans l'enfance. Mais ces facteurs n'expliquent sans doute pas tout. L'être humain a depuis toujours un penchant pour la cruauté, la torture, qui est difficilement explicable, et que des philosophes antiques et certaines recherches associent au sentiment de mélancolie...

Il part ensuite à la recherche des doctrines qui pensent sans la violence. D'abord du côté des religions qui ont un discours assez large de condamnation de la violence, d'appel à la tolérance, et qui pourtant ont, selon la page où on regarde, des passages appelant au contraire à la violence pour punir les méchants ou les infidèles. Puis du côté des philosophes qui condamnent quant à eux assez largement la violence. Labica fait remarquer le contexte dans lequel la philosophie est née dans la Grèce antique : au moment où on sortait de l’organisation en clans pour adopter la division territoriale de la cité-Etat, on mettait en avant la rationalité. Deux courants s'affrontaient essentiellement : les sophistes, épicuriens, et autres matérialistes athées, dont des milliers d'ouvrages ont d'ailleurs disparu, et dont l'action a débouché sur la démocratie en étendant la raison à la communauté politique, et les idéalistes comme Platon. Mais tous condamnaient la violence à leur manière. Et les cités grecques étaient le lieu de la raison, de la pensée, mais pas le lieu de la révolution. Labica fait aussi remarquer que pratiquement tous les philosophes ont tenté, à défaut de gouverner eux-mêmes, d'être les conseillers des gouvernants et princes, pour imposer leur idéal de mise à l'écart de la violence par la mise en avant du droit.

C'est donc ainsi que les religions et les philosophes ont depuis des siècles mis à l'écart la violence au profit du droit. Mais Georges Labica nous dit que le droit et la violence n'en demeurent pas moins indissociables. Aujourd'hui pour lui seul l’État et les travailleurs organisés à travers le droit de grève disposent vraiment d'un droit à l'exercice de la violence. Labica distingue ici la violence fondatrice du droit que peut constituer celle des travailleurs organisés, et la violence conservatrice des policiers qui protègent l'ordre qui a été fondé auparavant par une violence fondatrice antérieure. Il nous fait remarquer aussi que le droit bouge en permanence par l'action de nouvelles violences fondatrices [C'est ce que disait Mathieu dans son article "L'empire" quand il dit qu'on peut changer les lois par les différentes luttes], et cite Walter Benjamin qui dit à propos de la justice : "Que disparaisse la conscience de cette présence latente de la violence dans une institution juridique, cette dernière alors périclite... Car aucun compromis, même librement accepté, ne peut échapper au caractère d'une contrainte.".

Puis il part explorer les mouvements de non-violence, qui eux luttent explicitement contre la violence au lieu de la mettre simplement à l'écart. Ils prennent racine chez des philosophies comme celle de Platon en occident et Confucius en orient, qui prônent un idéal de paix perpétuelle. On a ensuite plus récemment le discours de la servitude volontaire de La Boétie qui en appelle à une non-violence négative, c'est à dire qui n'appelle pas à l'action, mais simplement dit de ne plus servir les maîtres pour être libres, stratégie qui n'est pas applicable directement. D'autres ensuite établissent des stratégie de non violence positive, c'est à dire révolutionnaire. C'est le cas notamment de Gandhi sur lequel on a fait un atelier. Sur Gandhi Labica ajoute quelques éléments quand même pour souligner son ambivalence. Il dit notamment qu'il était raciste envers les noirs et les juifs. Il a déclaré par exemple à propos du génocide des juifs : "Hitler a tué cinq millions de juifs. Mais les juifs auraient du s'offrir en masse au couteau du bourreau. Ils auraient du se précipiter dans la mer du haut des falaises (...) En fait, ils auraient succombé par millions d'une façon ou d'une autre". Et puis il n'hésite pas à prôner la violence parfois aussi en disant par exemple "Je risquerais mille fois la violence plutôt que l'émasculation de toute une race". Labica note qu'il a cette ambiguité vis-à-vis de la violence qu'on retrouve aussi dans les grandes religions, de même que beaucoup de personnes historiques se réclamant de la non-violence, qui ont par moments soutenu des actions violentes.
