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Villes/Paris/economie politique, débat économique, propositions économiques/CR/19 avril 2016

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COMPTE-RENDU COMMISSION ECONOMIE - NUIT DEBOUT // 19-04-2016

Un tiret signifie que la parole a été donnée à un intervenant différent. Ces notes synthétisent les propos de chacun au mieux, mais il peut exister des erreurs et des lacunes.

Thème : Comment se réapproprier l’économie

- Pour se réapproprier l’économie il faut redonner la possibilité au peuple de créer la monnaie.

- « Réapproprier » n’est pas le bon terme. L’argent n’appartient à personne.

- Il faut interdire de faire de l’argent avec l’argent

- Je voudrais parler du « made in France ». C’est un terme à la mode. Les consommateurs font attention à ça désormais. Je préfère dépenser plus d’argent dans des bons produits.

- Consommer est un acte politique

- Le « Made in France » est accaparé par les marques de luxe. C’est inaccessible pour le panier moyen français. En Italie, les prix sont moins élevés.

- Oui mais il y a un problème de normes sociales. On sait que les marques italiennes ont recours à des ateliers clandestins, à Turin par exemple. Le Made in Italy c’est du fabriqué à la chinoise.

- Le salon du Made in France a eu lieu il n’y a pas très longtemps. Et il y a de bons produits, de qualité. C’est normal qu’ils soient « sur-valorisés ». Aussi je voudrais dire qu’il n’y a pas d’aides aux PME, et que l’Europe bloque le protectionnisme.

- Le « made in France » est un terme fumeux. Tout n’est pas fabriqué en France

- Fabriquer c’est quoi ? Assembler ?

- On parle de se réapproprier l’économie en consommant autrement. Mais le commerce équitable par exemple, c’est pas si équitable que ça. Et la bonne conscience est récupérée par les labels et les marques. Je ne crois pas au « consomm’acteur » mais au travailleur.

- Consommer mieux nécessite la recherche d’une information très dense, et ça prend un temps énorme. Les théoriciens du libéralisme nous ont fait croire que cela nous apporterait la diversification des produits pour répondre à nos besoins individuels, mais la seule chose qu’on a c’est des produits de merde. L’obsolescence programmée est un exemple de la dérive.

- Ok la question du « made in France » se pose, mais il y en a une plus profonde : celle du dumping social et du dumping fiscal. Cela nous pose aussi la question de la valeur. Zizek dit par exemple que lorsqu’on va chez Starbucks (filières de café équitable blablabla), on achète de la bonne conscience. On se dédouane de l’action politique !

- Je voudrais savoir comment faire pour lutter contre la concurrence des autres pays

- Protectionnisme ? Mais ça pose la question de l’Europe

- Le souci écologique est parfois mal placé, avec les frontières, par exemple les Alpes Maritimes ont intérêt à travailler avec la Ligurie plutôt qu'avec le nord de la France. Il existe des petites entreprises qui bossent entre elles, le réseau Mingar, avec des produits locaux, de la fabrication locale, entièrement transparente. Il faudrait étendre cela à tout : un réseau de transparence des filières. À propos de la transparence, tous les députés français ont voté pour la directive sur le secret des affaires au Parlement européen, sauf front de gauche et écologistes.

- Juste une info sur les labels bio, équitable, fairtrade, max havelaar etc… On croit qu’on paie plus chers ces produits labellisés parce que les producteurs sont mieux payés. C’est en partie vrai. Mais les marques se font surtout une plus grosse marge. Aussi, pour se réapproprier l’économie, on parle de protectionnisme, de dumping social, dumping fiscal, de création monétaire à l’échelle des états… Faudrait alors parler de l’Europe, on y reste ou pas, comment ?

- Les labels ne proviennent pas du tout des citoyens, mais des entreprises qui s’arrangent entre elles. Faut privilégier l’achat local. Mais attention, le made in France n’est pas entièrement produit en France.

