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Villes/Paris/economie politique, débat économique, propositions économiques/CR/9 mai 2016

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Commission Economie Politique. Débat autour de la dette. Compte rendu du lundi 9 mai 2016

- On dit souvent que la dette publique française date de 1973 avec l’emprunt Giscard, mais quelle était la situation avant ?

- En réalité, la dette actuelle trouve plutôt son origine autour de 1968-1969.

- La dette publique actuelle date effectivement de cette époque. Mais plus généralement la dette a toujours existé. Quand on coupe la tête de Louis XVI en 1793, c’est à cause de la dette !

- On peut aussi citer Jacques Cœur, au XVe siècle, riche commerçant qui a prêté tellement d’argent au roi de France qu’on a fini par le faire arrêter et par confisquer ses biens pour ne pas avoir à le rembourser.

- L’inflation permet de réduire la dette : la hausse des prix génère plus de rentrées fiscales. Mais quand les Etats font fonctionner « la planche à billets » pour rembourser leur dette plus vite, c’est comme si nous, on payait directement la dette.

- L’inflation appauvrit surtout les rentiers. C’est pour ça que les Allemands n’en veulent pas. Si le coût de la vie augmente, le pouvoir d’achat de l’épargne diminue.

- Les taux d’intérêt réel prennent en compte l’inflation. Aujourd’hui, ils sont négatifs. Quand on place de l’argent, en réalité on en perd !

- Quand l’inflation augmente trop, cela amoindrit le taux de rendement du capital. Cela appauvrit les rentiers. C’est le problème du modèle allemand : ce n’est pas seulement les grands groupes qui s’appauvrissent en cas d’inflation, ce sont aussi les ménages les plus modestes, qui ont épargné pour leur retraite.

- En tout cas les gens assis sur une montagne d’argent n’ont pas intérêt à l’inflation. Il y a une grande hypocrisie de la part de la droite. Les périodes de creusement de la dette correspondent à des politiques de droite. La baisse des impôts des ménages aisés, cela creuse la dette. Il faut mettre ces politiques face à leurs propres contradictions. Le sang et les larmes ne doivent pas être que pour le peuple.

- Plus les banques sont endettées, plus elles sont aidées. C’est le fameux « too big to fail » (trop gros pour faire faillite). Elles sont constamment sauvées.

-Question : comment l’Islande a fait pour ne pas rembourser sa dette ?

- Ils ont dit qu’il ne la rembourserait pas, mais dans les faits, ils remboursent.

- Mais est-ce une solution de ne pas payer sa dette ?

- Près de la moitié de la dette française est détenue par des français. Celui qui possède une assurance vie peut posséder une part de dette française. Refuser de rembourser la dette, c’est aussi ne pas payer des Français qui ont une assurance vie et qui ne sont pas de gros rentiers. C’est un gros problème. Ce n’est pas à eux de trinquer.

- Ne pas rembourser la dette, c’est mettre les banques en faillite, créer une crise qui provoquera une forte hausse du chômage : à la fin, c’est toujours le travailleur qui paye. Une seule solution : remettre en question du marché du travail et du capital, faire ce grand bond en avant.

- Il y a le cas de l’Equateur. Ils ont dit qu’ils ne rembourseraient pas la dette parce qu’elle était illégitime, et le prix de leur dette s’est effondré. Alors le pays a racheté à bas cout des bonds de sa propre dette !

- Ce qui vaut pour un petit pays comme l’Equateur peut-il valoir pour la France ? Notre dette atteint quand même 2000 milliards !

- Rappel, le 28 mai aura lieu à Nuit Debout une journée autour de la dette. Il faudrait inviter Eric Toussaint, qui porte des concepts de « dette odieuse » et de « dette illégitime ». Il a travaillé avec le CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde). La dette publique française est illégitime à 59%. Il existe d’ailleurs un collectif pour un audit citoyen de la dette publique. Et avant de démissionner, Christiane Taubira a donné son accord pour la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la dette publique. Il faudrait voir si cela s’est concrétisé. Il faudrait voir qui travaille dessus, et pourquoi pas faire venir le rapporteur de cette commission ?