Enfin, il nous dit que les diverses victoires qui ont pu être remportées par les actions non violentes ont quand même pour la plupart eu lieu dans un contexte où le pouvoir était déjà bien affaibli, et largement malade. En général quand il ne l'est pas, il a beaucoup moins de compassion et n'hésite pas à réprimer largement les non-violents. Il fait aussi remarquer que le pouvoir fait la promotion de la non-violence, loue Ganghi ou Martin Luther King à travers des prix Nobels et autres, alors qu'il dénigre tous ceux qui ont pu envisager l'action violente.

Georges Labica mentionne ensuite le courant de la théologie de la libération, spécifiquement très présent en Amérique latine, alors que le marxisme y est beaucoup moins influent. L'idée de ce courant c'est de s’appuyer sur la religion (majoritairement chrétienne, mais acceptant les autres) pour aller vers un changement social favorable aux pauvres, c'est à dire au peuple. C'est dans ce courant-là qu'on peut placer ce qui s'est passé à Cuba, ou dans une époque plus récente au Venezuela, en Bolivie, avec un fort mouvement au Brésil etc. [Et au passage je pense que la chanteuse Keny Arkana, bien qu'étant plutôt anarchiste sur pas mal de points, se place dans une certaine mesure dans ce courant de théologie de la libération] Et ce courant, bien que privilégiant la non-violence, n'exclut pas l'usage de la violence si la situation le nécessite.

Il s'intéresse ensuite au rapport entre la violence et le pouvoir, en notant qu'en allemand le mot Gwalt désigne à la fois violence et pouvoir alors qu'en français les deux mots sont séparés. Il distingue plusieurs rapports de la violence au pouvoir : la violence peut servir à le conserver, l'étendre, le défendre ou le prendre. Que ce soit par une servitude volontaire dans les sociétés dites libres, ou par une servitude forcée dans les dictatures, à chaque fois les gens obéissent au pouvoir en place qui a l'usage de la violence pour garder son pouvoir et remettre les gens dans le droit chemin quand il le faut. L'usage qu'il fait de la violence dépend de la conjoncture, du rapport de force, si il y a de la contestation ou pas. Le pouvoir utilise aussi la violence pour étendre son empire en n'hésitant pas à organiser des massacres dans d'autres pays. Et enfin dans le cas de la prise du pouvoir par la violence sous forme de coup d'Etat, on peut toujours être dans une transformation du pouvoir qui poursuit les mêmes buts oppressifs qu'avant, mais par d'autres voies. C'est pour ça que Labica propose de réhabiliter la différence entre violence émancipatrice et violence asservissante. La violence émancipatrice est celle qui lutte contre l'hégémonie du système.

Ce système, c'est l'ensemble des mécanismes qui constituent le capitalisme, aujourd'hui dans sa phase mondialisée. C'est à cause de lui que la violence n'a pas diminué dans notre société malgré le bond technologique et scientifique qu'on a pu connaître. On a un chômage structurel de masse, des millions de personnes mal logées, la majorité de la population qui subit l'oppression du marché du travail, un simulacre de démocratie, des guerres et massacres qu'on organise un peu partout, mais aussi des centaines de millions de personnes souffrant de faim dans le monde etc. Ce système qui est aujourd'hui piloté par les intérêts de l'empire américain, a besoin d'un ennemi pour faire diversion et maintenir les gens dans l'obéissance, et maintenant que l'autre camp qui était là au 20ème siècle est tombé c'est le terrorisme qui le remplace dans le rôle d'axe du mal. Mais personne ne définit jamais ce terrorisme, il est là où l’État le désigne, au besoin en appelant terroristes ses ennemis si ils deviennent menaçants.