- Se réapproprier l’économie par la consommation ? On aura beau faire le maximum en tant que consommateur, on aura un effet, un impact minime. On ne résoudra pas les problèmes centraux.

- Je critique l’individualisation de l’engagement

- Je voudrais dire que les SCOP (Sociétés Coopératives et Participatives) etc… seront toujours récupérées dans le système actuel. // EDF exproprie des Crétois pour installer des éoliennes.

- Faut pas compter sur la responsabilité individuelles du consommateur. Faut une action collective, du boycott.

- Vu ce qui se vend au supermarché, tu fais quoi ? On boycott tout ? Faut bien bouffer, on n’a pas le choix que d’acheter leurs produits

- Rifkin parle de « filière inversée » où c’est les entreprises qui imposent les produits aux consommateurs [note du rapporteur : « filière inversée » est à l’origine la formule de Galbraith]

- L’information sur ce qu’on achète est imparfaite, mais s’informer prend du temps et on ne l’a pas. Faut toujours questionner ce qu’on consomme. Aussi je voudrais parler des salaires. Est-ce que le salaire est toujours proportionnel à la productivité marginale ? C’est faux. Et il y a des grandes fortunes qui ont été créées en affamant les gens !

- Je voudrais juste résumer en disant que l’économie est nuisible au vivant. On n’en veut plus.

- A nouveau je voudrais dire que consommer soit-disant de manière responsable est une impasse. Et c’est faire porter le poids de la culpabilité à ceux qui ne peuvent pas consommer autrement, parce qu’ils ne gagnent pas assez d’argent, parce qu’ils n’ont pas le temps, parce que le soir quand ils rentrent tard du boulot, ils n’ont que la possibilité d’aller au supermarché. Faut vraiment se poser la question de qu’est-ce qui nous dépossède. Parlons de la mondialisation des échanges, de l’Europe, du blocage à l’information, des lobbies, des réglementations ou de l’absence de réglementations, de la monnaie, des frontières… J’espère qu’on pourra vraiment débattre de ça à Nuit Debout. Car vraiment, agir en tant que consommateur, c’est l’illusion du contrôle. Le contrôle il se trouve à un niveau plus large.

- Je voudrais parler du problème des hypermarchés qui dépeuplent les centres-villes. Ils ont tué les petits commerces. Et maintenant, les Auchans, les Carrefour etc… reviennent en ville, envahissent les centres-villes.

- C’est une conséquence de la loi Raffarin

- Pour revenir sur ce qui a été dit avant à propos de la mondialisation, de la concurrence… Il va y avoir le TAFTA, un traité de libre-échange de biens entre les US et l’Europe.

- Et le PISA qui est la même chose sur les services

- C’est tout le problème du capitalisme et du néolibéralisme. Ces traités de libre concurrence sont un moyen de faire du dumping social, un moyen de pression sur les salaires. Les salaires baissent pour produire massivement à bas coût en jouant aussi sur la qualité des produits. Plus il y a d’offre, plus les prix baissent, et de toutes façons la baisse des salaires empêchent de payer plus cher. Tandis que les prix augmentent pour les produits de qualité puisque personne ne peut se les acheter. C’est un cercle vicieux. // Il faut se réapproprier la distribution // La mondialisation, la spécialisation, la division du travail, ne sont pas des mauvaises choses en soi puisqu’elles permettent d’optimiser la production. Mais on ne cherche pas à mieux produire. On s’en sert pour faire du dumping social. Il est là le problème. On devrait passer des accords commerciaux avec des pays où les travailleurs sont protégés. // Les SCOP ne sont pas non plus une solution, car elles ont besoin d’emprunter, et les taux d’intérêt des banques sont trop élevés. Avec une SCOP, ce n’est peut-être pas une expropriation interne entre salariés et patrons et actionnaires, mais une expropriation externe par les banques via l’emprunt.

