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Villes/Paris/Vocabulaire/CR/23 mai 2016

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Atelier du 23 mai 2016 : Le mot « Souveraineté »[modifier | modifier le wikicode]

Compte-rendu de l'atelier[modifier | modifier le wikicode]

Termes à reprendre : Souverainisme/Souverainiste - Pouvoir et puissance - Peuple/Citoyen/Masse
Mots centraux associés : Autonomie - Pouvoir - Puissance - Décision - Possible

Durant l’atelier du 23 mai, premier atelier sur le mot Souveraineté deux points de vue généraux ont été exprimés.

  • Le premier associe la souveraineté à la force et à son usage (notons que notre usage des termes "force" et "violence" a été peu précis au cours de cet atelier);
  • Le second associe la souveraineté à la liberté collective en actes.

Pour une part d’entre nous, était souverain celui qui disposait de la plus grande force : la souveraineté, c’est le pouvoir du plus fort, qui lui permet de contraindre les autres. Nous avons convenu qu’il fallait re-préciser le rapport Pouvoir/Puissance.

Ce rapport au Pouvoir dépend de la dimension d’Autonomie qui est sous-jacente dans le mot Souveraineté : la souveraineté, c’est le caractère de celui qui agit selon sa propre volonté et selon la loi qu’il s’est donné. La question portait alors sur le fait de savoir si la souveraineté devait correspondre à l’autonomie d’un individu/d’une structure en tant qu’elle peut s’appliquer comme force, sur les autres individus/structures (le pouvoir nécessite l’usage de la force pour maintenir sa souveraineté), ou si la souveraineté consistait dans le fait d’être responsable des forces qui s’appliquent sur tous, soi-même inclus (lois) (c'est le peuple souverain qui s’impose sa propre loi, mais aucun individu n'impose la loi à aucun autre). De là, deux visions du rapport à la loi ont émergé:

  • proposition A: la loi doit pouvoir être amendée par tous plus librement, afin que chacun demeure souverain dans la société. Dans ces conditions, la souveraineté apparait comme un pouvoir du peuple sur lui-même de changer ses lois.
  • proposition B: le seule loi c’est qu’il n’y a pas de loi. Quiconque exerce sa force sur autrui lui impose sa loi et devient donc hors la loi. Dans ces conditions, c’est l’existence même du principe de souveraineté dont l’acceptabilité est questionnée.

Ce rapport à l’Autonomie dépend de la dimension de Décision qui est sous-jacente dans le mot Souveraineté: la souveraineté est le caractère de celui qui peut décider, c’est-à-dire ériger lui-même le cadre de ses actions (celui qui donc dispose d’information et de capacité d’action, fussent-elle aussi limitées qu’un simple signal électrique et qu’une action motrice). Ici, on a fait appel à Georges Canguilhem, dans Le normal et le pathologique, pour qui la sélection (qui n’est pas tout à fait encore la décision) est une caractéristique fonctionnelle du vivant. Ainsi écrit-il : “Vivre, même pour une amibe, c’est préférer et exclure”.

Ce rapport à la Décision implique une dimension minimale de Légitimité dans le mot Souveraineté (ce point clive le groupe). La souveraineté comme potentielle capacité de coercition appelle une adhésion minimale, liée ou bien à l’Autorité (la légitimité d’un individu telle qu’elle lui est conférée par l’adhésion des autres à sa force), ou bien à l’usage de la violence. Ici il a été fait mention du Discours de la Servitude Volontaire d’Étienne de la Boétie puis du Léviathan de Thomas Hobbes et la décision a été prise de tenter une sortie hors du cadre contractualiste selon lequel si nous vivons en société c’est parce que nous avons accepté un Contrat Social. On trouve une telle sortie chez des auteurs comme Spinoza (Traité Politique) ou chez Pascal. Il a été noté que les seules sorties actuelles de ce cadre provenaient de l’idéologie libertarienne.

Le Contrat Social est l’idée la plus prégnante dans la tentative des penseurs de justifier l’existence et la possibilité des sociétés. Pour autant, il reste pour bonne part une fiction réflexive: nous ne signons pas effectivement de contrat. Cette relative aporie nous a menés à revenir sur le rapport des individus souverains à la Constitution, que nous avions évoqué en début de séance : l’individu en tant que citoyen contribue à la souveraineté collective et doit à ce titre avoir droit de regard et de transformation sur la Constitution.

Ici il a été fait mention de la nécessité de retravailler sur le mot peuple en triptyque avec masse et citoyen: proposition intermédiaire : n’est citoyen que celui qui contribue au devenir de la Constitution, n’est peuple que ce qui a le pouvoir, le peuple c’est l’ensemble des citoyens.

