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Villes/Paris/Vocabulaire/CR/13 avril 2016

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Atelier du 13 avril 2016 : Le mot « Travail »[modifier | modifier le wikicode]

La première session en atelier de la commission Vocabulaire Réappropriation du langage a porté sur le terme Travail.

Nous avons commencé par relever les caractéristiques de ce que le langage pratique dominant contemporain nomme travail: dans le discours, c’est ce qui permet l’épanouissement de la personne, son intégration à la collectivité par sa participation à la production des conditions nécessaires à son existence, et par là, ce qui permet la valorisation de l’individu. Cette acception diffusée semble provenir du progressif glissement entre l’activité mue par la passion et l’emploi rémunéré, lié à une fusion effective de ces deux aspects pour une petite partie de la population dont la réalité devient un modèle structurellement inatteignable en l’état des choses, pour l’ensemble de la population. Pour autant, les caractéristiques annoncées du travail dans le discours semblent être opposées à quantité de vécus effectifs du travail ou de son absence dont les témoignages ont été apporté durant la session. Le travail est souvent vécu comme une nécessité économique aliénante. Sa présence comme son absence peuvent engendrer l’exclusion sociale. Il n’induit pas ou peu de reconnaissance sociale. Et dans la plupart des cas il est indépendant de l’épanouissement de la personne.

Une forme de typologie du travail a été faite qui nous a mené à redéfinir l’usage des mots travail et emploi. En effet ce qui est nommé travail aujourd’hui regroupe les emplois rémunérés et non rémunérés, mais désigne assez peu souvent le travail non créateur de valeur économique immédiate: travail scolaire, associatif, travail sur soi, etc.

Le travail semblant excéder le salariat, il a donc été décidé de distinguer emploi et travail, et l’assemblée s’est progressivement mise à utiliser le mot emploi pour désigner son expérience du monde du travail. La réalité économique désignée aujourd’hui par le mot travail et que nous venons de détailler a été nommée emploi dans la suite de la discussion.

Un court exposé sur l’étymologie du mot travail nous a apporté quatre acceptions et mutations du terme:
le terme latin trepalium d’abord outil de maréchal ferrant permettant de maintenir la patte de l’animal à ferrer puis instrument de torture puis outil de marquage des esclaves en fuite servant à briser la cheville, le terme dénote l’idée de soumission à un maître et à une tâche. </blockquote>

Dans les écrits judéo-chrétiens, le travail est la peine qui s’abat sur Adam et Eve (travailler la terre/enfanter), cette peine consiste à devoir subvenir à ses besoins par soi-même, en travaillant la terre. (manque notes)

En latin toutefois, le terme utilisé pour désigner le travail est labor, ce qui mène Hannah Arendt à parler de l’homme cultivateur comme animal laborans. Labor désigne la tâche visant à l’autoconservation, et à ce titre le terme a été dit le plus neutre des mots servant à désigner le travail durant l’atelier. Lorsqu’on remonte plus amont dans l’histoire, dans la Grèce Antique, on ne trouve pas de terme désignant ce que nous appelons aujourd’hui travail. On trouve le terme ergon, qui désigne l’activité et œoeuvre.</small>
C’est cette dernière acception qui se rapproche le plus de la définition vers laquelle l’assemblée a pu converger. En effet le travail a progressivement été défini comme ce qui donne forme à une vie, ce qui participe à la construction de soi d’une part, et d’autre part, ce qui transforme le monde, l’aménage pour la vie humaine. A ce titre l’une des caractéristiques du travail est l’existence d’un objectif et/ou une production quelle que soit sa nature.

On peut distinguer huit termes qui sont venus alimenter la réflexion sur le mot travail:

Emploi - Fonction - Activité - Salariat - Métier - Labeur - Œuvre - Exercice

Certains de ces termes comme emploi ou salariat désignent une réalité économique et légale, d’autres comme métier ou œuvre désignent une réalité anthropologique, d’autres selon leur acception sont à mi-chemin, comme fonction, activité et exercice.

En définitive le travail est ce qui insère la personne dans un milieu social et biogéographique, il est ce qui construit la vie de l’individu (l’œuvre d’une vie), il peut prendre forme dans un, plusieurs ou aucun emploi (et inversement, être “employé” en tant que salarié, ce n’est pas forcément avoir la chance de pouvoir travailler). La fusion actuelle du mot travail et du sens emploi concours à l’établissement de l’emploi comme cadre normatif et à l’accroissement de son pouvoir de coercition; on l’observe à travers par exemple l’usage du terme “actifs” pour désigner l’ensemble des employés.

Le travail est un ensemble d’actions organisées par un objectif et pour une production, engendrant la construction de soi et l’aménagement du monde. En conséquence, il n’est pas opposé au loisir.
L’emploi est l’activité ou la fonction rémunérée monétairement et/ou symboliquement (concours de créations, stages non rémunérés), insérant l’individu dans un système clos aujourd’hui appelé “marché du travail” et que nous pouvons renommer “marché de l’emploi”, structurant les flux temporels et matériels de la société (c-a-d. conditionnant l’impact de celle-ci sur son milieu naturel.)
Le métier est le savoir(-faire) exercé.


Amendement au compte-rendu
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Durant l’atelier, il a aussi été question du fait qu’à travers la fusion des termes “emploi” et “travail” dans le langage médiatico-politique, on a tendance à négliger la reconnaissance du travail pour lui-même, et non pas dans sa seule liaison à une soumission salariale. En affirmant que le travail est quelque chose de beaucoup plus large que l’emploi salarié, et en disant que le travail, comme oeuvre, est ce qui a de la valeur pour nous, nous disons aussi que le travail doit être valorisé socialement. Cela signifie d’une part qu’il ne doit plus être négligé ou méprisé lorsqu’il ne relève pas d’un salaire patronal : il faut que tout travail mérite estime sociale. Et cela signifie d’autre part qu’il faut définir des mesures macro-économiques permettant de valoriser le travail par une rémunération non-salariale : tout travail mérite revenu. Pour cela il faut discuter des propositions qui ont été faites récemment : revenu “universel” (ou “de base”, ou “inconditionnel”), salaire à vie (Friot), et enfin revenu contributif (Ars Industrialis).