Finalement, Georges Labica en appelle à une réhabilitation de la révolution, violence émancipatrice comprise, mais aussi à une démocratie dans la révolution, une démocratie populaire véritable. C'est pour lui la seule solution pour arriver à une société où il y a moins de violence, alors que simplement appeler à la paix en gardant le système ne fait paradoxalement que l'accroitre.

Discussion[modifier | modifier le wikicode]

  • En quoi l'histoire de Job est une métaphore de la violence pour Labica ?
    • Probablement du fait que ce soit une histoire injuste qui provoque une souffrance, et pour Labica la violence est intimement liée à la souffrance.
      • Mais Job ne devient pas violent.
        • C'est vrai, il souffre simplement. Par contre dans l'histoire d'Abel et Caen Caen devient bien violent en tuant Abel.
        • Job subit quasiment des formes de torture physique en subissant des maladies etc.
  • A propos des animaux qui ne pourraient pas être violents, j'ai vu récemment un documentaire avec des cinges où le mâle dominant avait été éjecté du groupe, il essayait de revenir. Et finalement ils l'ont tué. Donc les animaux peuvent aussi choisir de tuer.
    • Mais il y a moins de complexité dans la "violence" animale.
    • Moi aussi je pense que la violence est naturelle. Il ne s'agit pas que de la force. Les animaux voient que l'usage de la violence est efficace dans les relations entre les membres de l'espèce et donc l'utilisent.
    • Il m'avait semblé qu'il s'agissait d'une hypothèse qu'il contestait ensuite.
      • Non il pense vraiment que la violence est spécifiquement humaine.
    • Par contre ce qu'il y a de spécifiquement humain c'est l'organisation de la violence, la violence différée grâce à des mécanismes culturels.
    • Dans la jungle on a des animaux qui en dominent d'autres et vont les tuer instinctivement pour les manger. Mais pour les hommes ça peut être stratégique, et non pas juste instinctif comme chez les autres animaux.
    • Et puis les animaux n'ont pas de "système" de domination, d'asservissement, contrairement aux humains qui n'ont que ça.
      • Il y a pourtant des espèces qui sont très structurés, très hiérarchisés (les chimpanzés par exemple), et puis ils sont violents gratuitement. Un chat par exemple tue des oiseaux pour s'amuser, pas pour le manger. D'ailleurs il faut enfermer les chats, ils n'ont rien à faire dehors. 1 milliards de passereaux par an...
  • Un petit exemple en Indonésie, des australiens étaient venus sur l'île, et les indonésiens avaient préféré se suicider plutôt que de se faire envahir. Ca fait écho à la citation sur les juifs de Gandhi.
    • Sauf que la citation de Gandhi est antisémite, il voulait que les juifs sautent d'une falaise parce qu'il ne les aimait pas.
      • Gandhi est une icone, mais il y a des usurpateurs dans les icônes, comme John Lennon qui était une petite frappe de Liverpool.
      • On ne peut pas vraiment considérer Gandhi comme un humaniste non plus, il poussait les gens à se comporter comme de la chair à canon. Il s'agissait de non violence en étant conscient que les gens en face allaient utiliser la violence et qu'il y aurait des victimes. C'est une non-violence instrumentale à des fins politiques. Voyant le rapport de force il était conscient que la non violence aurait été plus efficace que la violence, mais il savait qu'il envoyait des gens au casse pipe. Et quand les musulmans indiens ont voulu faire sécession avec le Pakistan, Gandhi était alors moins partisan de la non-violence qu'au moment de se débarrasser de la colonisation britannique.
      • Mais dans le contexte vraiment tendu où il a pris le pouvoir, on ne sait pas comment aurait tourné l'Inde si il n'avait pas été là. C'est un pays aussi grand que l’Europe, pas facile à gérer. Ce qu'il a fait est de l'ordre de l'exploit.
  • Peut être qu'on peut aussi considérer la non violence comme ayant des paradoxes où parfois il faut prôner la violence quand elle est nécessaire.
