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Villes/Paris/Musée/CR/3 mai 2016 : PrécARiTés au musée

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PrécARiTés au musée : Les coulisses que personne ne veut voir.[modifier | modifier le wikicode]

3 mai 2016

Compte rendu[modifier | modifier le wikicode]

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Introduction[modifier | modifier le wikicode]

 Le débat débute par l’évocation de plusieurs exemples illustrant sous quelle forme la précarité — question centrale dans le mouvement Nuit debout — peut se manifester dans le milieu des musées. Le premier est la situation du musée des Confluences à Lyon, où ont été récemment mis en lumière des conditions de travail précaires et des épisodes de harcèlement. Il est intéressant de constater que, alors que le public est fasciné par les coulisses du musée, souvent utilisés comme instrument de communication, il est rarement au courant de ces autres coulisses, moins reluisantes. Le deuxième exemple pose la question de la précarité des publics : en 2013, une famille en grande précarité, qui visitait le musée en compagnie d’un bénévole d’ATD-Quart Monde, a été mise dehors par des gardiens pour “mauvaise odeur”. Le magazine Les Inrocks avait alors souligné les différences de traitement au sein des musées : aux VIP les musées privatisés et les soirées privées, aux précaires soit un accueil encadré soit une interdiction d’accès. Enfin, plus marginalement, on mentionne le cas du Musée précaire mis en place par l’artiste Thomas Hirschhorn à Aubervilliers en 2002-2004 : musée éphémère construit et géré par des habitants du quartier du Landy (qui prenaient aussi en charge le montage et la préparation des expositions), il était destiné à accueillir de courtes expositions où étaient prêtés des oeuvres du Centre Pompidou et du Fonds national d’art contemporain. Que faut-il penser d’une telle dénomination et d’une telle initiative ? Est-ce condescendent ou novateur ?

Debat[modifier | modifier le wikicode]

