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Villes/Nice/Université populaire/CR/604 mars - Face à la contre-révolution de Macron, retrouver l'offensive de classe selon Bernard Friot

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Face à la contre-révolution de Macron, retrouver l'offensive de classe selon Bernard Friot[modifier | modifier le wikicode]

604 mars (25 octobre 2017)

Audio de l'atelier[modifier | modifier le wikicode]

https://www.youtube.com/watch?v=tMR1mUQf3qo

Présentations pour alimenter la discussion[modifier | modifier le wikicode]

Suite de la dernière fois[modifier | modifier le wikicode]

Pour résumer donc qui travaille ou non :

Pour Macron, aujourd'hui seuls les indépendants qui vendent leur production sur le marché des biens et services, et les employés travaillent. Le reste des gens, peu importe l'utilité de leur activité, sont improductifs.

Pour Friot, aujourd'hui bien sûr les indépendants et les employés travaillent, mais il ajoute aussi les retraités, les parents, les chômeurs, et les fonctionnaires. Tous ces gens reçoivent aujourd'hui un revenu, et l'interprétation de ce que signifie ce revenu dépend de nous : est-ce qu'il leur est donné pour valider leur production de valeur, du à leur apport à la société aujourd'hui, ou est-ce qu'il est là parce que les autres productifs ont pitié d'eux et leur donnent un revenu pour ne pas les laisser crever, ou pour les récompenser d'un travail passé ? C'est juste une question de propriété sur la valeur, de savoir qui produit aujourd'hui.

Par contre, pour Friot tous les gens qui aujourd'hui ne reçoivent pas d'argent, ne peuvent pas être considérés comme travaillant au sens de la production de valeur économique, quelle que soit leur utilité et leur activité. Et ce qu'il propose c'est qu'en poursuivant la dynamique révolutionnaire du 20ème siècle, on étende le champ du salaire à tous, qu'on donne un salaire à vie à tous pour que tous soient considérés comme producteurs de valeur, méritant leur salaire, et que personne ne soit posé comme assisté improductif.

Voilà ça c'était juste pour préciser qui selon Friot travaille aujourd'hui, et qui ne travaille pas. Et maintenant pour revenir un peu au cœur de la difficulté :

Interprétation des flux de monnaie selon Bernard Friot
Interprétation des flux de monnaie selon Macron

Je sais que c'est difficile à admettre que les parents travaillent, ou que les retraités travaillent, pour réussir à le faire il faut vraiment voir l'économie comme des flux d'argent permanents et circulaires, qui vont du consommateur à l'entreprise, puis de l'entreprise à une autre entreprise etc. ou à l’État, puis à des salariés ou à des fonctionnaires, ou à des retraités, qui eux-mêmes vont à nouveau redonner cet argent aux entreprises en achetant etc. Il faut distinguer là le simple flux de monnaie qui passe de main en main (par exemple je vous donne de l'argent, vous me le redonnez, il y a bien eu un flux, mais on peut faire ça indéfiniment sans que ça ne serve à rien), et le flux de monnaie qui valide une création de valeur, une production, et qui représente une forme de droit de propriété, qu'on a acquis par son travail, parce qu'on est considéré comme donnant de la valeur à une partie de la monnaie en circulation. Produire de la valeur signifie en fait "gagner sa vie", et on comprend facilement que tous les flux de monnaie de main en main ne sont pas des flux qui valident le fait de "gagner sa vie".

Mais considérer que ce sont les salariés employés qui ont produit la valeur à chaque cycle, ou considérer que ce sont les retraités qui l'ont produit à chaque cycle relève simplement d'une décision politique. C'est juste une question de propriété. On considère que telle catégorie de gens sont productifs de valeur, et qu'à ce titre ils ont le droit à de l'argent qu'ils ont bien mérité et qu'il leur appartient. Toute la question est de définir c'est quoi "gagner sa vie" ? Est-ce qu'on est obligé de mettre en valeur du capital pour gagner sa vie, ou est-ce qu'on peut faire l'activité qui nous plaît et nous passionne éventuellement même en dehors de tout marché et gagner sa vie comme ça sans passer par la validation capitaliste, juste parce qu'on a politiquement décidé que gagner sa vie ça pouvait être ça aussi ? Vu que c'est de l'ordre du droit, on peut y mettre en fait à peu près ce qu'on veut, le seul problème c'est le temps que ça prend de faire évoluer les représentations qui sont dans nos têtes. Et justement depuis un siècle cette bataille des représentations a été engagée par la classe révolutionnaire.