    • Parfois la violence est nécessaire, comme avec Hiroshima qui a mis fin à une guerre qui n'en finissait plus bien que c'était quelque chose de très violent.
      • Pour moi Hiroshima est une des plus grandes catastrophes, c'était pas quelque chose de nécessaire.
        • Les écrits de l'histoire sont clairs là-dessus, les japonais n'allaient pas se rendre.
          • L'histoire n'est pas si claire que ça à mon avis...
  • Qu'est-ce que c'est la violence émancipatrice ?
    • C'est celle qui lutte contre le système. EN fait pour Labica la violence la pire c'est celle qui est silencieuse, celle des enfants ayant un taux de contamination au plomb fois supérieur à la normale etc. celle qui entour notre vie en totalité.
      • Comme quand on mange de M&Ms. A laquelle on ne prête plus attention.
    • En fait à la fin il rappelle sa thèse principale qui est qu'il ne faut pas condamner toute utilisation de la violence, il faut utiliser la violence quand elle est nécessaire, même si elle n'est aps ce qui est préférable.
      • Moi je conteste cette violence émancipatrice, parce que le simple fait d'exercer la violence est en soi asservissant pour soi-même. Il n'y a pas d'exemple de révolution qui ont fait l'usage de la violence, qui n'aient pas échoué.
        • Qu'est-ce que tu propose comme alternative ?
          • L'utilisation de la violence peut être un moyen pour se défendre, mais pas pour changer les choses. Le moyen que je vois ce serait plutôt la non participation au système, la désertion par rapport à la domination qu'on subit, la non collaboration. Par contre ça produit des effets sur la durée si on ne lâche pas le morceau.
            • Et alors dans une dictature comment on peut ne pas participer au système pour le faire changer.
              • Je pense qu'aucune dictature ne peut tenir si il n'y a pas au moins une majorité de la population qui soutient au moins passivement, le pouvoir.
                • L'exemple de la Turquie est flagrant : peut être que si une majorité de gens ne participaient pas ça tomberait, mais encore faut-il que ce soit le cas. En Turquie dès qu'on essaye de faire quelque chose pour se faire entendre, ne serait-ce qu'une marche pour la justice, on est immédiatement persécuté. Les universitaires, journalistes, militants, même au niveau très local. Exemple de deux amis à ma mère médecins dans une petite ville touristique ont été licenciés pour cause d’extrémisme terroriste alors qu'ils sont simplement de gauche. Et pourtant ça ne vient pas d'en haut, c'est quelque chose de très local. Donc c'est bien beau d'essayer d'idéaliser les choses comme ça, mais dans la réalité comment diffuser l'idée pour qu'une majorité ne participe pas ?
                • Il y a aussi des problèmes du type "théorie des jeux", "passager clandestin" : ceux qui font un peu sont persécutés et donc les autres n'osent pas, et la plupart des gens se disent que si ça se fait ils peuvent très bien ne rien faire eux-mêmes... une des solutions sans doute qui serait vraiment efficace mais qu'on ne peut pas faire, serait que l'école elle-même apprenne aux enfants à ne pas se soumettre, à être critiques vis-à-vis du pouvoir etc.
                • On peut voir ce qui se passe à la jungle de calais, de la ZAD là-bas, ils ont une manière de fonctionner autonome et qui en même temps bloque le pouvoir. Ils mettent des grains de sable aux policiers, au système. Ca peut être une bonne technique pour faire bouger les choses.
                • Moi j'ai aps trop compris ta notion de résistance passive. Par exemple parler, écrire en Turquie est déjà un acte qui n'est pas passif.
                  • Exemple de résistance passive : la grève. Ca peut sembler actif mais on arrête simplement de participer à l'activité sans rien détériorer. Il peut aussi y avoir le boycott.
