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Villes/Paris/Savoir-faire des luttes/Témoignages/Joelle raconte le mouvement contre la réforme des universités

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J’ai participé à des luttes dont la plus récente et une des plus importante a échoué, il s’agissait de la contestation pendant des années des réformes universitaires destinées à mettre en cause leur autonomie sous couvert de la leur accorder. J’ai participé à des initiatives hors les murs qui elles ont bien marché. J’avais proposé en 2007 avec quelques collègues la création d’un Institut Autonome égalitaire à l’Université mais nous avons manqué de ténacité je pense. Ainsi, je fais partie des cinquantenaires qui n’ont pas su stopper la mise en marché généralisée des savoirs et de l’Université mais j’ai fait l’analyse d’une partie des expériences traversées, et j’aimerais en discuter. Un des savoir-faire extrêmement basique que j’ai préconisé a été le principe d’organiser des cours, des séminaires, des réunions, dans des endroits multiples où le réseau (en l’occurrence l’université) existe par les individus et les lieux qui les accueillent : un réseau de lieux amis très concrets en plus des lieux « fonctionnels » qui ne marchaient plus (nos locaux officiels). Au lieu de faire grève au sens classique ( cesser le travail, bloquer l’appareil de production), nous faisions ce dont nous étions passionnés à la fac : les cours, les séminaires, mais ailleurs que dans nos murs, tout en faisant une grève administrative. Nous gardions nos activités intellectuelles en les partageant. Ça a été possible à Lyon, car la commune de la Croix Rousse est truffée de ce type de lieux accueillants, le fonctionnement a été décrit par Alain Pessin sociologie de la Croix Rousse aujourd’hui décédé, et mis en pratique dans des lieux comme le Centre de Documentation sur les Alternatives Sociales (dirigé par Mimmo Pucciarelli) qui nous a accueilli pour de nombreux cours et séminaires hors les murs et avec qui j’ai ensuite organisé un colloque sur la presse alternative, avec les archives municipales également car les institutions de service public sont aussi, elles doivent être, des lieux ouverts. Cette expérience a créé des solidarités très fortes et la découverte incorporée, que personne ne peut nous enlever, que certaines choses sont possibles et même aisées car elles existent culturellement dans quantités d’endroits. Tout cela vous le savez avec Nuit Debout qui est un mouvement extraordinaire qui a un lieu extraordinaire. Ce que j’aimerais discuter c’est le « hors la place » pour renforcer ce qui se passe actuellement et le faire percoler dans les lieux sociaux non pas en le faisant rentrer frontalement dans les espaces super structurés et hostiles (médias, entreprises etc.) mais dans un réseau d’espaces accueillants qu’il faut mettre en commun pour que le changement procède, aussi, par infiltration dans ce qui marche déjà sur des valeurs de la fraternité.

Je mets ci-dessous pour info le texte de projet de création de l’Institut Autonome, en 2007

Pour une structure d’enseignement et de recherche cohérente[modifier | modifier le wikicode]