Une autre manière de s'en convaincre c'est de se dire que : (citation du livre)

"Les producteurs de marchandise ont accès à la production non marchande et les producteurs de non marchand ont symétriquement accès aux marchandises, cela exprime la complémentarité de deux types de production inter-dépendantes. Les actifs du marchand ne "financent" ni plus ni moins les actifs du non marchand que les producteurs de chaussure ne financent les producteurs de cuir. Si mon salaire me permet de me payer un vélo, je n'en conclus pas qu'en achetant ce vélo je fais vivre un improductif : je reconnais la valeur qu'il produit. De même, si mon salaire, par la cotisation maladie qu'il contient, me permet d'accéder à des soins, ma cotisation n'est pas l'entretien d'un improductif, c'est la reconnaissance de la valeur qu'il crée, et à laquelle j'accède non pas par un prix, mais par une cotisation."

Macron le contre-révolutionnaire[modifier | modifier le wikicode]

On en arrive maintenant à Macron. Qu'est-ce qu'il veut vraiment faire ?

Pour rappel on a eu au 20ème siècle l'émergence d'un nouveau mode de production avec un nouveau statut du producteur et un nouveau régime de propriété :

  • face à l'ancien statut de travailleur invisible sur le marché on commencé à mettre en place le salaire attaché à la personne, qualifiant la personne et non son poste.
  • et face à l'ancien régime de propriété lucrative où des propriétaires font travailler les autres et gagnent des revenus du fait de leur propriété, on a commencé à mettre en place la propriété patrimoniale par une collectivité publique (c'est à dire que personne ne tire de revenu direct de l'activité, le patrimoine appartient à tous), et la propriété d'usage de l'outil par les travailleurs eux-mêmes (c'est à dire qu'ils décident sur leur lieu de travail. Tirer un revenu et décider sont deux choses différentes que le capitalisme veut garder unis et que le communisme sépare pour que l'usage soit privé, alors que le patrimoine soit public).

Macron c'est en fait tout simplement un contre-révolutionnaire qui veut restaurer l'ancien mode de production partout où le nouveau a pu émerger.

Macron veut restaurer le marchandage comme au 19ème siècle, avec des PME pris dans des réseaux capitalistes qu'on met en avant, et des travailleurs à nouveau totalement invisibles, qui discutent leurs conditions de travail entreprise par entreprise par dialogue social, sans jamais pouvoir se coaliser pour lutter à une échelle plus grande. Grâce à ça on remet de l'aléa, de l'incertitude en liant le revenu à la performance sur le marché au lieu d'avoir un salaire attaché à la personne et libéré des aléas, du hasard du marché.
Et en même temps on généralise la sous-traitance partout, pour que la concurrence soit toujours plus féroce, et que les grosses boites capitalistes n'aient même plus besoin d'embaucher, l'idéal pour elles étant qu'elles soient là juste pour pomper de la valeur sans même avoir à s'occuper de l'activité concrète.

La réponse de la classe révolutionnaire au marchandage a historiquement été la création de l'emploi en obligeant le capitaliste à devenir employeur, et du code du travail et des branches pour sortir le travailleur de l'invisibilité et imposer des revendications collectives. L'idée de cette logique était donc d'avoir le plein emploi. A cette époque on pouvait avoir des revendications territoriales, il suffisait que les travailleurs d'un territoire se mettent ensemble et réclament des choses pour l'emporter sur les capitalistes qui n'avaient pas le choix, mais aujourd'hui avec la mondialisation on ne peut plus avoir un tel rapport de force. Si on n'est pas contents le capital s'en va produire ailleurs. C'est pour cette raison que Friot pense que la revendication de l'emploi est aujourd'hui illusoire, il faut s'appuyer sur le stade révolutionnaire d'après gagné dans la 2ème moitié du 20ème siècle, qui est le salaire à vie.

En fait c'est juste une question de droit, une question de statut qui donne ou ne donne pas droit à avoir un revenu bien mérité. Que le capitaliste s'en aille avec tout son argent n'est pas le problème, on s'en portera même bien mieux sans lui, dans le fond les capitaux ne sont rien d'autre que des valeurs dans des serveurs bancaires. Le problème c'est qu'avec notre système de droit actuel, pour 2/3 des gens, on n'a de revenu que quand on travaille sur le marché ou dans l'emploi, donc sans employeur et sans prêteur on crève de faim, pas parce qu'on manque de nourriture sur place, mais tout simplement parce qu'on est considéré comme ne produisant pas et n'ayant pas droit à salaire. Il suffit de changer le droit en nous donnant un salaire attaché à notre personne, comme c'est déjà le cas plus ou moins pour les 17 millions de + de 18 ans en France [p42], c'est à dire du tiers de la population.