                    • Dans ce cas c'et pas le mot passif qu'il faut employer. Quand on arrête de travailler on cause des nuisances à l'entreprise, en descend dans la rue on cause des nuisances aux riverains, aux entreprises etc. On peut aussi se mettre dans des situations financières compliquées. Pour moi c'est un acte symbolique actif, c'est une forme de chantage, un moyen de bloquer une production.
                      • Oui mais on n'essaye pas de remplacer ce qui est existant par autre chose. On essaye juste d'arrêter le fonctionnement régulier du système. Une alternative à la résistance passive peut être ça peut être la création, la création locale. L'autogestion peut être une alternative efficace à al résistance passive. C'est peut être parce que les gens essayent d'avoir une influence nationale qu'ils sont considérés comme dangereux pour l'Etat. La seule possibilité de sortir de ces dictatures c'est que ces alternatives prennent de l'ampleur.
                      • Peut être qu'on peut agir de manière autre que frontale en sachant que frontalement on perdrait. Ne pas se coincer devant sa télé tous les soirs par exemple c'est déjà une résistance.
        • Moi je ne trouve pas que toutes les révolutions ayant utilisé la violence aient échoué. Par exemple la révolution française a mine de rien donné pas mal de résultats au final, tout le libéralisme qui a remplacé les vieilles règles monarchiques c'est pas rien, même si il y a eu la période courte de la terreur. A l'inverse il me semble plutôt que jusqu'à maintenant les seules révolutions qui n'aient pas échoué, qui aient donné des résultats, sont celles qui ont eu lieu dans un contexte de violence extrême ou qui ont suivi un tel contexte. Après peut être qu'à l'avenir on pourra se passer de ça, rien ne prouve que ce soit absolument nécessaire.
          • On ne parle peut être pas de la même chose : les révolutions non violentes ont plutôt un effet à long terme bien après, par exemple pour le front populaire. Ce sont des révolutions silencieuses, qui débouchent à un moment sans qu'il y ait eu des morts.
            • En l’occurrence le front populaire et les grande conquêtes sociales du 20ème siècle font directement suite à la 2ème guerre mondiale qui a fait beaucoup de morts. Je ne sais pas si elle était nécessaire, mais en tout cas je constate qu'aujourd'hui il n'y a pas eu de guerre récente chez nous, et qu'on n'a pas non plus de victoires sociales.
  • Il parle aussi de la démocratie dans la lutte, et dans la révolution.
    • Oui c'est ça, je pense qu'il fait référence à des révolutions précédentes où la révolution a pu être pas très démocratique, comme en URSS.
    • Mathieu : On peut faire le rapprochement avec mon texte Humanité et Empire, avec le peuple qui part de la contestation pour aller vers la construction de manière populaire et démocratique.
  • La violence du faible au fort ne peut pas marcher. Le plus fort gagne à chaque fois dans le cadre de l'exercice de la violence. Exemple : pendant la 2ème guerre mondiale il y a eu des mouvements de résistance, mais ces mouvements n'auraient jamais vaincu sans l'intervention d'armées étrangères. Et de même dans le cas de résistances nationales de pays colonisés, les puissances coloniales ont décidé d’abandonner les colonies seulement parce que ça les arrangeait. Blaise Pascal disait "Comme on n'a pas pu faire en sorte que ce qui est juste soit fort, on a fait que ce qui est fort soit juste". En réalité c'est le droit du plus fort qui devient la justice. C'est la force qui produit sa justice.
    • Pour le cas du nazisme on peut aussi noter que c'est les puissances étrangères qui fournissaient les armes aux nazis au départ et qui leur ont permis d'atteindre ce niveau.
    • A la question de savoir ce qui se serait passé si les puissances étrangères n'avaient pas arrêté le nazisme, on peut tenter d'y répondre en regardant ce qui s'est déjà passé pour un cas similaire : les américains ont au tout début fait un génocide sur les indiens d’Amérique pour s'installer et personne ne les a arrêtés. Qu'es-ce qu'ils ont fait ensuite ? une fois leur génocide terminé ils ont simplement commencé à constituer un empire comme bien d'autres avant, et encore aujourd'hui ils essayent de l'étendre. Les nazis auraient probablement fait la même chose si personne ne les avait arrêté : ils auraient fini leur génocide et auraient fait un empire.