- Je voudrais revenir sur l’idée de consommer mieux. C’est pas possible à 100%. On va tous à McDo, il y a la pub, le neuromarketing…

- On a dit précédemment que la lutte individuelle c’était de la culpabilité

- Il y a l’exemple de l’usine textile le Rana Plaza qui s’est effondrée et a fait plus d’un millier de morts. Alors on dit quoi ? T’es un bâtard si t’achètes du H&M ? T’es pas responsable des gens qui sont morts !

- Pour revenir au protectionnisme, c’est pas qu’une question de circulation des capitaux. Faut aussi penser à la création d’un capital social, local. Alors, ok, les SCOP c’est pas une solution, mais c’est une amorce qui nous ramène à la question du capital collectif pour financer le maximum d’actifs et imaginer une forme de secteur bancaire socialisé.

- Tu parlais de H&M, mais il n’y a rien sur les étiquettes !

- Comme le capital. On le cache 

- Comme les mafieux

- Par les mafieux

- Certains pensent qu’il faut internaliser les coûts sociaux, environnementaux. Mais ça coûte combien un cancer ? Ils essaient de faire des quotas et prix du CO2. Mais c’est toujours la même logique capitaliste libérale. Trop de spéculation. Cela ne marche pas.

- A propos des SCOP… gouverner une entreprise c’est pas simple, surtout à plusieurs. Il y a une solution plus simple : taxer les capitaux et augmenter les salaires.

- Il y a un bon exemple de SCOP : Fralib, qui se sont battus contre Unilever. Ils n’ont pas pu conserver le nom de la marque (thé l’éléphant) mais ils ont récupérer les outils de production

- Gérer une entreprise collectivement n’est pas simple, certes. Mais on dit que le capital ne doit pas dicter qui a le pouvoir. On refuse la monarchie de droit capitaliste ! Eliminons l’influence du capital et trouvons d’autres critères pour diriger. Ce sera toujours meilleur que de laisser les entreprises aux mains des capitalistes. Pour eux, il peut être plus rentable de détruire une entreprise plutôt que de conserver les emplois. Ils peuvent acheter des bouts d’entreprises juste pour les revendre avec une plus-value. Ils n’ont rien à faire des gens. Non, la direction des entreprises doit se faire par d’autres critères.

- Salut, moi je suis étudiant en économie, et ce que vous dîtes me parait difficile. Comment se libérer de l’idée de profit ?

- De quel profit tu parles ? Il existe de la création de valeur en dehors du capitalisme. Faut se poser la question de la « valeur ». Un hôpital il crée quelle valeur ? Et le savoir, les découvertes, c’est quelle valeur ? Tu trouves 2+2=4, ça t’appartient ? Tu vends ça combien ? // La propriété privée est une entrave à la création de valeur.

- On peut parler du problème de l’enseignement de l’économie. Il se fait uniquement par le prisme du capitalisme.

- Le FMI pille les états en toute légitimité parce qu’avec les politiques, ils ont la même vision de l’économie

- Je ne suis pas d’accord avec ce qui a été dit avant. On peut évaluer le coût environnemental. Et pour reprendre ton exemple du cancer, faut savoir que plus il y a de cancer, plus le PIB augmente. // Face à la fuite des capitaux, un bon moyen c’est le salaire universel ou le salaire à vie. Il pourrait y avoir un système de caisse et de cotisation pour financer tous les salaires et les projets. // Pour reprendre la formule d’un copain qui n’est pas là aujourd’hui : le capitalisme c’est « je te vole, je te prête, tu me rembourses. »

- Stiglitz parle de la dynamique de la redistribution et du rapport dividende/salaire.

- Rappelons que pendant que le chômage n’a jamais été aussi élevé en France, les dividendes versés par les entreprises françaises cotées aussi. Cela montre bien que le chômage n’est que le résultat d’un processus de vases communiquant des salaires et investissements vers la rente des actionnaires (ou des banques)

- Je voudrais donner l’exemple des propriétaires de club de foot, et de l’alternative de la gouvernance du FC Barcelone par les « socios ». Le club appartient à leurs supporters.