Et donc ce que nous dit Friot c'est qu'il faut qu'on réclame que notre statut relève du droit politique non négociable. La négociation c'est un truc capitaliste : de même que le droit de vote est non négociable, le salaire à vie et la propriété d'usage doivent devenir non négociables, on devrait même les inscrire dans la constitution, comme on y a inscrit le droit de propriété libéral. Friot n'ose pas dire dans les droits de l'homme, mais au fond on pourrait aussi les mettre dans les droits de l'homme, au moins pour la propriété d'usage.

Et donc en poursuivant cette logique, il ne faut surtout pas réinstaurer la hiérarchie des normes que la loi travail est en train de casser, il faut être plus conséquent et supprimer toute négociation portant sur le statut des producteurs (c'est à dire sur le travail abstrait) dans l'entreprise et au dessus, donc supprimer les branches pour que toute la population relève de la même : celle de la loi.

Cotisation à taux unique, branche unique, pas de négociation sur notre statut.

Donc on a dit que Macron voulait faire table rase de tout ce qui est salaire à vie, et même de l'emploi du début du 20ème siècle pour revenir au marchandage du 19ème siècle, mais Macron c'est pas que ça. Il ne peut pas casser toutes ces institutions sans rien mettre à la place. Il lui faut des institutions capitalistes qui permettent d'assurer une certaine sécurité, pour éviter la misère brutale qu'on n'accepterait pas après le siècle de socialisation qu'on a connu.

Donc on a un projet avec les deux faces d'une même pièce : d'un côté Macron, de l'autre côté Hamon.

D'une part on a la face Hamon : il va finir par nous donner un revenu de base de 800€ à terme en remplacement de toutes les institutions de sécurité sociale. Ce seront les 800€ premiers euros du SMIC, les 800 premiers euros de la retraite, les 800 premiers euros du chômage, qui contiendront le panier de soins qu'on devra se payer soi-même etc. et le tout sera évidemment payé par un impôt au titre de la solidarité des riches qui nous permettent de vivre dignement sur leur dos.

Et d'autre part on a la face Macron qui est en fait aussi le revenu contributif de Stiegler : on a un système de points, et on l'alimente par des performances ponctuelles sur le marché pour se faire un revenu complémentaire lié directement à notre performance marchande.

Donc d'un côté on a Hamon pour les alternatifs qui font des trucs dans leur coin que le capital récupérera si ça réussit, et de l'autre il y a Macron pour ceux qui ont l'ambition de devenir millionnaires et qui jouent le jeu, et qui seront tout autant exploités. On aura le choix entre la concurrence brutale ou la marginalité, mais certainement pas le choix d'assumer nous-mêmes l'économie en décidant de ce qu'on produit, en tant que producteurs.

La difficulté ici c'est qu'on ne pourra pas faire de campagne contre le revenu de base, des gens qui se débrouillent aujourd'hui avec 400€ en bricolant accepteront d'autant plus 800€ quoi qu'on leur dise. La seule chose qu'on peut donc faire c'est une campagne POUR. Pour la responsabilité économique, pour que l'économie nous appartienne à nous les producteurs qui récupérions TOUTE la valeur qu'on produit.

Et donc il faut arrêter de dresser un poing vengeur contre "l'oligarchie" en se battant contre l'austèrité et pour un meilleur partage des richesses des capitalistes, mais se battre plutôt pour la responsabilité économique en nos mains, pour récupérer la production et la gérer nous-mêmes, sans les capitalistes qui ne servent à rien.

Pour retrouver une dynamique de classe offensive[modifier | modifier le wikicode]

Avec le désespoir dans lequel nous plonge le capitalisme, et sans perspective d'amélioration, on a une montée de l'extrême droite un peu partout, surtout sur l'aspect xénophobe. Et une autre raison qui fait que ce côté xénophobe gagne du terrain c'est parce qu'on a la croyance que le travail se réduit, et que donc logiquement si on fait venir des gens on en en aura encore moins. Même des gens progressistes finissent par tomber là-dedans parce qu'ils naturalisent la vision capitaliste du travail.

Le mot d'ordre "travailler moins pour travailler tous" est en ce sens un mot d'ordre réactionnaire parce qu'il pose le travail comme exclusivement capitaliste, et nie la révolution qu'on a initiée en faisant rentrer dans le champ du travail par exemple les soignants et les parents. Concernant la question des migrants, le problème que ça pose c'est qu'on s'enferme à leur égard dans une solidarité capitaliste envers des victimes qu'il faut aider pour accompagner les méfaits du capital, et non pas une solidarité communiste envers des personnes qui doivent avoir le même statut que nous, et doivent être considérées comme productrices de valeur et co-propriétaires des institutions politiques et économiques auxquelles elles ont le droit de participer.