- La dette en soi, n’est pas un problème. Tout le monde s’endette, c’est un moyen de lisser sa consommation. Le Japon est plus endetté que nous, à hauteur de 200% de son PIB, mais ça n’est pas un problème, car la dette japonaise est détenue par des Japonais, contrairement à la dette française qui est détenue en bonne partie par des non-résidents. Un pays qui ne s’endette pas et un pays qui n’avance pas.

- En 1953, un accord avait permis à l’Allemagne d'annuler sa dette contractée avant et après-guerre. La Grèce et l’Italie avaient d’ailleurs renoncé à la dette de l’Allemagne. Il faudrait réaménager la dette. C’est un rapport de force à imposer aux Allemands.

- Le problème n’est pas la dette. Le problème, c’est l’intérêt de l’intérêt de l’intérêt de la dette. En France, 1100 milliards proviennent des intérêts de la dette, sur notre dette de 2000 milliards. Dans notre système capitaliste, on emprunte, à la fin de cet emprunt, on est obligés de réemprunter pour rembourser la dette, et ainsi de suite. Ça n’en finit plus !

- Il existe globalement une certaine confiance en le fait que la France va rembourser sa dette. Mais attention, La France n’est pas à l’abri d’une attaque des marchés financiers.

- Goldman Sachs a annoncé que le « top », c’était d’acheter de la dette d’Etat.

-En août 2015, un décret a été voté en catimini en France. Désormais, les banques peuvent ponctionner les comptes de leurs clients pour se renflouer, sur les comptes de plus de 100 000 euros. Alors que dans le même temps, les clients des banques eux, sont limités dans le retrait de leur propre argent…

- L’Argentine, elle, a eu de gros problèmes avec les fonds vautour. Ces fonds ont racheté, à prix très bas, de la dette argentine lorsque le pays était en défaut de paiement et ont engagé, ensuite, des actions en justice pour en tirer de gros bénéfices.

- Le problème de notre dette est un problème démocratique. La dette engendre aujourd’hui des choix politiques à sens unique. Il faut absolument mener un audit de la dette française. La dette est une construction sociale. Il faut la rendre transparente.

- Aux Etats Unis, la dette étudiante est la prochaine crise des subprimes. Les frais universitaires ont tellement augmenté que les étudiants américains finissent leurs études avec une dette dépassant parfois les 50 000 dollars.

- Ça fait longtemps qu’on nous dit que la France vit au-dessus de ses moyens. Raymond Barre le disait déjà en son temps. Il est impossible de sortir de ce système sans moratoire sur la dette.

- Correa, quand il est arrivé au pouvoir en Equateur, a demandé un audit de la dette. Une partie de la dette a été jugée illégitime. Ses positions ont créé une peur sur les marchés financiers, et la dette a chuté d’elle-même. L’Equateur s’est pratiquement libéré de sa dette en jouant avec les mécanismes du marché financier.

- Payer la dette ou ne pas la payer, c’est choisir entre la peste et le choléra. Si on ne paye pas, les entreprises françaises qui détiennent une partie de la dette de l’Etat licencieront. Ne pas payer la dette engendre un risque de crise systémique.

- On nous dit que la France réduit son taux d’endettement. C’est vrai à l’échelle de l’Etat mais il demande aux collectivités de s’endetter plus. On accorde des prêts à des communes déjà très endettées. Le fait que l’Etat s’endette moins, c’est une blague. Mais on peut considérer que c’est quand même mieux quand ce sont les collectivités qui s’endettent car c’est de l’argent qui provient surtout des livrets A.

- La titrisation pose problème. Il n’y a plus aucun rapport avec le réel. La crise des subprimes l’a montré : on a perdu toute mesure. Comment éviter cela ?