  • Un intervenant illustre aussi la discussion à l’aide d’une gravure représentant la Charité de saint Martin. Il revient justement sur cette idée de condescendance qui paraît inévitable dans notre relation à la précarité. Il est important de s’abstraire de ce schéma : les personnes en situation précaire ne doivent pas être aidées par charité, mais parce que c’est leur droit d’avoir accès à une vie digne, y compris par la culture.
  • On rappelle un point évoqué lors de la précédente réunion : les conditions de travail difficiles, les longues horaires, les bas salaires empêchent concrètement d’aller au musée. Comment intégrer les salariés précaires dans la boucle culture/musée ? Comment adapter les musées à ces conditions de travail ?
  • Dans certaines collectivités, on a mis en place des offres culturelles adaptées pour les agents de la municipalité, pendant leurs horaires de travail.
  • Une intervenante partage son expérience au sein des musées du Mans, autour de la question des publics éloignés ou empêchés. Il existe beaucoup d’associations qui leur proposent des visites gratuites.
  • Au musée du Louvre, par exemple, il existe un programme en collaboration avec un centre de détention à Poissy. Mais le problème reste que ce type de projet ne sont pas embrassés par l’ensemble de l’établissement. Ils restent enfermés dans un programme du champ social, alors que cela devrait être l’affaire de tous.
  • Un intervenant pose alors une question à l’assemblée : à quoi peut servir la culture à titre individuel, pour un prisonnier ou même pour un visiteur lambda ?
  • La culture élargit les horizons. Les musées ouvrent les yeux vers des cultures dont on n’a pas idée. L’intervenante rebondit en partageant son expérience de conférencière RMN qui accueille des groupes dits “du champ social”. Cela demande une vraie adaptation du discours car les repères sont très différents de ceux qu’on apprend dans les formations en histoire de l’art, assez classiques. Comment réagir par exemple face à un groupe de jeunes filles voilées qui expriment de la pudeur face à la Vénus de Cabanel ou à l’Olympia de Manet ? Il est important d’armer les médiateurs qui accueillent ce type de public. Les formations internes ne sont pas toujours reconduites et il y a donc une vraie hétérogénéité dans la préparation des médiateurs. Par ailleurs, tous les prestataires ne proposent pas à leur employés la même écoute que la RMN à propos de ces questions. L’intervenante mentionne également les associations qui proposent des visites pour les demandeurs d’asile : pour eux, elles sont capitales car elles ouvrent à des repères culturels qui aident à une meilleure intégration.
  • Pour en revenir à la question des prisonniers, on peut se rappeler qu’Alberti définissait la peinture comme une fenêtre et on peut imaginer que la culture peut servir d’échappatoire face à l’enfermement.
  • La culture est une ouverture à une multiplicité de possibles. D’ailleurs l’art est plus accessible qu’on pourrait l’imaginer. Il faut aussi prendre en compte le rôle que la pratique artistique elle-même peut jouer dans cette introduction à l’art.
  • De façon plus polémique, on peut dire que la culture ne sert à rien. Dans une société capitaliste, servir à quelque chose ça veut dire être vendable. Or la culture n’est pas un produit, c’est un luxe personnel. Elle permet un épanouissement personnel mais on ne devrait pas pouvoir la vendre. Pourtant, on peut regretter que cette question se soit fait une place dans les musées et qu’aujourd’hui l’argent ait une place centrale dans les milieux de la culture.
  • Une intervenante mentionne une expérience de médiation à la prison de Fleury-Mérogis. Dans des environnements aussi durs et déroutants, c’est justement parce que la culture ne “sert à rien” qu’elle a un rôle à jouer. Elle permet d’atténuer la privation de liberté physique par la liberté de penser.
  • Mais alors comment intéresser le spectateur lambda à ce “luxe” ?
  • Il ne faut pas non plus tomber dans l’illusion que la culture est purement désintéressée. D’abord, concrètement, cela rapporte beaucoup d’argent à certains. Surtout, plus positivement, cela donne un sens. Par contre, avoir le temps de s’intéresser à la culture, c’est déjà ne pas avoir à se soucier des problèmes de survie (se nourrir, se loger, se chauffer). Les catégories qui visitent les musées sont déjà aisées. Quels systèmes pourrait-on proposer pour accueillir qui travaillent en journée ? Les nocturnes sont une solution, mais elles posent la question des conditions de travail des agents chargés de faire tourner le musée. Peut-on envisager des visites organisées par les comités d’entreprise pendant le temps de travail ? Et pour les gens en grande précarité, sans emploi, que fait-on ?
  • Une intervenante prend alors la parole pour rappeler que pour intéresser le grand public à la culture il faut passer par l’école. A l’âge où l’on est à l’école on est bien censés être tous égaux, avec le même programme. Ainsi, des expériences positives ont été faites aux Etats-Unis. Le Musée d’art contemporain de Los Angeles et le Whitney Museum, à New York, qui reçoivent des élèves de lycées régulièrement, ont mené des études à ce sujet. L’expérience des institutions est très positive pour ces jeunes adultes qui retournent donc plus tard au musée.
  • Une idée pourrait alors être mise en place dans les musées français : « Votre musée est gratuit pour les parents que les enfants emmènent ». On renverse alors la situation ce qui donne aux enfants envie d’apprendre quelque chose à leurs parents. Réciproquement, les parents se sentent concernés par la volonté d’apprentissage des enfants et les échanges qui peuvent naître de là.
  • La question des horaires d’ouverture des musées revient alors. On cite l’exemple du Victoria and Albert Museum de Londres qui a toujours été un musée avant-gardiste dans sa politique culturelle. Il a été décidé par ses créateurs, dès le départ, de donner une grande amplitude horaire au musée. Cette ambition des horaires étendus était destinée aux ouvriers pour qu’après leur travail ils puissent voir les collections. Mais cela ne résout pas tous les problèmes. Il restent des barrières psychologiques et tarifaires (pas dans le cas du V&A qui est gratuit). Et puis ouvrir un musée jusque tard dans la nuit implique de mobiliser du personnel muséal. On entraine alors de la précarité au sein même de ce personnel. En effet, on constate bien souvent que le personnel muséal qui travaille en tant qu’agent d’entretien ou de surveillance est également celui qui a le plus de temps de transport pour venir au musée. Ce sont ceux qui habitent le plus loin, mais surtout qui partent le plus tard. Il y a donc, au sein même du musée, un clivage choquant entre les conservateurs et les agents : ceux qui ont les salaires les plus faibles ont les conditions les plus précaires et les journées les moins intéressantes.