- Bonjour. Je suis entrepreneur et capitaliste. J’ai monté plusieurs boites… Je voudrais dire que 70% des actionnaires ont hérité de leurs parts dans les entreprises. Ceci pose un problème de démocratie. Ce n’est pas le cas aux Etats-Unis, où un mec parti d’en bas peut faire fortune. On doit savoir qui sont les actionnaires, où sont-ils. Reprendre le pouvoir sur l’actionnariat. On a un probleme aujourd’hui sur la concurrence, la délocalisation, la fraude fiscale avec les Panama Papers. EDF pendant 40 ans a fourni de l’électricité pas cher. On a payé, amorti, les centrales avec nos impôts en 40 ans. Aujourd’hui, on demande à ce que l’investissement soit remboursé en 3 ans seulement. // On a la chance d’avoir en France de remarquables ingénieurs, de bons ouvriers, un bon système de soin… On pourrait faire plein de choses // Il faut payer ses impôts // Je suis en train de créer une appli pour smartphone qui mettra en lien direct citoyens et partis politiques, élus.

- Il y a des inégalités aux US aussi. ////

- Le déficit public, c’est pas uniquement à cause de la fraude

- Je paie des impôts. Pas les grands groupes !

- Il faut baisser les impôts

- Qu’est-ce que Véolia fait à Bercy ?

- Ils ont fait les mêmes écoles. Devoir de transparence !

- Je vais un peu faire une provocation, mais je dis qu’on est déjà trop riche. La question c’est quoi faire de notre richesse ?

- La question de la richesse et celle de la distribution sont deux questions différentes. Aussi je voudrais dire que faut pas dénigrer l’économie. C’est une vraie science.

- C’est à l’échelle européenne qu’il faut se réapproprie l’économie. Pour lutter contre le dumping fiscale il faut une harmonisation fiscale, et avoir la revendication ferme de la transparence fiscale - vous savez, la loi qui a été re-votée en pleine nuit par les quelques gars qui probablement trainaient dans les bars autour de l’Assemblée Nationale. Il faut lutter contre l’opacité des chiffres, de la dette. Certains types parlent de la transparence comme un totalitarisme mou, mais je rigole ! Selon un rapport d’ATTAC (note du rapporteur : Association pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne) , 59% de la dette est illégitime. Et à propos de la consommation responsable, il existe une boite qui fabrique des téléphones avec une transparence des filières des minerais et des usines de fabrication et d’assemblage. C’est Fairphone. C’est pas encore parfait, et un peu confidentiel car c’est une start-up, mais faut aller dans ce sens.

- La dette c’est une redistribution à l’envers. Les intérêts de la dette sont payées par l’impôt et sont reversé à ceux qui détiennent la dette, c’est-à-dire les plus riches, et pas forcément des français, mais aussi des étrangers.

- Je travaille, tous les mois je dépose de l’argent à la banque, alors est-ce qu’il existe une banque qui ne s’en sert pas juste pour faire des profits mais qui finance de bons projets pour tout le monde, dans la bienveillance, dans l’humain

- La seule qui existe c’est la NEF

- mais il parait qu’on ne peut pas ouvrir de compte

- La NEF était une société financière mais elle évolue vers la banque. On peut ouvrir des comptes depuis le 1er avril. Je vous invite à ouvrir des livrets là-bas

- Quelles garanties ?

- La transparence. Tous les prêts sont publiques.

- La NEF est une banque mutualiste

- Je voudrais revenir sur la valorisation des idées, du mérite des entrepreneurs. On a l’exemple ici de quelqu’un qui veut créer une application de dialogue direct entre citoyens et politiques. C’est une super idée, mais il va gagner de l’argent sur quelque chose qu’on crée collectivement. On ne sort pas de rien. On a été instruit collectivement, soigné collectivement. Les idées qu’on a, elles ne viennent pas de rien. Elles sont issues de celles des autres, vivants et morts. Franchement, faut se poser la question du mérite, et de la propriété des idées. Sur la propriété tout court. Aujourd’hui je prete 1000 euros à un mec pour qu’il travaille. Tous les jours, il me rapporte 100 euros. Au bout de 10 jours, il m’a remboursé. Il n’y a aucune raison qu’il continue de me payer toute sa vie. Faut arrêter avec ce système de domination. Mais ce qu’on peut faire, c’est que les 100 euros ensuite peuvent etre placés dans une caisse pour racheter l’entreprise. C’est une proposition. Et au monsieur entrepreneur, j’aimerais lui demander d’où vient son capital de départ