- La finance n’est pas mauvaise en soi, elle est là depuis la nuit des temps. La finance est un rapport à l’avenir. Il faut revenir à la finance dans son aspect le plus réel. Les subprimes, ce sont des produits complexes adossés à des prêts hypothécaires. « C’est l’histoire de l'homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours »… Ces marchés dérivés créent le chaos, il faut les interdire.

- Il faut que les titres financiers soient associés à une valeur. Il faut réhabiliter l’utilité sociale de la finance. Il faut rapprocher l’économie de ce qu’elle est réellement.

- Des solutions existent : cela pourrait être d’accorder un temps de dotation à un titre pour limiter la spéculation. Et interdire les marchés dérivés.

- Le problème, c’est la perte de lien. Avant les familles d’industriels habitaient au cœur de leur exploitation. Maintenant les gens qui travaillent sur les marchés financiers ne savent plus ce qu’ils font.

- Le capitalisme a permis un développement économique. Cela a permis la création d’énormément de richesses. Mais maintenant, il n’y a plus de croissance, et les actionnaires continuent de se servir. Le capitalisme est un rapport de force. Il faut créer un rapport de force qui soit favorable à tout le monde, pas seulement aux actionnaires.

- On nous fait croire qu’il n’y a pas d’alternative au capitalisme. Il y a eu des alternatives, je pense à l’URSS et à la Planification. Il faut réfléchir à d’autres façons de faire, car avec le capitalisme on sera toujours perdants.

- OK, le capitalisme a permis la création de richesses. Le mode de production capitaliste n’est même plus efficace aujourd’hui dans ses propres termes. Par exemple les gains de productivité sont limités aujourd'hui par les rapports de propriété dans les domaines du nimérique et de la production de connaissance. Si je vous apprend que 2+2=4, alors nous serons deux au même niveau pour réflèchir à des problèmes plus complexes et nous eront plus productifs. Si le savoir est payant, si je vous fait payer l'accés au savoir alors la productivité globale de l'économie capitaliste est limité par la proptiété privée. En termes marxistes: les rapports de production (propriété) entrent en contradiction avec le développement des forces productives (la productivité globale de la société). De plus, le mode de production capitaliste nous a permi de produire pendant un temps beaucoup de richesses mais il ne faut pas oublier que les crises ont détruit plus de richesses que n’importe quelle réappropriation de secteur marchand par l’Etat. Or le mode de production capitaliste génère les crises. Les crises font partie du système capitaliste, comme le dit Alain Badiou la crise est la vérité du mode de production capitaliste, ce n'est pas une erreur du système c'est le produit inhérent d'un mode de production qui fonctionne bien, qui ne fonctionne qu'à travers une dynamique d'expansions et de recessions du fait de ses contradictions intrinsèques. Les crises ne sont pas des exeptions que nous pouvons annuler, limiter, elles ne peuvent être évitées.

- Il y a eu une époque où ça allait bien, pourtant. Il y avait beaucoup de croissance lorsque le taux de profit était élevé et alors on pouvait se contenter des miettes nous les travailleurs. Mais la faible croissance d’aujourd’hui est le résultat de la baisse tendancielle du taux de profit. La hausse des capitaux investis réduit le taux de profitabilité ( on extrait la même plus value d'un travailleur c a d de travail non rémunéré mais pour cela il faut plus d'investissement, plus de machines, donc le retour sur investissement, le taux de profit pour le patron, diminue). Cette baisse de la profitabilité de l'investissement réduit donc l'incitation à investir. Or l'investissement est une composante essentielle de l'économie, il rentre autant du coté de l'Offre (nombre et diversité de produits offerts) que de la demande (l'investissement des entreprises en machines est de la demande pour des entreprises qui créent des machines par exemple, l'investissement en salaires est une composante de la demande). Cette baisse de profitabilité qui vient du développement normal du capitalisme, de l'accumulation de capital par les entreprises génère des crises de profitabilité (coté Offre) et des crises de demande. Le capitalisme suit son cours, la crise n’est que le développement normal du capitalisme.