  • Un intervenant évoque l’exemple de la Samaritaine, où, grâce à l’idéologie encore paternaliste du créateur, se trouvait non seulement un musée (aujourd’hui le musée Cognacq-Jay) mais aussi des logements à proximité pour les employés. On pourrait faire de même pour les musées. Sans revenir au paternalisme, ce côté social pourrait avoir du sens et permettre à ces personnels de musées d’être d’avantage concernés par la vie culturelle dans laquelle ils travaillent.
  • La question de la sous-traitance est alors évoquée. C’est tout un champ du personnel qui connaît des conditions encore plus précaires. Les personnels sont soumis à des changements d’employeurs fréquents, des lois de marché qui divergent et sans respect du droit du travail. Là encore, c’est un fléau qui divise les salariés. Une intervenante appelle à un mouvement général de réintégration des sous-traitants dans l’effectif propre des musées. De plus, ces sous-traitants ne sont souvent pas formés aux problématiques spécifiques du musée. Ce système détruit le musée comme projet collectif.
  • La sous-traitance n’a aucun intérêt économique ou financier. Ce n’est qu’un moyen pour s’épargner des problèmes de gestion. Cela a pour conséquence de démobiliser le personnel du musée.
  • On constate que, de façon générale, les métiers précaires sont liés au contact avec le public. On évoque alors l’exemple d’actualité du Centre Pompidou-Metz où des employés des équipes de médiation, sous-traités, sont en grève : alors que le musée a décidé de faire appel à un nouveau prestataire, il n’était pas certain que leur poste soit reconduit (et s’ils étaient repris, ce serait avec une perte de leurs bénéfices d’ancienneté). On évoque aussi l’exemple de la lettre ouverte d’une étudiante qui travaillait en tant qu’hôtesse d’accueil à la cinémathèque française : elle constatait qu’un véritable mur se dressait entre le musée et la gestion de ses salariés à cause de la sous-traitance. Visiblement tout est fait pour empêcher la communication entre ces deux mondes.
Les sous-traitants épargnent en réalité tout l’aspect Ressources Humaines. C’est donc le côté le plus humain qui est supprimé lorsque l’on a recours à la sous-traitance. C’est assez grave pour des institutions qui se veulent porteuses de valeurs humanistes. En plus de présenter des problèmes sociaux, la sous-traitance met le patrimoine en danger. Les équipes choisies le sont par marché public ; elles sont souvent les moins chères et donc les moins bien formées. * Les oeuvres dont il est question dans les musées, elles, ont une valeur inestimable. Si une oeuvre est cassée à cause d’une équipe peu expérimentée, le prix de la restauration sera bien supérieur à l’économie qu’on avait tenté de faire. Plus grave, l’oeuvre abîmée ne retrouvera jamais plus sa condition et sa valeur d’origine. Au non de la politique de non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux, on s’est engagé dans un système tout aussi cher, mais bien plus précaire.
  • Les stratégies de sous-traitance ont un but unique: rendre le personnel moins cher, quitte à le faire travailler dans des conditions consternantes. Les plannings changent du jour au lendemain, les conférenciers — par exemple — doivent être présents sur le site mais ne sont payés que s’ils partent en visite. * Une journée entière peut être bloquée pour une rémunération d’une heure seulement. Le problème ne fait que s'accroître quand on doit jongler avec plusieurs employeurs. On finit par travailler tout le temps pour obtenir un salaire correct. Et il y a pire : de plus en plus de prestataires, et même certains musées, proposent à leurs employés de passer en statut d’auto-entrepreneur. Mais ce genre de pratique ne donne en réalité naissance qu’à un salariat déguisé, qui permet à l’employeur d’échapper aux charges sociales. C’est moins cher mais l’employé perd 25% de son salaire, versé à l’URSSAF. Aucune solution n’est donc véritablement proposée et on assiste à une maltraitance des salariés qui ont pourtant fait des études longues.
  • Les dirigeants des musées pourraient faire pression sur ces prestataires et imposer de meilleures conditions de travail. Encore faudrait-il qu’ils se sentent concernés.
  • Pourquoi ne pas insérer des clauses sociales dans les marchés publics? Existe-t-il, dans d’autres secteurs, cette situation de renoncer à ses droits sociaux pour pouvoir travailler?
  • On remarque aussi que, après la loi de sécurisation du temps de travail à 24 heures par semaines, certains prestataires on fait signer des déclarations où l’employé renonçait à ce temps de travail minimum.
  • Dans le monde des musées, dans celui de l’édition, on est dans des milieux très petits, avec des origines sociales et des valeurs très homogènes : on a donc une infime marge de manœuvre avec le dispositif. Alors qu’on constate une mixité sociale dans l’Education Nationale, dans ces milieux, les personnes qui tiennent les postes de direction viennent toutes d’une même classe sociale. On a l’impression d’une déconnexion radicale avec ce que peut être le monde du travail.
  • Un intervenant donne un exemple qui pourrait résoudre ces problèmes de précarité. Dans l’entreprise dans laquelle il travaille, on s’est posé la question des sous-traitants : accepte-t-on qu’ils fassent le ménage pendant les heures de bureau ? De cette façon, on adapte les horaires des agents d’entretien à celle des petits cadres et autres sans entrer dans des problèmes d’argent.
  • Il faut ouvrir les discussions collectives, et renouveler les contrats sans baisse du salaire.
  • Les stages présentent également un problème central en France. Il s’agit tout simplement de main d’oeuvre gratuite. Dans bon nombre de musées parisiens, les stagiaires participent au succès commercial d’expositions. Le travail fourni n’est cependant pas récompensé à la hauteur de leurs efforts. De même, on prend bien souvent des assistants de conservation ou des attachés de conservation pour réaliser des missions semblables à celle des conservateurs mais en les sous-payant. C’est le musée lui-même qui est complice de cette exploitation.
  • Avec la nouvelle réforme des stages, il n’est plus possible de faire un stage de plus de deux mois dans la même année universitaire sans être rémunéré. Cela pose des problèmes aux étudiants pour lesquels les stages sont obligatoires pour la validation des diplômes, car les institutions n’ont pas les budgets pour les embaucher. On en arrive à un raisonnement proche de celui de l’Angleterre et de ses “work experiences” dans lesquelles on travaille à temps plein, parfois pendant un an, sans être payé.
  • De plus, une fois les études finies, on est parfois encore obligé de s’investir dans des stages.
  • La question se pose aussi pour les jeunes chercheurs, qui reçoivent souvent des indemnités très faibles pour des postes de recherche ou des monitorats.
  • C’est encore plus scandaleux de constater une telle précarité au sein d’institutions qui, en parallèle, prônent l’art comme facteur d’’épanouissement …