- De mes propres économies. Les problèmes c’est que j’ai pas eu des commandes des pouvoirs publiques, j’ai pas eu accès à la bourse, pas comme aux Etats-Unis. Là-bas 70% des gars créent leur boite, ici 70% des gars en héritent. Les actionnaires doivent être un fond souverain publique.

- Le cout du capital pèse sur l’économie, sur l’activité productive. Mais j’adore l’expression « la fraude fait partie du système ». Effectivement, s’il y a fraude, il y a plus de profit. Et s’il n’y a pas assez de profit, il n’y a pas assez d’investissement, donc moins de demande, donc moins de profits futurs. La fraude fait partie du système pour rétablir un taux de profit élevé.// Il faut discuter du mode de production car il détermine le mode de distribution

- Je ne suis pas d’accord avec l’idée qu’il n’y a pas de mérite individuel parce que c’est la société qui nous a permis d’entreprendre. On n’est pas tous égaux, il y a des gens qui sont plus travailleurs, plus courageux… C’est ma propre anthropologie. Mais je suis d’accord qu’il faut mieux rémunérer le travail.

- C’est pas le mérite qui est rétribué dans le système capitaliste

- Avoir l’idée géniale doit faire gagner de l’argent. Mais pas autant, les écarts sont trop grands ! Par exemple, en Espagne, le patron de Zara, il a eu une super idée pour démocratiser la mode. Mais maintenant, sans travailler, parce qu’il a 70% de la société, il gagne 1,2 milliards d’euros par an, à lui tout seul ! Bon, il a donné des dividences à tous ses employés : chacun a touché en moyenne 540 euros. La moitié des employés de Zara en Espagne gagne moins de 600 euros. Lui, 1200 millions. Le problème, c’est pas la croissance, c’est la distribution des richesses. Les arbres ne vont pas jusqu’au ciel. Si tout le monde consomme comme nous, le monde s’arrete la semaine prochaine !

- Pour revenir sur l’histoire du mérite et de la valorisation de l’idée géniale, aujourd’hui ça ne se passe pas comme ça. Les grandes firmes, alors qu’elles en ont largement les moyens, n’investissent plus dans la recherche et le développement. Ce sont les start-ups qui s’en occupent. De temps en temps elles investissent un peu de pognon dans l’idée « géniale » qui va en rapporter encore plus, mais on demande aux start-ups de rembourser en 5 ans. Les mecs bossent 50h/semaine pour mener leurs projets, se creusent la tête pour avoir de bonnes idées, construire quelque chose, mais après, ils se font racheter par un grand groupe. Les capitalistes n’ont aucun mérite. Sauf peut-être celui d’injecter un peu d’argent (défiscalisé ?), mais c’est toujours dans l’idée d’en gagner beaucoup plus.

- Pour toi les créateurs de start-up ne sont pas des capitalistes ?

- Ils jouent avec les règles du jeu, et les règles c’est le capitalisme. Mais ici, on réfléchit à un système alternatif, où les gens pourraient chercher un financement, non pas auprès d’individus comme des business angels ou des fonds spéculatifs, mais auprès de coopératives citoyennes, de fonds collectifs…

- Je voudrais revenir sur « la fraude fait partie du système ». C’est parfois vrai. Le meilleur exemple c’est le communisme. Il y avait ce plan décidé par quelques hommes pour tout un pays. Ce qui ne marchait pas, donc les gens étaient obligé de frauder. La fraude a permis au communisme d’exister plus longtemps. Et oui, la fraude fait partie du système parce que si on taxe plus les profits des sociétés, elles vont faire faillite. Mais si on réduit l’évasion fiscale, on pourra baisser les taxes pour tout le monde. Il faut se battre contre les défaillances du système.