Quelle que soit l'automatisation, on pourra toujours trouver des secteurs nouveaux qu'on pourra faire entrer dans le champ du travail, y compris par exemple les activités de lien social, qui en plus sont bonnes pour l'environnement. Donc le travail il y en a en réalité à profusion, à condition qu'on continue la révolution. Et de même que les retraités touchent leur pension parce qu'ils travaillent aujourd'hui et non pas parce qu'ils ont travaillé dans le passé, les migrants devront avoir des droits économiques sur la valeur parce qu'ils seront des travailleurs comme les autres, et qu'il y aura autant de travail qu'il n'y a d'êtres humains.

Une proposition macroéconomique concrète à populariser[modifier | modifier le wikicode]

Bernard Friot note qu'avant les anénes 70, quand le parti communiste et la GCT n'étaient pas des syndicats de victimes mais représentaient une classe offensive, la revendication permanente était la hausse du taux de cotisation et la hausse du salaire brut pour que ce ne soit pas au détriment du salaire. Le taux de cotisation comme ça a doublé entre 46 et les années 70.

Pour retrouver cette dynamique, il nous propose de populariser l'idée de doubler à nouveau le taux de cotisation, le passant de 66% à 130% du salaire net, ce qui ferait 500 milliards d'euros de plus en cotisation qu'on pourra gérer de manière communiste.

1- Où est-ce qu'on trouve 500 G€ ?[modifier | modifier le wikicode]

Il est évident que si on dit aux entreprises qu'elles vont devoir payer 40% de leur valeur ajoutée en plus en cotisation ce sera juste impossible pour elles. Et faire des taux de cotisation différents pour "charger" les grosses est absolument hors de question : la cotisation ne doit pas être une charge, et en plus ça favoriseraient la sous-traitance. On va donc en profiter pour assécher le capital plutôt que de le taxer : à chaque euro de cotisation supplémentaire payée parmi les 500 G€ de nouvelle cotisation, ce sera compensé par un non remboursement de dette privée que l'entreprise a contracté auprès des banques pour investir, ou de loyer qu'elle n'aura plus à payer. L'endettement des entreprises est immense, et ne pas rembourser 500 G€ par an de dettes privées est très loin du compte, mais il faut bien commencer quelque part, pour assécher le capital et le marginaliser dans cette fonction essentielle de prêteur parasite.

2- Qu'est-ce qu'on fait de ce pactole ?[modifier | modifier le wikicode]

Maintenant qu'on a un pactole suffisant pour produire autrement, Friot propose qu'on l'utilise pour moitié pour alimenter le statut de producteur communiste, et pour l'autre moitié pour alimenter le régime de propriété communiste.

Pour le statut de producteur il propose qu'on réalise enfin une revendication qui existe depuis que le chômage a été mis en place : maintient du salaire entre deux emplois. Si une personne perd son travail (par exemple parce que son emploi est délocalisé etc.), elle garde son salaire sans limite de durée. 250 G€ pourront nous permettre de réaliser cette conquête énorme en mettant au salaire à vie des millions de personnes supplémentaires qui pourront travailler sans mettre en valeur de capital.
Et si on a trop d'argent on pourra au choix abaisser l'âge de la retraite à 55 ans avec pour objectif 50 ans, donner un salaire à vie aux 18-22 ans pour impulser une dynamique de ce côté là, payer un salaire aux employés d'entreprises coopératives le temps qu'elles deviennent viables etc.

Et pour le régime de propriété, il propose de financer l'investissement de manière communiste à hauteur de 250 G€, c'est à dire l'équivalent de presque tout l'investissement productif qui est aujourd'hui réalisé en France, et qui représente 300 G€. Cet investissement se fera par subvention allouée par des caisses qu'on gérera nous-mêmes (surtout pas paritaires), et petit point important : les subventions ne seront accordées qu'aux entreprises qui seront la propriété d'usage de leurs salariés, et la propriété patrimoniale d'une collectivité publique :)

Pour alimenter la réflexion[modifier | modifier le wikicode]

"Le capital adore les pauvres, il déteste les producteurs, c'est pour ça qu'il fait faire des stages humanitaires aux cadres, pour qu'ils aident les pauvres. Et puis aussi pour se donner bonne conscience. Et ils auront un cours d'éthique. Le capital achète très cher les cadres dirigeants, et les nourrit de solidarité, pour qu'ils puissent absorber la pilule de la saloperie qu'ils font au jour le jour comme managers."
"Dès qu'on entend solidarité, ça doit faire tilt, c'est qu'on est en train de faire une saloperie."
"Des organisations révolutionnaires ne défendent pas des victimes."
"C'est très important que l'on provoque une fuite des capitaux, que l'on soit capable d'expliquer qu'on a pas besoin de ces capitaux parce que c'est nous qui produisons la valeur."

Discussion[modifier | modifier le wikicode]

A remplir à partir de l'audio.