Un intervenant exprime avoir déjà effectué quatre ou cinq stages sans jamais avoir été payé. Les personnels scientifiques sont complices malgré eux. Ils travaillent dans des pôles habitués à cette situation. Mais comment contester quand on a un droit de réserve? Comment encourager une éthique dans les musées?

  • Il faut se demander comment encourager une éthique dans la gestion des ressources humaines au musée ? L’intervenante rappelle qu’avant l’institution de la réglementation sur les stages, il y avait encore plus d’abus. Maintenant, on voit tout de même apparaître des budgets spécifiques pour les stages. Elle y voit un exemple positif : quand on leur impose des principes éthiques, les musées peuvent s’adapter. Il faudrait étendre ce raisonnement aux autres précaires. On ne parle jamais d’éthique dans le choix des prestataires.
  • On évoque l’idée d’un temps de travail adapté pour les stagiaires, ce qui leur permettrait d’avoir un autre emploi en parallèle.
  • Un intervenant fait le parallèle avec la clause environnementale qui a été rendue obligatoire dans les marchés publics. Il faudrait adopter le même principe pour une clause éthique. Il faudrait aussi ajouter des clauses de comportement social dans la charte éthique des musées. On évoque aussi l’idée d’un financement des stagiaires par le mécénat, comme c’est le cas pour les étudiants chercheurs, notamment en science dure (avec les CIFRE, Conventions industrielles de formation par la recherche).
  • Dans certains musées territoriaux, on a des personnels de catégorie C qui font un travail de catégorie A, et sont donc sous-payés. Et la seule solution qu’on leur offre pour égaliser leur rémunération, c’est de passer les concours. Mais le système des concours n’assure pas qu’ils resteraient dans l’établissement, même s’ils ont une grande familiarité avec ses collections.
  • Cet emploi massif de stagiaire est aussi symptomatique d’une représentation malsaine du “métier à vocation”. Cela déhomogénise le groupe social : le travail devient un luxe, que seuls certains peuvent se payer.
  • C’est ce qui se passe en Angleterre, où il n’y a aucune protection pour les stagiaires : cela entraîne une reproduction des élites.
  • Mais pourquoi accepter de telles conditions ? Le phénomène des stagiaires est relativement récent. Il est né de l’accusation faite à l’Education nationale de ne pas former à l’entreprise. C’est une réflexion typique d’une mentalité qui cherche à tout prix à adapter la formation à l’emploi : on a fait disparaître les emplois de débutants.
  • Au sujet des clauses éthiques dans les marchés publics, une intervenante rappelle que, récemment, le ministère de la culture et les syndicats ont signé une charte sociale pour les prestataires sous-traitants : mais elle ne fait que rappeler le code du travail, comme si les dirigeants des établissements culturels l’avait oublié. L’internalisation reste la meilleure solution.
  • L’autre problème de l’externalisation à outrance est l’atomisation du projet collectif que doit porter le musée et l’augmentation encore plus criante des phénomènes de cloisonnement.
  • Le souci est aussi que les services d’insertion des universités ont tendance à présenter le stage comme un aboutissement professionnel. On prend l’exemple du BAIP-HA qui donne des formations pour “obtenir un stage” et pas pour “obtenir un emploi”.