- Pas confondre communisme et soviétisme

- L’innovation n’est pas toujours motivée par le gain. Il y a d’autres raisons. Il y a des chercheurs, des fonctionnaires, qui font de grandes avancées et qui sauvent des vies. Ceux-là ne se font pas des milliards. Ils innovent pour le plaisir, pour aider les gens, pour d’autres raisons que l’argent. Une société juste doit prendre compte qu’il n’y a pas que l’appât du gain. // Le système n’est pas méritocratique. Les gens qui créent des start-ups ils ont généralement fait des études coûteuses et disposent de fonds personnels, grâce à leurs parents. // On ne rémunère pas les gens au mérite. Quand bien même on a une bonne idée, ça ne justifie pas de gagner mille, un million de fois ce que gagne d’autres.

- J’ai un projet, je te demande 15 000 euros, mais t’as aucun moyen d’être sûr que je vais te rembourser. Tu me les prêtes ? On ne prête qu’aux riches car ce sont les seuls qui peuvent rembourser

-Les grands groupes ne paient pas d’impôts ou presque pas. McDo, Google, Uber… Uber c’est un cas particulier. Mais le petit resto du coin qui paie une partie au black, lui c’est de la fraude ?

- Le problème d’Uber, c’est pas qu’ils paient pas d’impots, c’est qu’ ils ne paient pas de charges sociales

- Tous ces gens qui ont de l’argent dans les paradis fiscaux, investissent dans Uber. Uber n’a pas une stratégie de bénéfices, mais une stratégie de parts de marché. Il devient le numéro 1, fixe les règles et là il gagne. Mais c’est la folie du capitalisme : une société qui ne fait pas de bénéfices a un capital boursier de 40 milliards !

- J’aimerais qu’on élargisse le débat en n’employant pas les mots du capitalisme, et revenir à l’économie politique. On parle de « dette », « croissance », « bénéfice ». Tout est quantifié. Ne pas se noyer dans les chiffres. Où sont les mots « partage », « bien social » ? L’idée d’agrandir le gâteau est dépassée. Maintenant faut le partager. L’économie politique c’est le moyen de se coordonner, ne pas se faire la guerre.

- Aujourd’hui l’économie qui est enseignée, c’est une science « mathématique » et pas une science sociale. Faudrait revenir à l’humain.

- On parle de la spécificité de la crise de 2008 ? Le capitalisme n’a pas besoin de gens pour faire des profits. On le voit très bien aux US avec le système de dettes. Faudrait parler de Marx, qui a réfléchi à l’idée de valeur, à la nature du travail. On peut parler des structures de domination, des classes, de la précarité.

- Juste une remarque sur le communisme. On ne peut pas le résumer à la fraude. Le communisme c’est le partage et la solidarité. Et je ne suis pas communiste ! 

- Je suis prof de marketing. Comme je dis aux étudiants , le problème n’est pas de produire mais de vendre. La folie c’est qu’il y a trop d’argent, c’est surnuméraire ! Et tout cet argent n’est pas partagé. Vous proposez quoi ?

- Je voudrais revenir sur la fraude systémique, et l’exemple de la crise des subprimes : les banques ont prété à des gens qui ne pouvaient pas rembourser. Tout s’est fait sans aucune évaluation par les institutions. On parle de la rente du capital comme une rémunération du risque privé, mais celui-ci a été transféré en coût social lorsque les Etats ont sauvé les banques. Le Sénat américain a reconnu la fraude et que le ver était dans le fruit // Se réapproprier l’économie, c’est aussi se réapproprier l’énergie. J’admire les gens qui lutte pour les parcs éoliens. Faudrait l’arrêt de subvention au pétrole, suivre les recommandations de la COP21. Quelqu’un a dit tout à l’heure « L’économie c’est se mettre ensemble pour faire la paix », c’est une définition sublime. Et le pétrole est une source de guerres dont on souffre jusqu’ici.