Si la souveraineté c’est la liberté de prendre des décisions (pour soi, pour les autres, pour tous), l’acte souverain est donc l’acte de trancher dans le possible : s’aliéner un pan de possibilités tout en en ouvrant un autre pan. Ici mention est faite de Henri Bergson pour qui le possible ne préexiste pas au réel. Dans La pensée et le mouvant, il explique qu’il n’y a pas un “champ des possibles” parmi lesquels nous aurions à choisir. On ne peut parler de possible qu’au futur antérieur : une fois qu’une décision a été prise, il “aura été possible de l’avoir prise” et donc il “aura été possible d’en avoir pris une autre”. Cet acte du choix est parfois perçu comme problématique. Dans cette situation émerge la suggestion d’une souveraineté du hasard permettant d’affaiblir le poids de la décision pour augmenter le champ du possible.

Idées non-situées exprimées mais pas encore situées :

  • Il a été fait mention de l’idée qu’il y avait une souveraineté générale, mais également une souveraineté spécialisée, s’exerçant dans un cadre.
  • Il a été fait mention de l’idée que la souveraineté populaire s’exerce aujourd’hui par le vote : dans notre démocratie (dite) représentative, la souveraineté populaire c’est le pouvoir de déléguer le pouvoir.
  • Il a été fait mention du désir de faire le commun avec des outils extérieurs au juridique, le juridique étant l’exercice du monopole de la violence légitime.

Éléments préparatoires: Définitions[modifier | modifier le wikicode]

Souveraineté: “pouvoir qui l’emporte sur les autres. Pouvoir suprême reconnu à l'État, qui implique l'exclusivité de sa compétence sur le territoire national (souveraineté interne) et son indépendance absolue dans l'ordre international où il n'est limité que par ses propres engagements (souveraineté externe). (L'article 3 de la Constitution française de 1958 dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».)” Larousse

“La doctrine de la souveraineté populaire identifie comme souverain le peuple, au sens de l'ensemble de la population, la somme de tous les individus, par opposition à la nation, corps abstrait.” d’après Frédéric Rouvillois sur Wikipédia. cf: nos propres travaux sur le mot “peuple” comme recouvrant la population ou comme désignant l’ensemble des exclus du pouvoir.

Amendement de Rémi Marie : « La souveraineté est la qualité de l'État  de n'être obligé ou déterminé que par sa propre volonté, dans les  limites du principe supérieur du droit, et conformément au but collectif  qu'il est appelé à réaliser » Wikipédia(?) Que l'on peut ré-écrire, en ce qui concerne la souveraineté de la personne : La souveraineté est la qualité de la personne de n'être obligée ou déterminée que par sa propre volonté, dans les  limites du principe supérieur du droit, et conformément au but  qu'elle est appelée à réaliser.


Éléments préparatoires: Citations et usages
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  • “Sur lui-même, sur son propre corps et son propre esprit, l'individu est souverain.” John Stuart Mill, De la liberté
  • “Je déclare être un individu souverain à qui personne n'a le droit moral d'imposer quoi que ce soit sans son consentement, à part l'obligation générale de respecter la souveraineté égale des autres individus. Je déclare donc que, à l'instar de M. Henry David Thoreau, "je ne veux être considéré membre d'aucune société à laquelle je n'ai pas adhéré" (La Désobéissance civile, 1849). Cette déclaration s'adresse à tout individu, maître-esclavagiste, groupe, mafia ou État qui prétendrait m'imposer des charges auxquelles je n'ai pas consenti soit dans mon intérêt, soit comme contribution libre et volontaire au bien commun.[...]” Pierre Lemieux, Déclaration de souveraineté individuelle
  • Extrait d'un poème d'Yves Michaud

"Frémissement

Frémissements à la surface des fonds

Je réponds par une immédiate mise en route

disloquante, déviée, détachante

Le timbre décolle des voix

Les façades ne coïncident plus avec les édifices

La langue aussi a plongé. Mots en attente de sens

Simultanément ampleur

Ampleur est venue

Il se répand de la SOUVERAINETÉ

Des golfes s'élargissent

J'assiste à la présentation du "penser"

Les flots de la nuit glissent en plein jour (...)"

Yves Michaud, “Glissements”, Jours de Silence, majuscules d'origine.

  • “MON ANGOISSE EST ENFIN L'ABSOLUE SOUVERAINE. MA SOUVERAINETÉ MORTE EST À LA RUE. INSAISISSABLE - AUTOUR D'ELLE UN SILENCE DE TOMBE - TAPIE DANS L'ATTENTE D'UN TERRIBLE - ET POURTANT SA TRISTESSE SE RIT DE TOUT” Georges Bataille, Madame Edwarda, majuscules d’origine.

Éléments préparatoires: Discussions[modifier | modifier le wikicode]

Amendement de Rémi Marie : Autre chose... si on cause de souveraineté je suppose qu’il faut passer par Foucault/Deleuze/Negri et ce qu’ils ont dit sur souveraineté/discipline/contrôle comme formes d’exercice de l’autorité? Qu’en pensez-vous? En très bref ce qu’il en ressort c’est que dans ce sens la souveraineté est une forme dépassée depuis la renaissance. Par contre on la redécouvre sur le plan de l’individu... il y a matière a réflexion...