On en vient à multiplier les stages après les diplômes, à l’aide d’inscriptions fantômes.

  • Un intervenant se demande pourquoi les musées n’ont pas assez d’argent pour payer les stagiaires et les artistes. Pourquoi la culture n’est-elle plus une priorité pour les gouvernements, qui préfèrent investir dans les milieux privés ?
  • Il est vrai qu’il faut rapprocher ces questions des budgets de plus en plus limités pour la culture. Ces dernières années, la culture a été vue comme un produit et on a demandé de plus en plus aux musées de fonctionner sur leurs ressources propres, ce qui conduit à l’utilisation d’un personnel précaire, moins coûteux. Le problème est qu’on assiste à une accélération de ce processus de rentabilisation dans les musées : on diminue les effectifs, de plus en plus de CDI sont remplacés par des CDD, ou des contrats d’alternances.
  • Le programme culturel du gouvernement socialiste de 1981 et le succès du 1% culture ont bien enclenché un engouement pour la culture dans la société, mais, depuis, le budget a baissé et s’est concentré sur l’aspect prestige, alors que les demandes sont toujours les mêmes. L’Etat et les collectivités ont tendance à privilégier les gros équipements comme le Mucem, le Musée du Quai Branly, le musée des Confluences, qui a été construit sous prétexte que la rénovation du musée Guimet aurait été trop chère, alors même que son budget de construction et de fonctionnement est astronomique. De la même façon, on investit plutôt sur l’art contemporain qui a le vent en poupe.
  • C’est bien cela qu’est devenu la culture pour le personnel politique : de la presse, des chiffres, du prestige. D’où l’intérêt d’une démarche comme celle de Musées debout pour réintégrer le citoyen dans ces débats.
  • La situation des grands établissements a aussi un rôle néfaste sur les établissements moyens car elle pousse les tutelles à leur donner des objectifs irréalisables, alors même que la réussite des grands musées se fonde en grande partie sur le tourisme. En voulant répondre à ces objectifs illusoires, on oublie que le musée doit d’abord répondre à un besoin social.
  • En plus, ce sont des modèles qui font du musée une industrie : on le voit avec le prix des billets d’entrée. La Petite Galerie du Louvre est destinée à un public jeune et de proximité, mais qui va y aller si le prix d’entrée de l’accompagnant adulte est à 15 euros et que la carte famille a été supprimée ? On évoque l’article de Louvre pour Tous : “Visiteur de musée, de l’usager au client”, qui dénonce cette marchandisation du musée.
  • Désormais, le but concret des institutions, c’est de faire de l’argent, d’être le plus rentable possible. En France, il n’y a pas de culture de l’évaluation : on ne s’intéresse pas à la composition des publics. Tant que cela n’existe pas, on ne pourra pas rétablir le rôle politique du musée.