- Pour se réapproprier l’économie, faudrait séparer les banques de dépôt et les banques spéculatives

- Je voudrais parler de l’impunité des délits financiers. Les mecs ont planqué leur fric dans des paradis fiscaux pendant des années, mais on leur demande juste de revenir. Un exemple c’est le procès Kerviel. Il est juste un maillon de la chaîne, et tous les autres, les dirigeants, ils n’iront pas en taule. Moi si je fraude, je suis puni.

- Pour le procès Cahuzac s’est posé la question de la double peine. Il a soulevé un problème constitutionnel : est-il légitime d’attaquer sur le plan fiscal et pénal ? Cahuzac devrait payer sa peine envers la société, le minimum c’est l’inéligibilité.

- La question de la finance doit se poser. A la base, le principe était de faire le lien entre ceux qui ont besoin de fond et ceux qui les ont. Aujourd’hui, c’est inversé ! C’est l’économie réelle au service de la finance. Il faut re-réguler la finance, en jouant par exemple sur la durée de propriété des actifs et arrêter avec ces échanges à la fraction de seconde qui peuvent destabiliser les marchés

- C’est l’argent fou ! C’est trop d’argent ! Où on met l’argent ? Qu’est-ce qu’on achète avec ? Se réapproprier l’économie est une responsabilité individuelle. Il y a une phrase de Coline Serreau : « Les multinatonales ont des pieds de papier crépon. Arrêtez d’acheter ce qu’ils vendent et ils s’écroulent. »

- Avant on a dit que la consomm’action individuelle présentait des limites. La limite de l’information : les lobbies font barrière. La limite de l’offre avec les filières inversées. Enfin, la culpabilisation : certains ne peuvent pas s’acheter la bonne conscience. A Nuit Debout, on essaie de réfléchir à une action collective plutôt qu’individuelle.

- Je pense que si demain on boycott, ils auront très peur.

- C’est pas antinomique, on peut faire les deux. Se réapproprier l’économie au niveau plus petit, individuel, et au niveau plus grand, collectif. Mais on ne peut pas attendre le grand soir pour faire quelque chose.

- Ici on fait des petits après-midi

- Acheter est un acte politique. C’est un vote

- Chaque achat est un vote ? Mais un vote c’est quoi ? Si acheter c’est voter, le vote dans l’urne n’a plus aucune valeur. Il n’y a plus de démocratie. Transformons l’achat en une façon de vivre.

- Pour résumer le problème de la consomm’action individuelle, il y a plusieurs choses. L’information : les lobbies de l’industrie agroalimentaire à la commission européenne font tout pour empêcher l’information, et nous empêche d’être des consommateurs conscient. 2) L’offre elle-même : les politiques se sont alliés à la grande distribution pour tuer le petit commerce et faire grandes zones de consommation qu’ils aident à coup de subventions. Les politiques nous ont supprimé le droit à consommer du local etc… Enfin, la culpabilisation : certains ne peuvent pas s’acheter la bonne conscience (bio, équitable… coutent plus cher), ce qui sépare les gens encore plus. A Nuit Debout, on essaie de réfléchir à une action collective et pas simplement dire « mangez bio et rentrez chez vous ». Comment s’attaquer aux lobbies, comment recontrôler la production.

- Acheter bio, équitable, tout ça… Le smicard n’en a pas les moyens

- Faut s’interroger sur la valeur des choses, et reprendre en considération le travail derrière ce qu’on mange.

- On a beaucoup parlé de la valeur la semaine dernière.

- Je ne touche que 500 euros/mois mais je m’informe sur ce que je consomme. Je fais le choix de consommer autrement, chez des petits commerçants, des produits locaux. Mais on a besoin d’un meilleur accès à l’information. En tout cas, ça n’exclue pas l’action collective. Faut faire les deux. Et j’aimerais terminer en disant qu’il faut plus de valeur et de vertu dans le système.