Par Igor Babou , Joëlle Le Marec


L’enseignement supérieur et la recherche en sciences humaines et sociales traversent actuellement une crise très profonde. Fondamentalement, cette crise n’est pas liée à un manque de moyens et encore moins à l’inadaptation des structures au marché. En réalité, le problème majeur que nous affrontons quotidiennement, en tant que chercheurs, est celui de la perte de nos libertés : on assiste à l’assujettissement croissant de la recherche et de l’enseignement à des logiques économiques et politiques, à une bureaucratisation effrénée, à une obsession pour l’évaluation et la productivité et à une uniformisation des structures, des formats et des temporalités de la recherche. Ces évolutions sont évidemment incompatibles avec l’esprit des Lumières ainsi qu’avec les aspirations exprimées par le public. Celui-ci continue en effet à soutenir une vision généreuse de la science et s’inquiète de sa dépendance à des intérêts contraires au bien-être collectif de l’humanité. Nous nous fondons sur la nécessité, reconnue y compris par les instances académiques et politiques, de maintenir une diversité de paradigmes et de modes de production et de transmission, pour proposer une association, une structure dont le mode d’organisation et de fonctionnement soient la simple mise en œuvre des principes de liberté et d’indépendance, de créativité et de concentration, de fraternité et de solidarité, principes aujourd’hui remplacés par les mots d’ordre de rationalisation, productivité, concurrence et compétitivité. Nous nous fondons sur l’exigence absolue pour toute société de maintenir les conditions d’une critique et d’une réflexivité dont la disparition est extrêmement dangereuse : car une société qui se refuse à la critique et à la réflexivité est une société qui court le risque de plonger dans la barbarie, l’Histoire récente nous a donné bien des exemples de ces catastrophes. Nous sommes attachés au projet des Lumières d’un savoir indépendant des pouvoirs et visant la « sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable », pour reprendre la formule bien connue de Kant, mais nous ne pouvons ignorer l’état écologique catastrophique de la planète à laquelle le projet de rationalisation des Lumières nous a conduit en ne considérant la nature que sous l’angle d’une ressource à exploiter. Nous ne pouvons ignorer à quel point les sciences humaines et sociales, au même titre que les sciences de la nature, ont été responsables de cette inversion de la Raison qui, guidée par le mythe du Progrès, a fini par transposer la domination de la nature en domination des hommes et des sociétés, et cela au sein même des institutions du savoir. Notre ambition est de revenir à la Raison au sein même des pratiques quotidiennes de la recherche et de l’enseignement supérieur : c’est pourquoi nous revendiquons dans notre proposition à la suite de Marcuse, des critères de rationalité dont la réalisation « offre une plus grande chance de succès pour la pacification de l’existence, à l’intérieur d’un cadre institutionnel qui favorise mieux le développement des besoins et des facultés humaines ». Comment faire concrètement lorsqu’il semble que chaque jour les nouvelles modalités d’exercice de notre métier d’enseignant-chercheur consistent à nous transformer en agents de la destruction des valeurs qui le fondaient. Nous avons hérité d’un patrimoine d’institutions que nous sommes chaque jour amenés à vider de leur dimension institutionnelle au nom d’un raisonnement dont nous savons déjà qu’il va nous piéger : il vaudrait toujours mieux rester dans un système pour l’infléchir plutôt que d’en sortir. Nous sommes amenés à instrumentaliser nos institutions pour leur propre destruction parce que nous vivons une crise majeure du don et de la transmission. Nous ne poursuivrons pas plus longtemps car les constats ont été effectuées et publiées, les alertes lancées, et l’expérience montre hélas que toute analyse, si inattaquable soit-elle, ne permet jamais de faire changer le cours des choses par elle-même. C’est pourquoi nous pensons que le moment est venu de sortir des cadres actuels. Nous ne pouvons plus agir de façons interstitielle, dans le rattrapage, dans l’infléchissement, la perte de concentration, la méfiance, l’indignité. Ainsi, nous proposons la création d’une association, un Institut autonome des sciences humaines et sociales, dont le fonctionnement s’appuie sur quelques principes simples de cohérence, de liberté, de rigueur, de fraternité, dont on pourrait penser qu’ils sont consensuels, mais qui n’inspirent plus guère les modes de structuration de la recherche et de l’enseignement. L’Institut est une structure mineure : il n’a pas pour vocation l’expérimentation d’un modèle qu’il s’agirait de tester ou de développer. Il n’a pas pour vocation à communiquer sur l’excellence de ses résultats ou convaincre de son efficacité. L’enjeu est uniquement la création d’un espace protégée – une réserve – suite au constat que la situation générale est trop dégradée, mais qu’il est encore légitime de revendiquer une diversité des pratiques d’enseignements et de recherche, au nom d’une écologie culturelle et intellectuelle. L’enjeu est de permettre que subsistent dans cet espace protégé des conditions qui sont nécessaires, au moins à certain type d’enseignants-chercheurs, pour