Au contraire, cela existe mais on ne l’utilise pas, à part pour faire de l’affichage. Tout est fondé sur des rapports d’activité qui sont limite truqués : on peut tout faire dire à ce type de chiffres. Ils existent surtout pour donner des éléments de justification au ministère face à l’Assemblée nationale. Mais en même temps, cette logique du chiffre donne de fausses attentes aux hommes politiques gérant des musées moyens, ce qui empêche le musée de jouer son rôle social.

  • La gratuité complète n’est pas forcément la solution pour sortir de ce système : elle entraîne une déresponsabilisation du visiteur. On le voit avec les groupes scolaires qui peuvent réserver des visites avec médiateur gratuitement : parfois ils se permettent de ne pas venir, sans prévenir à l’avance le musée.
  • On revient sur l’idée déjà avancée dans les réunions de Musées debout : revendiquer le “libre accès” plutôt que la “gratuité”.

Une intervenante revient à la question de la sous-traitance qui est indissociable de la question du financement. La compétition entre les sous-traitants pour obtenir un marché pose un vrai souci, par exemple lorsqu’ils font baisser les tarifs d’une restauration. Parfois, on embauche même des stagiaires pour faire baisser les devis. Elle propose également de réfléchir à des propositions concrètes sur ce sujet.

  • On rappelle également l’idée — déjà évoquée à Musées debout — d’entamer pour la culture le même tournant politique que pour l’écologie.

A propos des appels à projet, pour une restauration par exemple, il faut reconnaître que c’est un procédé vicieux : les prestataires qui ne sont pas retenus ne sont pas rémunérés pour leur travail de préparation. Par conséquent, ils peuvent avoir tendance à limiter les coûts dans ces premières étapes de réflexion.

  • Le cadre légal concernant les appels d’offre et la sous-traitance existe, mais il n’est pas appliqué.

Cette situation ne concerne pas que les musées. Elle est même pire pour les hôpitaux et les universités où les institutions sont maintenant en concurrence entre elles.

  • La modification du statut des grands établissements a aussi renforcé la rentabilisation du musée. Ils sont tenus par des contrats de performance. Le statut d’établissement public, qui régit maintenant les grands musées nationaux, les pousse à fonctionner sur leurs ressources propres.

Et cela a un effet pervers sur le désengagement de l’Etat : plus un établissement gagne de ressources propres, moins ses subventions seront reconduites d’une année sur l’autre.