      • Effectivement, même dans le cas des américains, ils ont gagné face aux indiens : c'est donc bien le plus fort qui gagne toujours dans le cadre de l'exercice de la violence. Et donc le souci avec la violence émancipatrice c'est que tant que les opprimés sont les plus faibles, ils ne peuvent pas gagner dans le cadre de l'exercice de la violence.
        • D'où l'idée de construction de rapport de force avant de passer à la bagarre. Par exemple dans le cas de la Turquie on imagine le bouleau souterrain que ça peut être de construire ce rapport de force.
          Et puis ça me fait penser à ce qui se passe avec les syndicats en ce moment : la CGT appelle à faire la grève, la CFDT non, et FO a baissé son froc. Macron aurait négocié avec FO pour qu'ils ne se mobilisent pas parce qu'ils ont ensuite des choses à perdre au niveau des financements. (ce sont des rumeurs à vérifier). Et du coup on se retrouve avec un mouvement syndical qui ne tient pas la route. Le rapport de force est mal barré.
          • Ce n'est vraiment pas la première fois qu'FO se démarque comme ça, ils n'étaient jamais là. Mais maintenant on voit des gens démissionner de FO pour aller à la CGT, on ne voyait pas ça avant.
          • Moi j'ai vu des choses à l'intérieur de mon syndicat (CGT) qui étaient inconcevables, et notamment au niveau du financement. Quand on voit ce qui se passe là dessus, on peut se dire qu'il y a une stratégie du syndicat pour se faire financer par des entreprises, des organismes publics etc. Le dernier combat qu'on ait gagné en France c'était avec les étudiants pour le CPE...
          • Le gros problème actuellement dans les syndicats c'est qu'il y a plus de syndicalistes que de syndiqués. Ca devient des appareils déconnectés de la masse des salariés. Ils sont considérés de plus en plus comme des services RH alternatifs de rattrapage. On a de plus en plus recours aux syndicats comme contrepoids à la gestion de ressources humaines de l'entreprise, il n'y a plus cet aspect révolutionnaire du syndicat. Il est admis que c'est le patronat qui exerce la souveraineté dans l'entreprise, et le syndicat sert de filet de sécurité pour réparer un peu les dégâts.
          • Quand on voit que les logiques des syndicats sont des logiques de fric comme ceux des partis politiques ça fait gerber... on n'arrivera pas à construire de rapport de force comme ça.
          • Moi je ne reste pas tout à fait négatif sur les syndicats. Dans les luttes locales en entreprise les syndicats peuvent avoir une efficacité.
          • Moi j'ai beaucoup entendu dire de personnes syndiquées qu'il y avait des directives venant de la structure nationale du syndicat. Il y a une notion de hiérarchie forte dans les syndicats et il y en a plein qui sont révoltés contre ça.
          • Après l'inconvénient aussi de la perte de pouvoir des syndicats c'est qu'ils étaient quand même le berceau d'une éducation politique et d'une conscientisation. C'est ce qu'on fait en éducation populaire et peut être que ces choses alternatives aident un peu à pallier à ça.
          • En ce moment on a le front social qui réunit un peu tout le monde : syndicats, mouvements etc. qui essaye de faire le lien.
          • Moi j'ai l'impression que les syndicats comme les partis politiques sont des structures problématiques en elles-mêmes : quand on a des structures hiérarchiques il est facile pour le pouvoir d'acheter ou d'amadouer les dirigeants puisqu'ils sont peu nombreux. Une structure plus horizontale permet d'éviter ça. Pour ça on peut faire décider les décisions importantes par tout le monde, ou encore faire tourner (par exemple au tirage au sort) les dirigeants.