donner la pleine mesure de leur ambition scientifiques et de leurs possibilités de travail. Il n’est en effet plus rare d’entendre des chercheurs de premier plan, actuellement en fin de carrière, s’inquiéter de la disparition des conditions qui leur ont permis de contribuer significativement à la compréhension des phénomènes culturels et sociaux. Le coût de création de la structure et son coût de fonctionnement sont minimes : : nous sommes fonctionnaires de l’Etat, à ce titre, nous sommes à l’abri du besoin et n’en sommes que plus redevables à la société de la liberté intellectuelle qu’elle nous accorde. C’est de l’usage de cette liberté que nous sommes comptables, et non de celui de nos salaires. Quand cette liberté est menacée par les structures mêmes qui organisent notre travail notre devoir de chercheurs est de défendre les principes et les valeurs pour lesquels nous nous sommes engagés, dont nous avons hérité, et que nous devons transmettre. Les principes fondateurs de l’Institut autonome sont les suivants : – L’Institut est constitué sur la base d’une association Loi de 1901. – L’Institut est autofinancé par la contribution de ses membres, sur la base d’une donation obligatoire d’1/10ème du salaire de chaque enseignant-chercheur par mois. – La répartition des budgets pour les opérations de recherche est égalitaire : une fois retiré du budget global de l’Institut tout ce qui concerne les frais de fonctionnement collectifs, chaque chercheur confirmé peut utiliser la somme restante divisée par le nombre de chercheurs confirmés en activité au sein de l’Institut. – L’Institut a pour unique objectif la production, l’enseignement et la diffusion publique de connaissances originales dans le domaine de l’analyse des processus historiques, sociaux et sémiotiques, ainsi que de l’ensemble des pratiques, acteurs, représentations et institutions constituant ces processus. Il n’est au service d’aucun Etat, d’aucune entreprise, d’aucune collectivité ou groupe d’intérêt public ou privé. Il a pour objectif de produire un savoir sur la société, ancré sur une réflexion théorique et des approches empiriques validées par une communauté de pairs s’engageant à respecter les principes fondateurs de l’Institut. – Les membres de l’Institut organisent leur travail en totale liberté : les choix de mener des travaux individuellement ou collectivement, les manières de les mener, les rythmes et les formes de la publication, sont liés aux nécessités des recherches elles-mêmes. L’Institut rend public annuellement un compte-rendu de ses activités, travaux et résultats. – Les membres de l’Institut sont libres et égaux en droits : ils ne reconnaissent aucun rapport hiérarchique ni entre eux, ni entre les disciplines dont ils sont originaires et dont ils s’engagent à abandonner la revendication à la fois dans leurs écrits et dans leurs actes quotidiens au sein de l’Institut. Les grades, fonctions, responsabilités et légitimités acquises à l’extérieur de l’Institut par ses membres n’ont aucune valeur en son sein. – L’Institut fonctionne sur un principe de démocratie directe et collégiale : l’ensemble des membres siège au conseil de décision. Ce dernier élabore ou modifie ses règles de fonctionnement sur la base de réunions régulières entre l’ensemble de ses membres. – Chaque chercheur d’Institut dispose d’une voix. Les doctorants en votent pas mais participent aux réunions. Les principes fondateurs de l’Institut ne peuvent être modifiés en aucune manière : les décisions mises au vote ne peuvent concerner que les règles et procédures d’application de ces principes, et non ces principes eux-mêmes. – Le nombre des adhésions est limité de façon à ce que le nombre des membres permette le fonctionnement de l’Institut sur les bases ainsi définies. Au cas où le nombre des membres atteindrait un seuil au-delà duquel il ne serait plus possible d’en assurer le fonctionnement entièrement collégial, il appartiendrait aux nouveaux candidats de tenter de recréer un nouvel Institut Autonome. – L’Institut n’est composé que de deux types de chercheurs : les chercheurs confirmés (qui disposent d’un doctorat et/ou d’une habilitation à diriger des recherches, et qui sont rémunérés par un établissement d’enseignement supérieur et de recherche) et les doctorants (qui s’inscrivent dans l’université de rattachement de leur directeur). Il n’emploie ni secrétariat, ni agent comptable, ni administrateur : chaque chercheur confirmé devra accomplir sa part de charges organisationnelles directement. Les doctorants se consacrent uniquement à l’avancement de leur travail de recherche. – Les membres de l’Institut ont une obligation d’enseignements et les cours dispensés sont d’accès libre et gratuits. – L’aide demandé aux pouvoirs publics pour la création de l’Institut est la suivante : les instances dont dépendent les chercheurs et enseignants-chercheurs membres acceptent l’adhésion du membre à l’Institut. L’effort consenti équivaut à mettre à disposition d’une structure un agent et son salaire. – L’Institut ne demande aucune autre aide. Il accepte les dons et subventions éventuelles sans les solliciter. – Les enseignants-chercheurs membres de l’Institut y mènent leur recherche et leur enseignement à plein temps. Ils n’exercent plus leurs activités et responsabilités au sein de leurs anciens laboratoires.