  • Pour une restauration, par exemple, le Louvre fait appel au mécénat. Cependant le piège de ce fonctionnement est dans le fait que le mécénat ne vient pas en plus de l’argent prévu initialement pour la restauration, mais vient remplacer cet argent. De plus, le mécène demande bien souvent de restaurer des oeuvres qui mettront en avant son don. On restaure alors des grands noms en priorité. Ainsi, on résonne non plus en terme de degré d’urgence et de dégradation mais en terme de noms. A cela s’ajoute le problème de la non-sanctuarisation des budgets, qui obligent les musées à toujours rechercher de nouveaux financements pour maintenir leurs actions.
  • Le problème de la non-reconduction des budgets est aussi qu’il est très difficilement de redemander un financement dont on a pu se passer une année. Le musée perd des arguments face à sa tutelle.
  • Une intervenante qui s’est jointe au débat en cours de route, revient sur la question de l’emploi des stagiaires et des auto-entrepreneurs. Elle évoque sa situation : elle est employée comme auto-entrepreneuse pour une mission de documentation dans un musée de collectivité. Même si ça situation est précaire, elle ne peut pas se permettre de se plaindre et de perdre ce revenu. De plus, elle a l’impression que cela pénaliserait le musée, alors que c’est la tutelle qui a imposé sa situation.
  • Cette action est d’autant plus légitime que la précarité dans les musées est devenue une norme. Certains stagiaires, par exemple, ne se rendent même plus compte du problème alors qu’ils sont les premiers concernés. Pour l’instant, ce personnel est invisible et n'apparaît même pas dans les comptes. Il faut le rendre visible.
  • Il faudra aller dans les musées et recueillir les témoignages des agents d’entretien, des agents de sécurité et des agents de maintenance. Ainsi on équilibrera les témoignages. Ce sont d’ailleurs des personnes qui ne nous suivent pas sur les réseaux sociaux.
  • Il faut construire un système qui dénonce tous les musées. En recueillant un nombre suffisant de témoignages on élimine le problème de la nomination des musées.
  • Pour revenir au problème du stage, on pourrait envisager l’instauration d’un salaire obligatoire à partir d’un niveau de qualification suffisant, comme le Master 1.
  • En Belgique, le stage permet de combler le niveau dans le milieu culturel dans lequel on arrive pour travailler. Il s’agit d’un stage qui remet à niveau après les études et qui, par la suite, permet d’être embauché. Même si le stage n’est pas obligatoire dans le cadre des études, les entreprises sont obligées de rémunérer le stagiaire.
  • On pourrait, en accord avec cette idée, prendre exemple sur le monitorat étudiant proposé par l’INHA: le stage rentre dans un projet étudiant qui peut être rémunéré dans son ensemble.
  • On pourrait aussi mettre en place une idée permettant aux entreprises de payer moins cher les stagiaires mais de les former pour les embaucher ensuite.
  • Le gros problème c’est qu’à force de cumuler les stages on finit par arriver à un âge où on ne peut plus passer un concours. Les études ont déjà coûté très cher et on arrive à un niveau de maturité qui fait qu’on n’est plus assez scolaire pour se remettre à l’exercice.
  • On pourrait, en prenant compte de ces personnes qui ont un niveau d’étude trop élevé ou qui on fait beaucoup de stages, organiser l’oral sous quota, en dispensant des écrits les personnes dont l’expérience professionnelle est suffisante.
  • Les concours favorisent ceux qui n’ont aucune connaissance de la vraie vie. A l’inverse, étant très scolaires, ils peuvent être obtenus par des “bêtes à concours” qui pourraient avoir n’importe quel concours.
  • En plus, ce sont des épreuves qui coûtent très cher pour moins d’une dizaine de postes (six l’année passée). Seront-ils supprimés?
  • On ne les supprimera probablement pas pour des questions de législations. Il y a une trop grande différence de carrière entre les personnes qui ont les concours et ceux qui ne les ont pas. Le concours est une façon de durcir et d’augmenter les irrégularités.
  • Le concours a aussi des vertus égalitaristes.
  • On pourrait alors faire passer un concours en L1, comme en médecine par exemple. De cette façon les gens qui échoueraient seraient encore à un âge où on peut se reconvertir.
  • Un intervenant réplique que l’’idée est bonne, mais que ce serait plus équilibré de faire passer le concours en L3.
  • On pourrait envisager un concours ouvert à tous les métiers du musée, et on choisirait sa spécialité en fonction du classement que l’on a obtenu et de son choix. Cela contribuerait à former des promos de gens qui se connaissent entre eux et établirait des passerelles entre les musées, la recherche etc…
  • Un concours pourrait rendre crédible notre formation.

Fin du débat[modifier | modifier le wikicode]

Le débat se termine sur ces réflexions.